Il s'était attendu à plus de résistance. Mais finalement, Ian sourit et pencha la tête pour écouter sa question. Il s'était aussi attendu à une autre question. Plutôt... Des questions pour elle. Mais c'était sûrement trop personnel. Elle se protégeait toujours, c'est légitime et puis elle devait sûrement encore le tester. C'était compréhensible aussi. Mais il avait compris la leçon, elle voulait qu'il soit... Moins patient. C'était curieux quand pendant longtemps, on lui avait demandé de ralentir, de se calmer et d'être patient. Ian avait fini par écouter, mais à la mort de son frère, pas avant. Il eut un rire à sa question et sourit un peu plus en repensant à cette longue période avec cette femme. Ah, elle lui en avait apportées des choses et elle l'avait aidé à se remettre d'aplomb. Il ne pouvait que la remercier pour ça. Attrapant le ballon d'une main, il perdit l'équilibre de ses bras, retombant sur le dos. Il lança le ballon en l'air le temps de se redresser et soupira un grand coup pour se donner du courage. Une fois assis en tailleur, il joua avec entre ses mains.

– Hayley était une de mes voisines. Elle était aussi un de mes médecins. A force de se croiser, on a... Commencé à sortir ensemble. Disons qu'au début, c'était pas vraiment pas ça mais finalement on était bien tous les deux alors on a continué. Ca a duré quelques jours, puis des semaines qui se sont transformées en mois puis en années. On est restés deux ans ensemble, on a été fiancés mais la vérité c'est que...

Ian ferma les yeux et plissa le nez dans une grimace. Amusé, il n'était pas sûr de la réaction de Hella mais finalement, il reprit en riant.

– Et bien, vous vous ressemblez pas mal, sur plusieurs points et autant je peux l'accepter de la surprise éblouissante de mon frère, autant, avec une femme au quotidien, ce n'était pas compatible. Mais parfois c'était justifié et puis on arrivait plus à se parler sans s'énerver. Je finissais que je disais plus rien pendant qu'elle hurlait et elle avait horreur de ça. Tu vois... Quand quelqu'un s'énerve face à toi, si toi tu dis rien, la personne s'emporte d'autant plus. Alors... Comme elle n'arrivait pas à m'énerver, elle s'énervait encore plus ! Tu vois ce que je veux dire ? C'était un cercle vicieux et moi, je devenais barge. J'avais une gamine à retrouver, j'y passais des heures, des jours, elle partait à l'autre bout du pays pour des conférences, des séminaires, je t'en passe et es meilleures. Elle supportait pas mon obsession pour toi, je supportais plus le fait qu'elle supportait pas, bref, ça finissait souvent par... Disons que Hayley avait sa propre définition de la bagarre.

Ah ! Voilà un sujet qui embêtait beaucoup Ian : le sexe ! Il agita ses mains et leva les yeux pour les rouler dans ses orbites, cherchant une façon de dire ça. Il dodelina de la tête en inspirant profondément pour réfléchir, le ballon allant d'une main à l'autre. Comment aborder ça avec Hella ? Lui non plus ne partirait pas sur des questions personnelles, concernant sa mutation par exemple. Leur relation était si fragile encore qu'il n'avait aucune envie de la faire fuir ou de se faire fuir lui-même. Même s'il ne fuirait jamais longtemps, le concept mutant lui dressait encore les poils sur les bras.

– Elle revisitait le fantasme de la bataille d'oreillers, on va dire. Mais c'est la seule femme dont j'ai jamais été dingue. Je le suis toujours d'ailleurs ! Faut juste pas le dire... Ca lui ferait gonfler les chevilles.

Il se pencha pour lui sourire et lui envoya le ballon à son tour. Il avait déjà une idée de ce qu'il allait lui demander alors il leva le menton, presque fier et haussa un sourcil, malicieux au possible.

– Si Celui-dont-je-n'ai-jamais-entendu-la-voix n'est pas ton petit ami alors c'est qui ? Hey, j'ai un rôle à jouer dans ta vie. Quelles fesses je dois botter si ça se tient pas à carreaux, mmh ?

Les yeux posés sur lui, dans un sourire, elle l’avait écouté jusqu’à perdre son sourire quand il parla d’elle au passé. Sur le coup, elle resta là, à le regarder ne sachant pas vraiment si elle devait être désolée d’avoir posé la question, s’il était du genre à bien le prendre ou pas. En fait, quand c’est lui qui se mit à rire, elle s’autorisa une respiration un peu soulagée de ne pas avoir commencé cache dans une question qui file le cafard direct, ce n’était pas le but. Elle ne savait pas non plus si c’était une bonne chose de ressembler à cette personne avec qui, finalement, ça ne l’avait pas fait. Enfin, là c’était tout nouveau, tout beau, un peu comme les premières années avec cette femme mais, peut-être que ça finirait par l’insupporter avec elle aussi.

En fait il y avait un tas de choses à retenir dans ce qu’il disait. Elle avait hoché la tête, un peu coupable, oui, elle voyait bien de quoi il parlait en terme d’énervement. Elle avait cette tendance à partir en vrille tellement rapidement qu’elle le prenait forcément un peu pour elle. Mais c’est surtout cette histoire d’obsession pour elle qui la fit baisser le regard sur le moment, dans une moue de réflexion intense. Il ne l’avait même pas connu qu’elle avait déjà été un problème dans son couple, sérieux, c’était flippant et elle se sentait même un peu coupable.

Hella avait une moue sur le visage en réfléchissant à tout ça, tout en l’écoutant lui, raconter comment… Bin en fait, elle releva un regard interrogateur vers lui et se mise à sourire franchement à la manière dont il cherchait ses mots, sa gestuelle, ses mimiques, tout venir parler de bataille d’oreillers. Est-ce que parler sexe était un problème parce que c’était elle, ou est-ce qu’il avait juste un problème à en parler avec qui que ce soit ? Elle n’ajouta rien, en fit aucune réflexion sur ce qui venait de se passer mais elle avait une certaine capacité à retenir un tas de petit truc qu’elle arriverait bien à ressortir sous une forme ou sous une autre, fallait juste trouver le bon moyen, le bon moment.

Levant les mains devant elle, Hella rattrapa le ballon qu’il venait de lui envoyer. Elle le posa sur le sol, jouant avec en écoutant la question de Ian, le regard qu’elle avait baissé sur le ballon se releva vers Ian dans un petit sourire amusé.

« Je ne pense pas que tu es besoin de craindre quoi que ce soit de Phen. » Se repositionnant bien en tailleur, elle prit finalement le ballon dans les mains pour le faire tourner comme elle pouvait, sa forme était bien étrange. « Phen, c’est… Je l’ai rencontré euh… » Elle se mise à sourire, replacer une mèche rebelle derrière son oreille puis leva les yeux sur Ian. « Ok, alors en fait, une fois j’ai eu un problème avec un flic et, finalement, il a été décidé que j’avais un problème psy donc je me suis retrouvé dans un hôpital. Manque de moyen, manque de place, j’ai eu la même chambre capitonnée que Phen. » Ok, peut-être que ce n’était pas si rassurant que ça mais, en fait, non, c’était cool. « La cohabitation était compliqué parce qu’il ne parlait pas et que c’était à coup d’échange de boulette de papier pour délimiter notre territoire qu’on communiquait.  Et, un jour, il a sauté sur un gardien, juste pour me défendre et depuis… » Elle garda le ballon dans une main, releva l’autre dans en signe d’évidence. « Ça se passe super bien, je suis sortie bien avant lui mais j’ai été le cherché quand il est sorti et, finalement, prendre un appartement ensemble c’était, j’sais pas, logique. Fallait qu’il trouve un logement, fallait que je quitte la vie à l’institut. » Elle reprit le ballon dans ses deux mains, afficha un sourire en regardant Ian. « Et il a une voix super cool. »

Elle lui envoya le ballon, le temps pour elle de savoir si elle avait réellement envie de poser la question qui lui passait dans la tête. Elle en avait un tas en stock mais, ce qu’il avait pu dire sur Hayley lui en avait apporté une autre. Elle mordi un peu sa lèvres inférieure et prit une inspiration avant de se décider.

« Ok, elle ne supportait pas le fait que tu veuilles me retrouver et, du coup ça t’énervait mais t’e es dingue alors… » Elle secoua un peu la tête dans un haussement d’épaule. « Tu m’en veux ? »

Aucun sourire mais aucun énervement non plus, elle avait juste envie de savoir. Puis, elle n’était pas certaine mais, maintenant qu’il l’avait retrouvé elle, peut-être qu’il pouvait aller rechercher cette ex-fiancée, non ?

Ian ne craignait pas du tout Phen. Sa petite histoire avec Hella, il la garda dans un coin de sa tête pour des jours plus légers, moins sincères peut-être. Ils avaient déjà eu une pointe d'émotion et Ian vivait bien de cette manière. Il évitait les fortes effusions émotionnelles, comme le conflits. C'était une bonne tactique pour rester éveillé, pour ne pas perdre le contrôle, pour voir le plus loin possible sans nuage. Il avait tant vécu et à des centaines de kilomètres heure qu'aujourd'hui, il préférait profiter de l'instant. Il acquiesça alors à son histoire en attendant le ballon pour le récupérer. Il rit même à la mention de la voix de Phen. Il n'en doutait pas un instant, bien que ce ne soit pas ce genre de détail qui l'intéresse. Il sourit alors en prenant le ballon entre ses mains. Mais sa question le laissa interdit, il sursauta même, les sourcils hauts.

– Quoi ? Non ! C'est parce que j'ai dit qu'on avait rompu à cause de mes recherches sur toi ? Si ça n'avait pas été ça, c'aurait été quelque chose d'autre. Bien sûr que non, je ne t'en veux pas, ne sois pas ridicule, voyons. Hayley n'est pas quelqu'un de très patient, elle n'a jamais perdu qui que ce soit dans sa vie. Les seuls soucis qu'elle a, ce sont avec son père. Un autre sujet à discordes, donc tu vois ? Tu n'as pas à t'en faire. Je fais mes propres choix, je suis un grand garçon et je ne les regrette jamais. Même quand ils sont peu judicieux. C'est malheureux à dire mais sans la mort de mon frère, je n'aurais probablement jamais eu conscience de ton existence. Pourtant, c'est important. Non, je ne t'en veux pas, petite fille, ce n'est pas ta faute, enfin.

Il haussa les épaules et lui renvoya le ballon dans une moue des lèvres dubitative.

– Je ne suis peut-être pas aussi dingue d'elle que quand je l'ai rencontrée ou que quand on vivait ensemble. Mais on garde toujours des sentiments forts pour les gens qu'on a aimé, même quand la fin n'est pas forcément heureuse. On a gardé contact, en plus. On s'entend bien, c'est juste qu'on est plus... Ensemble. C'est tout. Je suis pas facile à vivre non plus, tu sais ? Ok, à moi, alors...

Ian se mordit les lèvres et plissa les yeux en réfléchissant. Il la fixa en se demandant ce qu'il allait bien pouvoir demander.

– Je reprendrais bien des études ! Si tu devais le faire toi, tu choisirais quoi ? Tu parcours des études en ce moment ou... Cette histoire de banque te colle encore en conditionnelle ou ce genre de contre-temps ? Hey tu sais quoi ? On pourrait retourner en fac tous les deux, t'en dis quoi ?

Si Ian disait ça pour rire, avec le sourire et la danse des sourcils, ce n'était pas évident. Il ne le pensait pas totalement mais c'était une idée séduisante. Garder un oeil sur elle, l'empêcher de dériver, la protéger des pervers de la fac... Si elle était d'accord, pourquoi pas ! Cela dit, quelque chose lui intima que non, elle ne serait sûrement pas d'accord. Il faudrait déjà qu'elle le prenne au sérieux, ce qui n'était pas vendu d'avance !

A le voir réagir comme ça, c’était presque rassurant, il avait l’air plus choquée qu’elle par sa question, comme si elle venait de poser une question qui ne lui était même pas venu à l’esprit. Cela dit, si elle avait envie de sourire légèrement à cette impression elle préféra l’écouter avant de réagir. Hochant la tête une fois, pour dire que c’était bien pour cette raison qu’elle en était venue à poser la question, elle ne perdit pas une miette de ce qu’il pouvait dire. Elle se serait bien excuser d’un haussement d’épaule quand il lui demanda de ne pas être ridicule mais, la vérité, c’est qu’elle trouvait sa question assez légitime pour ne pas avoir à s’en excuser.

Elle avait quand même fini par sourire en ouvrant grand les yeux dans un hochement de tête. Oh oui, elle voyait bien comment il était un GRAND garçon. Elle s’était rarement dévisser le cou pour pouvoir regarder quelqu’un dans les yeux en étant juste en face de lui. Elle essayait d’être désolée pour son frère mais, elle en était incapable. Dans le fond, elle était bien plus apte à pardonner à quelqu’un qui n’y était pour rien, qu’à son père. Elle préféra se taire sur ce point-là mais, en fait, elle préférait que ce soit lui qui soit là plutôt que son frère. Est-ce qu’elle devait s’en sentir coupable ? D’un mouvement de tête, elle chassa cette question qu’elle n’avait pas envie de se poser et rattrapa le ballon qu’il venait de lui envoyer.

Elle afficha une moue septique et très largement exagérer quand il annonça ne pas être aussi dingue de cette femme que ce qu’il avait pu dire… On avait le droit de mentir en donnant des réponses ? Mais finalement, elle préféra en sourire, parce que ça n’avait rien de méchant et puis il finissait par rétablir les faits, non ? Sourire qui disparut quand il fut question de l’orientation qu’elle aurait choisi. Son regard se riva sur le ballon qu’elle passait d’une main à une autre, avec très peu d’espace entre les deux. La maitrise du ballon ovale, ce n’était pas quelque chose qu’on avait à la naissance. Elle prit plusieurs secondes à regarder le ballon avant de finalement, relever les yeux vers lui, cette fois l’air désolée.

« Toujours cette conditionnelle. Je suis censée restée à l’institut et suivre un cursus général, avec quelques variantes. » Elle fit une moue, fronça le nez en secouant un peu la tête. « J’ai jamais pensé faire des études en fait alors, je ne me suis jamais posé la question de ce que j’aurais pu faire. En fait, c’est horrible mais je sais même pas dans quoi je suis douée ou ce qui pourrait me plaire. »

ce qui expliquait son air désolée, elle était juste paumée. Elle savait voler, crocheter des serrures et emmerder le monde, ce qui n’était pas des matières qu’on étudiait à la fac. C’est ce qu’elle savait faire parce que c’est ce qui lui servait mais, en fait, elle n’avait jamais vraiment songé à ce qu’elle voulait faire elle. Elle garda le ballon dans une main et pointa son index vers lui dans un sourire pour remettre les choses un peu moins sérieuses.

« Et ce n’est pas considérer comme un Joker parce que je n’ai vraiment pas la réponse à ta question. » Elle avait fini par sourire un peu plus franchement, reprenant le ballon dans ses deux mains. « Et c’est mort pour la fac tous les deux, si t’es tout le temps-là, j’vais jamais pouvoir trouver quelqu’un pour… euh comment tu dis, déjà ? Ah, ouais, une bataille d’oreiller, c’est ça ? »

Et là elle souriait vraiment de manière amuser en le regardant avant de finir par hausser les épaules et reprendre une air un peu plus sérieux.

« J’envisage de revoir la question sur mes études, y a peut-être une solution pour que je ne sois plus raccrocher à l’institut. »

Elle ne cherchait pas à l’intriguer, en fait, c’était surtout pour elle qu’elle se disait ça en repensant à une phrase que son psy lui avait dit. Peut-être que finalement, elle avait peut-être les clés pour enfin pouvoir choisir sa vie. A voir, fallait qu’elle y songe.

« Pourquoi tu voudrais reprendre tes études, tu ferais quoi ? Tu veux changer de boulot ? Hey si tu veux je t’échange mon école contre la fac, tu pourrais y aller en collant sans problème et être captain américa sans que ça choque personne là-bas, tu adorerais, ça se trouve. »

Bon, Ian n'était pas très doué dans ces histoires d'institut, de mutant... C'était vraiment un problème entre lui et Hella. Et lui voulait s'intéresser mais il n'y arrivait pas encore. Il ne dirait pas qu'il avait peur mais... En fait, si, il avait peur. Peur de la décevoir. Et s'il réagissait mal ? S'il ne réagissait pas comme il fallait, s'il échouait à ce test, sûrement le plus important, que dirait-elle ? C'était un cercle vicieux. Un jour, il devrait s'y intéresser. Peut-être qu'en posant des questions simples, il pourrait s'y faire à l'idée mais il ne savait toujours pas ce dont elle était capable. Son ami Phen était-il un mutant, lui aussi ? Et à se poser une fois la question... Qui d'autre était mutant dans son entourage ? En réfléchissant, Ian n'écouta Hella que d'une oreille, resté sur ses premiers mots. Il releva les yeux sur elle quand elle reprit, se gardant un joker pour plus tard. Et quand qu'il ait le temps de comprendre, il éclata de rire. Oui, il appelait ça une bataille d'oreillers. Il ne savait pas non plus s'ils devaient avoir une discussion à ce sujet alors il assuma que non. C'était mieux ainsi ! Il ne se voyait même pas par quoi commencer. Mais... Si un jour elle lui demandait, il répondrait quoi ? Il n'était même pas coincé, au contraire, il était très à l'aise avec ce sujet mais encore une fois... Qu'en était-il de Hella ? Non ! Mieux valait... Attendre de voir !

Mais il éclata d'autant plus de rire à la référence sur Captain America. A croire que c'était devenu une sorte de code entre eux. Ian apprécia énormément, d'ailleurs. Il aimait partager quelque chose de spontané avec elle, c'était rassuré, comme un fil rouge. Conducteur et fiable. C'était Captain America comme ça aurait pu être n'importe quoi mais c'était ce... superhero, patriote américain qui avait tout pour plaire. Ian était lui-même très proche de son pays, bon patriote, c'était un militaire et un boyscout en prime. Mais il n'avait pas toujours été comme ça. C'était la revanche de l'espoir sur l'expérience !

– J'ai toujours connu que l'armée. Mes parents, mes grands parents, mes cousins... Maintenant que je suis à la retraite, je me demande ce que je pourrais faire. Alors, j'ai un travail mais... Je voudrais essayer d'autres choses. Un truc qui n'a rien à voir, tu vois ? Du genre euh... J'ai toujours voulu apprendre la langue des signes. Maintenant que j'ai le temps, je me laisserais bien tenter ! Et aussi, un permis poids lourd. Et je voudrais me remettre au sport aussi ! J'en sais rien, si je devais reprendre des études, ce serait... Oh je sais !

Tout sourire, il la désigna d'un index. Ah, il était fier d'avoir des blagues de merde. C'était un peu sa marque de fabrique, de tout temps à jamais, Ian aimait dire des bêtises. En fait, il aimait voir des visages souriants devant lui. C'était comme ça que sa patience était née et qu'elle fonctionnait.

– Devenir Captain America ! Hein ? T'en dis quoi ? Je sais déjà saluer, je terrain, je connais. Me manque juste à apprendre à porter des collants et un slip par dessus ! Non ? Si tu devais avoir un super pouvoir, ce serait quoi, toi ?

Captain America était presque une valeur sûre quand il s’agissait de le faire rire ce qui, forcément, la faisait sourire très franchement. Et dans tout ça, comme une idiote elle avait oublié de renvoyer le ballon, enfin, elle ne s’en formalisait pas non plus étant donné qu’il n’y avait aucune règle d’établie. Encore moins concernant ce truc ovale. Du coup, les mains occupées elle l’écoutait raconter que l’armée était tout ce qu’il avait connu. Ce qu’elle ne savait pas c’est si ça devait être triste ou, une bonne chose. La direction familiale ou, en plus d’être du même sang, tout le monde avait un corps de métier identique. Les fêtes de famille devaient quand même être assez étranges. Finalement, Captain America, ça lui allait plutôt bien.

Elle en avait presque la tête qui tournait à l’entendre sortir autant d’envie en si peu de temps. Elle était complètement paumée, à pas savoir quoi faire de sa vie et, lui, il en avait même à revendre. Elle avait agrandi ses yeux mais continuait de sourire en essayant de l’imaginer dans un camion à engueuler le type de la voiture de devant dans un langage pour sourds et muets tout en faisant des altères. Elle se concentra plus sur lui, un regard interrogateur comme pour lui dire qu’il pouvait y aller, elle était toute ouïe, elle avait même redresser le dos, comme si ça l’aidait à donner l’impression de l’écouter plus. Ok… Elle laisser un éclat de rire lui échapper en secouant la tête.

« Il n’a pas de slip par-dessus le collant, si ? »

Pas très callé la petite Hella quand il s’agit de superhéros. Mais elle bloqua, un instant à sa dernière question. Elle le regarda l’air de lui demander s’il lui posait vraiment cette question-là ? Elle gardait néanmoins un léger sourire parce que, de toute façon, elle ne le prenait pas mal. C’est juste que demander à une mutante ce qu’elle aurait voulu comme pouvoir, si elle devait en avoir un, c’était plutôt bizarre. Mais, amusant. Elle fit une moue, pour cacher son sourire avant de reporter son attention sur lui.

« Si je devais avoir… Tu sais, techniquement parlant, j’en ai déjà un. »

Elle avait du mal à le situer par rapport à cette question, en fait le sujet n’était jamais vraiment abordé ou c’était seulement pour en rire ou extrapoler quelque chose. Elle fit tourner le ballon, leva les yeux et se mise à réfléchir dans une moue avant de redresser la tête comme si elle venait de trouver l’idée du siècle.

« Mais pour répondre à ta question, je voudrais le pouvoir de copier celui des autres. Comme ça, plein de possibilités, des trucs fun, ça doit trop être la classe, non ? »

Elle avait son sourire sur les lèvres alors qu’elle savait très bien que ce pouvoir-là était juste une plaie mais, elle était loin d’avoir fini de le tester alors, peut-être qu’elle voulait juste savoir ce qu’il pouvait penser de ce pouvoir en question. Il n’en parlait pas, elle ne parlait pas non plus de mutation se contentant d’y faire référence de temps en temps. Ian ne relevait pas en général alors, elle préférait y aller doucement sur ce sujet. Elle lui envoya le ballon.

« Du coup, si tu fais une formation collant et slip, et que j’ai mon super pouvoir, tu voudras faire équipe ? Genre je te donne le nom de tous les gars de mon école qui me font chié, toi tu leur bottes le cul. Et toi tu me donne le nom de tous… eux, bin je sais pas mais on trouveras bien et j’irais faire pareil. »

Elle avait continué sur une lignée  et le sourire qu’elle avait, le ton amusé qu’elle employait, tout prouvait qu’il n’y avait rien de vraiment sérieux dans sa demande. Les seuls personnes contre qui elle avait quelque chose était… Bin disons que Daken entrait en tête de liste et qu’elle n’allait surement pas donner ce nom à Ian. Tout était à prendre sur le ton de l’humour.

– J'en sais rien, c'est étrange... je m'en souviens plus ! Bah, je peux encore décider de faire ma propre version, non ?

Captain American, ce n'était pas une valeur sûre. C'était une valeur, tout court. En tout cas, pour eux. Mais comme un idiot, Ian n'avait pas songé qu'elle avait effectivement déjà un pouvoir. Oui mais... Si elle pouvait choisir. Dis-moi ce que tu fais, je te dirais qui tu es. C'était ça, non ? En tout cas, à aucun moment il ne songea que le pouvoir qu'elle donnait, c'était effectivement le sien. Il n'y connaissait rien aux mutants, alors, en soi... Ca faisait quoi de copier les pouvoirs d'un autre ? Et ce n'était pas un peu comme se prendre pour Dieu ? A la question "si vous aviez trois souhaits, quels seraient-ils ?" une réponse possible parmi des centaines de milliards était "D'avoir plus de souhaits", ou un truc du genre... Ce n'était pas un peu comme ce que Hella venait de dire ? Ou bien... Un pouvoir, pour les gouverner tous. Voilà pourquoi Ian n'était pas vraiment fan des mutants. Impossible de savoir ce dont ils étaient réellement capables, dans quelle mesure, à quelle échelle, combien de personnes cela pouvait toucher et dans quelle amplitude ? Ian avait vu les hommes à la guerre et c'étaient des crétins. Il avait vu des mutants créer des conflits et montrer qu'ils ne valaient pas mieux. Alors... Quel côté était le plus sécuritaire ? Pour lui, pour sa nièce... Elle avait la possibilité de quitter l'institut mais pour aller où ? Pour faire quoi ? Ian savait qu'il devait poser ces questions. Il savait, en serrant les dents, qu'il allait devoir affronter le côté mutant de sa nièce, un jour. Qu'à ce moment-là, il serait dedans. Au coeur de cette spirale car il la suivrait et la protègerait quand elle aurait besoin. Mais une fois dedans, il ne pourrait plus en sortir, n'est-ce pas ? C'était un risque et bien qu'il soit prêt à le prendre, il ne l'était pas, tout de suite, dans cette relation si fragile. Alors il se contenta de sourire. De toute façon, le temps qu'il réfléchisse, elle lui avait renvoyé le ballon qu'il réceptionna. Et à sa question, il acquiesça. Il sourit doucement en la regardant.

– Volontiers, bien sûr que je voudrais faire équipe avec toi et aller donner des coups de bouclier sur les têtes de piaf qui t'embêtent. Quant à un échange, et bien... Je n'ai pas d'ennemis, alors... Soit ils sont déjà morts, soit ils sont loin, soit je suis simplement trop bien élevé et trop charmant pour avoir des ennemis. Non ? Tu trouves pas ? Je suis pas crédible ?

Il lui offrit un immense sourire malicieux en portant le ballon à côté de son visage, comme un comparatif de sagesse. Mais trêve de plaisanterie. Ian devait s'y confronter. Il ne pouvait pas se permettre de sembler si maladroit sans savoir de quoi il parlait. Comment la protéger s'il n'en savait rien ? C'était comme un mensonge mais avec son accord. Il joua doucement avec le ballon entre ses mains et il le garda pour lui en se mordant la lèvre, en réfléchissant à sa question. Il n'avait pas beaucoup droit à l'erreur alors il ne voulait pas la poser n'importe comment. Y venir en douceur, c'était la meilleure solution, non ?

– Tu n'as pas peur qu'un pouvoir comme celui-ci te donnent... Trop de possibilités ? Tu me demandes des barrières, tu veux que je me fasse ton garde-fou. Moi, je suis d'accord sur le concept, c'est mon job de veiller sur toi.

Il la désigna de la pointe du ballon en haussant les sourcils puis il se remit à jouer avec, d'une main à l'autre. Ian n'avait aucune idée qu'il parlait du pouvoir de Hella. Mais sa perception des pouvoirs, des mutants, l'aideraient probablement à mieux les comprendre, avant de devoir les juger. S'il y avait bien une chose que Ian avait du mal à maîtriser, c'était son jugement envers les mutants. Hella avait été sage jusque là mais... C'était surtout lui qui jouait à cache-cache.

– Mais avoir un pouvoir qui donne tous les pouvoirs... Tu n'as pas peur, justement, que ça te donne trop de possibilités ?

Dans une moue, elle plissa le nez pour réfléchir en le détaillant un instant. Hmmm. Elle n’avait pas l’air certaine jusqu’à ce qu’elle se mette à sourire avant de hocher vivement la tête une fois. Elle venait de lui donner son accord pour qu’il puisse choisir sa propre version de Captain America, le tout de manière amusée. Et elle ne quitta pas cet air amusé quand il lui posa une série de question avec le ballon à côté de son visage. Cependant elle secoua la tête dans un claquement de langue, l’air faussement pas convaincue.

« Naaan, un type qui n’a pas d’ennemi, c’est trop louche pour être crédible. »

Elle avait toujours du mal à s’y faire avec cette facilité qu’il pouvait avoir de parler des gens morts, comme si c’était quelque chose de complètement normal. Le rapport qu’elle entretenait avec ça était tellement différent qu’elle tiquait toujours dessus mais, elle essayait de se dire que c’était sa façon à lui de voir les choses, que certain en rigole plus volontiers que d’autre et que… Et bien, elle allait devoir l’accepter si elle voulait poursuivre dans ses efforts avec lui.

Hella avait toujours ce sourire aux lèvres en se disant qu’il continuerait sûrement dans cette lancée mais, il était bizarre. Il réfléchissait à la question, se mordait la lèvre, des petits signes qui n’étaient peut-être pas bon signe. Ou alors, ça voulait juste dire que ce qui allait venir allait avoir un impact plus particulier pour lui. Elle perdit son sourire doucement pour redevenir un peu plus sérieuse, sans pour autant perdre sa bonne humeur. En fait elle recommença à sourire parce qu’elle trouvait presque mignon sa façon de réagir au pouvoir qu’elle avait donné. C’est en posant ses coudes sur ses genoux en tailleurs, qu’elle alla plaquer une mèche rebelle derrière son oreille avant de poser son regard vers lui.

« Dans un monde idéal, ça serait plutôt l’inverse. » Elle leva les mains pour s’en aider dans ses explications. « Tu vois, l’idée de ce pouvoir ça serait de pouvoir prendre le pouvoir d’un autre mutant quand il est à portée, s’il n’y a pas de mutant alors, aucun pouvoir. L’idée c’est juste d’avoir les mêmes armes pour se défendre. »

Elle s’arrêta, leva les yeux un instant en réfléchissant à ce qu’elle venait de dire. Ian n’avait probablement aucune idée de ce qu’il venait de faire mais, en réalité, il venait de la pousser à décrire son pouvoir d’une manière dont elle ne l’avait jamais vu. Pour elle c’était juste un fléau, une perte de contrôle constante qu’elle ne comprenait pas et ne maitrisait pas. Chaque pouvoirs étaient différents, elle était incapable de les maitriser et, du coup, hormis lui pourrir la vie, elle n’en voyait pas l’intérêt. Mais, franchement, elle se sentait tellement humaine quand il n’y avait pas de mutant dans les parages. Elle secoua la tête pour elle-même histoire de revenir sur terre, dans leur conversation et elle posa à nouveau son regard sur Ian.

« Enfin, je ne sais pas, disons que c’est le pouvoir qui permet de ne pas avoir à en choisir un parce que, dans les faits ils ont tous un côté horrible. » Elle écarta fit un compte avec ses mains « La télépathie c’est le truc qui toi craindre le plus, une horreur de lire les pensées des gens tout le temps. Contrôle des éléments, trop dangereux, v’là les catastrophe qu’il peut y avoir. Se régénérer, ça à l’air cool mais on doit se sentir invincible et prendre la grosse tête. » Elle laissa retomber ses mains « J’vois des gens avec des pouvoirs différents tous les jours et, honnêtement, j’en envie aucun d’eux alors, tu vois, si vraiment je devais choisir, je dirais que le pouvoir que je veux c’est celui d’être humaine. »

Elle haussa les épaules, loin de se plaindre mais, si vraiment elle devait avoir envie de quelque chose, ça serait probablement ça. Au moins, elle avait répondu à sa question par contre, pour le coup, c’est lui qui l’intriquait avec sa façon d’aborder les choses, les craintes qu’il pouvait émettre face au choix qu’elle avait fait. D’un mouvement de tête, elle le désigna.

« Tu sais, quand je rencontre quelqu’un, que cette personne apprend que je suis mutante, tu peux être sûr qu’elle va me demander mon pouvoir en premier. Pas toi. Et, même si tu avais lu mon dossier au complet, ce qui ne semble pas être le cas vu que t’avais l’air surpris d’apprendre que j’étais dans une école pour mutant, mon pouvoir n’est pas mentionné dedans. Alors du coup, je ne sais pas avec toi. Je veux dire, comment tu te positionne face à tout ça ? »

Elle voulait savoir et en même temps le sujet avait l’air un peu compliqué mais, après tout, il avait un joker si jamais il ne voulait pas répondre. C’était le jeu, non ? Elle ne perdait rien à poser la question et, oui, elle savait que son pouvoir n’était pas mentionné dans son dossier parce que, personne n’avait été capable de le nommer. Un jour elle faisait un truc, le lendemain c’était un autre… Enfin une vraie girouette mutante.

Hella avait une façon étrange de voir les choses mais Ian acquiesça. C'était intéressant, après tout. De plus, quand elle parla d'être humaine, il en fut le premier étonné. Combien donnerait pour avoir un pouvoir, être comme eux ? Beaucoup en avaient peur à cause de l'imprévu, de l'inconnu, mais d'autres en rêvaient. Et il se tenait là, face à un mutant qui aurait bien voulu être humain. Ce n'était pas idiot, en soi. Ian aurait voulu avoir un super pouvoir - même si selon certains il en avait déjà un mais ça relevait plus de la survie qu'un véritable pouvoir de superhéro - mais pour lui, ça se comptait en comics, en films, dessins animés, ce genre de choses. Ca relevait plus du fantasme qu'autre chose, après tout.

Il se contentait de l'écouter sans rien dire, essayant d'assimiler tous les éléments. Il ne voyait pas tellement les mutants comme des ennemis, il se disait surtout que, comme les humains, il y en avait des bons et des moins bons. Restait à savoir dans quel camp se situait Hella. Mais elle était sa nièce alors il était automatiquement parti du principe qu'elle était un "bon" mutant. Pourtant, elle lui demandait de l'empêcher de dériver. Est-ce que les pouvoirs d'un mutant pouvaient influencer leur évolution ? Bien sûr que oui. C'était un peu comme... L'argent pour les humains, non ?

Mais imaginer un télépathe dans sa tête ? Avec tout ce qu'il pensait quand il voyait Hella ? C'était se tirer une balle. Si Hella était télépathe - ce qu'il ne pensait pas - il ne donnait pas cher de sa peau. Il n'avait pas tellement peur d'elle mais il hésitait, il tournait autour du pot, il allait et venait parce qu'il ne savait pas du tout comment la prendre, par quel côté, ce qui était possible ou non... Mais pourtant, la façon de penser de Hella était plutôt mature, intelligente et objective. Ce qu'il trouva intéressant. Il releva la tête vers elle quand elle reprit sur son approche des mutants mais il ne su pas bien comment réagir.

Finalement, il sourit, eut un léger rire et se frotta l'arcade en réfléchissant, le regard au-delà de Hella. Il secoua la tête sans arrêter de sourire. Même, qu'il rougissait. Il se sentait un peu pris au piège. Ce n'était pas sa faute, elle n'avait pas voulu le piéger mais voilà qu'il avait enclenché... La discussion qu'il ne voulait pas avoir si tôt. Il se frotta la tempe en inspirant profondément.

– Et bien... Je ne sais pas trop. J'ai peut-être pas tellement envie de savoir, aussi. La vérité, c'est que j'en sais trop rien. Non, je n'ai pas lu ton dossier complet. Je voulais juste te retrouver, pas te juger. J'ai cherché jusqu'à trouver un lien avec toi mais c'est tout. Je connais pas de mutant, j'en ai jamais rencontré avant toi ou alors j'en ai pas connaissance. Donc...

Il se gratta cette fois le sourcil et posa le ballon au creux de ses jambes avant d'ouvrir les mains. Inspirant profondément, il reprit, un peu plus animé.

– Ok alors un truc que je dis toujours mais c'est tellement vrai, finalement. Je vais me contenter de le dire, d'accord ? Depuis des années, on est face à ces conflits ici, et dans le monde. Des mutants. Ils sont dangereux, bla bla bla. Il y a des bombes qui explosent, des attentats... Tu sais, moi ça me rappelle quelque chose et ça n'implique pas de mutants. Au Moyen Orient, on n'a pas besoin de mutants pour foutre la merde un peu partout alors... Je comprends pas. Je comprends pas qu'on en fasse un tel barouf ici alors que là-bas, on peut pas faire 5m sans se planquer derrière une bagnole parce qu'un lance roquette peut surgir d'un tank à tout moment ! Je comprends juste pas. J'ai été là-bas, je suis ici, je vois les deux et je me dis... C'est quoi leur problème ?! Après le racisme, l'antisémitisme, on en est là, personne sait comment, personne sait pourquoi. On juge une partie puis l'autre et t'as des mecs comme moi qui ont connu autant l'un que l'autre et qui se retrouvent le cul entre deux chaises. On peut pas aimer les talibans, on peut pas aimer les mutants, les deux factions ont tué des innocents... J'ai envie de te dire... Comme tout le monde ! En Chine, c'est autre chose ! En Amérique du Sud, c'est autre chose ! Il y a quelques années, j'ai eu une amie...

Ian posa les mains et baissa le menton avant d'inspirer et d'expirer. Il s'était un peu enflammé mais en réalité, il ne comprenait vraiment pas ce monde... Si Hella pouvait l'aiguiller, il lui en serait reconnaissant.

– J'ai eu... Cette amie que j'aimais énormément, c'était comme une soeur. On était sortis ensemble quand on était ado mais on était restés très bons amis, peut-être les meilleurs et un jour, pour le boulot, elle est partie au Brésil. J'étais déjà en Irak à ce moment-là et on discutait par internet quand on le pouvait. Un jour... Elle a pris un avion. Quand elle a eu fini, elle m'a envoyé un message pour me dire qu'elle remontait à l'aéroport, qu'elle était fatiguée. Elle montait dans son taxi et qu'elle serait bientôt à la maison.

Ian s'humecta les lèvres et regarda autour de lui en réfléchissant, secouant la tête. Puis il reprit finalement en serrant le ballon entre ses mains.

– Quatre jours plus tard, ses parents réussissent à me joindre, en panique. Elle n'a jamais atterri, son téléphone ne répond pas, ils sont désemparés, ils ont lancé un avis de recherche mais rien. Un mois plus tard, ils ont reçu un appel du Brésil parce que... Ils avaient trouvé une femme, qui correspondait à mon amie. Dans un fossé, à côté d'un taxi abandonné. Ils ont dû aller là-bas pour l'identifier. Elle avait été attaquée et... Le mec avait abandonné son taxi pour s'enfuir après. Elle ne faisait RIEN de dangereux dans son métier !

Il écarquilla les yeux et se désigne d'un index inquisiteur.

– MON métier était dangereux. JE suis en vie. Et il a suffit d'un seul connard pour la tuer, ELLE ! C'était la réponse à un mois d'attente et de prières alors je me dis... Ils sont où les médias dans cette merde ? L'oncle d'un ami s'est tué dans un putain d'accident de voiture ! Donc je me demande pourquoi je devrais me soucier d'une guerre... Alors qu'on crève déjà sur les bords de route, tout seul, que le plus grand ennemi de l'homme, ça reste quand même ces putains d'automobile ! Et pendant ce temps, ça se trucide au RPG dans les rues de désolation en Afghanistan pour un raison dont plus personne n'a de souvenir ! Et de l'autre côté, ça se bat pour savoir qui de l'un ou de l'autre a le droit de vivre ou non ! J'ai essayé de faire quelque chose de bien, d'arriver à quelque chose de bien. Je voulais régler ce conflit pourri à moi tout seul, comme un superman. Je me disais... "Ian, ton coeur est assez pur, tu peux le faire !" La vérité c'est que notre foutu problème, au départ, c'est de vouloir y trouver une solution !

Ouvrant la bouche pour poursuivre, il croisa les doigts puis il baissa enfin les yeux sur Hella. Il n'était pas certain qu'elle apprécie tout ce qu'il disait mais... C'était ce qu'il pensait. De son expérience...

– Je ne sais pas... Comment me positionner là-dedans. Je ne sais pas ce que je dois en penser parce que j'ai déjà mon propre vécu et que j'ai l'impression d'être sur un échiquier, comme un pion qu'on envoie au front quand ça arrange monsieur le roi des USA. Plus personne ne se concentre sur les valeurs, les choses importantes. je suis content d'être à la retraite parce qu'avec ce que je sais, ce que j'ai vu ? Il serait arrivé un jour, ou le RPG, c'est moi qui le prenait pour le tirer sur la Maison Blanche. Et pourtant, j'aime ma vie, j'aime mon pays. C'est juste que... Je sais pas quoi en penser, de tout ça. Pour moi, tu es ma nièce, humaine ou pas parce que ta mutation, en soit... Si je la crains, si ça me fait peur de savoir, c'est aussi... ma façon à moi de me concentrer sur qui tu es vraiment.

C’était souvent comme ça, les gens voulaient ce que les autres avaient alors qu’eux préféraient être comme les premiers. Les gens avaient cette tendance à voir chez les mutants le côté cool des pouvoirs, les possibilités que ça offrait – bien ou mal -, le côté extraordinaire comme tous les films de superhéros. Quelque part, les gens voulaient ce qui n’était pas commun. Ils avaient vu des films où le héros en chiait avec ses pouvoirs, où il avait une pression monstre à cause du poids des responsabilités que ça apportaient mais, pas grave, les gens se disaient que ces petits dérangements valaient bien d’être vécu pour avoir des pouvoirs. Sauf qu’Hella, elle le vivait. Il y avait cette peur constante de perte de contrôle, le fait de ne jamais savoir quand ça allait se déclencher, ni même ce qu’elle allait se récolter comme pouvoir. Et puis, il y avait les médias, la peur que les mutants inspiraient et qui était une raison suffisante pour que des jeunes mutants se sentent rejeté pendant que d’autres se sentirait supérieur à l’humain « de base ». Ca n’avait rien de « cool », les pouvoirs c’était juste un truc abusé qui pouvait pourrir une vie. Au moins, Hella pouvait se réconforter en se disant qu’elle était parfaitement humaine sans un mutant dans le coin. Ca donnait un peu de temps pour respirer et, c’est ça qui était cool.

Les mutants ça devait être un sujet tabou, quelque chose dans le genre. Il suffisait de voir Ian, sourire, secouer la tête, re-sourire, rougir. De son côté, Hella ne lui porta aucun regard interrogatif parce qu’elle voulait qu’il sache qu’il pouvait ne pas répondre, utiliser son joker et passer à autre chose. Elle voulait même bien faire l’effort de ne pas se sentir vexée mais si ça ne l’empêcherait pas de se poser un tas de question. Est-ce que sa condition de mutante pouvait changer quelque chose dans la façon dont Ian la voyait ? Elle n’avait jamais cherché à garder quelqu’un dans sa vie alors, sa mutation, qu’on l’accepte ou pas, elle s’en foutait pas mal. Là, c’était différent.

Elle hocha la tête doucement, la manière dont elle avait doucement fermé les yeux pour les ouvrir à nouveau dans ce mouvement de tête était surtout faite pour le remercier de ne pas avoir lu son dossier complet. Elle avait pensé, au début, que cela avait été le cas pour se rendre compte que non. Et, ouais, elle trouvait ça cool et encore plus avec les raisons qu’il avançait sur sa façon d’agir. Mais elle avait fini par sourire doucement parce qu’être novice en terme de mutant, elle connaissait. Elle ne savait même pas qu’elle l’était quand on était venue la chercher. Elle n’était pas une experte aujourd’hui mais, disons qu’avec l’institut, elle avait eu l’occasion de se mettre à la page.

Hella, du haut de ses 18 ans, ne savait pas vraiment comment elle devait se positionner face à ce qu’il avait pu dire en rapport avec cette amie et les personnes qu’il avait perdu. C’était le genre de chose qu’elle trouvait tellement délicate à aborder. Ca l’était pour elle alors elle partait du principe que ça l’était pour tout le monde. L’air qu’elle affichait oscillait entre le fait d’être désolé et le fait de ne pas savoir où se mettre, hésitant sur l’une ou l’autre attitude à adopter. Elle baissa les yeux, contempla l’herbe mais ne cessa pas de l’écouter, c’est quand un mot sortit plus haut que l’autre qu’elle avait relevé les yeux vers lui, finalement, c’est un air navré qui prit le pas sur son visage. Elle n’était pas désolée elle était navrée, ce qui impliquait quelques petites différences. Elle avait presque envie de lui dire que les choses étaient ainsi, qu’elles n’étaient pas juste et que… Ça aurait été tellement bizarre venant de la bouche d’une ado qui n’était pas censée connaitre un peu ses choses-là.

« Je ne suis pas certaine que le problème soit de vouloir y trouver une solution, c’est juste que » Elle plissa les yeux un instant avant de relever les mains en les bougeant au rythme de ses paroles. « Les gens ne réfléchissent plus, ils ont une télé et prennent tout ce que dit cette petite boite comme une vérité absolue. Les opinions ne se font plus par soit même mais parce que les médias veulent nous faire entendre et… Les mutants c’est » Elle secoua la tête en haussant les épaules « Il faut croire que l’homme n’est heureux que quand il fait la guerre à un groupe de personne alors, les mutants c’est une cible de choix, on est différents des humains et » Elle se mise à sourire de manière amère « on est potentiellement dangereux. Une bonne recette pour une cible de choix. »

Elle n’était pas en train de crier au scandale, ça n’aurait pas été les mutants que ça aurait été une autre population. De toute façon, elle n’en savait rien, elle n’avait pas l’expérience pour, elle n’avait pas le recul pour. C’était comme ça qu’elle voyait les choses aujourd’hui sans pour autant penser que c’était une vérité absolue. Elle se pinça les lèvres un instant en fixant un point avant de revenir sur Ian.

« Et puis tu sais quoi ? » Elle se mise à lui sourire « Y a même pas de position à prendre là-dedans, en tout cas, je ne t’en demande pas. J’avais une amie qui avait pour habitude de dire que, les cases dans lesquelles on met les personnes ne les définissent pas. » Dans une moue elle avait fini par hocher la tête. « Je suis assez de cet avis. »

Une chose était certaine, c’est que derrière les sourires qu’il pouvait avoir, l’attitude qu’il avait, Ian n’était pas le type qui n’avait rien connu de la vie ou qui avait vécu dans une bulle sans jamais en sortir. Il avait un passé, apparemment pas des plus roses ce qui ne se voyait absolument pas en le voyant. Hella ne voulait pas le replonger dans ces histoires-là, comme elle avait décidé de ne plus relancer le sujet mutation. S’il préférait ne pas se positionner, elle restait d’accord avec ce principe-là. Elle posa son regard sur le ballon de manière interrogative avant de remonter les yeux vers lui et de désigner l’objet du bout de l’index.

« T’avais quoi en tête en venant avec ce ballon ? Je croyais que les matchs ne commençaient pas tout de suite ? »

Ian fut plutôt soulagé des réactions de Hella. Elle aurait pu se vexer ou s'énerver, simplement parce qu'elle aurait pu ne pas apprécier de le voir s'emporter sur quelque chose qu'il ne connaissait pas. Bref, il s'attendait à... Autre chose. Pourtant, elle semblait être de son avis, ou du moins, se poser les mêmes questions. Peut-être ne les formulait-elle pas de la même manière, ni avec la même expérience mais le fait est qu'elle semblait aussi en plein dilemme. Et ça le rassurait, dans un sens. Ils partageaient au moins leur point de vue. S'ils n'étaient pas identiques, ils allaient toutefois dans le même sens. Sa philosophie même n'était pas dans un jeu de moutons n'ayant qu'un seul berger à suivre. Ian était son propre berger, et il ne laissait personne lui dire comment penser ni pourquoi. Il en allait de même pour sa vie. Réfléchir au passé, penser au passé, c'était se piéger soi-même dans un temps qui était révolu et qui n'avait plus raison d'être. Il était impossible de revenir en arrière, alors, pourquoi y penser ?

Après avoir fait le deuil de plusieurs personnes, s'il était possible de les retrouver, Ian dirait non. Après tout, ce qui faisait ce qu'il était aujourd'hui, c'était sa vie. Il changeait en fonction de ses expériences. Aussi bien que le Ian d'un an plus tôt n'était pas le même. Il était d'autant plus différent que celui qui portait, jour et nuit, un uniforme militaire aux couleurs du sable d'un désert aride. Il n'était pas plus l'adolescent populaire d'il y a près de 20 ans ! Enlever ces épreuves de sa vie, c'était modifier qui il était. Et Ian aimait sa vie et tous ces chemins qu'il avait dû prendre pour trouver la paix qu'on lui connaissait aujourd'hui. Sa façon d'agir, de réagir et de penser, il l'avait acquise avec le temps. La colère, c'est comme une jauge d'énergie. Quand elle est épuisée et bien... vous n'avez plus à en revendre. Il ne reste en vous qu'une paix qui vous permet de vous concentrer sur d'autres sentiments, aussi forts que la colère, comme l'espoir. Le besoin de survivre se transformait en envie de vivre. Ian connaissait toujours cette colère en lui, il l'avait simplement transformée en autre chose. Il l'avait enfermée dans une chambre forte à laquelle lui seul avait accès. Plus jamais personne ne devait trouver cette colère en lui. Il n'était même pas sûr d'y survivre si quelqu'un la libérait de ses chaînes.

Quand Hella y fit mention, Ian baissa les yeux sur le ballon dans sa main. Il avait eu plein d'idées mais à présent, elles lui semblaient fades et sans grande importance. Il ouvrit la bouche pour balbutier et il se gratta la tempe à la réflexion.

– Et bien, je crois comprendre que le foot, c'est pas trop ton truc alors je me disais... Avant de t'emmener à un match, ça serait bien que je t'apprenne deux trois trucs, tu vois ?

Il releva les yeux sur elle et lui sourit. Elle lui posait tout de même des questions faciles. Il la remerciait pour ça parce que... Et bien il ne savait pas trop pourquoi mais ça lui plaisait. Hella ne cherchait pas non plus les grandes révélations, pas plus que lui. Encore un point où ils se retrouvaient. Etait-il possible que ces deux-là aient plus de points en commun qu'ils ne voulaient bien l'admettre ?

– Mais je me rends compte que c'est assez égoïste de vouloir t'apprendre un truc simplement parce que moi, j'aime ça. Donc euh... On verra plus tard.

Il sourit un peu plus et lui lança le ballon avant de la désigner du menton. Depuis tout à l'heure, elle ne lui demandait pas qui il était mais pourquoi il n'agissait pas. Pourquoi il ne faisait pas ci ou ça. A son tour, donc.

– Pourquoi tu ne m'as toujours pas demandé d'où tu venais ? Ton histoire, et tout ça... Pas que j'ai nécessairement envie d'en parler, c'est pas très gai. Mais je me demande pourquoi quelqu'un comme toi, qui semble rechercher une autorité, j'ose dire familiale, ne se soit pas plus que ça renseigné sur son passé. Tu n'as jamais cherché à nous retrouver de ton côté ?

Tiens, ça, c'était une bonne question qu'il venait tout juste de se poser pour la première fois. Hella savait qu'elle avait été adoptée un jour ou l'autre. Mais avait-elle cherché ? Il se désigna d'un index.

– Je dis nous parce que je ne veux pas paraître égocentrique. Je me demande juste, en dehors de ces expériences difficiles que tu sembles avoir connues, ce qui te rend si méfiante et pourquoi tu as tant de mal à me croire quand je te dis que je suis... simplement là pour toi, maintenant.

Hella avait posé son regard sur le ballon, les yeux légèrement plissés en se demandant ce que ça aurait pu donner : Ian lui apprenant deux ou trois trucs sur le football, exemple concret compris vu qu’il avait ramené un ballon. Est-ce que ça ne faisait pas trop cliché ? Elle en avait vu tellement, des familles, jouer et rire dans le parc avec un ballon, ou autre chose. Elle en trouvait même que ça en devenait une activité familiale ou entre amis. Elle remonta son regard sur Ian, l’air de le détailler. Est-ce qu’ils en étaient à jouer avec un ballon dans un parc ? Elle avait envie de se dire non mais elle venait de tomber sur lui, son visage, son sourire et c’est sur elle que se dessina un sourire. C’était peut-être communicatif en fait. Elle hocha la tête. Oui, ils verraient ça plus tard, ça semblait être une bonne idée de reporter mais, ce n’était pas parce qu’elle le trouvait égoïste ou quelque chose comme ça. Juste elle, ses réflexions, ses questions et sa façon de vouloir chercher le bon moment à tout et surtout, de savoir ce qu’il était pour elle.

Elle attrapa le ballon, tout en attendant le début de sa question. Le ballon lui échappa des mains et elle se retrouva à s’allonger en tendant le bras pour le récupérer. Un court instant qui lui permit de connecter quelques neurones à sa question, à ce qu’elle devait y répondre. Se redressant pour se remettre en tailleur, elle garda son regard sur le ballon dans une moue qui devait l’aider, pour une raison obscure, à mieux réfléchir. Elle secoua la tête pour remettre ses pensées sur terre et releva les yeux vers lui. Il se passa encore une seconde ou deux avant qu’elle ne se décide à ouvrir la bouche en faisant passer le ballon d’une main à une autre.

« Si, j’ai cherché. Tu vois mes heures au commissariat, c’est le seul avantage que j’y avais trouvé pouvoir accès à mon dossier ce que je n’ai pas réussi à faire totalement jusque-là. Je l’ai cherché à l’institut aussi mais le jour où j’ai forcé le bureau de la directrice, je me suis fait topé. » Elle pinça le lèvres avant de se mettre à sourire un peu « C’est presque vexant de chercher, pas y arriver et te voir débarquer parce que toi t’as réussi. »

Elle ne savait pas comment il s’y était pris mais, à tort, elle avait pensé que ses contacts à l’armée l’avait aidé. Elle posa le ballon devant elle, laissant ses doigts jouer sur la surface ovale avant de reporte, à nouveau, son regard sur lui.

« Je ne sais pas comment expliquer. Tu vois, j’ai toujours voulu savoir mais là, c’est à porter de question et… » Elle pinça les lèvres, secoua la tête. « … Je crois que ça me fait peur. »

C’était la dernière chose qu’il avait dite qui lui posait un peu plus de problème, les questions qu’il se posait sur elle, pourquoi elle ne voulait pas le croire.  Elle se stoppa, un instant et prit le temps d’inspirer profondément avant de relâcher cet air lentement. Ses doigts quittèrent le ballon pour se relever doucement.

« Je… » Ses épaules s’affaissèrent dans un soupir en cherchant comment elle voulait dire les choses. Nouvelle inspiration. « Je n’ai pas toujours été comme ça, tu sais. C’est juste que, tout ceux qui ont compté à un moment on finit par partir ou m’abandonner. Alors, c’est juste que je n’arrive pas à y croire. »

Les ruptures étaient surtout bien trop dures à encaisser, l’abandon était quelque chose qu’elle gérait mal, qui l’a faisait souffrir et dont elle devait se protéger. Sa méfiance n’était que ça. Elle baissa les yeux pour reprendre le ballon, elle mit même un peu plus de temps que nécessaire pour l’avoir entre les mains et lui relancer.

« Pourquoi tu m’as cherché. Enfin je veux dire, c’était une promesse mais, remonter jusqu’à moi ça n’a pas du être facile alors, tu aurais pu laisser tomber, personne ne t’en aurais voulu et… » Elle fit une moue en se demandant comment dire la suite. « Enfin… Ton frère n’aurait pas pu t’en vouloir non plus. »

Alors oui, elle savait, il l’avait dit, on n’abandonne pas la famille. Mais, il n’était « qu’un oncle », il ne l’avait jamais connu. Une philosophie de ce genre ce n’était pas un peu léger comme raison ? Elle se demandait comment elle avait pu être une sorte de « besoin » pour que ça devienne même un sujet de discorde entre Ian à la fiancée qu’il avait eu.

Ian acquiesça car il comprenait ses réticences. Le fait qu'elle ait été abandonnée plusieurs fois, tout ce qui faisait que... Ce n'était pas possible pour elle de faire confiance sans réfléchir. Il comprenait. Hochant la tête, il baissa les yeux et finit de l'écouter. Il jouait avec une peau rebelle sur un doigt, ne quittant pas sa voix un instant. Jusqu'à ce qu'elle pose sa question. Il releva alors les yeux sur elle, gardant le dos vouté en arrachant quelques brins d'herbe puis il inspira profondément en regardant ailleurs. Il aurait aimé lui donner une réponse rose, sauf qu'il n'en avait pas. Au lieu de ça, il haussa les épaules à son tour. Il réfléchit un instant avant de se redresser en claquant ses cuisses des mains. Autant être franc avec elle, non ?

– J'ai abandonné.

Il ouvrit les mains, avouant sa culpabilité et soupira en souriant. Il montra alors son index et son majeur et reprit.

– J'ai abandonné deux fois, même. La première fois, ce n'était clairement pas le moment. J'ai digéré l'information et puis quelques semaines après, j'en ai parlé à ma mère. Celle-ci a avoué être au courant mais n'avoir rien fait à l'époque alors... Je me suis mis en colère, j'ai commencé à chercher et puis j'ai fait face à de nombreuses impasses. J'avais... Des choses en tête qui m'ont empêché de rester concentré alors face à l'échec, j'ai lâché l'affaire. Je faisais ça pour mon frère. Pas pour moi. J'étais déjà dans un sale état, j'avais pas vraiment besoin de me coller une nièce sortie de nulle part dans les pattes alors que j'étais pas capable d'être en paix avec moi-même. Imagine ce que ça aurait pu donner sur toi...

Ian renifla en se grattant le côté du nez et il posa ses coudes sur ses genoux pour relever les yeux sur elle. Simplement pour lui montrer qu'il avait abandonné mais que ce n'était pas la fin de l'histoire. Qu'il n'avait pas toujours été celui qu'il disait être aujourd'hui. Lui non plus n'avait pas toujours été comme ça. Finalement, Hella avait de la chance. S'il était venu plus tôt, il l'aurait probablement abandonnée. Agitant les mains, il inspira profondément pour reprendre avec un grand sourire.

– Et puis j'ai rencontré Hayley, mon ex, elle m'a remis la tête sur les épaules et un jour, je lui ai parlé de toi, de mon frère. On a discuté, pendant des heures, elle a cherché à comprendre, à savoir et... Je me suis rendu compte que tu étais ce qu'il me restait de mon frère, un peu comme un héritage. Alors je suis allé voir ma mère, j'ai tenté de lui arracher des informations, ce qui s'est avéré plus aisé que je ne l'aurais imaginé. Et plus je cherchais, plus je m'enfonçais dans les pistes, plus j'avais ce... Je sais pas comment t'expliquer. Tu prenais forme petit à petit devant moi, tu prenais une identité humaine, une forme réelle. Tu n'étais plus juste une idée de mon frère ou de ma mère. Ni une promesse à laquelle Hayley m'avait rappelé. Avec elle, j'ai commencé à nourrir des envies de famille, je prenais de l'âge, mon environnement changeait jour après jour, je changeais jour après jour. Ma mère m'a fait promettre que si tu avais une vie correcte, je ne devais pas intervenir. Je crois que, même si j'ai tenté de me convaincre pendant des mois de ne rien faire si ça avait été le cas, je l'aurais fait quand même.

Ian pinça les lèvres en croisant les doigts pour la fixer un instant. Elle avait des petits détails qui rappelaient son frère mais pas tant que ça. Il se souvenait à peine de sa mère mais il en avait vu une photo et c'est vrai qu'il y avait un peu de ça, aussi. Au même âge ou presque, la mère de Hella était enceinte. De plus, le frère de Ian était mort à l'âge qu'il avait aujourd'hui... Coïncidences ? Ian aimait bien ce genre de hasard, c'étaient autant de signes qu'il ne pouvait ignorer. D'une petite voix, il sourit faiblement.

– Je crois qu'au fond, j'avais plus besoin de toi que toi de trouver ta famille.

Il haussa à nouveau les épaules en levant les sourcils, présumé coupable.

– Alors c'est devenu une obsession. J'ai fait jouer des relations, je suis parfois passé par des voies pas très légales. Ca m'a pris des mois, de très longs mois et quand j'ai eu le nom complet, c'est allé plus vite. Je n'ai pas vraiment de réponse au pourquoi, c'est comme ça, c'est tout. C'est quelque chose que je ressens. Tu saurais expliquer pourquoi tu voulais retrouver ta famille en dehors de vouloir savoir d'où tu venais et pourquoi tu étais dans la merde que tu connais aujourd'hui ? Tu sais, toi, définir ce qui te lie à ton ami Phen, si j'en crois ce que tu me dis ?

Il avait abandonné ?! Elle releva vers lui un regard interrogateur mêlé à un certain étonnement. Le type qui était venu frapper à sa porte tous les week-end, qui n’avait pas cessé de le faire malgré le fait qu’elle l’avait envoyé balader, claquer des portes au nez. Ce type-là, avait abandonné. Hella aurait pu être déçue d’apprendre ça mais, en réalité, ce n’était pas du tout le cas. Ian, avait abandonné et, merde, il en devenait humain. Ca l’avait même tellement étonnée qu’elle en avait marqué un temps d’arrêt avant de secouer doucement la tête et le regarder avec interrogation parce qu’elle voulait savoir comment et quand il avait fait ça.

Elle l’avait écouté, un coude sur son genou, le menton posé dans le creux de sa main. Même si elle l’avait voulu, elle n’aurait rien trouvé d’énervant dans le discours qu’il lui donnait. Il n’était pas que ce type qui ne lâchait pas l’affaire et ça avait presque quelque chose de rassurant, il avait ses limites, ses moments. Elle avait surtout retenu le passage qui disait qu’il n’avait pas été lui-même à un moment, lui rappelant qu’elle ne connaissait rien de sa vie. Militaire, un frère mort, une mère quelque part, un ex fiancée. Elle avait quelques grandes lignes, des évènements mais, elle n’avait rien sur lui, sur sa façon de gérer les choses, de les voir et les ressentir. Elle ne le connaissait pas et, étrangement, c’était la première fois qu’elle se disait qu’elle avait envie de remédier à cela. Elle avait fini par faire une moue, presque désolé qu’il puisse avoir eu, à un moment, avoir plus besoin d’une famille qu’elle. Ce n’était pas comparable, parce qu’il avait ses origines, des gens qui l’avait entouré mais, il faut croire que ça ne faisait pas tout.

Hella, dans sa position, avait froncé les sourcils quand il avait parlé de moyens pas toujours légaux. Elle ne le jugeait pas – elle en serait bien mal avisé – mais, elle n’aurait su le dire, elle l’avait imaginé étant plus que droit dans ses rangers, refusant tout ce qui n’était pas légale. Puis finalement, elle secoua la tête qu’elle venait de relever pour dire que, non, elle ne savait pas décrire ce qui pouvait exister entre elle et Phen. Enfin, elle savait que c’était un ami mais les pourquoi du comment lui échappaient… Elle ne voulait pas vraiment savoir en réalité, ça fonctionnait de cette manière alors, pourquoi chercher à creuser. Elle redressa le dos dans une inspiration.

«Je crois que… » Elle leva les yeux pour réfléchir dans une petite moue songeuse avant de redescendre son regard sur lui. «Tu vois, en fait, j’ai ai toujours voulu à mes parents et, le fait de les chercher. » Elle haussa les épaules. «Je me disais que si je savais qui ils étaient alors je pourrais enfin hurler sur quelqu’un, dire tout ce que j’avais à dire et peut-être, qu’à ce moment-là, je pourrais enfin me mettre à avancer et arrêter d’être en colère tout le temps. »

Passer à autre chose, c’est ça qu’elle avait voulu faire mais… Eh bien, les choses ne se passaient pas toujours comme prévu. Elle n’avait pas songé une seule seconde que ça serait un oncle qui allait débarqué et qui ne serait pas là, juste, pour de la curiosité. Il avait vraiment l’air d’avoir envie de la voir dans sa vie. Elle ne comprenait pas trop pourquoi, enfin, elle avait du mal à vouloir accepter cette idée mais ça commençait doucement à venir. Elle secoua la tête.

« Mais finalement, je ne sais pas, je crois que j’ai plus envie de savoir ce qui s’est passé. Enfin, pas tout de suite. »

Elle n’aurait su l’expliquer mais, dans le fond, elle avait juste envie d’arrêter d’être en colère en permanence et poser des questions sur ce qui avait conduit à son abandon était un sujet bien trop sensible au final. Elle en arrivait même à ce moment où elle trouvait que les choses étaient trop sérieuses, trop personnelles. Pas encore habituée à ce genre de discussion, elle n’avait pas envie d’aller vraiment plus loin. Peut-être qu’elle se disait que tout dire maintenant les mèneraient à ne plus rien avoir à se dire plus tard. Elle fini par relever les yeux vers lui dans un sourire.

« T’aurais utilisé ton joker sur quel genre de questions ? »

Ian comprenait tout à fait ce qu'elle ressentait. Il n'avait pas tout à fait été dans cette situation mais c'était à peu de choses près ce qu'il aurait aimé... Que son frère soit vivant pour pouvoir le défigurer. Ian n'était pas quelqu'un de très violent, cependant, il avait ses pulsions comme tout le monde. Et bizarrement... Cette colère envers son frère ne tombait pas. Plus il dévisageait Hella, plus la colère montait, au contraire. Comment pouvait-on agir comme ça face à une vie ? D'accord, la vie de cette gamine n'aurait jamais été rose ni riche. Mais au moins aurait-elle pu éviter qu'elle si pauvre et décadente. Cela dit, Ian ne s'autorisa pas à penser tout ça très longtemps, il était persuadé que Hella n'aurait pas apprécié. Il baissa la tête en acquiesçant, prenant un brin d'herbe entre ses doigts pour le couper à la racine. Il releva juste les yeux vers elle quand elle déclara ne plus vouloir savoir ses origines. Voilà qui était étonnant. Ian devait-il le prendre comme une victoire ?

Il releva le menton et se redressa complètement en la regardant lorsqu'elle posa sa question. Il eut même un sourire en promenant son regard ailleurs et coupa le brin d'herbe entre ses deux doigts. Doucement, il acquiesça et sourit un peu plus avant de reprendre.

– J'aurais sorti mon joker si tu m'avais demandé les circonstances de ta naissance. Je pense effectivement que c'est important que tu le saches, comment avancer si on ne sait pas d'où on vient, pas vrai ? Cela dit, on change pas le passé alors on n'est pas pressé. Ca ou... Si tu m'avais demandé pourquoi j'ai ni femme ni enfant. Cela dit, le jeu ce n'est pas de savoir à l'avance ce qu'on peut demander ou non, pas vrai ?

Il sourit encore plus en dodelinant de la tête. Comment Ian gérait-il sa vie ? Comme ça ! Avec humour et détachement. C'était bien ce qu'il y avait de plus sain à faire, finalement. A quoi bon remuer le passé quand on pouvait se contenter d'un futur plus simple ? D'accord, c'était New York, etc mais tout de même ! Ian était persuadé qu'on pouvait ivre tranquillement, même dans une grande ville. Cependant, à bien y réfléchir, Ian n'aurait posé un joker que sur une seule question... Si elle avait abordé la mort de son meilleur ami. Pourtant, il avait senti que c'était avec ça qu'il l'avait touchée, approchée et qu'il avait ouvert une brèche dans la forteresse de Hella. Mais il n'avait pas envie que la jeune fille soit face à cette personnalité de lui. Peut-être, si elle décidait de s'attacher à lui, alors oui. Sinon, non. Ian ne parlait absolument jamais de son meilleur ami. Parfois, il le mentionnait mais de façon superficielle ou bien sur une fraction de seconde. Etrangement, son frère n'avait pas droit aux mêmes faveurs. Dans Hella, probablement qu'il aurait eu droit à l'autel et aux hommages tous les ans, sur sa tombe. Mais avec cet aveu, cette révélation, l'abandon de ce mensonge, Ian ne se l'expliquait pas. Mais son frère, si longtemps admiré, avait perdu beaucoup de valeur tout à coup. Peut-être était-ce aussi une des raisons pour lesquelles il se voulait si protecteur et patient avec Hella. Il se sentait coupable à cause de son frère. Il jeta le brin d'herbe vers sa nièce et pencha la tête en l'interrogeant du regard.

– Et toi, pourquoi t'as pas de petit copain ?

Bien que Ian avait l’air étonné de ce qu’elle avait dit, concernant son refus d’en savoir plus sur ses origines, elle préféra ne pas s’en expliquer davantage. Elle n’avait pas envie de partir dans des explications qu’elle n’était pas certaine d’avoir elle-même, tout était encore un peu trop embrouillé et confus pour elle. Si elle devait lui expliquer, elle préférait être certaine des raisons avant de se lancer ou de revenir vers lui quand elle voudrait en savoir plus. Bien évidemment, ça avait quelque chose d’intriguant quand il donna la première question sur laquelle il aurait sorti son joker. Elle avait déjà eu l’occasion de tiquer sur les raisons qui faisait qu’une infirmière avait pu aider à Ian à la retrouver après toutes ses années. Il devait bien y avoir une histoire à raconter sur sa naissance mais, elle n’était pas certaine de vouloir la connaitre pour le moment. Elle y viendrait, c’était certain mais pas aujourd’hui.

Hella avait donc acquiescée doucement en se pinçant légèrement les lèvres. Non, ils n’étaient pas pressés d’aborder ce genre de sujet. Par ailleurs, elle n’aurait jamais pensé à lui demander pourquoi il n’avait ni femme, ni enfant, imaginant naïvement que c’était juste parce qu’il n’avait pas trouvé la bonne personne. Mais, apparemment, il y avait d’autres raisons derrière tout ça étant donné qu’il aurait profité de cette question pour sortir un joker. Et l’espace d’un très court instant, elle envisagea même de lui demander les circonstances de sa naissance pour le voir utiliser son seul et unique joker afin d’en venir à cette histoire de femme et enfant. Mais elle trouvait que ça avait quelque chose d’un peu déloyale et, surtout, elle n’avait pas envie qu’il change d’avis au dernier moment et se décide de lui expliquer sa naissance. Elle haussa les épaules, dans un sourire innocent.

«Y a pas de règles qui interdisent de savoir à l’avance. »

De toute façon la question qu’elle avait posée était une vraie question, le but était de savoir à quoi il n’avait pas envie de répondre, pour savoir les sujets qui pouvaient être délicat avec lui, ceux qu’elle devait apprendre à aborder sans mettre les deux pieds dans le plat le jour où elle voudrait des réponses. Elle s’en fichait un peu de cette histoire de joker, en réalité, mais cette question c’était aussi une manière d’en apprendre un peu plus sur lui, non ? Et autant dire que le brin d’herbe qui fut envoyé dans sa direction ne lui fit absolument pas peur, elle en avait juste sourit avant de manquer de s’étrangler avec sa propre respiration quand il posa sa question. Petit copain ?! Une toux plus tard, elle baissa les yeux vers le sol, le rouge lui montant rapidement aux joues. Elle n’avait rien à cacher vu qu’elle n’avait personne, c’est juste que ça avait quelque chose de gênant de parler de ça avec quelqu’un qu’elle connaissait à peine… Et en même temps, c’était probablement la personne – hormis Phen – à qui elle en avait le plus dit. L’ongle du pouce coincé entre ses dents, elle releva les yeux vers Ian, plissant légèrement les yeux comme si cette action allait lui permettre de pouvoir mieux réfléchir.

« Tu sais logiquement dans le « Et toi », ça suppose que tu ais répondu à la question avant… » Enfin, elle croyait que c’était comme ça, non ? Le « et toi » était bien une façon de retourner une question quand on avait eu la réponse de l’autre, non ? Bin peut-être pas mais, ce n’était pas bien grave. Elle haussa les épaules. « Je crois que t’es le seul à être aussi patient, je t’aie pas réservé un traitement de faveur juste parce que c’était toi. » une légère moue se dessina sur son visage « Je suis comme ça avec tout le monde, en fait alors autant dire que ça décourage assez vite. »

Ce qui était, d’ailleurs, parfaitement le but, Hella ne voulait personne dans sa vie. Si Phen avait fait office d’exception, elle devait bien avouer que Ian entrait doucement dans la même case. Ce qui n’empêchait pas Hella de douter, de flipper, de voir tout ça s’effondrer un jour, de comprendre qu’elle s’était plantée royalement sans savoir comment se relever par la suite. Elle balança les mains, comme une conclusion.

« J’ai le temps de toute façon, non ? »

Après tout, elle n’avait que 18 ans, un emploi du temps surchargé –ce qui l’arrangeait bien comme excuse pour ce sujet-là -, des projets à trouver, une vie à construire avant de pouvoir se décider à chercher quelqu’un… d’ailleurs le jour où elle en viendrait à se dire qu’elle veut quelqu’un dans sa vie, c’est qu’elle aura fait un putain de travail sur elle-même… Heureusement qu’elle ne payait pas son psy, sinon ça lui couterait une fortune.  Elle reporta son attention sur lui, dans un grand sourire amusé.

« J’aurais le droit de donner mon avis, quand tu rencontreras quelqu’un ? »

Ian pouffa de rire en laissant sa tête chavirer légèrement en arrière. Il acquiesça finalement en lui jetant un nouveau brin d'herbe.

– Bien sûr que tu pourras. J'en attends pas moins de toi. Un regard féminin sur une femme, c'est toujours intéressant ! Pis hey, ce sera ta tante alors autant que tu la choisisses bien.

C'était une façon de voir les choses comme une autre, après tout, non ? Mais Ian n'était pas resté insensible face au compliment de Hella. Son côté patient, il l'avait longuement cultivé. Quand bien même il n'avait jamais été très impatient, c'est toutefois quelque chose qu'il avait approfondi en rentrant à New York. Des accidents avaient été provoqués par ses impulsions, il était temps d'y mettre un terme. De plus, Hella demandait de sacrées ressources et comme il n'était pas, ni pour lui donner raison, ni pour abandonner sans donner de lui-même, alors la patience s'était offerte à lui comme un cadeau. Il avait haussé les épaules en baissant les yeux sur l'herbe avec laquelle il jouait. De plus, il savait que ce ne serait pas chose aisée que de renouer avec une adolescente avec un background pareil. C'aurait été lui ? Il aurait probablement tué plus d'une personne, juste par colère.

– Je n'attends pas de toi que tu me réserves un traitement de faveur. Pas plus que tu n'en bénéficieras un de ma part. Je veux dire… J'ai envie qu'on soit honnêtes l'un envers l'autre, tu vois ?

Il releva les yeux sur elle et ouvrit les mains. Pour lui, c'était une évidence, mais c'était toujours mieux à voix haute, pas vrai ? Ian ne mentait que pour le bien d'autrui, et encore, en dernier recours. Mais mentir, selon lui, c'était une très très très mauvaise idée et il détestait ça. Il se souvenait d'une anecdote avec son frère quand ils étaient jeunes. C'était étrange qu'il ne s'en souvienne que maintenant… Ian avait couvert son grand frère - qui faisait clairement plus de conneries que lui - en disant que cette fois, c'était lui le fautif. Reese, quant à lui, n'avait rien dit, il avait juste accepté le fait que son petit frère innocent prenne la punition pour lui. Et il avait été doublement puni quand sa mère s'était aperçue qu'il avait menti. Reese avait été réprimandé également mais Ian l'avait été deux fois, du coup. Malgré tout, c'était une leçon qu'il n'avait jamais apprise. C'était un bon mensonge. Et parfois, il fallait savoir protéger ceux que l'on aimait.

– Je n'ai pas plus envie de te cacher des choses que tu ne dois avoir peur de mes réactions pour certaines autres choses. Mais je ne te ferai pas l'affront de te considérer comme une pauvre petit fille pauvre à problèmes sans famille. Ca, tu peux compter sur moi. Ca n'a pas de but propre ! Mon but, c'est d'être là pour toi, c'est pas de te faire passer pour une victime attardée. J'ai aussi mon propre caractère, je te rassure ! Disons que je réagis autant que possible de façon utile. Tu étais en colère et alors quoi ? Ca aurait servi à quoi que je me mette en colère contre toi ? Sans pour autant te faire passer pour misérable, je suis incapable d'imaginer ce par quoi tu es passée. Je peux juste imaginer. Et je ne sais pas tout mais… Ce que je sais c'est que tu es quelqu'un de bien. Je sais aussi que j'ai moi-même un passé pas forcément reluisant donc… Inutile de regarder derrière, ça ne sert à rien, tu crois pas ? En tout cas, c'est mon point de vue.

Sans pour autant aimer la totale transparence, Ian aimait assez savoir où il allait. Donc il jouait de sincérité et d'honnêteté. Jusque là, ça avait plutôt bien porté ces fruits !

Deuxième brin d’herbe, elle avait souri en se demandant si Ian comptait lui balancer toute la pelouse de cette manière. Un jour, peut-être, si elle en avait l’occasion, elle lui balancerait un sac plein d’herbe coupée. Un juste retourne des choses, selon elle. Ce qui était assez étrange en fait, parce que, mine de rien, elle était en train de prévoir un « plus tard », supposant forcément qu’ils allaient se recroiser, se revoir. Une façon de penser un peu nouvelle pour elle. D’ailleurs, elle s’était retrouvée à faire une moue un peu étrange à l’évocation d’une tante. L’idée était vraiment étrange à son oreille. Accepter d’avoir un oncle était quelque chose, voir toute une famille autour c’était un peu hors de sa compréhension. Elle savait que Ian avait des parents et que, par extension, elle avait des grands-parents mais, son cerveau avait filtré cette information pour pas que ça fasse « trop » en même temps.

Ce n’était pas contre Ian, ce n’était même pas contre l’éventualité qu’il est quelqu’un c’est juste que… Un couple comme famille, c’était quelque chose qu’elle ne connaissait pas et c’était flippant. Et, bizarrement, ce qui était le plus flippant c’est qu’elle venait à peine de trouver Ian et que si quelqu’un d’autre entrait dans l’équation, elle pensait que lui s’éloignerait. Ça serait logique, après tout, il fallait bien qu’il vive sa vie, non ?  Ça n’empêchait pas qu’elle ne voyait pas cela du bon œil mais, tout de même, après cette moue un peu dérangée à l’idée d’une tante, elle tenta un sourire, un peu forcée avant de baisser le visage vers l’herbe en se sachant peu convaincante, évitant toute réponse à ce sujet.

Elle ne relava la tête, un peu étonnée mais, agréablement surprise, quand il parla du fait de ne pas laisser passer un traitement de faveur. Enfin, ça avait été l’une de ses première crainte, qu’il joue une sorte de jeu, juste pour se rapprocher, se rendre compte qu’il en avait marre et finir par partir. Mais, à l’écouter, ce n’était pas le cas, il était juste réellement comme ça alors, forcément, ça avait quelque chose de rassurant. Elle hocha la tête, positivement, un brin d’herbe entre les doigts. Oui, elle voyait ce qu’il voulait dire même si techniquement, elle n’avait pas été spécialement honnête, elle avait juste agit comme elle agissait tout le temps en faisant en sorte d’éloigner les gens. En soit, et la tirade qu’il venait de dire le prouvait, Ian avait bien réagit avec elle depuis le début, de manière bien plus réfléchi et mature que ce qu’elle avait été capable de faire.

« J’ai… Je… »

Elle bloqua une inspiration, en s’interrogeant elle-même sur ce qu’elle voulait dire. Lâchant son brin d’herbe, elle quitta sa position en tailleurs pour remonter les genoux contre elle et enrouler ses bras autour de ses jambes tout en posant le menton sur le haut de ses genoux, le regard sur Ian.

« J’sais pas. J’veux dire, y a des choses où j’ai besoin de regarder en arrière parce que, tu vois, je crois qu’en fait y a des situations que j’ai pas envie de voir se reproduire. Ce qui est débile comme raisonnement parce que, je suis là, tu es là, on est en train de parler alors que si je continuais à suivre mon raisonnement, je devrais juste être en train de courir le plus loin possible de toi. »

Fuir était encore la chose qu’elle savait le mieux faire en toute circonstance, surtout quand il s’agissait de faire entrer quelqu’un dans sa vie. Et, honnêtement, si Phen n’y était pas rentré, dans sa vie, elle ne saurait pas là à discuter. Si c’était possible avec Phen, c’est que ça devait être possible avec quelqu’un d’autre, non ? Elle redressa la tête, dans un sourire.

« Mais peu importe, t’es là, j’suis là alors le reste… » Elle haussa les épaules, l’air de dire que ça n’avait pas de grande importance. « Puis tu sais, en fait, je ne me sens pas plus mal lotie de quelqu’un d’autre. Enfin, j’veux dire, y a pire comme histoire. »

Il y avait mieux mais bon, elle n’avait pas fini sur un trottoir, elle n’avait pas… Elle avait simplement fait des mauvais choix qui lui était imputables à elle, pas à quelqu’un d’autre. L’avantage quand on est orpheline c’est qu’on grandi avec des personnes qui sont dans la même situation, qui ont les même interrogations, les même colères. Y a même de quoi se sentir normale dans ce genre de situation. Son problème avait juste été une succession d’abandon et de mauvais choix pour se sortir de tout ça. Enfin il y avait un tas de chose qu’elle regrettait, qu’elle aurait préféré ne pas vivre mais, maintenant que c’était fait… Elle n’avait pas le pouvoir de remonter le temps. De toute façon, les gens avaient un peu trop tendance à la traiter comme un cas social alors, si Ian évitait ce point, c’était carrément une bonne chose.

« Le truc, tu vois, c’est que ne plus regarder en arrière ça veut dire regarder devant et… Franchement, je ne sais vraiment pas ce que je veux faire ou ce que je veux devenir »

Elle eut une moue déçue par ce fait, s’en voulant même de ne pas savoir ce qu’elle avait envie de devenir. Son avenir avait tellement été tracé par un contrat de conditionnel, qu’elle n’avait pas songé à la possibilité de se détacher de l’institut. Aujourd’hui, son psy lui en donnait l’occasion et… Merde, c’était juste le vide total.[/color]

Ian avait-il une influence sur la façon de penser de Hella ? Il eut un léger sourire, seuls les yeux levés vers elle pour la regarder s'emmêler les pinceaux. Etait-elle en train d'avouer qu'il avait gagné ? (d'une certaine manière). Il ne remportait toujours pas la guerre mais elle acceptait, un temps soit peu, de s'attacher à lui. Suffisamment pour ne pas détaler comme un lapin sur le champs. Hella était une sacré force. Elle arrivait encore à positiver et pourtant, elle avait toutes les raisons de ne pas vouloir le faire. Aussi craintive qu'elle pouvait être, elle restait optimiste. Si elle s'écoutait, elle serait loin et elle ne l'était pas. Elle avait besoin d'un regard sur le passé et pourtant, elle voulait voir l'avenir. Dans un soupir, il se laissa tomber sur le flanc et posa sa tête dans sa main pour la regarder avec un sourire.

_ Tu sais, ne pas regarder en arrière ne veut pas dire oublier ce qu'on a traversé. Il ne s'agit pas de ranger tout son passé dans un coffre fort fermé à double tour. Simplement, de ne pas s'y attarder. Le passé, c'est important pour se rappeler d'où on vient, ça permet d'avancer. Sur ce point-là je suis d'accord avec toi. Et une situation ne peut pas se reproduire si tu en apprends la leçon. Bien sûr qu'il y a pire comme situation, tu t'en sors plutôt bien, même ! Mais ta vie aurait pu être tellement plus si on t'en avait donné l'occasion.

Avec le temps, sa colère et son amertume envers ses parents s'atténueraient. Mais pour l'instant, il leur voulait toujours de n'avoir rien fait pour Hella quand ils en avaient l'occasion. Il se dit que, sûrement à l'époque, les raisons étaient évidentes et que sa mère n'avait sûrement pas pu faire autrement. Mais Ian pensait différemment. C'était la raison pour laquelle il était là, avec elle, d'ailleurs, n'est-ce pas ? Quand on veut, on peut. Ian possédait une grande force de volonté et... bizarrement, il tenait ça des enseignements de son frère pendant l'armée.

Voilà une chose qui venait à l'esprit de Ian sans vraiment réfléchir : Hella. Sûrement qu'une part de lui essayait de l'acheter sans qu'il n'en soit véritablement conscient, après tout. Mais quand il en venait à Hella, il avait tellement envie de lui apporter de bonnes choses qu'il n'y pensait pas, ça venait tout seul, ça sortait tout seul. C'était une logique imparable pour lui. Alors pour le futur de Hella, ce qu'elle envisagerait de devenir, les études qu'elle déciderait d'entreprendre, il voudrait être là pour la soutenir et l'aider, l'accompagner. Et ça signifiait également de façon financière. Mais ça, il n'en dit rien, il ne voulait pas la brusquer ou faire montre de trop de présence, il ne voulait pas l'envahir. Alors il se contenta de pencher la tête dans un sourire.

_ Certains organismes peuvent t'aider à identifier tes compétences, peut-être même en découvrir certaines insoupçonnées. La question, c'est de savoir ce que tu sais faire mais aussi ce que tu voudrais devenir. Est-ce que tu veux t'engager à être connue, participer à une cause, est-ce que tu veux aider les gens, est-ce que tu veux te promettre à quelque chose de plus banal, quelque chose qui bouge ou qui ne bouge pas ? Là où je bosse, je crois qu'ils cherchent une assistante pour le big boss. Si tu veux essayer et voir si ça te convient, je peux t'arranger un rendez-vous... Dis-moi ce que tu aimes faire, peu importe ce que c'est ?

Et quoi qu'elle choisirait dans sa vie, il se ferait la promesse de l'aider. Devenir sénatrice ou la jolie serveuse du quartier, il le ferait. Il ferait ce que personne n'avait su faire pour elle alors qu'ils auraient dû. Même... Ce qu'il ne comprenait pas totalement et qui lui échappait.

_ Est-ce que tu veux faire quelque chose pour la cause des mutants ? Genre, porte parole ou ce genre de choses, tu vois ? Tu as envie d'être quelqu'un ou de te fondre dans la masse ? Sachant que tu peux être quelqu'un pour toi même et ton entourage sans t'encombrer d'une population la plupart du temps ingrate.

Hella, le menton de nouveau sur ses genoux, écouta. Parce qu’elle n’avait que ça à faire, parce qu’elle en avait envie. Son entourage, restreint, n’était pas constitué de grandes personnes, elle côtoyait des gens de son âge avec autant d’expérience qu’elle pouvait en avoir. Pas grand-chose en soi. Elle avait son vécu mais, elle n’entrait pas cela dans l’expérience que pouvait apporter l’âge parce que, finalement, quand on est jeune les choses sont vus de manières bien différentes. Alors quand Ian se mettait à parler de regarder ou non derrière soi, elle écoutait parce qu’il savait bien mieux qu’elle de quoi il parlait, parce que c’était comme une sorte de conseil que, finalement, elle avait envie d’écouter. Qu’elle l’applique ou pas, était une autre histoire.

Elle n’avait pas souri mais avait légèrement pincé les lèvres quand il estima qu’elle s’en sortait bien. C’était un point de vue, les gens extérieurs voyaient toujours une situation d’un œil différent que la personne qui vivait la dite situation. Elle, comme beaucoup de personne au final, partait du principe qu’elle aurait pu s’en sortir encore mieux et, de ce fait, elle n’estimait pas que sa vie était une réussite. Mais, objectivement parlant, elle avait 18 ans, toute sa vie était devant elle, non ? On lui offrait la possibilité de s’améliorer, de faire de meilleurs choix, c’était un peu nouveau pour elle, elle avait du mal à se faire à l’idée mais ça avait quelque chose de séduisant. Ce qui était certain c’est que ce n’était pas avec lui qu’elle avait envie de parler de ce qu’aurait pu être sa vie ou non, dans d’autres circonstances.

Hella pencha légèrement la tête sur le côté, l’ongle du pouce entre les dents à l’écouter concernant ce qu’elle pouvait faire. Elle ne s’était tellement pas posé la question qu’elle n’avait pas songé à ce genre d’organisme. Fronçant le nez, elle secoua doucement la tête, elle n’était pas faite pour de « grande » chose, du moins pas qu’elle le sache, elle ne s’en sentait pas capable. Sa proposition pour l’endroit où il bossait, créa un nouveau secouage de tête. Hors de question de bosser avec lui parce que… Parce que c’était revenir à lui demander de l’aide, ça avait même un goût de piston et, si elle devait faire quelque chose, elle voulait le faire par elle-même. Ca et le fait qu’elle ne savait pas ce que ça pouvait donner et, si elle devait éclater les dents d’un patron, elle préférait que ça n’ait pas de répercussion sur le boulot de Ian.

« Hors de question pour ton boss » Moue sur les lèvres, visage relever, fallait voir comment elle secouait vivement la tête. On comprenait direct qu’elle ne voulait pas. « Ça serait vraiment trop bizarre » Autant, elle voulait bien lui donner une chance d’être dans sa vie mais, bosser au même endroit que lui. Non merci. « Puis on oublie l’histoire du porte-parole truc muche, parce que, d’une, c’est pas mon truc et de deux, je ne serais pas crédible dans ce rôle »

Elle parlait de son pouvoir. Parler de la difficulté que pouvait avoir les mutants de nos jours alors qu’elle restait humaine si aucun mutant n’était dans le coin, ça n’avait rien de crédible selon elle. Et, elle ne parlait pas de son incapacité sociale à parler avec les gens de manière… Bin disons qu’elle n’avait jamais été le genre de personne à faire vibrer des foules sous un discours bien rodé.  Détendant ses jambes, Hella avait fini par s’allonger sur l’herbe, les bras croisés derrière la tête, les yeux rivés vers le ciel, plongé dans ses réflexions avant de se décider à ouvrir à nouveau la bouche.

« Quand j’étais à l’orphelinat, je trainais toujours avec une fille. Alice. L’une n’était jamais sans l’autre et, bin comme toutes les gamines, on avait nos plans pour le futur, tu vois. On s’était promis qu’on ferait des études dans le médical, genre infirmière, qu’on se trouverait un hôpital ensemble et qu’on y bosserait ensemble. »

Ses yeux n’avaient pas décrochés du ciel, parce qu’elle n’avait pas envie de croiser le regard de qui que ce soit quand elle parlait d’Alice. D’ailleurs, elle avait même enfoui cette envie qu’elles avaient eu toutes les deux. A une époque ce choix de carrière était vraiment une envie mais, il l’était à deux. Alice était morte et, cette idée avait disparu avec elle parce que ça ne semblait plus être la même chose. Hella avait, en quelque sorte, l’impression que si elle songeait à ce choix de carrière c’était un peu comme une trahison parce qu’elle avait promis de le faire à deux… Pas toute seule.

« De toute façon, ça ne serait pas pour tout de suite, j’ai le temps d’y réfléchir. Pour l’instant j’suis bloquée avec l’institut et mes heures au commissariat, sans parler du fait que niveau financement ce n’est pas ça. »

Et dans son esprit, elle ne disait même pas cela comme un appel à ce qu’il l’aide, elle énonçait juste une réalité. Hella n’avait pas les moyens, aujourd’hui, de reprendre des études coutante. Cela dit, c’était le cas de beaucoup d’étudiant, si elle arrivait à se libérer de son contrat, rien ne l’empêchait de se trouver un petit boulot et essayer de financer ses études elle-même. Et là, elle se redressa soudainement, pointant son regard dans celui de Ian.

« Han, non je sais ce que je veux faire. Call-Girl, ça c’est classe ! »

Elle avait essayé, vraiment essayer de rester sérieuse mais, finalement, vu que cette phrase ne l’était pas, Hella avait fini par laisser passer un éclat de rire.

Ian fronça les sourcils en grimaçant légèrement. Comment ça, pas crédible ? Bien sûr que si ! Elle ne voulait pas, d'accord, dont acte. Ian, dans sa situation, aurait probablement refusé également. Mais il ne s'agissait pas de piston en plus. Bon, d'accord, il aurait donné son nom à Hayley pour qu'elle le fasse passer vu qu'elle avait toujours été dans les petits papiers du patron, mais tout de même.

Elle était partie "loin" à l'énonciation de son amie Alice. Ian pencha la tête en l'observant, se demandant s'il devait poser la question, vu qu'elle parlait au passé. En orphelinat, ça pouvait être quelqu'un perdu de vue. Mais c'était une nouvelle confession de plus, selon lui. A demi mot, mais elle parlait d'elle, de quelque chose qu'elle avait vécu, connu et qui lui avait visiblement appris quelque chose.

L'institut, encore cet institut... Ian n'osait toujours pas demander concrètement de quoi il s'agissait. On leur apprenait à se servir de leurs pouvoirs mais qu'en étaient-ils des cours ? Des cours d'histoire, de géographie, qu'en était-il de leur connaissance générale ? C'était surtout sur ce point là que Ian s'inquiétait. Quant à l'aspect financier, il ouvrit la bouche pour protester que ce n'était pas un problème mais elle se redressa soudainement à ce moment-là. Et ce qu'elle dit lui fit écarquiller les yeux. Il eut une réminiscence d'une anecdote. Ian n'avait pas fait beaucoup de bêtises dans sa vie mais niveau relations féminines, il avait été bien plus avancé que son frère. Et quand sa mère l'avait compris, de ses yeux vu, l'expression qu'elle avait affichée était celle que Ian avait maintenant. Des yeux ronds, une impression d'être choqué et de ne pas savoir comment répondre.

_ Euh... Non ?

Il l'interrogea du regard. Elle plaisantait, de toute évidence, pas vrai ? Mais on ne plaisantait pas sur ça ! Non non ! Il se racla la gorge et se redressa en riant avant de se gratter la nuque.

_ Tu seras call-girl, oui, si tu veux... Le jour où je serai mort ! Et j'aime autant te dire que c'est pas demain la veille ! Me suis pas cogné 8 ans d'Irak et d'Afghanistan pour me faire avoir maintenant, je te prie de me croire !

Il agita une main et acquiesça, l'air de dire "Non mais oh, écoute ce que je te dis !". Il se souvenait aussi être sorti une fois avec une call girl. Dans le genre, il avait fait fantasmer tous ses potes ! Mais ça avait ses mauvais côtés. Si Ian avait découvert plein de choses, il savait aussi que c'était loin d'être une vie de rêve. C'était un peu l'esclavagisme moderne, tout compte fait.

_ En plus, y a pas besoin d'études pour être call girl. Quitte à regarder ce que tu peux faire, autant y voir des études, non ?

Il la désigna d'une main en haussant les sourcils et secoua la tête à l'évidence.

_ Infirmière ! C'est bien, infirmière ! Tu aides les gens, tu fais un travail aussi passionnant qu'épuisant, c'est une excellente école de la vie ! J'ai connu une infirmière en Irak... Elles font pas semblant de bosser, ces filles là...

Il se gratta le coin de la lèvre en regardant ailleurs. Oui, Ian avait connu... beaucoup de filles. Blâmez-le. Il renifla et la désigna du menton.

_ Quel genre d'infirmière ? Il est pas trop tard, après tout, non ?

Hella aurait pu se demander si faire de l’humour sur ce genre de sujet était une bonne chose ou non mais, quand elle vit la tête qu’il avait faite… Pff, elle trouvait que ça valait carrément le coup, juste pour le voir avec ses grands yeux ouverts. Elle ne put s’empêcher de rire un peu plus quand il estima qu’elle pouvait faire ce métier-là, une fois qu’il serait mort. C’est un sourire aux lèvres qu’elle l’écouta parler du fait que ce n’était pas près d’arriver.

« Oh mais je te crois, l’arrivée d’une nièce dans ta vie ne peut pas rivaliser avec 8 ans de guerre »

Le pire dans tout ça c’est que ça sonnait presque comme un défi. Enfin, elle n’allait pas chercher à le tuer – non maiho – et elle était loin de dénigrer les huit ans qu’il avait vécu mais… L’arrivée d’une adolescente dans la vie de quelqu’un, c’était quand même comme une sorte de mini-tornade. Rien de comparable avec l’Irak and co, mais ça restait une autre sorte de défi, non ? Et, bien que cette phrase ait été dite de manière amusée, c’était la première fois qu’elle exprimait à voix haute le fait d’être la nièce de quelqu’un. Ça n’avait pas vraiment été le cas jusqu’à présent, comme le fait qu’elle ne l’avait jamais considéré ouvertement comme son oncle. Quoiqu’il en soit, ça l’aura bien fait rire, juste pour la tête et les réponses qu’il avait pu faire. Et, soyons honnête, elle aurait pu pousser le vice en disant que les call-girl pouvait aussi se déguiser en infirmière et qu’elle voulait être ce genre-là mais, elle trouvait que c’était pousser un peu trop sur un métier qu’elle ne prenait pas si à la légère que ça.

«j’sais pas trop, les urgences, ou alors dans une association humanitaire, histoire de voir commence ça se passe ailleurs. »

Voyager, notamment dans les pays pauvres ou en guerre, il parait que ça aide à relativiser les choses. Elle ne pensait pas en avoir besoin, du moins, elle ne voulait pas que cette envie soit une sorte de thérapie pour elle mais, au moins, elle pouvait peut-être aider des gens qui en avaient vraiment besoin, non ? Tout ce qu’elle voulait c’était de ne pas entrer dans les clichés qui l’avaient entouré en la voyant comme un cas social avant de la voir comme une personne. Plaindre les gens, ce n’étaient pas vraiment les aider.

« Tu l’as connais toujours cette infirmière ? j’veux dire, peut-être que je pourrais lui poser des questions. »

Elle avait à peine prononcé sa phrase qu’elle était déjà en train de se pincer les lèvres. Après tout, il l’avait connue en Irak alors, ça se trouve… Le problème avec la guerre c’est que les gens avaient une forte probabilité d’y mourir alors poser ce genre de question n’étaient peut-être pas la meilleure idée qu’elle avait eu. Elle avait apprécié que ian ne pose pas de question sur cette fameuse Alice et, elle, en contrepartie, elle foutait les pieds dans le plats. Pas terrible comme nièce. Elle avait fini par hausser les épaules.

« Non, non, je suppose que ce n’est pas trop tard. Enfin, en même temps, je ne suis même pas certaine qu’il y ait un âge limite. » Elle leva les yeux dans un sourire évident « Bon, sauf si on est aussi vieux que toi, là, je pense que ça devient limite mais, comme j’en suis loin. » Elle reporta son attention sur lui, toujours dans un sourire. « Faut juste que je me renseigne sur mes possibilités et aussi sur ce que j’ai vraiment envie de faire. »

La semaine qui viendrait serait consacrée en partie à ça, elle rappellerait son psy pour lui parler de cette proposition qu’il avait pu lui faire. Finalement, sans même le savoir, elle allait faire exactement ce qu’il voulait qu’elle fasse. Enfin, à un détail près, elle était loin de s’isoler, surtout avec la ténacité qu’avait pu faire preuve Ian. Captain america… Pfff, il n’arrivait même pas à la cheville de ce type-là !

Quand elle s'était mise à rire, il avait hoché la tête l'air de rire "C'est ça, fous toi de ma gueule, sale ado rebelle". Mais il avait fini par rire avec elle en souriant. Il était reparti jouer avec l'herbe en l'écoutant quand elle parla d'humanitaire. Il releva alors les yeux sur elle pour être plus attentif. Comment ça se passe ailleurs ? Il lui faudrait sûrement une meilleure motivation que celle-ci sur le papier. Cependant, comment pouvait-il la juger, elle ne faisait qu'énoncer des idées. Celle-ci mènerait probablement à une autre. De plus, il ne la connaissait pas suffisamment pour savoir si oui ou non elle était faite pour l'humanitaire. Il avait envie de dire oui. Que sa nièce idéale adorerait l'humanitaire. Mais il savait un peu comment ça fonctionnait pour l'avoir vu. Plein d'organisations étaient bien huilées après tout mais Ian ne pouvait se résigner à la laisser partir, on ne sait où, pour faire dans l'humanitaire. Pas qu'il ne voyait que le mal dans le pays... Mais elle était sa nièce. Et c'était un risque qu'il ne prendrait pas. A sa nouvelle question, il haussa une épaule.

_ Non, elle est rentrée au pays avant moi et je n'ai pas cherché à avoir de contacts. Je l'avais presque oubliée avant de t'en parler. Mais je connais pas mal d'infirmières dans mon entourage. Je n'ai plus besoin de les voir maintenant mais j'ai gardé contact avec certaines d'entre elles. Des infirmiers aussi, le métier n'est pas réservé qu'aux femmes.

Il sourit, puis reprit.

_ Mais toutes celles que j'ai rencontrées en Irak ou ailleurs pendant cette période faisaient presque toutes dans l'humanitaire. C'est une piste à creuser, j'imagine. Si tu veux, je peux me renseigner ! Je peux te trouver genre des dépliants de communication ou de sensibilisation. Tu as la croix rouge, ce genre de trucs... Être infirmière, aujourd'hui je crois surtout que c'est un métier un peu bâtard. J'entends par là que c'est tellement vague et ouvert, les possibilités qu'on peut avoir aujourd'hui. Tu ne peux pas être chirurgien plastique partout. Tu fais 15 ans d'études pour être condamné à gonfler des nibards, des lèvres de toutes sortes pour enlaidir les gens, mais avec moins que ça, tu peux aider les gens à travers le monde, et pas seulement avec une bouteille d'alcool, du fil et une aiguille. Avec des mots, aussi. Je sais de quoi je parle.

Il lui sourit un peu plus, comme pour lui montrer qu'il revenait de loin, sans pour autant chercher à se faire plaindre lui non plus. Et quand elle le traita "de vieux", il lui envoya un pied dans la cuisse pour la bousculer en riant. Etait-il si vieux que ça ? Il sentait qu'il avait à la fois trop vécu et qu'en même temps, c'était toujours un ado dans sa tête. Il pensait souvent aux filles, il buvait beaucoup de bières, il plaisantait de trucs débiles avec ses copains et il grognait encore contre ses parents ! Alors non, l'arrivée d'une nièce, ado qui plus est, dans sa vie, c'était plus un ravissement qu'autre chose, c'était comme... Avoir enfin quelqu'un avec qui jouer. Bientôt, Hella serait bien plus sa soeur que sa nièce, au final. Il n'en serait que pire en terme de protection si elle atteignait ce niveau de relation. La guerre lui avait appris la vie, l'avait aidé à grandir. Mais ça ne l'avait pas fait vieillir.

Il se laissa retomber sur le dos et joua avec le ballon de football en le lançant en l'air pour le rattraper. Tout en continuant de parler, il fit tourner la balle en l'air en la suivant des yeux.

_ Tu as, de toute façon, bien le temps d'y réfléchir. Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu me demandes... Je m'exécute.

Il disait souvent ça en ce moment mais après tout, c'était vrai, pas vrai ? Ian était quelqu'un de très serviable. Il fronça les sourcils et se tourna sur le côté, l'air soucieux.

_ Ce n'est pas très correct ce que je vais te dire mais... Renseigne-toi sur l'humanitaire si tu veux, c'est intéressant mais tu sais, on n'y voit pas forcément que des trucs super joli. Que ce soient l'Irak ou l'Afghanistan, il y a aussi le Cambodge, la Côte d'Ivoire, l'Afrique du Sud, le Brésil, l'Inde ou même Haïti... Je veux dire, aussi beaux que soient ces endroits - et je parle ici de l'Afghanistan comme du reste - je serais pas des masses tranquille à te savoir par là-bas. Je te soutiendrais éventuellement si c'est vraiment ce que tu veux ! Mais ne m'en veux pas si j'essaye de te retenir quand même... D'accord ?

D’une certaine manière, elle était contente d’apprendre que l’infirmière en question était rentrée au pays. Au moins, elle n’avait pas fait de gaffe, elle n’était pas morte dans l’exercice de ses fonctions créant de mauvais souvenir à Ian, dont elle ignorait la nature de la relation avec cette femme. Du coup, quand il expliqua en avoir d’autre dans son entourage et, aussi des hommes, c’est un sourire amusé qui se dessina sur les lèvres d’Hella.

« Cool, tu me les présentera alors ? » Son sourire s’accentua un peu « …Les infirmiers, je veux dire. »

Infirmier, Infirmière, ça ne faisait pas de grande différence pour elle en réalité, elle avait juste envie de le chercher un peu. Ce qui ne l’empêcha pas de l’écouter avec une certaine attention. Elle avait tellement oublié cette idée, elle l’avait mise dans un tiroir depuis tellement de temps, qu’elle savait qu’elle devrait se renseigner. Elle avait changé aussi, peut-être que c’était un choix de carrière qui ne lui correspondait plus vraiment. Alors tout ce qu’il pouvait dire était digne d’intérêt. Elle ne se voyait pas partir dans des années et des années d’études, l’école ce n’était pas tellement son truc, elle avait juste besoin d’être active. Rester derrière un bureau, pas son truc non plus, elle avait eu de quoi tester au commissariat.

Dans le sérieux de son écoute, elle lâcha une plainte, amusée, souriante, quand il lui envoya son pied ce qui eut le don de la renvoyer sur le sol où, maintenant qu’elle y était, elle se positionna sur le flanc. Le coude par terre, sa main lui servait de repose tête. Elle ne répondit pas au fait qu’elle avait simplement besoin de lui demander quelque chose pour qu’il l’aide. Elle avait envie de se débrouiller toute seule. Enfin, elle voulait bien le faire participer, en lui demandant de l’aide sur des recherches, en allant lui demander son avis mais, elle ne lui demanderait pas plus. Elle pensait même que la discussion allait s’arrêter là, parce qu’elle devait y réfléchir. Du coup, elle fut étonnée – ce qui se vit sur son visage – quand Ian se tourna vers elle, l’air carrément sérieux, voir même… euh soucieux ?

« Tu sais, si je veux aller dans un autre pays ce n’est pas parce qu’il est joli. J’en ai un peu rien à foutre de ça. »

C’est juste qu’elle trouvait presque indécent de rester ici à aider des gens qui se pointait à l’hosto pour un oui ou pour un non, alors qu’ailleurs, les soins étaient une notion presque inconnu. Ca et un tas d’autres choses dont elle n’avait pas spécialement envie de parler. Hella roule sur le sol pour finir sur le ventre, les deux coudes appuyés dans l’herbe et la tête relevée vers Ian, elle le désigna de la main.

« Un conseil si ce genre de chose venait à arriver. Essayer de me convaincre de rester est une chose mais, si c’est le cas, ne sort jamais un truc du genre : Il faut que tu restes » Elle afficha un air désolé avant de reprendre. « Si vous êtes tous militaires dans la famille, je dois avoir hérité du gène « Contre militaire » » Elle avait dessiné des guillemets dans les airs. « Ce que je veux dire c’est que, je sais pas, c’est plus fort que moi, dis-moi de faire ou ne pas faire quelque chose et je me sens obligé de faire le contraire. »

Une véritable tare parce que, ouais, elle était capable de partir à l’autre bout du monde juste parce qu’on lui avait dit de ne pas le faire. Dès que ça sonnait comme un ordre et non pas une simple suggestion, deux neurones dans son cerveau se touchaient et, boom, elle disjonctait complètement. Elle ne lui disait pas pour qu’il la mette à l’épreuve ou pour qu’il puisse essayer de jouer avec ça. Elle lui disait parce que, si vraiment, il s’inquiétait de la voir partir, elle voulait être certaine qu’il sache comment s’y prendre à ce moment-là. Bon après elle ne faisait pas systématiquement le contraire de ce qu’on lui demandait, il devait y avoir certaine circonstances derrière mais, dans le doute, elle préférait qu’il soit au courant. Elle désigna le ballon qu’il avait dans les mains d’un mouvement de tête.

« T’y à jouer ou, c’est juste une habitude de tripoteur un ballon quand tu sais pas quoi faire de tes mains ? »

Ian sourit. Lui présenter des infirmiers ? Volontiers. Il hocha la tête, aussi amusé que possiblement sérieux. S'il n'y avait que ça pour lui faire plaisir. Cela dit, il ne connaissait pas ses goûts et il n'était pas certain de pouvoir choisir pour elle le meilleur infirmier ! Normalement, il devrait même la consigner dans sa chambre jusqu'à ses 21 ans ! Mais quelque chose lui dit que ça ne servirait à rien. Et puis elle avait 18 ans et il serait bien mal placé de lui interdire de voir des garçons quand, déjà, on a pas été là pendant 18 ans et que, soi-même, on s'est attaqué aux jolies filles bien avant cet âge-là.

Il pencha la tête pour l'écouter et pouffa de rire en regardant ailleurs. Si elle se fichait bien du pays, c'était dommage ! Traverser le monde pour aider les gens sans se donner un temps pour soi, c'était vraiment dommage. Pas un pays qu'il avait traversé - il n'avait pas connu QUE cette guerre du 11 septembre - sans en visiter un peu le paysage. D'ailleurs, à y songer, il avait bien envie de repartir. Avec juste un sac sur le dos, il voudrait aller en Asie. La Chine, la Mongolie, le Viet-Nam, Ian avait des envies d'aventures sans pour autant avoir besoin de porter un fusil ou tout un uniforme hyper sophistiqué à l'épreuve des balles. C'était décidé, ses prochaines vacances, il partirait en Chine ! Mais ça voudrait dire laisser Hella ? Il l'embarquerait avec lui ! Une sorte de chemin d'initiation pour elle, autant que pour lui. Il cligna des yeux et se recentra sur elle alors qu'elle parlait. Son caractère, ça ne l'étonnait pas plus que ça. Son frère avait été comme ça. Bien qu'il ait pris le rôle militaire avant Ian, il n'était pas du genre à accepter les ordres. Mais c'était souvent Ian qui les défiait. Ce n'était pas parce que le choix de carrière de tous les hommes et femmes de cette famille étaient identiques qu'il fallait y voir une sorte de moutonnage. Ian sourit alors et secoua la tête.

– Non, mon rôle n'est pas de t'empêcher de partir si tu le souhaites. Simplement de m'assurer que tu fais bien attention et que c'est vraiment ce que tu veux. Tu sais, que ce soit mon frère ou moi, recevoir des ordres, c'est pas trop notre truc non plus. C'était encore moins le mien que le sien. Je n'ai pas de problème avec l'autorité, je suis simplement buté !

Ian haussa les épaules et leva les sourcils en ouvrant les mains vers le ciel. Comment pouvait-il s'empêcher d'être qui il était. Cependant, c'était précisément ce genre de caractère qui avait mené son frère et toute son unité à sa perte. C'était aussi ce comportement qui avait révélé Hella à lui. Il continua de jouer avec le ballon en lui souriant. A sa nouvelle question, il baissa les yeux dessus et réfléchit un instant. C'était vrai qu'il adorait ce ballon pour s'occuper les mains. Il commençait à avoir mal au derrière et Ian était incapable de rester assis sans rien faire. Il n'avait pas de chips non plus, ni de sucette pour s'occuper les mains. Le ballon était son dernier recours. Et quand il n'avait rien de tout ça… Et bien souvent, il y avait une jolie fille face à lui. Et il trouvait très vite quoi faire de ses dix doigts. A nouveau, il haussa les épaules.

– Les deux. J'y ai joué longtemps au lycée.

Ian était alors quelqu'un d'assez populaire, finalement ! Mais pas autant que son frère.

– Mais en rentrant à New York, les premiers temps, j'ai passé un moment en clinique, institut, ce que tu veux, ce genre de trucs où on te dit "Nan, tu bouges pas, tu restes là". Ce qui m'a forcé à arrêter de fumer et pour ne rien te cacher, au début, il me fallait des trucs pour compenser. Les infirmières étaient suffisamment gentille pour me coller des sucettes ou, les jours d'exception… des chips ! Et ma mère m'a apporté ce ballon. Heureusement… Cette période n'a pas été trop longue sinon je crois que je me serais foutu par la fenêtre ! Je déteste rester là à rien faire et à attendre que ça se passe. On ne pouvait pas dire que je foutais rien de mes journées là-bas alors revenir ici et devoir regarder "Days of Our Lives" à la télé, j'aime autant te dire que c'était un supplice. Hey.

Ian croisa les jambes et posa ses coudes et ses genoux. Il jouait toujours avec le ballon entre ses deux index et il se pencha légèrement vers elle.

– Si tu veux voir du pays, je sais où aller. Je peux même nous emmener un peu partout. Quand t'auras fini tes trucs d'intérêt général et que j'aurais un peu de vacances, ça te dirait d'aller découvrir un pays ? Tu pourrais voir comme ça si c'est ce que tu veux faire ! Tu ne peux pas dire que la beauté d'un pays, tu t'en fiches, c'est une hérésie quand on songe à aller se balader. Je connais plein d'endroit qui auraient bien besoin d'un peu d'aide sans avoir besoin de faire partie d'une organisation, pas même de faire des études, juste… Parfois, être là au bon endroit au bon moment ça suffit.

Captain America… En fait, c'était lui.

Pour elle, c’était un contre-sens, elle voyait l’armée comme des types qui suivaient des ordres sans poser de question. Bon, en même temps, c’était un cercle vicieux, elle avait un réel problème avec l’autorité alors, forcément, l’armée entrait dans la catégorie des choses qu’elle voyait d’un mauvais œil. Et comme l’armée représentait l’ordre, bin forcément, elle ne voyait pas plus loin que le bout de son nez. Hop, la boucle est bouclée. Ça avait presque quelque chose de rassurant de savoir que Ian était, selon ses termes, buté. Pour ce qui était de son père biologique, honnêtement, dans l’immédiat elle s’en foutait royalement. Mort ou pas, elle le détestait tout pareil et elle n’avait pas envie de savoir ce qu’il avait pu être ou pas. Elle préférait, quitte à choisir, se trouver des points communs avec Ian, plutôt que d’en trouver avec son père biologique.

Elle n’avait rien à redire à ce qu’il venait de lui expliquer, ce n’était pas un débat qu’elle avait voulu ouvrir, juste lui donner une information la concernant. Sa manière, un peu débile, de fonctionner. Mine de rien, elle venait de lui filer une clé importante de sa façon de voir les choses et de comment envisager de lui demander certain trucs sans la voir partir en free style totale pour un oui ou pour un non. Laissant donc cette facette d’elle-même de côté, c’est lui qu’elle écouta lui parler du fait qu’il avait joué. N’ayant pas réellement côtoyé d’école « normales », Hella ne savait pas trop ce que pouvait représenter un joueur de football dans un bahut. Enfin, elle en avait l’idée qu’on voyait dans les séries mais elle avait toujours imaginé que c’était un peu surfait et que ça ne pouvait pas se passer comme ça dans la vraie vie. En tout cas, pour elle, c’était difficilement concevable de se dire qu’un mec était le rêve de toutes les filles juste parce qu’il rattrapait un ballon. C’est débile !

Elle essaya, un instant, de l’imaginer cloitrer dans un lit, ou un truc du genre, des gens lui demandant de ne pas bouger et des infirmières, bien trop gentilles, lui apportant des sucettes. Ok, dans sa vision des choses, elle n’avait que leur blouse de travail et très vite, elle préféra s’enlever cette image de la tête qui venait de la faire sourire plus qu’autre chose. Ce n’était pas qu’elle voyait Ian comme quelqu’un de particulièrement sexy, enfin il l’était – elle supposait -, c’est juste qu’elle ne le regardait pas de cette manière. Trop vieux, en plus d’être son oncle. Mais il devait bien l’être –sexy- pour quelqu’un, surtout si il avait un ballon entre les mains, c’était peut-être un fantasme comme celui de l’uniforme. Elle n’en savait rien en fait. Elle fut sortie de ses pensées quand, soudainement, il balança un « hey » en se redressant, comme si Ian venait d’avoir l’idée du siècle. Intriguée, elle fronça un peu les sourcils, se repositionnant en tailleur pour l’écouter.

« Wahou attend parce que » les deux mains relevées, elle secoua la tête en lui demandant de s’arrêter. « Après mes heures, je ne suis pas censée reprendre des études pour avoir un avenir ? j’ai pas vraiment le pouvoir d’être à deux endroits en même temps, tu sais… » Elle se mise à réfléchir en se disant, qu’en fait, ça pourrait être possible, elle secoua la tête pour se sortir cette idée de la tête. « Ca fais 18 ans que je vis sans aucun projets et là, pouff, y en a un plein qui arrivent en même temps… je crois que ma tête va exploser. »

Elle n’avait plus qu’une main de relevée, comme pour lui demander deux minutes le temps qu’elle essaye de mettre de l’ordre dans ses idées et qu’elle envisage les possibilités qui lui offraient. Voyager, ça avait l’air cool, surtout si c’était pour faire quelque chose d’utile. Mais si elle devait partir, elle voulait participer et, dans l’immédiat ce n’était pas possible. Phen, s’imposa à son esprit, il était hors de question qu’elle le laisse pour le moment, il sortait de l’hôpital psy, elle ne pouvait pas l’abandonner maintenant.

« Déjà laisse-moi réglé cette histoire de conditionnelle. J’vois quelqu’un demain pour ça, apparemment y a des solutions pour que j’en sorte plus rapidement que prévu, faut juste que je vois ce que ça implique. » Elle avait levé un seul doigt et en rajouta un deuxième avant de poursuivre. « Ensuite, je dois réfléchir à ce que je veux faire si je veux sortir de la vie que j’ai maintenant » Arrondir ses fins de moins en volant, fatalement, ça finirait par lui retomber dessus à un moment ou à un autre. Troisième doigt. «Et bien que j’adorerais voyager, d’une j’ai pas les moyens pour le moment et, de deux, je dois m’occuper de Phen. » Elle balança ses mains, comme pour souligner une évidence. « Alors, dans l’immédiat, ça va juste pas être possible. Pas avant un bon moment. »

Hella était comme une page blanche. C'était comme si elle avait toutes les possibilités du monde qui s'offraient à elle. Comme si, elle pouvait encore tout faire, décider de sa vie sans regarder derrière parce qu'au final... Il n'y a rien derrière. Quoiqu'elle ait pu faire avant, rien n'était irréparable. Hella était un livre dont les pages n'attendaient qu'une belle plume. Ian sourit en la dévisageant. Il aurait vraiment eu envie de l'emmener à l'autre bout du monde, en réalité. Il fondait tant d'espoir en elle et en ce qu'elle représentait, sûrement trop mais il ne lui en dirait rien, qu'il partait dans sa tête au travers de diverses fantaisies et variées. Mais la voir s'animer de la sorte face à l'idée le fit sourire. Il la dévisagea, son sourire grandissant. Sa propre vie, bien que pas terminée, avait déjà touché son but, sa raison d'être. Ian avait pensé un moment que Hella devait être sa nouvelle raison d'être, de vivre. Mais elle était avant tout sa nièce et il devait se trouver un nouveau but. Cette recherche occupait son esprit la plupart du temps sans jamais vraiment trouver de solution. Hella était importante à ses yeux, oui mais elle n'avait pas vraiment besoin de lui, au final. C'était déjà une grande fille, il l'épaulerait si elle avait besoin mais finalement, que pouvait-il faire ? Elle suivait son propre chemin, il ferait office de filet de sécurité, tout au plus. Hella n'était pas la réponse comme il l'avait crue. Hella n'était pas son but. Elle était sur son chemin, cela dit. Il ne savait juste pas quel chemin et où ça le conduirait. Mais il y allait.

Et elle disait même s'occuper de Phen. Mais qui s'occupait d'elle ? Maintenant, Ian serait là mais avant ? Qui avait osé voler la jeunesse de cette fille pleine de vie ? Son propre frère. Ian continua de sourire pour cacher l'amertume que son frère aîné lui inspirait à présent. Il s'en voulait, d'ailleurs de ressentir ces choses là mais c'était quelque chose qu'il ne comprenait tellement pas qu'il était incapable de le pardonner pour le moment. Ian leva la main, faisant écho à la sienne et il redressa le menton.

– Je te dis pas de partir maintenant ! On est pas pressés, non plus ! Ca peut être dans un an, deux, trois, j'en sais rien ! Juste, c'est possible. Mais si j'étais toi, fais attention avec ces histoires de conditionnelle… On ne sort pas les jeunes des travaux d'intérêt, comme ça en claquant juste des doigts. Donc, je sais que tu es une grande fille, que tu sais prendre soin de toi mais… Fais attention, c'est tout. Tope là ?

Il brandit sa paume de main vers elle avec un sourire. Il était curieux de voir sa main contre la sienne. Il lui apparaissait grand mais il ne l'était pas tant que ça, au final ! L'armée l'avait durci, c'était un fait et en avait fait une boule de nerfs plus qu'une boule de graisse. Il avait peut-être des mains de forgeron mais à ses yeux, elles étaient tout à fait normales ! Même il commençait à trouver qu'il s'empâtait un peu trop, d'ailleurs. Haussant les sourcils, il lui sourit un peu plus. Ah, les promesses, c'étaient pour Ian tout un poème. Il adorait toucher les gens pour faire des promesses, c'était son kiff.

– Et bien sûr, si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais que tu peux me demander. Je sais que tu le feras pas. Je sens ta fierté dans ton regard, jeune fille, mais au moins… Tu sais que tu peux. N'importe quand, n'importe quoi, même tu vois, si tu as besoin d'argent pour tes études, j'en ai, je sais pas quoi en faire ! Je pourrais m'acheter une baraque avec des chevaux mais je ferais quoi de mes journées ? Je tournerais comme un lion en cage, tu sais ? J'ai connu une terre sans silence, colle moi dans une maison qui bouge pas, je me tire une balle en l'espace de deux jours. Donc j'ai presque envie de te le DONNER mon argent, qu'il serve au moins à quelqu'un.

Il pencha la tête, conciliant. Il savait qu'elle refuserait aussi mais il voulait qu'elle sache qu'il pouvait. Il voulait aussi qu'elle sache qu'il savait qu'elle refuserait, qu'il se contentait de lui donner des pistes et des conseils, sans l'envahir.

Il l’avait regardé puis, il avait souri. Par automatisme, presque mimétisme, elle avait souri aussi mais un peu gênée, un peu interrogative en se demandant ce qui, chez elle, pouvait prêter à faire sourire de cette manière. Des fois, pas souvent, elle trouvait dommage de ne pas être télépathe, de ne pas savoir ce qui passait dans la tête des gens parce que, de toute évidence, ce qui venait de passer dans celle de Ian n’avait rien de négatif. Mais, à moins de lui poser la question, elle n’aurait pas la réponse alors, elle avait détourné le regard, dans ce sourire figé sur ses lèvres, avant de repartir dans ses explications. Finalement, elle n’avait pas envie de savoir. Le sourire que Ian avait eu pouvait rester en état, elle l’appréciait de cette manière.

Si ça pouvait le rassurer, elle se posait les mêmes questions que lui. Sortir d’un contrat qui la liait avec la justice ne devait pas être aussi simple. Elle était interrogative mais pas suspicieuse, après tout l’info venait de son psy, que les flics lui avaient collé. Elle se disait juste qu’il connaissait mieux la loi, qu’il était habitué de ce genre de procédure et qu’il avait plus d’info qu’elle, plus de voix où elle pouvait se tourner. Qui irait suspecter un psy, sûrement pas la gamine de 18 ans qu’elle était ! Plissant les yeux, mais amusée, elle regarda la main de Ian avant de relever les yeux vers lui en secouant la tête.

« C’est peut-être différent chez les joueurs de foot, enfin les anciens… peut-être même que c’est une question d’époque mais… » Elle désigna la main de Ian d’un mouvement de tête « Faire ce genre de chose, c’est pas quand y a quelque chose à faire pour les deux partis et un truc à gagner à la clé, tu sais, un peu comme un pari. Si je suis la seule à devoir promettre quelque chose, je me contente de lever la main droite, pas de taper dans la tienne. » Amusée, même taquine, elle fit une moue en le regardant dans un haussement d’épaule. « En tout cas c’est comme ça que ça marche à mon époque, papy. »

Si lui était tactile, elle ce n’était pas son cas alors dès qu’elle avait une excuse pour l’éviter, elle sautait dessus. Et si, en plus, ça lui permettait de le taquiner un peu sur son âge, alors quoi demander de plus ? Mais, très vite, elle reprit un air un peu plus sérieux, sans se défaire d’un fond de sourire.

« Mais, sérieusement, je regarderais bien les petites lignes. T’en fais pas. Et, en même temps, dans l’immédiat, tout est forcément mieux que de rester dans cet institut. »

Sur la fin de ce qu’elle venait de dire, elle avait définitivement perdu son sourire. Tout était mieux que cet institut de malade où les profs étaient capable de l’enfermer dans son propre appartement, juste pour avoir des réponses sur ce qui lui était arrivée, justement à cause d’un prof. L’institut lui avait offert une liberté, avec quelques obligations, mais c’était un nid un problème et finir façon guirlande de noël sur le portail de l’institut lui était arrivé une fois, ça n’arriverait pas une deuxième fois. Elle secoua la tête pour se sortir de ce genre de pensée, et prit une inspiration avant de poser, à nouveau, son regard sur Ian.

« Ok donc, je sais que je peux te demander, je sais que tu sais que je ne le ferais pas mais que tu peux quand même le faire. » Elle hocha la tête comme pour dire qu’elle avait bien comprit l’idée. « N’empêche qu’avoir des chevaux ça doit demander beaucoup de temps, puis, ils ont la cote avec Findus en ce moment, c’est peut-être un bon investissement. »

Il avait raison, elle ne lui demandera pas. En tout cas, aujourd’hui, elle ne pensait sincèrement pas le faire. En même temps, elle ne vivait pas dehors, n’avait pas des types qui lui demandait de l’argent d’un air menaçant alors, elle n’estimait pas être dans le besoin. Si ça venait à être le cas, si aucune solution ne se présentait à elle alors, peut-être, qu’à ce moment-là, elle en viendrait à reconsidérer les choses.

« En attendant, si tu pouvais éviter de te tirer une balle, ça serait cool. Y a forcément un jour ou je me réveillerais en me disant : tient, et si je voyais du pays aujourd’hui. Si tu pouvais être dans le coin à ce moment-là, ça serait mieux. »

Hella avait prononcé les mots magiques. Ian ne pouvait plus s'arrêter de sourire à présent. Elle venait, à sa manière bien particulière, de lui demander de rester pas loin, pour le jour où elle déciderait de s'envoler avec lui vers de nouvelles excentricités. Elle ne pouvait pas lui faire plus plaisir. C'était un peu son rêve, finalement. Avoir une fille avec qui tout partager, lui faire tout découvrir, connaître une complicité comme avec personne d'autre. Il n'avait pas de fille. Mais il avait une nièce, maintenant. C'était beaucoup de pression pour Hella et elle ne le savait probablement pas, il espérait même qu'elle ne s'en rende jamais compte. Ian pouvait-il toutefois être plus chanceux ?

Néanmoins amusé, il rit en secouant la tête. Il se félicitait de son humour ! Elle prenait la vie avec une certaine légèreté et ça lui faisait plaisir. Il fallait au moins ça pour que Hella se sorte de la galère dans laquelle elle était. Mais il savait qu'elle ne lui disait pas tout, lui non plus d'ailleurs. Ils auraient encore du travail l'un sur l'autre pour se faire confiance, se connaître et savoir comment l'autre fonctionne, ce qu'ils peuvent s'avouer et ce qu'ils doivent encore garder pour eux. C'était un travail de longue haleine, finalement ! Mais Ian était confiant, il l'avait toujours été, tout en sachant que ce ne serait pas aisé du tout.

Il donna un léger coup dans les chaussures de Hella comme pour la réveiller et comme pour mériter son statut de Papy, il grogna en se redressant sur ses jambes, son genou resté plié trop longtemps.

_ Allez ! Fille de mauvais héritage !

Il lui tendit la main pour l'aider à se redresser si toutefois ça l'intéressait, mais il avait bien noté que ce n'était pas trop son truc de toucher les gens. En tout cas, pas lui. Un certain espace vital à respecter, peut-être !

_ Je vais te raccompagner chez toi et ensuite je vais aller me taper quelques balles avec mon pote Cole.

Il s'était penché vers elle en faisant tournoyer son ballon dans ses mains, les sourcils hauts, comme s'il la mettait au défi de trouver meilleure activité.

_ Et toi, tu vas réfléchir à ce que tu veux devenir dans ta vie ! Tu le peux, tu as encore la possibilité de choisir alors fais-toi plaisir !

[désolée, c'est court... Méga panne ...]

Parce qu’elle n’en était pas là, pas encore – et sans savoir si ça serait le cas un jour -, Hella préféra se relever toute seule, comme une grande. Les contacts, ce n’étaient définitivement pas son truc. Ian ne devait pas le prendre pour lui, c’était comme ça, c’est tout. Elle venait de frotter les mains sur son jogging, pour y effacer toutes traces de brins d’herbes qui se seraient incrusté là, alors que Ian donnait le reste de son emploi du temps. Se redressant correctement, elle leva la tête vers lui.

« Tu sais, je suis capable de retrouver mon chemin toute seule. »

Elle ne le virait pas, elle ne cherchait même pas à s’en débarrasser mais, si Ian avait quelque chose de prévu, qu’il y aille, elle pouvait rentrer toute seule et profiter du trajet pour commencer à réfléchir à ce qui s’était dit. Elle savait aussi, qu’une fois rentrée, elle trouverait Phen chez eux, qui serait un autre avis intéressant à prendre en compte. Fallait aussi qu’elle rappelle son psy – et là, elle appréciait le fait qu’elle gardait les garde et numéro de téléphone de tout le monde – pour qu’ils puissent convenir d’un rendez-vous, qu’elle puisse étudier ses options et les conditions. Ian l’avait dit, elle le savait, quitter une conditionnelle ne se faisait pas sans contrepartie, et c’était ça qu’elle devait étudier.

Hella était bien loin d’imaginer que quitter l’institut allait impliquer de rentrer dans le camp adverse et, si on lui avait dit, elle aurait ri avant de refuser. Sauf que, aujourd’hui, elle avait envie d’envisager un avenir. Ian, n’était innocent à cette soudaine décision, même si ça lui trottait dans la tête sans qu’elle s’attarde réellement sur la question. Alors cette éventualité qu’elle aurait refusée sans réfléchir allait prendre une toute autre tournure aujourd’hui. Bien qu’elle n’en ait absolument pas conscience, Ian, d’une certaine manière, serait une des raisons qui la pousserait à accepter à la proposition de son psy… Ca et le fait qu’elle avait un sérieux litige avec l’institut.

Quoiqu’il en soit, Hella retrouva le chemin de son appartement, si précieusement partagé avec Phen, en se disant que, la semaine prochaine, cette fois, elle serait déjà en tenue de combat et qu’elle accepterait la proposition de Ian. Parce qu’il allait bien revenir, hein ? Le fait de venir frapper chez elle, c’était presque une sorte de rituel, auquel elle avait bien envie de s’habituer même si elle n’était pas prête à le dire à voix haute. En fait, elle estimait en avoir déjà bien assez dit pour le prouver et, à voir le sourire de Ian, elle ne doutait pas que ça avait été compris.

Une longue discussion s’installerait probablement avec Phen, en premier lieu, c’est avec lui qu’elle avait envie de parler de tout ça. Elle avait envie de réfléchir à cette journée, ce qu’elle impliquait, les changements de visions qu’elle avait eu. Rejeter Ian, en bloc, n’était pas ce qu’elle voulait, l’idée était un peu étrange en encaisser parce que c’est ce qu’elle avait fait pendant si longtemps. Finalement, la patience dont il pouvait faire preuve avait fini par payer. Elle ne s’en sentait même pas énervée, ça avait même tendance à la faire sourire doucement. Elle était juste prête à voir ce que ça pouvait donner maintenant.

[Clôture du Rp le plus long de ma vie. 3 pages, ça va pas bien dans ta tête, tu le sais ?]