L'avantage d'avoir fait la guerre, c'est que niveau inconscient, vous gagniez plusieurs heures dans une journée. Des heures que vous ne passiez pas à dormir, ce qui vous laissez plus de temps pour faire autre chose. Prendre du temps pour vous, mettre vos papiers en ordre etc... Emmener votre nièce au cinéma. Ma première visite n'avait pas été des plus réussie alors je m'étais creusé la tête pour trouver autre chose. Hella ne devait pas croire un instant que je ne reviendrais pas. Parce que j'allais revenir. J'avais une nièce et elle avait un oncle et peu importait le passé ou le futur, elle était tout ce qui comptait le plus pour moi aujourd'hui. J'avais à nouveau quelque chose à perdre.

Sur les conseils de ses collègues, pères de famille, Ian avait sélectionné un film et, en sortant du travail le dimanche après midi, il se rendit rendu chez elle en espérant qu'elle soit disponible. Un dimanche, que pouvait-on espérer de mieux, après tout. Alors il avait fait la liste des films en sorties... Pirates de Caraïbes ? Pourquoi quelque chose lui disait que non. Transformers ? Mon dieu, c'est lui qui allait pleurer. Numero Quatre ? Il l'avait gardé de côté. Thor ? Non beaucoup trop violent, trop de testostérone. Harry Potter ? Il avait acheté deux places, juste au cas où parce que son choix s'était arrêté sur Captain America. Non seulement il avait envie de le voir mais quelque chose lui disait que sa nièce avait besoin de croire un peu aux super héros. Pas qu'il songeât en être un lui-même... Quoique. Peut-être qu'elle aurait préféré Cowboys et aliens ? Peu importait le film, il s'agissait de la séduire... Il changerait les places au guichet s'il fallait.

Sans hésitation cette fois, il avait gravi les marches de son immeubles quatre à quatre. Il aurait pu téléphoner mais ça... C'était pas sa spécialité. Il préférait les contacts physiques. Elle avait, de plus, assez connu de distance pour ne plus en mettre, à présent. Il frappa alors à sa porte, tout sourire, tout content, tout fier et convaincu de son plan génial de Oncle Ian. Il fallait que tout ça marche mais il n'abandonnerait pourtant pas, quand bien même elle refuserait. Quand la porte s'ouvrirait, il brandirait les deux places de cinéma réservées avant qu'il ne vienne ici et elle comprendrait qu'il venait en paix, pour elle et elle seulement. Pas de pitié, pas de compassion égoïste, pas de rédemption recherchée, juste... Un moment avec elle, un moment normal au coeur de deux vies absolument pas normales. ils avaient chacun combattu des démons, ils avaient mérité cette foutue séance de cinéma.

C'était quelque chose que son frère aurait dû faire, c'était quelque chose que lui-même aurait dû faire avant. Il avait eu peur, il avait eu besoin de réfléchir mais maintenant c'était fini. Hella n'apprécierait sûrement pas de savoir qu'à présent, elle figurait dans son portefeuille, celui qu'il gardait toujours dans la poche intérieure de sa veste épaisse vert kaki. La photo, il l'avait légèrement découpée pour qu'elle fusionnement naturellement avec le reste de ce morceau de vie privée qu'il baladait partout avec lui. Chez lui, il n'y avait pas grand chose de précieux. Une habitude de soldat : il gardait tout sur lui, toujours.

Si quelqu’un connaissait sa vie, en grande partie, sans l’avoir lu dans un dossier mais bien parce qu’elle lui avait raconté, c’était bien Phen. Ca faisait longtemps qu’elle avait cessé de se demander pourquoi lui, les choses étaient comme ça, c’était le seul qu’elle avait voulu laissé entrer dans son univers. Peut-être qu’avoir été forcés de partager la même « cellule » blanche de l’hôpital psy avait grandement aidé les choses mais, cela n’avait plus d’importance maintenant, ils étaient dans le même appartement et, les choses se passaient très bien. Comment ne pas apprécier un type qui avait réussi à la supporter ses derniers temps alors qu’elle n’avait rien su faire d’autre que de se planter sur un canapé et de ne pas en bouger pendant près d’une semaine. Mais aujourd’hui, c’était dimanche, hors de question de parler de sujet fâcheux, ils n’y avaient qu’eux, dans leurs monde, leur appartement à parler de tout et de rien, à rire. Finalement, c’était le genre de choses simples qui lui avait manqué.

Ils étaient là, à rire de la manière dont ils avaient fini par voler un chariot élévateur dans un magasin d’ameublement pour pouvoir transporter leur frigo jusqu’à l’appartement quand on frappa à la porte. Leurs rires venaient de stopper nets, en se regardant comme pour demander à l’autre s’il attendait de la visite. Apparemment ce n’était pas le cas. Dans un « j’y vais », Hella se leva pour aller vers la porte. Pas la peine d’y envoyer Phen qui était muet quand d’autres personnes étaient présentes.  Hella avait toujours un sourire aux lèvres à cause de la discussion qui venait d’être faite et, c’est tout sourire qu’elle ouvrit la porte. Mais quand ça fut fait, qu’elle dû relever les yeux pour voir le visage de la personne présente, son sourire venait de disparaitre. Ian… A priori c’était son oncle et il était là, devant sa porte, deux tickets de cinéma mis en évidence.

Elle avait à peine ouvert la porte que ses yeux roulaient déjà dans un soupir. Mais la chose la plus importante à noter c’est qu’elle n’avait rien dit, qu’elle lui avait à peine laissé le temps d’ouvrir la bouche, que déjà la porte qu’elle avait encore dans la main se referma sans prévenir. Elle revenait déjà vers le salon pendant que Phen la regardait d’un air interrogatif. D’un mouvement de lèvres muet, Hella forma la phrase suivante « C’est lui », ce qui avait suffi à Phen pour comprendre de qui elle parlait. Elle lui avait parlé de cet oncle qui avait débarqué il n’y a pas si longtemps que ça. Et, parce qu’elle parlait librement avec Phen, elle avait même dû lui expliquer qu’elle ne pouvait pas le laisser entrer dans sa vie parce qu’elle n’avait pas envie de se rendre compte qu’un jour, elle pourrait compter sur lui, qu’elle craignait qu’il ne fasse comme les autres en finissant par partir. Bref, Phen devait être la seule personne sur cette terre à savoir que, si elle agissait de cette manière, c’était pour se protéger.

Elle n’avait pas atteint le salon que Phen se relevait déjà pour la croiser et aller jusqu’à la porte qu’il ouvrit de nouveau. Pas un mot ne sortit de sa bouche, il ne parlait pas, il avait juste fait un signe laissant penser qu’il invitait l’homme à entrer et, aussi vite, il avait tourné les talons pour se réfugier dans sa chambre.

« Phen ?! »

Elle l’avait regardé repassé devant lui, l’air médusé, la bouche ouverte sans comprendre ce qu’il venait de faire. En fait, elle comprenait très bien, c’était sa façon à lui de lui dire d’avancer, de donner une chance à cet oncle sortit de nulle part. Les mains légèrement relevées en signe d’incompréhension, elle le regarda disparaitre avant de reporter son attention sur la porte avec un Ian qui se trouvait là.  Et maintenant, elle était censée lui dire quoi ? Elle ouvrit la bouche, se ravisa, puis recommença.

« J’ai toujours personne à tuer dans ma liste. »

Une ouverture comme une autre étant donné qu’elle n’avait aucune envie de lui demander pourquoi il était là, les tickets de cinéma avaient été bien assez explicites pour ça.

– Tant mieux, ça nous laisse plus de temps à tuer, alors...

Ian sourit un peu plus. Quand elle avait ouvert la porte, la première fois, il était là, avec ses deux billets à lui sourire comme un âne. Il n'avait même pas réagi quand elle avait fermé la porte. Oh bien sûr, il avait fini par perdre son sourire et soupirer. Mais il ne s'en serait pas allé pour autant. Il s'était alors passé une main dans les cheveux et soufflé un bon coup pour se donner du courage. Mais au moment où il allait frapper à nouveau, la porte s'était ouverte et cette fois, ce fut un jeune homme qui lui ouvrit. Surpris, il avait haussé les sourcils. Malgré l'invitation, il ne fit qu'un pas, sans vraiment rentrer, juste pour mieux la voir. Elle avait le même regard que son frère et à ça, il sourit un peu plus. Elle était vraiment jolie, et il aurait presque préféré qu'elle le soit moins ! Le côté "tonton protecteur" naturel, peut-être.

Il leva les billets pour lui montrer sans se démonter. Il y jeta même un coup d'oeil, assez fier de lui et lui montra fièrement ses dents. C'était Captain America, quoi ! Qui pouvait refuser une opportunité pareille. Un bel homme pour elle, une chouette nénette pour lui... Puis, finalement, récupérant son sérieux, il laissa sa main tomber avec les billets et il haussa les épaules en écartant les mains. Il pinça les lèvres et laissa ses mains retomber contre ses cuisses dans un léger silence.

– Donne-moi au moins une chance d'essayer. Je promets pas d'être le meilleur. Je promets pas non plus d'être ce que tu attends de moi ou d'un père. Je promets certainement pas d'effacer toute la frustration, la peine et l'incompréhension que toutes ces années ont pu te faire ressentir. Mais je peux faire en sorte que ça n'arrive plus pour les années à venir.

Il leva les deux mains en guise d'innocence. Il avait toujours peur de la blesser ou l'impression de l'effrayer alors que ce n'était pas du tout son but. Alors il n'entrait pas dans son appartement tant que ELLE ne l'avait pas invité et encore une fois, il ne la forcerait à rien. Elle serait seule à décider et encore une fois, il lui laissait le choix mais non sans tenter de la convaincre.

– C'est juste un cinéma, je te ramène saine et sauve après... Je t'invite, bien sûr !

Sa phrase à elle, c’était ironique. Remettre le verbe « tuer » dans ses phrases à lui c’était… En fait, elle commençait à croire qu’il ne le faisait pas exprès, qu’il avait juste une tendance naturelle à mal choisir ses phrases et à foutre les deux pieds dans le plat à chaque fois. Elle soupira, roula des yeux en maudissant Phen. Un dernier point qui dura, approximativement, 1,07 seconde. Elle était incapable de lui en vouloir plus longtemps de toute façon. Pour ce qui était de cet oncle sortit de nulle part, c’était une autre affaire. Ce n’était pas elle qui était censée lui téléphoner quand elle en aurait envie ? Le pire, c’est qu’elle ne faisait rien pour être encourageante et, lui, il trouvait quand même le moyen de sourire. C’était trop bizarre pour elle.

Elle secoua la tête en levant légèrement les bras quand il montra ses billets. Oui et alors ? Fallait qu’elle fasse venir une fanfare et un feu d’artifice pour le féliciter d’avoir réussi à acheter, tout seul, comme un grand, des places de cinéma ? Il avait à peine reprit la parole en parlant de chance à lui donné qu’elle bascula la tête en arrière dans un soupir. Il ne lâchait jamais ? Redressant la tête vers lui, les yeux légèrement plissé, elle essayait vraiment de comprendre pourquoi il faisait ça. Elle n’avait jamais existé dans sa vie, pourquoi est-ce que ça ne pouvait pas continuer de cette manière ? Elle leva une main, doigt écartés pour lui demander de stopper.

« Je te jure, tu devrais arrêter avec ce genre de discours parce que… Elle souleva les épaules avant de les laisser retomber dans un soupir pendant que sa tête virait de droite à gauche doucement. C’est encore pire. »

D’une elle ne savait pas ce qu’elle attendait d’un oncle parce que le concept de famille était quelque chose de très flou pour elle. De deux, dans la mesure où elle n’avait que lui, il était forcément le meilleur dans ce qu’il faisait vu qu’il n’avait aucune concurrence. De trois, on était dimanche et elle n’avait pas envie de repenser à son passé, ni à ce qu’il aurait pu être si elle avait eu une famille. Elle avait vraiment envie de le virer, lui et ses places de cinéma mais, en fait, elle en était incapable. Pas à cause de lui mais parce que c’était Phen qui avait ouvert la porte, qu’il avait toujours été d’un avis plus avisé que le sien quand il s’agissait d’elle. Et si elle acceptait ce qui était juste un cinéma, au moins elle aura des arguments à donner à Phen quand elle lui expliquerait qu’elle ne voulait pas d’oncle. Elle haussa un sourcil dans un léger rire quand il parla de l’inviter.

« Toute façon j’ai pas les moyens de me payer un ciné. Dans un énième soupir, elle tourna les talons. Ferme la porte derrière toi. »

Ouais, c’était sa façon à elle de l’inviter à entrer, de toute façon Phen l’avait déjà à moitié fait avant de fuir. Lâche !  Elle retourna dans le salon pour prendre son téléphone et voir l’heure qu’il était. Le dimanche, il y avait que peu de notion d’heure chez elle, comme le fait que s’habiller de manière à sortir dehors n’avait pas été au programme de la journée. Elle était douché et tout mais, hormis porter une chemise de Phen par-dessus un short court, elle n’avait même pas de chaussette… elle ne pouvait pas sortir comme ça. En fait, elle n’était même pas certaine de vouloir sortir. Elle se tourna vers lui, une main dont seul l’index était relevé pointait dans sa direction avec un air interrogatif.

« Le but d’avoir ton  numéro de téléphone, ce n’était pas pour que ce soit moi qui t’appelle ? »

Parce qu’à moins d’une putain d’hallucination, il était quand même chez elle sans qu’elle n’est passé le moindre coup de fil.

Quand elle lui dit d'arrêter, il se contenta de hocher la tête. Peut-être qu'il parlait trop et dans ce cas-là, il valait mieux lui dire et soudain, il se taisait. Il lui laissa le temps de la réflexion et quand enfin elle l'invita à entrer, il sourit. Malgré tout, il resta quelque peu hésitant et finit par faire un pas au bout de quelques secondes. Lentement, il ferma la porte derrière lui, cherchant à ne pas faire de bruit ni réveiller les morts. Il l'observa, évoluer dans son environnement et releva la tête au rythme de son index. Très bonne question qu'elle posait là. D'accord, Ian commençait à se demander s'il n'avait pas fait une erreur. S'il n'aurait pas dû la laisser décider avant de venir s'imposer. Mais le fait est que, s'il n'était pas revenu, il n'était pas sûr qu'elle n'aurait fait. Quelque chose dans son comportement lui disait qu'avant qu'elle ne lui fasse confiance, il devrait vraiment montrer patte blanche et que ça ne serait pas aussi facile. Il s'humecta les lèvres avant de répondre et ouvrit finalement légèrement les mains dans un sourire.

– On a qu'à dire que... je suis quelqu'un d'impatient ?

Ce n'était pas si faux, d'ailleurs. Il avait été impatient. Impatient de la revoir, impatient d'essayer... Mais elle ne voulait plus qu'il tienne ce genre de discours, aussi, il le garda pour lui ! Il jeta à nouveau un regard sur l'appartement et sur la pièce où avait disparu Phen. Il désigna la porte d'un pouce et regarda Hella avec un léger sourire.

– C'est ton petit ami ? Il a l'air gentil.

C'était quand même lui qui lui avait ouvert la porte, non ? Son petit doigt lui dit qu'il devrait sûrement le remercier pour quelque chose. Il le ferait si Hella acceptait de venir avec lui. Il le fallait. Il avait prévu des choses dans sa tête. La voir rire au cinéma, la voir se plaindre du manque de crédibilité après le film, marcher pour rentrer avec une glace... il avait envie de la connaître, de savoir autant le bon que le mauvais d'elle, à commencer par le bon, cela dit. Elle ne voulait pas qu'il se laisse aller dans des discours alors il n'en ferait pas. Mais il espérait que ses agissements créeraient un lien. C'était primordial pour lui de pouvoir créer un lien avec quelque chose d'aussi banal q'un cinéma. Il en était convaincu, c'était la clé. Elle devait juste... Accepter.

– Si tu ne veux pas venir, c'est pas grave !

Si ça l'était ! Pourquoi avait-il dit ça ? Aucune idée. Pour ne pas la brusquer ? C'était pourtant lui offrir une porte de sortie. Il se racla la gorge avant de préciser.

– Je veux pas te forcer si tu veux pas...

« Impatient ? Elle semblait réfléchir avant de finir par faire une moue en hochant la tête. C’est déjà mieux. »

Un coté de sa lèvre se souleva dans un très léger sourire. Elle n’était pas en train de lui dire que c’était bien d’être impatient mais qu’elle préférait de loin cette explication plutôt que tout un discours sur la famille, sur le fait qu’il ne fallait pas lui tourner le dos et qu’il allait s’accrocher à elle parce qu’elle était sa nièce. Le genre de réflexion qui l’aurait fait partir au quart de tour. Son regard venait de suivre la direction du pouce de l’homme. Phen ? Elle ouvrit grand les yeux en passant son regard entre la porte et Ian, l’air complètement horrifiée à cette idée. D’ailleurs, elle secouait déjà vivement la tête.

« Non… Non… Ça serait vraiment trop bizarre. » Elle ne l’avait même jamais envisagé de sa vie, Phen c’était Phen. Surement la personne à qui elle tenait le plus dans ce monde mais… Son petit ami ?! « On est… Euh… On est colocataire. »

Amis, cela aurait été plus juste mais comme elle n’aimait pas s’étendre sur sa vie. Pareil, elle n’hésitait pas sur comment le définir c’est juste que ça venait de la perturber qu’on puisse penser qu’il était son petit ami. Bien que, en étant objectif, ils vivaient dans le même endroit, elle portait sa chemise… Ouais, ok, ça portait peut-être à confusion ou, du moins, ça pouvait justifier la question... Non… ça ne justifiait rien, enfin, c’était sa vie.

« Et il n’a pas l’air gentil… Il l’est. »

Ça sonnait presque comme un « Tu le touche, je t’explose la tronche, oncle ou pas oncle ». Pas qu’elle pensait qu’il allait lui faire quelque chose mais, il valait mieux prévenir que guérir… Putain qui avait pu sortir une connerie pareille ? Elle secoua la tête, remit ses idées en place pendant qu’il lui disait qu’elle n’était pas obligée. Elle ouvrit la bouche. La referma. Merde. Il avait, pour une fois, choisi la bonne formulation parce que, effectivement ça ne l’obligeait à rien et du coup, elle n’avait pas de raison de refuser juste parce qu’il le proposait. Enfin, c’était bizarre sa façon de fonctionner mais il aurait dit quelque chose du genre « Alors tu veux venir ? » elle aurait trouvé le moyen de penser que c’était comme une requête sans autre choix et aurait pu refuser facilement. Mais, elle avait le choix. Pas qu’elle ne l’aurait pas eu avec une autre formulation mais là, en fait il était surtout en train de lui proposer de ne pas venir et ça changeait tout. Elle fronça légèrement les sourcils, s’interrogeant elle-même.

« Faut juste me laissé le temps de me changer. Et avant qu’il ne puisse crier victoire ou afficher un large sourire elle pointa son doigt dans sa direction. C’est pas pour toi que je le fais, mais juste parce que Phen, elle désigna la porte ou il s’était enfui, va trouver le moyen de me le reprocher si je n’essaye pas. »

Il ne lui reprocherait pas vraiment mais fallait bien qu’elle trouve une excuse pour accepter sans dire que ça venait d’elle. En plus, Phen était en grande partie responsable de son choix, juste parce qu’il avait ouvert une fichue porte. Elle désigna le salon dans un mouvement du poignet.

« Installe toi, je reviens. »

Elle disparut dans la chambre et, sur son chemin, elle trouva Phen avec une tenue à elle toute prête, elle mina le fait de l’étrangler avant de chopper les fringues qu’il avait sorti pour aller s’enfoncer dans la salle de bain. Cinq minutes plus tard, elle revenait dans le salon, en jean t-shirt serré, c’était bien suffisant, avec sa veste qui était dans l’entrée – si le temps de gâtait – pour aller dans un cinéma. Ses cheveux détachés, elle avait passé les premières mèches derrières ses oreilles, ce qui était plus un signe de nervosité qu’autre chose.

En souriant, riant presque, il acquiesça tout en répétant sa phrase "Il est gentil, oui." Pas qu'il veuille sonner victoire, mais il sentit qu'il avait été plutôt bon, cette fois. Mais il ne put s'empêcher de sourire d'autant plus quand, enfin, elle sembla accepter en lui offrant, à lui, une esquisse de sourire. Même ça, si peu, pour lui, c'était un grand pas. Une victoire, pas obligatoirement, ils n'avaient pas encore quitté l'appartement. Mais un pas, oui. Il acquiesça et s'écarta du passage pour la laisser passer. Peu importait pour qui elle le faisait et encore mieux si elle ne le faisait pas pour lui.

– Du moment que tu le fais pour toi alors ça me va.

C'était la vérité. Il avait suivi des ordres pendant tellement longtemps et il en avait donné aussi. Mais jamais il n'avait perdu son libre arbitre, c'était ce qui permettait de rester humain. Pendant la guerre, dans sa vie de tous les jours, tout le temps. C'était primordial. Avoir quelque chose à quoi se raccrocher, ne pas abandonner, garder son point d'ancrage. Mais il comprit alors que pour Hella, le principal était de rester le plus naturel possible en évasant le plus de sujets qui fâchent possible. Très bien, il se pensait capable de ça ! Il pouvait le faire ! Il y réfléchit encore alors qu'elle disparaissait dans sa chambre et il se frotta le nez en faisant quelques pas. S'asseoir n'était pas son genre. Même en y étant invité, il préférait rester debout. Question de politesse, allez savoir.

L'idée que Hella soit être une mutante se répercuta sur son colocataire. Un instant, il en eut froid dans le dos. Ca faisait beaucoup de famille pour Hella d'un coup ? Ca faisait beaucoup de mutants pour lui d'un autre coup. Il souffla profondément pour rejeter cette crainte stupide et il se tourna alors qu'il entendait revenir. La voir habillée lui fit songer qu'une fois hors de l'appartement, ils auraient vraiment franchi plus qu'un pas, une étape. Il lui sourit doucement alors qu'elle tirait ses mèches derrière ses oreilles. Il avait vu la fille d'un collègue faire ça régulièrement quand il allait dîner chez eux. Chaque fois qu'elle venait lui dire bonsoir, elle rougissait et faisait ce geste avec une lueur de nervosité sur le visage. Ce n'était pas tout à fait pareil ici, pourtant Ian le traduisit sensiblement de la même façon.

– Hey...

Il l'appela doucement et se rapprocha d'elle avant de lui tendre un des deux tickets.

– J'ai mené mon enquête pour savoir ce qui te plairait le plus. je me suis dit qu'un beau mec qui sauve le monde en collant, ça te ferait bien marrer.

La faire rêver, il y viendrait plus tard. Pour l'instant, il voulait juste la voir sourire, une chose après l'autre. Il se décala sur le côté pour la laisser passer. Elle ouvrirait la porte et ferait son propre choix de sortir de l'appartement avec lui. Il avait choisi le cinéma... C'était son tour de choisir pour elle-même.

– Prête ?

Elle ne le faisait pas pour elle non plus alors, à cette phrase, elle avait laissé ses épaules retomber dans un soupir et un balancement de la tête de droite à gauche. Du moins, elle n’avait pas encore envie d’admettre qu’elle le faisait pour elle. Le faire pour Phen, ça c’était plus facilement acceptable. Enfin, peu importe, elle n’avait pas envie de rentrer dans ce genre de conversation qui se finirait par elle hurlant et lui demandant de sortir. Alors elle s’était changée puis était revenue récupérant un des tickets qu’il avait. Son regard se porta sur le nom du film pendant qu’il donnait des explications sur son choix. Elle releva les yeux, carrément septique, sur lui.

« Ton enquête elle craint, tu sais ? »

Forcément, ce qu’elle venait de dire c’était pour ne pas lui donner tout bon. Même si c’était LE film qu’elle voulait voir – ce qui n’était pas le cas – elle ne lui aurait pas dit. Peut-être parce qu’elle n’avait pas envie qu’il puisse la cerner, encore moins aussi rapidement. Une adolescente dans toute sa splendeur. Après sa phrase, elle avait secoué un peu la tête en levant les yeux au ciel et passa devant lui pour attraper sa veste et quitter l’appartement. Ca suffisait comme action pour lui dire qu’elle était prête ? Sur le palier elle attendit qu’il sorte pour pouvoir refermer la porte derrière lui et descendre les escaliers. Et c’est en descendant les escaliers qu’elle se décida à donner plus d’information sur ce qu’elle lui avait dit avant de sortir de l’appartement.

« Je passe la plus part de mon temps dans une école pour mutant avec un tas de personne qui aspire à devenir des héros…»

Elle hocha légèrement la tête pour ponctuer sa phrase dans un léger haussement de sourcil. Le fait qu’elle se trouve à l’institut Xavier n’était pas un secret. Le fait que l’institut Xavier soit une école pour mutant n’était plus un secret non plus. En clair, elle ne voyait pas l’intérêt de taire cette information surtout qu’il devait bien être au courant qu’elle y était vu qu’il l’avait retrouvé en faisant des recherches. Alors, cette phrase, c’était peut-être juste pour savoir comment passait le sujet mutant avec lui. Est-ce qu’il l’était ? Ils étaient de la même famille ce n’était pas impossible mais, elle en doutait. La dernière fois qu’ils s’étaient vu, ça avait été assez violent en émotion pour qu’elle puisse déclencher sa mutation. Rien ne s’était produit comme à chaque fois qu’elle était avec des humains. Ou alors il avait une mutation qui ne se voyait pas comme ça. Genre, super force, ce qu’elle n’avait pas tester pendant leur dernière rencontre.   Elle tourna un peu la tête, en descendant les marches pour le regarder.

« Ton type en collant, je l’ai en live tous les jours ! »

A peu de chose près c’était l’idée, non ? Fallait les voir les x-men dans leurs combinaisons super moulante à vouloir sauver la veuve et l’orphelin pour se faire accepter des humaines. C’était limite tellement cliché qu’il fallait le voir pour le croire et, encore, elle ne parlait même pas des surnoms qu’ils étaient capable de se donner. A noter, cependant, qu'a aucun moment elle n'avait dit ne pas vouloir le voir, ce film

D'abord, elle sourit et alors il crut avoir bien choisit et se mit à sourire lui aussi bêtement. Mais Ian déchanta bien vite. Pourquoi est-ce que ça ne pouvait pas être juste le film qu'elle attendait ??? Et puis son explication fit sens et il en resta bouche bée. Ian n'avait aucun mutant dans son entourage, du moins, aucun qui ne l'ait confessé. Comment aurait-il pu savoir ça ?! Il n'y aurait jamais pensé et visiblement, aucun de ses collègues n'avait d'enfant mutant ! Désoeuvré, Ian regarda ses billets sans savoir quoi dire ni quoi faire. Il la laissa passer devant et bouda un :

– D'accord, j'avais pris Harry Potter en secours mais je crois que je vais me planter là aussi...

Il releva la tête vers elle et haussa les épaules en sortant à ses côtés. Heureusement qu'il n'avait pas dit qu'il avait aussi hésité avec Cowboys et aliens, à bien y réfléchir !

– On peut aller voir ce que tu veux, tu sais ! Ou même rien, en fait. Tu sais, quand je vais au cinéma et que je vois des militaires en action, je trouve ça finalement assez reposant de voir comment les gens interprètent ça, c'est très drôle. Tu devrais essayer, ça permet de relativiser, je trouve.

Ce n'était pas faux même si ça le soulait plus vite qu'autre chose. Les gens avaient l'habitude de voir la guerre comme quelque chose de reçu, mort et destruction ! Mais si ce n'était que ça... Ce serait bien trop facile. Mais Ian décida de prendre tout ceci avec humour et il haussa les sourcils en tournant la tête vers elle alors qu'ils descendaient les escaliers.

– Tu vois des mecs comme ça en collant tous les jours, c'est vrai ? Ouah, moi qui croyais que le slip moulant, c'était démodé... Attends, il y a une école pour mutants ?

Soudain, il s'arrêta dans le couloir et déploya son bras devant elle pour la stopper et lui offrir le visage le plus surpris du monde. Et oui, il existait encore des personnes qui ne savaient rien de tout ce qu'il se passait... De plus, il ne s'y intéressait pas vraiment. Tout ça le mettait suffisamment mal à l'aise et elle était la première mutante qu'il rencontrait. Elle lui en apportait de nouvelles choses dans sa vie, finalement ! Est-ce que ça devait lui faire peur ? Il n'en était pas encore sûr, c'était toutefois un grand garçon, n'est-ce pas ? Qu'est-ce qui pouvait vraiment lui faire peur à part... Ce qu'il ne savait pas ? De quoi était-elle capable ? Il n'avait aucune envie de le savoir pour le moment mais un jour, il devrait lui demander, il n'aurait pas le choix...

« Vraiment… Elle leva le regard sur lui, un sourcil relevé. T’es bizarre, tu sais ? »

Elle secoua la tête en roulant des yeux. Allez voir des films militaire quand on était militaire, c’était plus de la folie, c’était du masochisme. De toute façon, elle n’avait pas envie de savoir comment les gens interprétaient sa condition, vu qu’il suffisait juste de sortir dehors pour le comprendre. Elle nota le fait qu’ils pouvaient faire autre chose mais, elle ne savait pas trop, un cinéma, ça avait l’avantage de ne pas avoir besoin de discuter. Elle l’écoutait toujours quand, finalement un bras passa devant elle, la forçant à se stopper. Intriguée, elle regarda ce bras, puis Ian, puis le bras et enfin elle reporta son regard sur lui.

« Tu étais ou en… Elle se mise à réfléchir… enfin quand tous les médias parlaient de l’attaque dans une école pour mutant. »

L’info avait tellement été relayée que, franchement, pas mal de personne était au courant et que, d’ailleurs, l’école était connue pour abriter des mutants. Ah ouais, militaire, peut-être qu’il était dans le fin fond d’un champ de bataille dans un de ses pays où elle ne mettrait jamais les pieds. Elle soupira en comprenant qu’en fait, il prenait tout au pied de la lettre et qu’en fait il avait de sérieuse lacune.

« Ok alors… Non, ils ne sont pas vraiment en collant, y en a juste qui ont des uniformes genre ultra moulant. Et, non, ils n’ont pas de slip par-dessus parce que, effectivement, c’est carrément démodé. Bref, oui, y a une école pour mutant. Tu sais, comme Poudlard mais version Mutants. En secouant la tête, elle eut un léger rire un peu halluciné. Non mais tu étais où ces dernières années ? »

Elle en secouait encore la tête quand elle posa sa main sur son bras pour dégager le passage et continuer à avancer. En fait elle pensait réellement qu’il savait dans quelle école elle se trouvait. Du coup, vu que ce n’était pas le cas, elle était en train de se demander si elle venait de lui apprendre qu’elle était mutante. Si c’était le cas, ça va, la réaction était pas du genre violente ou complètement paniquée. Par contre, savoir qu’il pouvait être crédule sur certaines choses, lui donnait forcément des envies. C’est en continuant de descendre qu’elle continua.

« Tu vois c’est comme une école normal sauf qu’on a des cours en plus des autres, comme euh… Cours de défense contre les humains terrifiés. Ah et aussi des cours pour faire semblant d’être humaine. Très fun, au passage. »

Et elle était capable de lui sortir un tas de cours aussi ridicule que ceux-là, faut croire qu’il y a des choses pour lesquelles elle était capable d’avoir pas mal d’imagination. Est-ce qu’il imaginait des profs en robe de sorcier ? Faudrait qu’elle essaye d’insinuer un truc comme ça à un moment dans la conversation. Finalement, ça lui avait donné le sourire et, c’est comme ça qu’elle poussa la porte d’entrée de l’immeuble pour atterrir dans la rue.

Harry Potter sembla pire qu'une mauvaise idée à côté de Captain America. Où était-il quand cette école a été attaquée ? Loin. Il menait sa propre guerre à bien y réfléchir. La bouche bée, il la dévisagea comme si elle racontait une histoire qui fait peur. Il était bizarre, oui mais tant pis. Elle l'aimerait bientôt pour ça. Cependant, il ne répondit pas à sa question sur sa situation lorsque... et là, il fut frappé : lorsqu'elle fut attaquée. Sans le savoir, au moment où son père et lui vivait leur dernier combat, Hella connaissait probablement son premier. On ne devait pas connaître ce genre de genre de choses à un âge si jeune ! Ian avait entendu parler de ce conflit, bien sûr (comme les médias aimaient l'appeler) mais il n'avait pas vraiment cherché à en connaître les détails.

Il la laissa prendre les devants, la suivant du regard comme s'il n'était pas sûr d'avoir bien entendu. Et pourtant... Il la suivit, posant sa main sur la rambarde. Il ne garda pas vraiment de distance, il descendait juste... Moins vite qu'elle. Et puis elle a commencé à parler d'elle, de son... école. Il rata une marche à l'idée qu'elle puisse avoir ce genre de cours. Oui, Ian était crédule sur les choses qu'il ne connaissait pas. Se rattrapant à la rambarde, il se racla la gorge et mit enfin un pied à terre une fois en bas. Faire semblant d'être humain, c'était sûrement la pire information qu'il puisse recevoir.

Pourtant, il était persuadé que tout ceci était un test pour voir ses réactions face à ce gène curieux. Il déglutit et lui sourit autant que possible. Il n'aurait pas peur de sa nièce. Elle était si jolie, après tout, elle ne pouvait... non, c'était impossible ! Elle était forcément du côté des "gentils", elle ne pouvait pas... Il plaqua d'un coup sa main sur son visage en fermant les yeux et il regarda ailleurs.

– Oh mon dieu, je viens de t'imaginer la peau verte avec des pics en travers du visage.

Il grimaça alors que la vision empirait dans son esprit. Ian avait un esprit plutôt imaginatif et alors qu'il passait à côté d'elle pour se diriger vers la sortie, il soupira.

– Ok donc aucun film traitant d'aliens ou de super héros venus de je sais pas où avec un gène qui fait je sais pas quoi et transforme je ne sais pas qui !

Owi, Hella aurait sûrement de quoi biennnnn s'amuser avec lui...

Elle ne l’avait pas vu loupé une marche mais, elle l’avait entendu et fut obligé de se pincer les lèvres pour ne pas sourire trop ouvertement. Mais c’est quand il laissa passer un « oh mon dieu » qu’elle se retounra l’air interrogatif… Ok, en fait il était juste en train de triper tout seul – dans le bon ou mauvais sens, d’ailleurs – sur l’apparence qu’elle pouvait avoir. Du coup, elle plissa les yeux et afficha un air un tout petit peu vexé.

« C’est un peu après mon apparence normal, sauf que je suis de couleur rouge. Elle haussa les épaules. Tu vois pourquoi on a besoin de ce genre de cours, c’est pour éviter ce genre de réaction. »

Et elle se détourna aussi vite qu’elle le pu, pas qu’elle était vraiment vexée mais elle n’arrivait pas à tenir son sourire plus longtemps, autant éviter qu’il puisse le voir.  Le plus difficile en fait, c’était surtout de ne pas rire parce que, si elle pouvait cacher son visage souriant en se retournant, un rire s’entendait au-delà. Ça aurait tout gâché, elle devait se retenir. Dehors, elle arriva à retrouver un visage un peu près sérieux quand il énuméra tous les films qu’il fallait éviter.  En se tournant vers lui elle avait fini par agiter un peu les mains en parlant.

« Les aliens, tu sais, j’en connais pas personnellement alors ça pourrait le faire. Se grattant légèrement le coin de la bouche en réfléchissant, elle finit par reprendre. Il n’y a pas un truc avec les cowboys et les aliens, justement ? Le genre de film où il n’y a pas besoin de réfléchir… »

Elle bloqua un court instant en se demandant si elle était réellement en train de proposer un film. Ce n’était pas prévu comme ça, elle était même censé y mettre une certaine mauvaise volonté pour le décourager et là… Bordel, elle faisait tout l’inverse. Voilà, c’était ça de s’amuser à lui faire croire des trucs, qui finalement la faisait marrer en oubliant de se protéger. Du coup, et sans que ce soit vraiment crédible elle essaya, soudainement, de reprendre un air plus neutre, à la limite du blasé.

« Enfin, c’est comme tu veux. Je m’en fou un peu en fait. C’est toi qui voulais aller au cinéma. »

Même elle, elle ne se trouvait pas crédible alors elle doutait de l’être vraiment face à lui. Elle haussa les épaules et se détourna à nouveau pour commencer à marcher. Peut-être que de cette manière il ne verrait pas que l’expression qu’elle avait employée n’était pas crédible, elle n’en savait rien. Tout ce qu’elle voulait c’était de ne pas s’attacher à cet oncle, qu’il ne s’attache pas à elle non plus. Alors, dans le fond, allez voir un film pourri était une très bonne solution. Il comprendrait qu’ils n’avaient rien en commun, ils n’auraient pas besoin de parler, elle pourrait faire sa mauvaise tête, tenter de l’exaspérer et finalement, le faire fuir.

Ouais, c’était un bon plan, bien meilleur que de trouver amusant que de lui raconter n’importe quoi… à faire ça, elle serait capable de trouver sa crédulité attachante. Il n’en était pas question. Puis, elle réfléchissait tellement au plan qu’elle devait adopter qu’elle en oublia la route et commençait déjà à partir dans la mauvaise direction… vraiment n’importe quoi !

Son apparence normale ? Mais en rouge ? Elle plaisantait ? Si c'était toujours dans le cadre de son test, alors Ian devait le passer haut la main et il déglutit, sentant une légère goutte de sueur lui couler le long de la colonne vertébrale. Non, il devait réussir. C'était sa nièce et il l'aimerait comme elle était, pour ce qu'elle était ! N'est-ce pas ? Oui, dans cette optique alors il pouvait se détendre. Heureusement, ils arrivaient enfin dehors. Les bruits de la rue, l'air pollué mais frais sur son visage, il se sentit un peu mieux tout à coup. Enfournant les mains dans ses poches pour marcher le plus tranquillement du monde, il voulait arborer une attitude... désinvolte. Oncle Ian !

Mais voilà que maintenant elle parlait extraterrestres. Ian avait la confirmation maintenant : c'était un test qu'elle lui faisait passer et elle se moquait bien de lui ! Assurément que ça la faisait rire, à n'en point douter, d'ailleurs. Il profita de ce qu'elle se tourne vers lui pour dessiner sur ses lèvres un sourire signifiant "Je te vois, petite maligne...", puis il se gratta le menton tout fraîchement rasé du matin.

– J'aurais bien aimé Captain American... Je me suis souvent identifié au personnage, je voulais voir ce que ça donnerait si je portais des collants, tu vois ? Mais si ce film dont tu parles - et que j'avais automatiquement rayé de ma liste pour te montrer à quel point j'avais tout faux... - te fait envie alors je dis : allons-y ! Je vais au cinéma une fois par semaine, accompagné ou non alors... Je prendrai ma décision sur les collants la semaine prochaine !

Il lui sourit doucement avec un clin d'oeil.

– Pour une fois qu'une femme ne me demande pas de l'accompagner voir un film à l'eau de rose, tu me combles simplement de joie !

Un truc sûrement pas piqué des hannetons mais qui, comme elle le disait, ne demanderait pas ou peu de réflexion. C'était impeccable selon lui. Pas de prise de tête, juste du rire et de l'incrédibilité. Tout ce dont il avait besoin pour nouer un lien avec sa nièce. Pas sûr que ça marche mais Ian était quelqu'un de positif. Tout aussi optimiste, il se voyait déjà lui offrir une glace et qu'elle se moque encore de lui. Probablement de la couleur de son t-shirt ou du fait qu'à son âge, il n'avait toujours ni femme ni enfant ! Il y avait tant de façons de se moquer de lui, après tout ! Il aimerait beaucoup, d'ailleurs, qu'elle le taquine. Cependant, sa phrase, les derniers mots furent dans le vent. Il se tourna pour voir sa réaction mais elle était à quelques mètres de lui déjà et il l'interpella pour lui montrer l'autre côté du croisement.

– Celui-ci est mieux, il y a plus de choix.

Il tendit une main vers elle en souriant. C'était aussi là-bas qu'il avait pris les billets donc plus simple pour les faire rembourser !

Le problème avec ce genre de phrase c’est que, forcément, Hella essaya de l’imaginer avec des collants. Vu le gabarit du type, ça devait être… Elle secoua la tête, s’enlevant cette image de la tête, surtout qu’elle avait un peu fait ça à la manière Harry Potter quand, en cours, ils devaient tous imaginer quelques choses de ridicule. Et si, toute personne normale aurait dû s’arrêter au fait qu’il proposait d’aller voir ce qu’elle voulait, et non lui. Hella, de son côté accrocha surtout sur le fait qu’il allait au cinéma une fois par semaine et que, vu comme ça, il se foutait pas mal de ce qu’il allait voir. Ouais, dire ça à une adolescente qui ne bouclait même pas ses fins de moins sans voler des trucs à droite et à gauche c’était… SUPER !

Ça avait tendance à l’énerver ces gens qui étaient capable de ce payer un peu ce qu’ils voulaient et forcément elle repensa à ce qu’il lui avait proposé la première fois qu’elle l’avait vu : nouvelle voiture, robe et ainsi de suite, elle n’avait qu’à faire un choix. C’était déprimant. Vraiment. A son clin d’œil, c’était un soupir qu’elle lui rendit dans un haussement d’épaule. Elle avait dit, de toute façon qu’elle s’en foutait, elle ne voyait pas l’intérêt de se répéter puis, de toute façon elle était déjà repartie dans ses pensées, zappant royalement tout le reste, même la direction. L’interpeller avait été une bonne idée pour qu’elle refasse surface, qu’elle s’arrête et qu’elle se tourne vers lui l’air interrogatif en lui demandant muettement ce qu’il voulait. Sa tête passa de la direction qu’elle avait commencé à prendre et la direction qu’il donnait… Merde… c’est lui qui avait la bonne. Pfff…  Un soupir, la tête rejeté en arrière en signe de défaite mauvaise, elle traina des pieds pour aller le rejoindre tout en redressant son visage pour lui donner une position un peu plus normale.

Reprenant la bonne direction, ignorant prodigieusement la main tendue dans sa direction, elle repassa ce qu’il avait dit un peu plus tôt. Il venait souvent, toutes les semaines, accompagner ou non. Est-ce qu’il y avait une madame Marshall autre que sa mère à lui ? Question bien trop directe, ne fallait pas non plus qu’il pense qu’elle s’intéressait à sa vie. Merde, est-ce que ça voulait dire qu’en fait elle s’y intéressait un peu ? Elle se retira cette idée de cette tête en préférant se dire qu’elle essayait, seulement, de faire la conversation.

« Et alors, t’as combien de nièce que t’essaye d’acheter en les invitant au cinéma ? »

Elle avait dit ça dans une attitude complètement neutre, les mains dans ses poches. Peut-être qu’elle voulait savoir si il y avait quelqu’un dans sa vie mais, surtout, elle avait besoin de lui rappeler qu’elle n’avait pas besoin de lui. Qu’il pouvait l’emmener au cinéma tant qu’il voulait, ça ne changerait rien pour elle. Ce n’était pas en lui payant des choses qu’il allait se la mettre dans la poche. Elle leva la tête vers lui, avec un air septique.

« Ça marche d’ailleurs ce truc d’emmener les gens au cinéma en leur disant qu’on a toujours rêvé d’essayer des collants ? Parce que, comme accroche, on a déjà vu mieux quand même, tu sais ? »

Elle se disait que s’il devait draguer quelqu’un… Punaise, en fait elle plaignait l’autre personne. Enfin, elle n’en savait rien, il était peut-être différent quand il était dans ce genre d’optique mais, c’était juste qu’il avait une de ses façons de dire les choses… Un peu à côté de la plaque des fois l’oncle !

Le côté à côté de la plaque venait très certainement du fait que pour la première fois de sa vie, Ian faisait face à quelque chose de purement inconnu. Une nièce, mutante, qui plus est, avec probablement un visage de monstre la nuit... Toutes ces choses tournaient dans sa tête sans qu'il puisse avoir réellement le temps d'y réfléchir. Il en avait envie mais... Disons le franchement : ça lui fichait gravement les boules. Mais il composait plutôt bien compte tenu des jetons qu'elle lui collait. Si elle le trouvait maladroit... Si seulement elle pouvait imaginer combien il était mal à l'aise. C'était tout naturel qu'il ne soit ainsi qu'avec elle. Quoique, il lui arrivait d'être fichtrement maladroit quand une fille qui plaisait vraiment beaucoup. Mais ce n'était pas arrivé depuis très longtemps. Très, très longtemps.

– Je n'ai qu'une seule nièce.

Il ne l'aurait pas avoué mais son comportement commençait doucement à l'agacer. Il voulait donner une chance à cette relation, aussi, il fit avec en souriant, trouvant de l'amusement dans cette ironie qu'elle aimait tant employer. Il n'était pas là pour rire, toute cette situation ne le faisait pas rire. Mais racheter les erreurs de son frère ne se ferait pas si facilement, et il en avait conscience ! Il espérait simplement qu'elle ne forcerait trop pas les limites de sa patience. Il n'avait pas envie d'être quelqu'un de nerveux ou d'autoritaire avec elle, il voulait juste... Être Oncle Ian, pour quand elle aurait besoin de quelqu'un. Ian était de ces personnes qui ne vivaient, finalement, que pour les autres quitte à payer de sa vie. Curieusement, il était toujours là. Les autres, non.

Il aurait préféré qu'elle s'intéresse à sa vie privée plutôt qu'elle ironise sa vie sociale. Si elle avait du mal à boucler ses fins de mois, lui ne dépensait quasiment rien durant les siens. Pas qu'il économisait mais que pouvait-il faire avec des sous à part payer un loyer qu'il n'aurait pu assurer avant l'armée ? Ian avait de la chance. Mais il l'avait payée cette chance. Et à son sens, il l'avait payée même très cher. Mais toutes ces choses, il ne lui en parlerait peut-être que plus tard, si elle changeait d'attitude et si elle acceptait d'être sa nièce, surtout. Il était peut-être maladroit mais personne ne pouvait lui reprocher de ne pas essayer.

– Non, en général, je leur demande s'ils veulent venir avec moi, on me répond oui ou non, on choisit ce qu'on veut voir, on passe un bon moment, on boit un verre et on rentre chacun chez soi pour se retrouver le lendemain soir pour bosser jusqu'aux premières lueurs du jour, et ce, pendant les 6 jours suivants.

Il avançait à ses côtés mais sans la regarder, c'était comme raconter sa routine, jour et nuit. Métro, boulot, dodo... Ian s'ennuyait presque. Mais ça lui plaisait de s'ennuyer un peu, c'était un luxe dont il ne se lassait pas depuis qu'il était enfin installé dans cette "paix".

– Mais il te reste quatre questions à me poser, c'est bien, on fait des progrès ! La communication, c'est l'avenir.

Il lui jeta un oeil avec un léger sourire. A dire vrai, il aurait pu lui en poser aussi des questions. Mais il n'était pas sûr qu'elle veuille répondre. Pourtant, il y mettait un point d'honneur. Pour lui, la communication, c'était vraiment l'avenir. Quelque chose depuis longtemps perdu qu'il semblait difficile à ramener à la vie. Mais il était gonflé d'espoir et d'optimisme, alors... Il restait patient.

Bonne nouvelle, elle n’avait pas de sœur cachée ou quelque chose dans ce goût-là. Ian ne laissa rien voir de ce qu’il pouvait penser du ton qu’elle employait et, combien même ça aurait été le cas, elle n’en aurait pas bougé d’un iota. Elle ne le connaissait pas, n’était pas certaine d’avoir besoin de lui dans sa vie mais, plus que tout, elle ne pouvait pas s’empêcher de tester les limites des gens qu’elle rencontrait. Une sorte de mise à l’épreuve. Pas étonnant qu’elle en soit à son quatrième chaperon au commissariat, elle leur faisait tous péter des câbles les uns après les autres. Une marque de fabrique chez elle.

Elle ne comprenait pas trop sa réponse, est-ce qu’il était en train de raconter ses journées ? Elles étaient toutes pareilles ? En y réfléchissant, elle n’était pas certaine d’avoir une vie bien plus passionnante. Elle se levait, allait en cours, faisait ses heures au commissariat. Entre temps, elle servait de message pour un mutant à qui il manquait une case, elle se faisait enfermée chez elle et… Ah oui, elle se faisait tirer dessus parce que son ancien chaperon avait trouvé cool de l’emmener avec elle en mission. La routine, ce n’était pas si mal, finalement, ça devait éviter bien des problèmes.

« Laisse-moi deviner, chaque jour à un repas bien défini histoire d’être certain de ne pas te sortir d’une routine réconfortante ! »

Sérieux c’était carrément flippant comme truc. Elle le regarda soudainement avec un sourcil relevé. Comment ça il lui restait 4 questions ? Non… en fait c’est le fait qu’il parle de progrès qui la dérangeait. Le but n’était pas d’évoluer mais qu’il comprenne qu’il ne pourrait jamais la supporter, qu’il arrête de venir la voir et qu’il lâche l’affaire une bonne fois pour toute. Elle secoua vivement la tête.

« J’en ai pas besoin d’autant. Honnêtement, je m’en fou un peu de ce que tu peux faire, ce que t’aime et ainsi de suite. J’suis pas là pour ça mais juste pour éviter que Phen me prenne la tête si j’avais refusé de venir. »

Si c’est derrière cette excuse qu’elle voulait se cacher c’était son problème mais ça restait un joli petit mensonge auquel elle avait juste envie de croire. Bien sûr qu’elle le testait, elle ne savait faire que ça pour se protéger et faire fuir les gens mais, si vraiment elle s’interrogeait elle comprendrait – avec un peu de volonté – qu’elle avait envie qui tienne le choc parce que, avoir une famille, enfin… ca restait le besoin de toute personne, encore plus quand cette personne n’en a jamais eu. Putain, elle était bien trop fière pour le dire et pour l’admettre à elle-même.

Et comme ils étaient arrivés devant le cinéma qui n’était si loin que ça, elle se détourna aussi vite pour lever les yeux vers les affiches à l’affut de ce qu’il pouvait y avoir. Les films, tout ça, ce n’était pas vraiment son truc. Elle n’avait pas grandie avec une télé dans sa chambre, la rue en offrait peu aussi. Le premier écran qu’elle avait eu à disposition, finalement, c’était celui de l’institut alors autant dire qu’elle avait un sérieux retard niveau film. La plus part des titres ne lui parlait même pas, où alors c’était parce qu’elle avait surpris une conversation entre deux élèves qui en parlait. Dépitée et un peu honteuse de ne pas savoir de quoi pouvait parler les films présent elle avait fini par hausser les épaules.

« Va pour ton type en collant, s’tu veux. Ca ou autre chose de toute façon »

D’accord elle n’y mettait pas beaucoup de volonté, ce qui s’expliquait par le comportement qu’elle avait depuis un bon moment et aussi par le fait qu’elle ne savait pas ce qu’elle avait envie de voir. Elle ne s’était jamais posé la question, récemment, en fait. Le ‘tient, si on allait au ciné aujourd’hui ?’ n’était pas la question qu’ils se posaient avec Phen.

Ian pouffa de rire à sa réplique mais pas parce que ça l'amusait. Plutôt parce que c'était totalement faux. S'il y avait bien une chose que Ian n'avait pas, c'était une routine. Ou plutôt, la seule chose qui s'y apparentait, c'était ce moment cinéma qu'il s'offrait. Il avait des habitudes, cela dit, oui. Des habitudes auxquelles il tenait car c'était, selon lui, une bonne façon de garder la tête droite et les idées en place. De plus, il en savourait chaque moment. Quant à sa deuxième réflexion, il prit à nouveau sur lui en souriant légèrement. Un jour, il serait payé pour sa patience. Quelqu'un la verrait et quelqu'un l'en remercierait. Quelqu'un le bénirait pour ce don qu'il avait reçu à la naissance, cette capacité à entendre, endurer, supporter, le tout sans rien dire et avec le sourire. Combien de temps le testerait-elle encore ? Il appréciait son petit caractère bien à elle, il n'en attendait pas moins de la progéniture de son frère.

Pourtant, il allait falloir qu'elle comprenne une chose. Alors qu'elle regardait les affiches, il fit de même. Il se rendit alors compte d'une chose qui lui fit froncer les sourcils et qui manqua de lui faire ravaler sa confiance. Oh, il n'aurait pas abandonné pour autant mais... Ca le décourageait un peu. Il poussa un profond soupir et fit vibrer ses lèvres pour seule inspiration. Alors quand elle se rangea du côté du grand blond musclé, il songea qu'une minuscule remise en place s'imposait. Faire avec son caractère, oui. Faire avec son comportement de gamine pseudo victime, non. Il se pencha légèrement vers elle en montrant chaque affiche l'une après l'autre.

– Mutants, mutants, expérience qui a mal tourné, adoption qui a mal tourné, aliens, mutants, zombies, Famille recomposée, collants serrés, masque de super héro, Terre détruite, ouah...

Puis il posa son index sur son épaule pour qu'elle se tourne face à lui. Malgré sa voix basse et calme, il exprimait une certaine fermeté. Il n'avait pourtant pas l'air menaçant, mais c'était peut-être bien ça qui faisait penser qu'il était ferme. Il récupéra vite sa main pour la lever en l'air comme exposant une idée. Le tout, sans lui dire qu'il avait déjà vu quasiment tous ces films.

– Hey, tu sais quoi ? C'est à croire qu'il n'y a rien à voir qui ne puisse pas, à un moment donné, te faire penser à ta propre vie. Alors qu'est-ce que tu penses de... Au lieu d'un "si je veux", choisir un truc qui te ferait en fait envie et que tu ferais pour toi, pour changer ? Admettons que tu sois venu pour ton copain, pourquoi est-ce que tu ne choisirais pas un film pour toi ? Tu vois ? Si je dis ça c'est parce que personnellement, j'aime venir ici pour passer un bon moment alors je trouverais ça dommage que ce soit pas le cas pour toi aussi.

Il haussa les épaules, songeant que ses mots étaient assez parlant pour lui faire comprendre.

– Donc, le mec en collant et la pin up des années 50, ça te convient, à toi ?

Un doigt passa devant elle pour lui désigner toutes les affiches, avec une énumération en live… Un peu comme dans les musés en fait. Wooo, super programme ! Quand il la toucha, pour sûr, elle se retourna, juste pour ne pas avoir de contact. Pas son truc, en fait. Les yeux plissés, elle avait même de lui en vouloir pour cette action mais, au fur et à mesure qu’il parlait, ses yeux commençaient à s’agrandir. Elle se mise à sourire… Il était sérieux là ? Son sourire était plus du genre « putain j’hallucine » qu’amusé ou autre chose.

« Ok alors... » Elle leva une main comme pour dire qu’elle allait lui expliquer les choses à sa manière. « Ça n’a rien à voir avec le fait que ça peut me faire penser à ma vie parce que, franchement, je m’en tape. C’est des films. »

Puis merde, elle n’était pas du genre à repasser sa vie en boucle ou de les voir à tous les coins de rues, c’est juste lui, et sa façon de débarquer qui foutait tout en l’air. Est-ce qu’il en avait seulement conscience ? Et ça l’énervait parce qu’il ne comprenait pas le problème qu’elle avait avec le cinéma. Et comme à chaque fois qu’elle était énervée, même si elle ne hurlait pas, elle avait tendance à sortir des choses qu’elle voulait pourtant garder pour elle.

« Tu sais pourquoi je m’en tape du film qu’on va voir. » Elle pointa un index en direction des affiches sans pour autant le quitter du regard. « Parce que j’y connais rien et puis parce que je n’ai pas envie d’aimer ça. Désolée de remettre ma condition sociale en avant mais, si j’apprécie, quand tu vas à nouveau te barrer, cette connerie de cinéma deviendra peut-être un truc que je vais regretter ne plus pouvoir faire. Et ça, j’en ai pas envie. »

Il parait qu’on vivait très bien avec ce qu’on ne connaissait pas. Elle avait déjà mis les pieds dans une salle de cinéma mais pas forcément pour les bonnes raisons. C’était une activité, toute bête, toute innocente mais, elle était sincère. C’était pourtant pas si compliqué à comprendre. Enfin, ça ne l’était pas pour elle, elle le vivait mais lui, il s’en foutait, il y venait toutes les semaines et avec, ou sans elle, il ne changerait pas ses habitudes. C’était différent pour elle. Cette fois c’est vers lui qu’elle pointa son index.

« Tu pourras m’envoyer voir n’importe quel film que, de toute façon je ferais en sorte de ne pas l’apprécier » Elle plissa légèrement les yeux. « Et crois-moi, quand j’ai décidé d’y mettre de la mauvaise volonté, je suis plutôt douée pour ça ! »

Bin… Voilà, elle avait dit ce qu’elle avait à dire et finalement ça l’avait calmé. Enfin, elle le croyait. Et elle se sentait un peu con avec son index levé dans la direction de cet oncle sorti de nulle part. Comment est-ce qu’elle pouvait lui demander de comprendre ce genre de chose. Du coup, et par fierté, elle agita son doigt une dernière fois avant de laisser retomber sa main le long de son corps et de tourner les talons pour relever la tête vers les affiches, bras croisés contre elle.

Toute cette situation l’emmerdait parce qu’elle ne savait absolument pas comment elle devait la gérer. Quelle drôle d’idée d’avoir ouvert cette foutue porte et, surtout, quelle connerie de l’avoir franchie en pensant que… En pensant quoi ? Ça ne pouvait pas bien se passer vu qu’elle se focalisait sur le fait de le faire fuir, sans vraiment le vouloir. Comment Ian pouvait la suivre si même elle, elle n’était pas capable de savoir ce qu’elle voulait. Putain de connerie ! Une pensée qui passa ses lèvres même si à la base, ce n’était pas ce qu’elle comptait faire.

« Fais chier ! »

Au moins avait-il réussi à la faire réagir. Il ne s'en amuserait/féliciterait que bien plus tard car pour l'heure, il demeurait interdit face à elle. Il s'était attendu à un déballage d'ado rebelle mais pas à ce genre de choses. Cependant, elle avait exprimé une chose et bizarrement, c'était une chose à laquelle il n'avait même pas pensé : le fait qu'elle puisse simplement se protéger de lui. Il avait songé à la colère, à la vengeance, au manque de confiance, mais pas un instant au fait qu'elle puisse... simplement... se protéger de lui. Cette nouvelle vision des choses l'aurait fait rire dans d'autres circonstances mais là, il comprenait que, quelque part, il l'avait touchée. Il ignorait de quelle manière mais elle semblait prévoir qu'un jour, il s'en irait. Il déglutit à cette pensée alors que les mots de son frère revenaient dans son esprit. D'une certaine manière, Hella avait été abandonnée dès sa naissance par ses deux parents, et même par sa grand mère, si Ian se mettait d'un point de vue large.

Il lui arrivait de se protéger contre certaines choses, des situations blessantes ou douloureuses, mais rien qui puisse s'approcher de l'abandon, cependant il commençait à mieux comprendre son caractère pénible. Mais quelque chose lui souffla qu'elle n'avait sûrement pas voulu que tout ceci sorte de cette manière, comme ça, alors qu'il y avait des gens autour. Il cligna des yeux, loucha sur son index et releva le regard sur elle. S'il avait pu, il se serait accroupi devant elle pour la rassurer, lui dire que tout allait bien. Mais elle était trop grande, même pour lui. Pourtant, rien que ce geste, il aurait aimé l'avoir. Ian était né pour protéger son prochain, et encore plus sa famille. Et aujourd'hui, Hella faisait partie de sa famille, il n'y avait pas à songer un instant se défiler, comme son frère l'avait fait. Et puis, avec son empathie, il sentait une certaine détresse qui émanait d'elle, sans vraiment en être conscient. Peut-être se faisait-il des idées mais c'était quelque chose qu'il ressentait plus vivement maintenant qu'elle jurait. Cependant, il ne décida de relever qu'une seule chose.

– A nouveau ?

Il haussa les sourcils et pouffa de rire. "A nouveau se barrer". Il ne valait mieux pas qu'elle sache qu'il avait déjà rangé sa photo dans son portefeuille, imaginez sa réaction ! Il pointa d'une main un endroit dans le ville mais sa voix resta assez basse et calme. Pourtant, il sembla que lui aussi lâchait certaines choses qu'il avait sur le coeur. Il essayait néanmoins de rester concentré sur Hella, c'était elle sa priorité maintenant.

– Hey, c'est ton paternel qui t'a abandonnée à la naissance, j'en savais rien, je te rappelle. Je me suis pas barré une seule fois de ta vie parce que j'en ai pas encore eu l'occasion et quand bien même ce serait ce que tu me demanderais que je le ferais pas, d'accord ? Bon sang, Hella, c'est ça que tu crois que je vais faire ?

Il pencha la tête en plissant le front. Aussi inquiet que vexé, ou presque, il reprit.

– Que j'aurais fait touuuuut ce chemin, toutes ces heures de route, toutes ces nuits à réfléchir à ce qui était juste ou non pour... Seulement me barrer de ta vie ? Si j'étais venu dès que j'ai su alors peut-être que oui, j'aurais agis de façon aussi stupide parce que je n'y aurais pas assez réfléchi, ni aux conséquences d'une telle chose. Tu es une personne, Hella, un être humain et débarquer dans ta vie ce n'était pas un hasard, je l'ai fait de façon réfléchi. Alors si tu crois que j'ai agi de façon impulsive, intéressée ou juste pour la curiosité, tu te fourres le doigt dans le nez jusqu'au coude, tu m'entends ? Tu n'es pas qu'une promesse à mes yeux. J'ai pas voulu ce qui t'est arrivé. Tu veux y mettre de la mauvaise volonté ? Très bien, dis-toi que je viendrai frapper tous les dimanche soir chez toi pour aller voir un film au cinéma et ce, jusqu'à ce que tu le fasses sans râler, sans le faire parce que ton copain t'a dit de le faire mais parce que toi...

Il pointa son index sur elle.

– Parce que bon sang toi, tu l'auras voulu, ainsi !

Il prit sa main et lui mit le ticket dans la paume avant de lui fermer les doigts pour lui rendre. Il montra le cinéma dans son dos du pouce et haussa les sourcils.

– J'ai bien envie de voir se film pour me marrer un peu alors voilà ce que je te propose. Tu as le ticket, la salle... Si tu veux me rejoindre, je te garde une place - et un pot de popcorn - sinon, je frapperai dimanche prochain en sortant du boulot et crois-moi, je frapperai jusqu'à ce que tu ouvres. Si tu te crois une grande fille tenace, dis-toi que j'ai pris de l'avance. Des questions, tu en as. Le jour où tu te décideras à les poser, je serai jamais loin.

Il acquiesça et tourna les talons en la plantant là. Ce n'était pas très fin d'agir ainsi, il fallait reconnaître. Quant aux questions, elle en avait sûrement sur sa famille, son père... Ian n'était pas égocentrique, qu'elle en ait sur lui ou non il s'en moquait.

Elle le regardait, les yeux que très légèrement plissés, ses bras croisés avec son air d’adolescente rebelle qu’on trouvait à tous les coins de rues. Cet air qui dit « parle toujours, j’m’en fou » alors que tout le monde pouvait comprendre que ce n’était pas vrai. Elle ne s’en foutait pas mais elle devait tenir bon. Et oui, à nouveau, elle le pensait. La première fois, c’était quand il avait appris qu’elle existait et qu’il était juste resté dans son coin, en fermant les yeux. Que ce soit juste ou pas, ça n’avait pas d’importance parce que c’était comme ça qu’elle voyait les choses. Elle plissa un peu plus les yeux quand il pouffa de rire, une envie furieuse et fugace de lui foutre son poing entre les dents. Il n’y avait rien, dans ce qu’elle venait de dire, qui devait donner envie de pouffer de rire.

Toujours les bras croisé, elle vira son regard sur la droite, sur le sol, à gauche tout en faisant une moue dédaigneuse. Ne pas réagir et, surtout, SURTOUT, ne pas croiser son regard. Elle ne craquerait pas. Involontairement, en regardant ailleurs, elle avait que très légèrement hoché la tête. Bien sûr que c’est ce qu’elle croyait. Il allait se barrer, tout le monde le faisait. Elle inspira, essaya de ne pas écouter ce qu’il était en train de dire. En fait, elle ne savait pas ce qui la clouait au sol parce que vu les explications qu’il donnait, elle avait envie de fuir pour ne pas les écouter et ne pas les croire. C’était ça le plus dangereux dans la vie, croire les gens quand ils vous disaient des trucs comme ça. « Tu vas voir, on sera une vraie famille »… Ouias, jusqu’à ce que t’es ton vrai rejeton ! « Je serais toujours là »… Ouais, jusqu’à ce que tu te barre ! « Tu vas voir, j’assurerais tes arrières tout se passera bien »… Ouais, jusqu’à ce que tu te décides de buter tout le monde dans cette putain de banque. Et cette foutue liste était longue alors, non, elle ne devait pas le croire.

Pourquoi est-ce qu’il ne pouvait pas simplement lâcher l’affaire ? Pourquoi est-ce qu’il était venu d’abord ? Et, bordel, pourquoi c’était si douloureux pour elle ? Elle s’était pourtant promis que si elle retrouvait une famille, elle les détesterait tout simplement, elle les avait rayés de sa vie sans même les connaitre, elle n’avait jamais voulu d’eux et lui, putain, il débarquait et foutait tout en l’air. Et ses yeux à la noix qui commençaient à lui piquer. Regarder le sol, respirer, faire comme si tout ce qu’il pouvait dire n’avait pas la moindre importance, pas le moindre impact. Quand il pointa son index vers elle, elle ne s’y était pas attendu ce qui provoqua un léger sursaut. Pas contre lui, juste… Enfin, elle n’y pouvait rien, c’était comme ça.

Le ticket de cinéma fut plantée dans sa main pendant qu’elle regardait ailleurs avant qu’il ne lui explique ce qu’il allait faire et de la planter là, comme ça. Il n’était plus dans son champ de vision et Hella pu enfin ouvrir la bouche pour attraper de l’air, celui dont elle avait besoin qu’elle s’était refusé de prendre pour ne pas risquer de craquer. Elle leva les yeux, bougea doucement la tête et passa le revers de sa main sur ses yeux. Un « Et merde » fut prononcé silencieusement pendant qu’un de ses pied frappa par terre. Elle se tourna fit un pas vers l’entrée du cinéma. Tourna les talons fit deux pas dans la direction opposée.

La question n’était pas de lui laisser une chance ou non mais, c’était de savoir si elle voulait prendre le risque de le faire. Bien sûr qu’elle avait envie de croire à ce qu’il disait surtout qu’il était convaincant mais, elle ne pouvait pas, c’était trop compliqué pour elle, bien au-delà de ce qu’elle était. Elle ne voulait pas changer d’avis et c’est pour cette raison qu’elle ne se retourna pas une dernière fois vers le cinéma, qu’elle se mise à courir et qu’elle alla se réfugier dans son appartement.

Elle était rentrée en quatrième vitesse, la porte à peine fermée, elle s’était précipité sur le canapé sur lequel elle s’étala sur le ventre, le bras droit retombant sur le sol. Au bout de ce bras, sa main qui renfermait toujours le ticket de cinéma, comme les plaques, elle l’avait gardé pour une raison qu’elle ne connaissait même pas. Phen avait dû sortir entre temps, finalement ce n’était pas plus mal, elle avait juste envie d’être seule et de pester intérieurement contre le reste du monde. Ça lui passerait, ça lui passait toujours.

Ian n'avait pas espéré grand chose. Il s'en voulait déjà d'avoir agi si impulsivement. Elle était là, aux portes du cinéma, ils s'apprêtaient à passer un bon moment, il en était sûr ! Alors pourquoi avait-il dû encore lui dire de choisir ? Il l'avait, elle était là, juste là ! Est-ce que lui même avait un peu peur de sa condition mutante ? De ce qu'elle pourrait faire si tout ce qu'elle lui avait dit était vrai ? Avant d'entrer dans les couloirs des salles, il tourna la tête vers l'extérieur mais elle avait déjà disparu. Il soupira et regarda son pot de popcorn. Bizarrement, il avait dû deviner qu'elle ne franchirait pas les portes : il n'avait pris qu'un petit pot. Il n'en raffolait pas mais ça faisait partie de la magie du cinéma, selon lui.

Pourtant, même en attendant que le film commence, il n'arrêtait pas de regarder les portes en haut des escaliers. Peut-être qu'elle ferait demi-tour. Mais quand la salle fut plongée dans le noir, il se fit une raison. Hella ne viendrait pas aujourd'hui. Si le film n'était pas mauvais, la séance avait un goût amer. Mais il se consola en se disant que quand il sortirait en DVD, il lui montrerait. Un peu comme s'il voulait que ce soit... Leur film. Il avait bien saisi que le cinéma, c'était pas son truc ou du moins, qu'elle voulait un truc spécial. Alors Ian s'était mis à réfléchir à quelque chose d'encore plus simple qu'un cinéma. Une balade dans Central Park ? Ca impliquait trop de discuter, elle ferait la carpe et lui verrait à nouveau sa patience éprouvée.

Le dimanche suivant, Ian se pointa à nouveau chez Hella, comme promis. Toujours les tickets de cinéma mais surtout le fait que ces derniers lui avaient offert des glaces gratuites. Alors pourquoi ne pas en profiter ? Et si elle refusait, le WE suivant, il revenait avec une invitation pour un lasergame vu que le soir, il ne travaillait pas. Et si elle refusait toujours, alors il reviendrait encore avec la proposition d'un footing dans Central Park tellement il faisait beau. Si c'était ce qu'il fallait pour qu'elle esquisse une once de confiance en lui alors tous les dimanches, il reviendrait avec de nouvelles idées, encore et encore, et encore, jusqu'à ce que Phen ouvre la bouche. Lasergame, paintball, il alla même jusqu'à proposer une séance de tir. Aussi maladroit que cela puisse être, c'était malgré tout quelque chose qu'ils avaient en commun : avoir ôté une vie avec une arme à feu. ans le cas de Ian, c'était plus d'une mais elle n'avait pas besoin de l'imaginer. Pas pour l'instant.

Et chaque semaine, ses collègues lui donnaient de nouvelles idées, de nouveaux plans, basés sur les désirs de leurs propres gamines ado. Mais Hella n'était pas n'importe quelle ado. Elle était SA gamine ado, elle était une mutante et elle avait tué un homme. Hella n'était pas une personne à prendre à la légère mais il voulait pourtant tout essayer. Et il essayerait jusqu'à ce qu'elle dise oui, jusqu'à ce qu'ils passent un moment ensemble et qu'elle la voit sourire, enfin. Qu'elle lui sourit, à lui, et sincèrement. Et un jour, quand elle serait prête, alors elle lui poserait les questions qu'elle avait. Qui n'en avait pas ? "D'où je viens ?" "Pourquoi j'ai été adoptée ?" "Pourquoi ils ont pas voulu de moi ?" "Qu'est-ce que j'ai fait ?" "Est-ce que c'est ma faute ?" La dernière, Ian se l'était longtemps posée. Et maintenant, il se la posait à nouveau au sujet de Hella. Si seulement il avait pu réfléchir plus vite...

Le dimanche suivant, il avait frappé encore et encore. Pas de Phen pour lui ouvrir alors, elle se contenta d’augmenter la musique dans l’appartement sans lui ouvrir. Il finirait bien par lâcher l’affaire, non ? Le week end d’après il remettait ça, elle avait ouvert la porte, ne l’avait pas écouté et avait balancé un « Pas intéressée » avant de refermer la porte et mettre de la musique. Le suivant, elle s’était surprise à se lever en se demandant ce qu’il trouverait aujourd’hui. Elle refusait d’accepter, de le faire entrer, lui ouvrait la porte une fois sur deux et, pourtant, ça avait comme un goût d’habitude. Quand il frappa, elle alla ouvrir, le regarda d’un air blasé mais il y avait ce soupçon de petit sourire qu’elle cherchait à dissimuler. Un footing. « Sérieux ? » elle soupira et referma la porte, autant cette fois pour des écouteurs. Ses voisins s’étaient plaint de la musique qu’elle mettait trop fort le week end.

Ils avaient eu le temps d’en discuter avec Phen et chaque semaines qui passaient, donnait raison à ce colocataire par comme les autres. Ian s’accrochait. Vraiment. Ce n’était pas faute d’essayer de le décourager mais, non, il revenait avec une idée différente chaque  week end, à croire qu’il cherchait ce qui allait enfin faire mouche. Ce nouveau dimanche était probablement le premier où elle était prête à sortir, pas dans un de ses short qu’elle réservait à ses journée glandage. On frappa à la porte et elle avait levé les yeux au ciel plus par habitude que par réelle envie. Les pieds trainants elle alla jusqu’à la porte qu’elle ouvrit. Séance de tir. Elle referma la porte sans plus attendre. Ok… Ça ne s’était pas prévu dans son programme.

Elle s’était dit qu’elle accepterait ce qu’il lui proposait. Il méritait, non ? Ne serait-ce que pour l’acharnement qu’il y mettait mais, une session tir. Elle plaqua son dos contre la porte, les mains sur son visage. Elle était incapable de tenir une arme dans les mains, c’était au-dessus de ses forces. Elle laissa passer deux ou trois minutes dans cette position en se demandant ce qu’elle devait faire. Elle pouvait se facilité la vie en se disant qu’elle essayerait à nouveau la semaine prochaine, après tout, il reviendrait non ? Oui, c’était une bonne idée. Et, c’est pour ça qu’elle ne comprenait pas pourquoi elle s’était retournée pour ouvrir la porte. Plus personne. Merde !

Elle resta interdite sur son palier en se disant qu’elle était définitivement trop conne des fois. Alors oui, elle aurait pu descendre les escaliers en quatrième vitesse, essayer de le rattraper mais… Elle rentra dans son appartement, ferma la porte et s’affala dans son fauteuil. En tendant la main elle ouvrit le tiroir d’un petit meuble et se pencha un peu par-dessus. Dedans, un ticket de cinéma qui n’avait jamais servi et des plaques militaires. Si elle les avait gardés c’est qu’il y avait bien une raison, non ?

Le week end d’après quand ça avait frappé à la porte, elle avait ouvert, jogging, basket, débardeur, les cheveux attaché à la va vite en hauteur.

« Footing. »

Elle avait parlé avant même d’avoir fini d’ouvrir la porte. Finalement, la meilleure solution pour ne pas se mettre à flipper devant une de ses propositions était encore d’en proposer une, non ? Définitivement ce type était bien trop grand pour elle, et elle se força encore à lever la tête pour pouvoir le regarder. Elle était en train de se dire que le mot qu’elle avait prononcé n’avait peut-être pas trop de sens.

« Je propose un footing, après c’est toi qui voit si ça te va. »

Mais lui il n’avait pas de porte à lui claquée au nez, sauf en la poussant et en fermant sa porte à elle mais ça serait vraiment trop bizarre.

Spoiler:

Dimanche après dimanche, proposition après proposition, j'ai frappé à sa porte, j'ai attendu qu'elle ouvre... Et qu'elle me la ferme au nez. C'était devenu un jeu. J'en riais presque de la voir me claquer la porte au nez de la sorte. C'était comme si, finalement elle attendait de voir ce que j'allais proposer la semaine suivante. J'étais presque déçu que cette fois-ci, elle reste ouverte.

Au début, Ian restait devant la porte à attendre que Phen vienne ouvrir à nouveau. La deuxième fois, il avait juste attendu qu'elle en ait marre. Et puis à force, il n'attendait plus, c'était devenu le truc marrant à faire tous les dimanche : une proposition différente à chaque fois, ça finirait bien par marcher, non ? Et puis un jour, il n'avait même pas eu à dire quoi que ce soit. Elle avait ouvert et elle était prête. Quand bien même il n'était pas équipé pour ça aujourd'hui, ce n'était pas grave, il leva la tête vers le ciel dans un sourire.

– Dieu merci ! J'étais à court d'idées.

S'il ne portait pas de quoi faire un footing, ça le ferait quand même. A l'armée, on vous faisait courir avec bien pire qu'une paire de doc's, un baggy et un t-shirt délavé. En fait, à bien le regarder, c'était dur à croire que ce mec avait une pension "à l'aise" comme il aimait la qualifier. Rien sur lui ne semblait avoir de la valeur - monétaire, du moins. Il baissa la tête pour la regarder et sourit en acquiesçant.

– Ca me va parfaitement, oui. Un peu plus et je te proposais la messe avec un collègue qui a un frère pasteur, j'aimais autant éviter. Comme le lasertag, c'est d'un ennui, je préfère le paintball, ok, donc on y va ?

Ian frappa dans ses mains et se les frotta en haussant les sourcils. Déjà, il partait sans la quitter des yeux. Si elle était d'accord, autant ne pas lui laisser trop le temps de la réflexion, comme la dernière fois. Oh non, cette fois, c'était la bonne, cette fois ils seraient tous les deux à faire une activité tous les deux. Et puis un footing, en plus ! Ian n'était pas peu fier et plutôt content qu'elle choisisse ce genre de chose. D'abord, parce que c'était son genre aussi, et parce que ça voulait dire que contrairement à ses potes, "son ado à lui" n'était pas une écervelée qui s'occupait de garçons et de maquillage. Nan, c'était une Marshall ! Une coureuse ! En elle coulait le sang de plusieurs militaires de renom. Il espérait juste qu'elle ne le ferait pas courir pendant des heures.

– Je te propose Central Park, c'est plutôt grand et très agréable !

Quand il leva la tête et les yeux dans sa première phrase, elle roula des yeux dans un soupir l’air de dire que sa réaction était excessive. C’était juste un footing. Mais, à bien y regarder, elle ne faisait pas une tronche de trois kilomètres de long, il n’y avait pas de sourire sur son visage mais, il n’était pas si loin. Peut-être qu’elle s’était imaginé qu’il dirait un truc sur le fait qu’elle n’avait pas si répondre avant, une réflexion sur ses nombreux claquage de porte mais, non. Il avait l’air juste… Euh… content qu’elle ouvre ? Elle ne savait pas vraiment, ça lui semblait tellement bizarre.

Quand il parla de messe, elle écarquilla les yeux soudainement. Il avait vraiment peu de chance de la trainer dans ce genre d’endroit. Les américains et leur croyance… Putain, c’était vraiment un truc qu’elle ne comprenait pas. Peut-être qu’elle était née dans le mauvais pays. Mais elle fut un peu rassurée de savoir que ça représentait aussi un certain ennui pour lui parce que tomber sur une famille qui se tape une prière avant chaque repas, c’est elle qui aurait fini par partir en courant. Elle attrapa la poignée de sa porte, passa le palier et se retourna vers l’appartement.

« A plus Phen. »

Pas de réponse. Normal, il y avait quelqu’un susceptible de l’entendre alors il ne répondrait pas. Mais elle ne pouvait pas partir sans lui dire quelque chose. Une habitude, sûrement. Elle ferma la porte derrière elle, ce qui était, selon elle, une réponse suffisante à son « on y va ? ». En plus, il avait l’air assez motivé même si elle doutait quand de la tenue qu’il avait pour faire un footing mais, vu qu’il ne disait rien c’est que ça devait lui convenir.

« Va pour Central Park alors »

Pas de ton blasé ou j’m’en-foutiste comme elle avait pu le faire pour le cinéma. Elle avait proposé l’activité, elle pouvait bien le laisser choisir le lieu, non ? De toute façon, Central Park lui convenait très bien, elle ne voyait pas de meilleur endroit pour courir un peu. Elle passa devant pour descendre les marches de son immeuble. Hella n’était pas du genre à chercher à se faire des relations, elle avait même tendance à les détruire avant qu’elles ne démarrent alors, faire la conversation n’était pas vraiment son truc. Elle ne savait pas par où commencer, ce qu’il convenait de dire ou pas. Dire des trucs pour faire chier son monde, ça elle savait faire mais, là, elle s’était dit qu’elle voulait essayer de faire un effort et, du coup, ça la rendait incapable de savoir quoi dire. Ce n’est qu’en bas des marches qu’elle se retourna vers Ian, leva la tête vers lui dans une légère moue.

« Au fait, la dernière fois, c’était pas vrai. » Voilà pour dire qu’elle n’était pas douée, elle, elle savait très bien de quoi elle parlait mais lui non. Elle secoua légèrement la tête, remit ses idées en place. « Je ne suis pas toute rouge au naturel » Elle se mise à réfléchir « Enfin ça pourrait arriver mais.. Ouais, enfin c’est compliqué. » Allez dans les explications de ce qu’elle était, c’était déjà compliqué pour elle de comprendre alors quelqu’un qui croyait qu’elle avait des cours pour se cacher des humains. D’ailleurs, à ce propose. « Et on n’a pas de cours bizarres »

Elle ne se sentait pas obligée de rétablir certaine chose mais c’était sa façon, à elle, de dire qu’elle voulait bien essayer de partir sur des bonnes bases. Peut-être que ça ne serait pas interpréter de cette manière mais, on ne pouvait pas lui demander d’être clair dans ses propos, elle ne savait pas comment s’y prendre.

A nouveau, Hella choisit les escaliers pour dire le plus de mots à Ian. Encore une fois, il était dans son dos et ne pouvait juger de ses expressions. Il releva néanmoins la tête pour l'écouter mais sans rien dire. Il y vit une sorte d'ouverture, comme si elle se confessait de quelque chose. Au moins, ils avançaient dans leur relation, c'était plutôt bon signe, finalement ! C'est ainsi qu'il le prit. Elle lui foutait toujours les jetons parce qu'il ne savait toujours pas ce dont elle était capable et comment. Il se consolait en se disant qu'au moins, elle ne lisait pas dans les pensées, sinon il serait déjà mort, probablement. Une fois en bas, il s'arrêta à côté d'elle et l'observa un instant. Il sembla avoir perdu sa bonne humeur, ou du moins son envie de rire. Il acquiesça doucement et lui mit la main dans le dos, l'effleurant à peine, pour la faire avancer vers la sortie.

– Ok, Hella, chaque chose en son temps, d'accord ?

Il était plus facile de gérer le problème "nièce" que "mutante". Elle pensait sûrement que c'était un homme simple qui lui dirait amen à tout, qui ferait, pourquoi pas, tout ce qu'elle demandait, simplement parce qu'il voudrait acheter ses faveurs. Peut-être pensait-elle même qu'il n'avait pas vraiment de volonté propre, qu'il n'agissait que selon elle uniquement ? Mais Ian avait ses craintes aussi et il lui arrivait de ne pas pouvoir les cacher. Il lui donna un sourire et sortit finalement de l'immeuble. Le temps de remonter vers Central Park, il fourra ses mains dans les poches et se mit à siffler. C'était une mélodie qu'il adorait siffler dans les couloirs du bâtiment pendant ses rondes. Ce n'était pas très malin car s'il y avait un intrus, il avait le temps de se cacher, mais, les autres surveillaient les moniteurs et s'il ne s'occupait pas, il s'ennuyait. Et puis il était plutôt gai luron, toujours de bonne humeur. Il sifflait cette chanson populaire du coq dans Robin des Bois, le célèbre Disney. Il ne se rendait même plus compte de la mélodie tellement elle faisait partie de ses habitudes, à présent. Quand ses collègues en riaient, il haussait un sourcil. Ce n'était pas son dessin animé préféré mais en tout cas, il aimait beaucoup cette musique.

– Alors, Phen, c'est ça ? Vous êtes amis depuis longtemps ?

Ils seraient vite à Central Park, c'est sûr, mais en attendant, si elle se moquait de qui il était, ce n'était pas son cas et il avait envie d'en apprendre plus sur elle, à commencer par le jeune homme avec qui elle vivait tous les jours, qui avait ce privilège de posséder un certain pouvoir sur elle. Il était celui sans qui il n'aurait probablement pas réussi à atteindre sa nièce. Il lui devrait sûrement une bonne bière, un de ces jours. Si toutefois il entendait le son de sa voix.

– Et sinon, euh... tu fais quoi ? En dehors de cette école très particulière, j'entends. Tu n'as pas l'air d'aller souvent au cinéma, alors...

Il pouvait paraître intrusif mais il tenta l'aventure ! Si elle le rabrouait alors il lâcherait prise. Sinon, il poursuivrait.

« Ca m’va. »

Hella ne tenait pas ABSOLUMENT à parler de ce qu’elle était, tout ce qu’elle avait voulu c’était rétablir certains faits, sans trop savoir pourquoi. Elle passa la porte sans savoir si elle le faisait aussi rapidement pour se retrouver à l’air libre ou si c’était pour éviter cette main qui avait à peine touché son dos. Au moins, elle ne sursautait plus à chaque fois que quelqu’un la touchait, il y avait un franc progrès.

Franchement, elle ne se faisait pas trop d’idée sur Ian, sur son comportement ou le fait de tout accepter. Elle n’avait jamais été douée pour comprendre les gens, elle préférait donc s’abstenir. Ca évitait de se planter, ça évitait les déceptions, ça évitait les mauvaises interprétations. Tout ce qu’elle voyait chez lui c’était une certaine patience, à sa place elle aurait cessé de venir depuis longtemps. Et oui, bien évidemment qu’elle avait envie d’aller voir ses limites mais, peut-être pas aujourd’hui.

Il sifflait, ça évitait de parler, du moins c’est ce qu’elle supposait. Un air horrible parce que connu et qu’il avait une fâcheuse tendance à rester en tête, pendant que défilait quelques images de ce dessin animé. Sérieusement, qui penserait à siffler ce genre de chose. Est-ce qu’elle l’aurait accompagnée si elle avait su siffler ? Probablement pas. Elle marchait, réfléchissant à un tas de choses et rien à la fois, c’était bizarre mais ça lui arrivait assez souvent, jusqu’à ce qu’il reprenne la parole.

« Ouep c’est ça. Enfin, Phenemore, en vrai mais… Elle secoua la tête en regardant devant elle. Beaucoup trop long. Hella balança un peu les mains, en regardant sur sa droite avant de revenir poser son regard devant elle. On s’est connu y a un petit moment. Et… Ben, disons que ça à plutôt bien fonctionné. »

Tu parles, au début c’était un peu la guerre mais, on les avait collé dans la même cellule capitonnée alors, forcément, ils avaient finis par apprendre à cohabiter. De là, elle ne saurait pas expliquer comment les choses avaient changé mais, c’est juste qu’ils avaient du mal à se séparer. Elle le va la tête vers lui dans un sourire.

« Il ne parle jamais, je crois que ça aide pas mal. »

Vrai et pas vrai. Il ne parlait juste à personne mais, avec elle, allez savoir pourquoi, Phen pouvait être une vraie pipelette. En fait, elle l’adorait. Mais ce n’était pas à elle de dire qu’il parlait. Loin de se vouloir exclusive sur ce point, elle estimait surtout que c’était à Phen de faire ses choix. Elle le leva, sur Ian, un regard perplexe : était-il vraiment en train de s’intéresser à elle par des questions ? Peut-être croyait-elle, en le regardant, qu’elle arriverait à savoir s’il cherchait juste à faire la conversation ou si les réponses l’intéressaient réellement. Elle avait fini par reporter son attention devant elle, histoire de ne pas se prendre un bout de trottoir et se vautrer lamentablement.

« Euh… Elle se sentait un peu stupide de ne pas pouvoir donner les activités que tous les adolescents donnaient dans ce genre de moment. L’école occupe pas mal de temps et… Elle leva les bras avant de les faire retomber comme une fatalité. Je dois faire des heures au commissariat alors, j’ai pas vraiment le temps pour le cinéma, ou autre chose dans le genre. »

Quand elle rentrait, elle était généralement claquée et puis… soyons honnête, un loyer ça ne se payait pas comme ça alors, quand elle avait du temps c’était pour s’arranger pour avoir de quoi payer et se nourrir, rien de très légale, elle voulait bien l’accorder. Peut-être pour ça qu’elle n’en parlait pas. Rien à voir avec ce qu’elle pouvait faire avant l’épisode de la banque parce qu’elle restait quand même en probation mais… bref, les factures, le coût de la vie, fallait bien y pallier, non ?

– Des heures au commissariat ?

Ian tourna la tête vers elle, posant sa question de façon presque anodine. Il se demandait de quoi elle parlait mais comme si cela n'avait rien de grave au demeurant. Mais surtout, Hella lui avait souri alors il se sentit plus en confiance. Parlait-elle d'une probation ? Parlait-elle de cet homme dans la banque ? Il n'avait pas lu le rapport en entier, il n'avait pas eu besoin d'en savoir plus que ça. Cela voulait dire qu'elle faisait des travaux ou autre ? A la regarder, c'était difficile à croire. Pauvre gamine, il n'aurait jamais voulu ça pour elle et il s'en voudrait sûrement encore longtemps de ne pas avoir été là avant pour la protéger. Et puis... Aurait-elle voulu être protégée ? Quoiqu'il arrive, en rentrant d'Afghanistan, Ian avait tout fait pour oublier cette histoire. Il était bien hors de question qu'il se préoccupe d'une gamine. Pourtant, avoir frôlé la mort de si près lui avait remis la tête dans le bon sens. Ca et... son ex. Souriant, il regarda à nouveau devant lui.

– Ouah, je me sens honoré que tu aies le temps d'un footing avec moi, alors !

Il n'avait pas besoin de ça pour se sentir honoré mais... Pourquoi pas, après tout. Finalement arrivés à Central Park, Ian soupira et porta les mains à ses hanches en regardant le petit parcourt aménagé. Ils n'étaient pas les seuls à aimer venir courir ici mais à cette heure-ci, le plus gros de la ville avait fini son jogging.

– Ok, voilà ce que je te propose... Le premier qui a un point de côté donne le droit à l'autre de choisir la prochaine rencontre. Et dis-toi que je cours souvent alors... Sans me vanter...

Même s'il se désignait d'un index, il souriait. Il n'était pas totalement sérieux. Sur le pari, si... Sur le reste, non. Ian était un joueur avant tout. Il savait aussi que c'était suffisant pour détendre l'atmosphère autant en ce qui concernait Hella que lui. En sa présence, il était toujours si nerveux, si empoté. Il voulait tant bien faire qu'il avait peur de tout défaire. Il tendit une main vers elle en relevant le menton. Il semblait ainsi encore plus grand qu'elle !

– Alors camarade ? Je te préviens, dans la famille, on est militaires de père en fille, j'aime autant te dire que courir, je fais ça depuis que je suis en âge de plus faire dans ma couche culotte qui tient par deux épingles. Te dire si j'ai de la bouteille. Tenu ?

Sa vie l'intéressait... Mais pas autant que créer un lien durable avec elle. La juger, de toute façon n'était pas son but. Il n'était pas là pour ça et qui était-il pour la juger ? Elle ne le connaissait pas et il ne savait rien d'elle. De plus, juger, il trouvait ça moche. Et si on devait le juger, lui, qu'est-ce que ça donnerait ? Non... Jamais il ne la jugerait, au contraire. Il l'écouterait, la consolerait, la conseillerait si besoin était. Il n'accepterait pas nécessairement ses choix mais les respecterait. Non, quoiqu'il arrive, il était là pour elle, pour passer un moment avec elle et pour la voir sourire à nouveau. Que cette fois, ce soit grâce à lui.

Ce n’était pas la première fois que ça lui arrivait : de croire que Ian savait un tas de chose, qu’il avait appris ce qu’elle faisait parce qu’il avait fait des recherches pour la retrouver. Et, à chaque fois, elle balançait des infos comme si c’était normal, comme si ça ne demandait pas vraiment d’explication. C’est Ian, avec ses questions, normales et finalement anodine, qui lui rappelait qu’il ne savait pas tout. A chaque fois, elle se sentait un peu conne, haussant les épaules, dans un léger sourire.

« Ouais… La dernière grande idée de mon adorable contrôleur judiciaire. »

Au moins, comme ça, c’était plus clair : ses heures c’était dans son contrat de probation. Et à la façon dont elle avait dit le mot « adorable », avec toute l’ironie dont elle était capable, autant dire que c’était une évidence : elle ne l’aimait pas tant que ça. Ses heures au commissariat venaient de là toute façon, à force de le faire chier, de mal lui parler, de trouver tout un tas de choses à lui faire, il avait fini par trouver des moyens de lui pourrir un peu l’existence. C’était de bonne guerre mais elle ne l’aimait pas pour autant.

Arrivée à central Park, Hella pu comprendre que l’homme voulait mettre un enjeu à cette petite course. Elle posa un regard vers lui mi septique sur cette proposition. Si elle gagnait, qu’elle ne donnait aucune prochaine rencontre, est-ce qu’il cesserait de venir tous les week end ? Elle détourna le regard pour regarder la piste en se disant que réfléchir de cette manière n’était pas très appropriée. Cependant c’est de manière très spontanée qu’elle laissa passer un bref et léger éclat de rire quand il expliqua courir souvent. Elle tourna à nouveau la tête vers lui dans un sourire.

« Ouais et je te préviens, que la seule à pas avoir suivi la tradition familiale à passer sa vie à fuir les autorités donc… »

Ok elle avait fini par se faire chopper mais, sérieux, elle avait passé un bonne partie de sa vie à fuir, à courir. Pas que les flics d’ailleurs. La belle tradition familiale… Finalement, ce n’était peut-être pas une mauvaise chose qu’on est décidé de l’abandonner à la naissance, elle avait au moins réussir à fuir le côté militaire comme tradition familiale. Elle se positionna face à lui, se dévissa la tête pour le regarder. Ce n’était pas humain d’être aussi grand avant d’attraper la main de Ian.

« Tenu ! »

Elle n’avait pas acceptée pour lui faire plaisir mais parce qu’elle avait un côté compétiteur, enfin… Difficile de dire non quand il y a un enjeu, c’était comme les paris finalement. Elle ne savait pas d’où ça lui venait, elle n’acceptait pas tout non plus mais, de temps en temps, ça avait quelque chose de sympa en fait. Ce qu’elle devait garder dans un coin de sa tête ce n’était pas de courir très vite mais de tenir sur la distance. Se remettant face à la piste, elle finit par lui lancer un regard.

« Force pas trop quand même, faudrait pas que papy fasse un infarctus… »

Il était peut-être entrainé mais… Enfin, pour une gamine de l’âge d’Hella, toute personne ayant passé la trentaine était forcément vieille. Ce qu’elle ne savait pas situer c’était l’époque où il était né ? Peut-être celle où la télé était en noir et blanc et où l’activité principal était la chasse au dinosaures pour manger le soir.

– C'est de bonne guerre...

Et la compétition, il y en avait dans la famille ! Ian avait été élevé comme ça. Son frère et lui en avaient joué pendant un long moment. C'était une façon de se surpasser. Une manière de prouver ce dont ils étaient capables, de s'affirmer auprès de la famille. Et de la même manière que son sourire n'était aucunement forcé, le rire de Ian l'était encore moins. Si seulement elle savait. Il ne courrait peut-être pas dans ses vêtements de sport habituel mais il était un bon coureur d'origine. De plus, l'idée lui plaisait assez. En fait, depuis qu'il était enfin sorti de la clinique après la rééducation de son genou, ajouté au fait qu'il avait trop de fois frôlé la mort en Afghanistan, Ian avait nourrit le désir presque vital de courir dès qu'il le pouvait, même sur une courte distance. Juste courir, se sentir vivant, sentir son genou vivant. Ce dernier lui en faisait parfois pleurer les yeux mais il préférait en rire car peu importait la douleur, il était en vie. C'était ça, le plus important. Ca et... sa nièce.

A sa réponse sur le contrôleur judiciaire, Ian n'avait pas vraiment réagi. D'une part, parce qu'il ne savait pas trop comment réagir, ce qu'elle attendait de lui et si elle avait vraiment envie qu'il réagisse, finalement. D'autre part, parce que ça aussi, ils en parleraient plus tard. Chaque chose en son temps et il avait bien compris que Hella ne voulait pas être posée en victime ou être prise en pitié.

Il était nouveau à ce truc de oncle/nièce et il se dit qu'elle ne devrait pas beaucoup apprécier s'il trichait pour qu'elle gagne, pour lui faire plaisir. Il n'était pas non plus vraiment dans cette optique là mais il ne voulait pas non plus qu'il croit qu'il avait envie de la battre à tout prix, pas plus qu'il n'avait envie de croire qu'il la prenait pour un sucre d'orge. Honnêteté totale, c'était comme ça qu'il voulait la jouer. On avait menti à Hella pendant des années et son frère lui avait aussi menti à plusieurs reprises, lors de diverses conversations... Leur vie avait connu assez de mensonges, inutile de s'en créer l'un pour l'autre. Pourquoi pas, pour une fois, jouer carte sur table ? Hella se sentirait-elle plus en confiance avec une personne qui ose lui dire la vérité ? Parfois, pour protéger quelqu'un, il faut lui dire ce qui est vrai, sans détour. Ian avait toujours fonctionné comme ça, même s'il s'adaptait à toutes les situations. Non, il voulait simplement qu'elle n'ait plus jamais à fuir. Il pencha la tête en haussant les sourcils. Il semblait aussi désolé que provocateur.

– Si je gagne, tu viendras manger une glace avec moi, tu le sais ça ? Et tu ne pourras plus jamais m'appeler Papy. Hin hin, même pas dans tes rêves, je suis pas si vieux ! Quand bien même, je te botterais les fesses quoi qu'il arrive. Ok, t'es prête ?

Quand il menaça de se lancer dans la course, il se redressa subitement, portant à nouveau un bras devant elle en silence. L'index levé, il réfléchit une seconde à commencer formuler sa question puis il tourna enfin la tête vers elle pour ses lancer.

– Est-ce que je dois te laisser gagner ?

Spoiler:

« Han han » Hella secouait la tête, sa queue de cheval suivant le mouvement. « L’enjeu ne porte aucunement sur comment je dois d’appeler ou pas. »

Pas si vieux. Tout était relatif du point de vue d’une adolescente donc, elle estimait être en droit de l’appeler comme bon lui semblait parce que, effectivement, ça ne faisait pas parti du contrat de cette course. Hey, il ne pouvait pas ajouter des nouveaux termes à sa guise non plus. Cela dit, ça l’amusait plus que ça l’énervait. En fait, elle ne ressentait aucun énervement, ça lui plaisait assez comme concept. Il aura fallu du temps pour trouver une sorte de terrain d’entende, elle ne savait pas combien de temps ça allait durer mais, bizarrement, cette fois-ci, elle avait juste envie d’en profiter.

« Hey… Si tu gagnes, j’aurais quand même le droit de choisir le parfum de ma glace quand même ? »

Elle s’en foutait un peu de ce genre de détail, parce qu’elle espérait bien avoir le choix. Non, en fait, c’était surtout sa façon à elle de dire qu’elle était de bonne foi et qu’elle acceptait de le suivre manger une glace quand il voudrait… Seulement, s’il gagnait, ça allait de soi. Hochement de tête, elle regarda la piste, attendait le moment où ils allaient partir mais, sans qu’elle s’y attende, un bras se positionna devant elle. Intriguée, elle se redressa, en levant la tête vers lui le regard interrogateur avant de se transformer en air surpris. Pourquoi est-ce qu’il faudrait qu’il la laisse gagner ? La question avait de quoi la surprendre parce qu’à aucun moment elle ne s’était demandé s’il la laisserait gagner juste pour lui faire plaisir.

« Non, ça rendrait tout l’enjeu sans intérêt. »

En fait, quelque part, elle avait même envie que ce soit lui qui gagne. Elle se connaissait, si elle gagnait le droit de choisir la prochaine rencontre, elle se trouverait un tas d’excuse pour repousser cette rencontre, encore et encore. Ca prendrait probablement des lustres avant qu’elle ne se décide à lui envoyer un message, où à l’appeler, en lui disant « Hey, c’est bon j’ai trouvé ». Ils avaient bien plus de chance de se revoir rapidement si c’était lui qui gagnait. Alors, non, elle ne voulait vraiment pas qu’il fasse exprès de la laisser gagner.  Elle secoua la tête une dernière fois l’air de dire qu’elle trouvait cette idée vraiment débile, presque décevante.

« Tu sais, si vraiment tu veux me faire plaisir. Joue juste le jeu. T’inquiète, je ne suis pas mauvaise perdante. »

Ce qui était vrai, elle n’allait pas faire une crise si c’était lui qui gagnait, elle ne lui en voudrait pas non plus et elle ne serait même pas blessé dans son orgueil. Dans le pire des cas, ce qu’elle risquait de faire, c’est de vouloir une revanche un autre jour et… Est-ce que c’était si terrible ? Hella avait un tas de défaut mais pas celui de ne pas savoir perdre. Alors, elle se remis face à la piste, se pencha légèrement et annonça un décompte pour finir sur un :

« C’est parti »

Elle se lança, vérifia qu’il était bien partit aussi, dans une tenue bien plus adéquate que celle de Ian. Ça lui donnait un avantage, du moins, de son point de vue mais vu qu’il n’avait rien dit à ce sujet, c’est que ça devait le faire pour lui. Passer sa vie à fuir était une chose, les entrainements à l’institut encore une autre mais, dans le fond, il ne fallait pas se faire trop d’illusion : ça n’avait rien à voir avec un entraînement militaire, surtout quand c’est une vocation depuis tout petit. Bien que plus âgé, il était probablement bien plus endurant qu’elle. Ce qui n’était pas une raison suffisante, selon elle, pour se dégonflée ou pour ne pas tenter.

Ian était probablement encore une des rares personnes à dire "Oki dokie". En riant, il lui indiqua le lancement avant de la suivre, non sans lui laisser un pas d'avance. Il avait envie qu'elle gagne aussi pour qu'elle puisse décider, il était curieux. Ian n'avait pas vraiment peur de l'inconnu, au contraire, il aimait bien en jouer. C'était l'imprévisible qu'il aimait. Être surpris, aussi. Il ne l'était pas assez souvent et ça lui manquait. Il avait toujours vécu en étant pressé, en étant sur le qui vive. Sa vie paisible lui plaisait mais il manquait de... mouvement. Peut-être que c'était aussi pour ça qu'il s'accrochait à Hella. Elle incarnait quelque chose de nouveau, quelque chose de dynamique. Il voulait les deux. La vie paisible et l'adrénaline des situations à risque. Son travail lui offrait l'un, Hella, l'autre.

– Tu auras le droit de choisir ton parfum si tu ne m'appelles plus Papy. Tu peux m'appeler Ian, c'est très courant dans mon entourage. Je t'assure, c'est vrai !

Toujours sur le ton de l'humour et Ian continuait de courir tranquillement. Il se sentait entravé, il avait envie de courir comme un dératé. Le footing, c'était sympa mais il avait déjà fait le sien ce WE, il avait envie de se dépenser. Disons le clairement : il ne tenait pas en place. Changer un peu les règles faisait partie des imprévus qu'il aimait bien provoquer. Après tout, la vie n'était jamais travée, elle était plutôt parsemée de chemins à prendre tantôt à droite, tantôt à gauche. En même temps, il avait tellement envie de lui offrir cette glace. Il avait tellement envie de la voir raconter ses histoires. Il n'avait pas encore dit à ses parents qu'il avait enfin retrouvé Hella. Egoïstement, il la voulait pour lui seul. Il voulait des enfants maintenant, et en voilà une, toute grandie, déjà, mais avec tout à faire. La seule solution pour se lier à elle était de créer un fort un lien de complicité. Ce qu'il recherchait avec ses éventuels enfants, finalement. Le tout était de partir du principe qu'il serait toujours un vieux con pour eux. Bizarrement, il voulait faire mieux que son frère. Pendant des années, il avait été son modèle à suivre, il avait été l'aîné, celui qui nous guide. Pour finalement s'apercevoir qu'il avait fait tellement d'erreurs, là où Ian n'en avait fait aucune, cherchant constamment à être bien vu de ses pairs. Là où Ian s'était souvent dit ne pas être à la hauteur... Il avait été souvent meilleur que les autres. Il l'apprenait toujours avec du recul mais Hella faisait partie de ces choses. Il répondait à une promesse, il réparait les erreurs d'un autre... Et il essayait encore de vouloir se montrer à la hauteur.

– En parlant de glace, ma copine utilisait souvent cette métaphore pour parler des relations de couples. Tu connais celle de la glace à la nougatine ?

Sans cesser de courir, Ian souriant en regardant devant lui. Parler en même temps ne semblait pas un problème pour lui.

– Bah, c'est comme si, toute ta vie, tu avais mangé de la glace au chocolat, et c'est très bon, sans t'intéresser aux autres parfums. C'est assez sectaire, tu vois ? Alors les producteurs ont décidé de faire des échantillons. Un petit parfum de ci, de ça et tu goûtes à la nougatine, c'est super bon aussi, ça te donne envie de tester autre chose. Et elle finissait par dire que quoi qu'il arrive, peu importe tes décisions, le chocolat sera toujours là. C'est une valeur sûre. J'adore cette métaphore, elle est plutôt pas mal ! C'est une sorte de philosophie de vie, finalement ! T'en penses quoi, t'es plutôt chocolat ou nougatine ?

« Ho mais je te crois, c’est justement parce que c’est courant de t’appeler comme ça que ça en devient moins intéressant »

Hella restait une adolescente par de nombreux côté, comme celui qui veut qu’aucun ado ne veut faire comme tout le monde – ce qui, au final, le rend banal et dans la norme – pour avoir l’impression d’être juste soi-même, sans répondre à tes critères. Le genre de truc débile qui laisse croire à l’ado qu’il n’est comme personne même si, dans le fond, il fait exactement comme tous les gamins de son âge. Elle y viendrait au « Ian » mais, dites-lui de ne pas vous appeler d’une certaine manière et c’était s’assurer qu’elle allait le faire. Ouais, vous savez, l’esprit de contradiction et ainsi de suite.

Elle venait à peine de commencer à courir alors autant dire que, pour le moment, tout allait bien. Même parler ne lui posait pas le moindre problème. Elle se permit même de quitter la piste des yeux pour relever la tête vers lui, en se demandant comment on pouvait comparer des glaces à une relation de couple. Au début c’est cool, on finit par en avoir mal au ventre à tellement en bouffer et, comme un con, on y revient quand même après ? Elle reporta son regard au loin en écoutant cette histoire de parfum.

Elle manqua de faire un temps d’arrêt mais se força à continuer, ils venaient à peine de commencer. Elle n’était pas certaine de savoir comment elle devait prendre ce qu’il venait de dire. Parce qu’en fait, il y avait un tas de façon de le prendre. Est-ce que le chocolat représentait un type de personne en particulier ? Est-ce que ça représentait les hommes par exemple et que les autres parfums apportaient, euh, bin des femmes, genre pour s’ouvrir de nouveaux horizons ? Est-ce qu’il était question de fidélité ? Hella n’avait jamais été une adepte des cours, la philo, les métaphores, tout ça, ça la gavait. Elle avait toujours préférée quand les choses étaient claires sans avoir 50 possibilités derrières des paroles. Elle avait pris un petit moment pour réfléchir, tout en regardant où elle mettait les pieds.

« Si on parle en général et pas relation de couple… J’aurais aimé dire nougatine mais, je pense que chocolat est plus juste. »

Si on parlait « philosophie de vie », parce que niveau couple, c’était une quiche complet à ce niveau-là.  Elle aurait aimé être ce genre de personne qui bouscule un tas de chose, qui se lance dans de nouvelle expérience, qui s’ouvre à un tas de chose mais, finalement, le changement avait quelque chose de flippant. Rester sur ce qu’elle connaissait lui donnait l’impression d’avoir un minimum de contrôle. Pas toujours une réussite en réalité. Elle n’avait pas l’impression de s’ouvrir de nouveaux horizons par pure volonté, c’était juste que des changements étaient souvent obligatoire dans sa vie et qu’elle s’y adaptait. Triste constat pour une adolescente de son âge.

Elle n’était peut-être pas des plus objective non plus parce que, de la manière dont elle avait compris les choses, lui était déjà une sorte de nougatine. Elle testait quelque chose de nouveau, ça la perturbait d’ailleurs mais elle le faisait quand même et c’était son choix à elle, pas une obligation. Bon, ok, il n’aurait pas insisté, ne se serait pas pointé toutes les semaines qu’elle ne serait pas là en train de courir à côté de lui. Elle se mise à sourire doucement dans son coin avant de reprendre un air interrogatif pour lui poser une question.

« Mais s’il est question de relation de couple, je ne sais pas trop ce que je dois comprendre. Si je vais voir partout en étant avec quelqu’un, ou si je suis le genre à tester tout plein d’expérience différente de manière à ne pas être sectaire ? Non parce que si tu veux savoir avec qui je couche, tu me demande, hein ! »

Elle avait dit ça de manière presque sérieuse, et s’en félicitait parce qu’elle avait réellement envie de rire. Elle avait envie de savoir, de tester, si ce genre de sujet pouvait être gênant pour lui parce que, si c’était le cas, est-ce que ça lui donnait plus de chance de gagner ?

Sa dernière réflexion, Ian ne put s'empêcher d'en rire. Il s'arrêta même, les mains sur les genoux en se pliant légèrement en deux. Elle venait de le souffler en deux avec ce genre de mots. Pas que Ian soit très pudique mais à bien y réfléchir... Il pensait qu'elle l'était plus que ça ! Riant toujours, il agita un index avant de se relever pour se remettre à marcher.

– Non, ce n'était pas ma question. Je n'avais pas vraiment de question, non plus, d'ailleurs !

Il se remit à courir à ses côté. Ils faisaient un grand pas aujourd'hui ! Elle le faisait rire, il la faisait sourire, ils partageaient une activité à deux sans avoir l'impression de tomber du haut d'une falaise dans les minutes suivantes... Ils progressaient ! Voilà de quoi ravir Ian. Et il ne souhaitait pas s'arrêter en si bon chemin. Alors il reprit son explication de la métaphore.

– Ce qu'elle veut dire c'est... En fait, je vais utiliser une phrase d'une de mes cousines en guise de conseil à une autre cousine : "Ne cherche pas l'homme de ta vie mais plutôt l'homme de ta nuit." Et elle ajoutait "Et peut-être qu'un jour, toutes vos nuits et bien, ça fera tout une vie." On dérive du sujet mais c'est un peu ça... Les nuits, ce sont les parfums de glace et ta vie, c'est le chocolat. Et celui qui cumule les nuits pour faire une vie : c'est la nougatine. Petit. Croquant. Différent. Je n'ai aucune idée de pourquoi je te parle de ça mais le sujet glace me fait toujours penser à cette philosophie ! Que j'ai moi-même appliquée et approuvée, d'ailleurs !

Il tourna la tête pour la regarder lui donner un léger sourire amical.

– Et ton ami, il est plutôt quoi, nougatine ou chocolat, lui ? Je parie qu'il est vanille ! C'est le différent du différent. C'est celui auquel on pense en dernier alors qu'il était là en premier. Avant le chocolat, il y a la vanille.

La glace semblait être un sujet facile à aborder avec elle. Alors peut-être qu'il tentait de le cultiver... un peu trop. Mais si ça pouvait ouvrir une porte vers une complicité, il n'allait pas cracher dessus, bien au contraire. Et peut-être que s'il lui posait quelques questions, elle en viendrait à lui en poser aussi. C'était une des meilleures tactiques, selon lui, pour se rapprocher d'elle : échanger des banalités menant à des confessions. Pourquoi pas, après tout ! Ian était quelqu'un d'optimiste. Et qui plus est, il était prêt à tout. Il se mettrait en quatre pour Hella, c'était certain. Il ignorait encore ce qui le ferait rebrousser chemin, ce qui le pousserait à se détourner d'elle. Avec son adage "On ne se détourne pas de sa famille, même quand c'est ce qu'elle fait", il n'arrivait pas à trouver une raison pour lui de partir.

Elle tourna la tête en l’entendant rire et… Merde plus de type qui court à ses côtés. Intriguée, elle venait de s’arrêter pour se tourner et le voir, deux pas plus loin, plié en deux en train de rire. Il venait de s’arrêter, commençait à marcher… Hey, elle l’avait tué en une phrase, assez pour gagner, non ? D’ailleurs elle ne savait toujours pas pourquoi elle ne s’était pas arrêter de trottiner sur place, peut-être pour être irréprochable en cas de victoire. Oui, elle y croyait. Elle le pointa du doigt.

« Préviens-moi si les termes de notre accord stipule qu’on a le droit de s’arrêter quand on veut pour reprendre son souffle et repartir ensuite… Sérieux, et après il ne faut pas que je t’appelle Papy alors que la moindre occasion est bonne pour reprendre son souffle. »

Elle secouait la tête, amusée en réalité, avant de revenir face à la piste quand il se remit à courir. Elle ne s’était pas arrêter elle, elle avait juste fait du sur place pendant la petite pause du militaire. Dans le fond, elle ne trouvait pas que ça avait une grande importance, ça ne remettait rien en question mais, disons qu’elle ne pouvait pas s’empêcher de lui faire la remarque. Cela avait été trop tentant. Elle avait cessé de secouer la tête pendant qu’il lui en disant un peu plus sur cette théorie de glace, de vie de couple, de nuits passé avec des gens. Ok… Bon alors, si elle suivait un psy par obligation, elle commençait à se dire que ce n’était pas elle qui en avait le plus besoin.

« Tu sais, quand je parle de glace, ça me fait surtout penser à un parc, à des enfants avec des ballons en train de s’en foutre partout ou chialant parce qu’une partie de leur glace est tombée par terre. Toi ça te fais penser à des nuits passés avec quelqu’un, c’est presque flippant. »

Hella avait ce petit sourire, ce petit timbre de voix qui disait qu’il ne fallait pas la prendre au mot, qu’elle ne le trouvait pas vraiment flippant. C’était juste qu’en fait ça la faisait marré de voir à quoi les choses pouvaient faire penser les gens, c’était tellement à l’opposer des fois. Pour ce qui était de Phen, elle secoua vivement la tête après un tout petit temps de réflexion.

« Non, Phen c’est le parfum qui n’a pas encore été inventé, que personne ne connait mais que, quand il sortira, plus personne ne pourra se passer. » Et là, elle continuait de se courir, en se mettant la plus droite possible, une main relevée, l’index pointer vers le haut qu’elle agitait doucement comme si elle faisait une conférence. « Ceci est un I-parfum… ceci est une révolution. »

Elle revenait à une position initiale pour mieux pouvoir courir, pas évident de le faire en faisant n’importe quoi. Elle ne savait même pas pourquoi elle avait fait ça, c’était juste que c’était venu comme ça, sur le coup. Peut-être même que c’était un peu inquiétant de se voir réagir de manière aussi spontanée avec lui mais, l’avantage de courir c’est qu’elle avait cessé de se poser trop de question, ce qui l’empêchait de se refermer comme une huitre à la moindre de ses réactions ou de celle de Ian. Elle tourna un court instant la tête vers Ian.

« Bon et si tu as toi-même testé et approuvé ta philosophie sur les glaces, ça veut dire quoi, tu as quelqu’un ? »

Là par contre, même en se concentrant sur le fait de courir, elle se rendait bien compte de la question qu’elle avait posée. Ce qui l’emmena à comprendre que si elle l’avait dite c’est que, quelque part, ça devait l’intéressé sinon, rien ne serait sorti. Elle aurait préféré que ce ne soit pas le cas, s’intéressé à lui c’était… Bin, c’était un peu le début de la fin et, pourtant, à aucun moment elle décida de revenir sur sa question. Le jour où elle saura ce qu’elle veut, faudra qu’elle pense à demander une médaille.

Rien ne semblait plus vouloir arrêter Hella. Ian rit à nouveau mais cette fois sans s'arrêter. Elle ne l'avait pas soufflé comme la fois précédente. Il n'avait eu d'autre choix que de s'arrêter pour réaliser ce qu'elle venait de dire.

– Mais non ! Je dis juste que c'est une philosophie de vie qui m'a beaucoup marqué. Parce que je la trouve très vraie, très juste et bien imagée. Comme c'est associé aux glaces... Oh, laisse tomber.

Ian avait balayé l'air de son bras pour se forcer à arrêter de parler. Il s'enfonçait et bientôt, il ne serait qu'une moquerie ambulante pour Hella. Pas qu'il avait beaucoup à s'en plaindre. Mais c'était injuste, elle avait plus de matière que lui. Heureusement, elle reprit le flambeau. C'était étrange cette relation qu'elle semblait entretenir avec ce garçon. Ian était bien incapable de la définir. Il ne connaissait rien de tel, qui plus est. Il tourna la tête pour la voir se dandiner et il eut à nouveau un rire incontrôlable. Toujours pas de point de côté pour sa part. Juste un peu d'entraînement comme à l'armée : faire le tour de la base en chantant à tue tête, ça rendait timides les points de côté.

– Tu m'en fais un beau de I-Parfum, tiens...

Elle lui faisait penser à un parfum fraise. Il ignorait d'où lui venait cette idée. Avec un peu de cannelle. Rebelle et douce à la fois. A sa question, Ian sourit jusqu'aux oreilles. Avait-il marqué des points ? Avait-il touché le bon bouton pour passer le nez dans sa vie ?

– Mmhh... non, plus maintenant, je crois pas.

On pouvait pas dire qu'il avait une vie très stable niveau sentimental. C'était sûrement ça d'avoir des relations intenses, on était jamais vraiment sûr de quand ça s'arrêtait. Et on en développait aussi facilement un manque. Mais Ian se devait de rester concentré. Ne pas craquer et se focaliser sur les choses importantes. Toute bonne chose a une fin, n'est-ce pas ?

– Cela dit, j'ai expérimenté les nuits multiples ! J'ai un collègue, il a connu une femme dans sa vie, une seule ! Il l'a épousée, c'est devenue la mère de ses enfants, ils ont 25 ans de mariage et c'est toujours l'amour fou. Et après on veut nous faire croire que Disney c'est du mensonge pour les enfants. Pppfff... Ma mère dit toujours que le plus important, c'est de trouver la tong pour ses orteils.

Il haussa les épaules.

– Reste à trouver la couleur qui nous va le mieux après ! Oui, je sais, j'adore les images métaphoriques. Blâme-moi, vas-y, je t'autorise.

Si ça pouvait l'amuser... Pouvait-il vraiment lui refuser une chose pareille ?