Encore une belle nuit à New-York. Les gyrophares ruminaient de manière alarmante, faisant retentir la douce mélodie qui n’était qu’habitude pour les New-Yorkais. Qu’avait prévu le commissariat pour la soirée ? Une descente dans un night club réputé – où circulaient des substances pas très légales. Depuis le début de semaine, ils étaient descendus dans deux night clubs, ce qui s’était révélé être une vraie chasse à l’homme. Le lieutenant Drake ne doutait pas que ce night club n'échapperait pas à la règle – le Pandora’s Box accueillait bon nombres d’individus, qu’ils soient fortunés ou pas – et en général il y avait toujours un petit trafiquant dans le lot.
Au volant de sa voiture au gyrophare éteint, Alice jeta un œil dans son rétroviseur pour constater que les trois voitures de police qui l’accompagnaient la suivaient bien. Dans le brouhaha incessant de la ville animée par cette nuit plutôt chaude, le convoi parcourut les quelques kilomètres qui les séparaient du night club sans encombre.
Une fois garée, le lieutenant Drake entreprit de réunir l’équipe dans une intersection qui ne mettrait pas la puce à l’oreille du personnel de la Pandora’s Box.

« On évite les émeutes s’il vous plaît messieurs… Nous sommes là pour contrôler, par pour taper le premier ivrogne qui nous insulte. » Lâcha-t-elle à ses collègues tout en promenant son regard autoritaire sur eux.

Ils acquiescèrent poliment – bien entendu qu’ils ne se permettraient pas de lui adresser une remarque acerbe – elle était leur boss et savait divinement bien se faire respecter. Ses longs cheveux noirs encadraient son visage fin, duquel ressortaient parfaitement bien ses prunelles obscures et tranchantes.

« Allons-y » Leur lâcha-t-elle en engagent le pas en direction de l’entrée du night club.

A peine eurent-ils franchis l’intersection qui menait à la ruelle du Pandora, Alice put constater avec dépit qu’il y avait une file interminable de personnes plus échauffées les unes que les autres. Soirée V.I.P manifestement ! Le lieutenant haussa des sourcils interrogateurs lorsqu’elle croisa un jeune homme marmonner des insultes envers un certain videur qui ne l’avait pas laissé rentrer. Cela lui rappelait ses folles années où elle allait en boîte avec ses ami(e)s. Combien de temps cela faisait-il qu’elle n’avait pas mis les pieds dans une boîte sans que ce soit professionnel ? A cette pensée, elle afficha une moue dubitative.

Bien trop longtemps…

Elle se rapprocha de l’entrée du night club, remarquant d’autant plus la gêne qu’occasionnait l’arrivée de leur unité. Elle remarqua la présence d’un videur de grande envergure et le détailla de la tête aux pieds – larges épaules, une armoire de muscles, mâchoire carrée et regard intimidant. L’archétype du bon videur de boîte à qui on n’avait pas envie de se frotter. Alice fit signe à ses collègues de l’attendre en arrière avant de se rendre face à l’armoire à glace. Il n’y avait aucune agressivité dans le ton qu’il employa pour la saluer, seulement l’indifférence de la situation.

« Bonsoir. Lieutenant Drake de la brigade de New-York. » Lui répondit-t-elle en affichant un sourire en coin et en montrant sa plaque d’identification. « Nous sommes là pour contrôler vite fait ce night club. Ça ne sera pas long… Enfin normalement. »

Oui, à moins qu’ils mettent la main sur un important trafic de cocaïne ou qu’un mec ne se présente pas trop net au contrôle.

Mickaël lui conseilla de ne pas jouer la flic en prétextant que s’asseoir sur les canapés comme une habituée serait une meilleure technique pour tenter de repérer. Manifestement, il souhaitait l’aider dans la recherche active de ce dealer, voire son arrestation. Elle considéra le videur d’un œil à la fois curieux et inquisiteur avant de jeter un regard en direction de Spider et ses collègues. Ils devaient être armés – à coup sûr. Scofield avait des manières curieuses ; peut-être avait-il été dans l’armée ? Cela expliquait sa stature imposante et cette aura que dégageaient habituellement les soldats.

« Il est au milieu de ce petit groupe au fond à droite. C’est le type à la casquette. Les autres sont ses chiens de garde. » Murmura Alice pour indiquer ses informations à son interlocuteur.

Elle l’observa encore durant quelques secondes, fronçant les sourcils en arborant une moue dubitative.

« Dites-moi, vous avez déjà été dans l’armée ? » Lui demanda-t-elle finalement, piquée de curiosité.

Oui, ça n’avait aucun rapport avec la situation actuelle. Cependant, lorsqu’Alice avait une impression, elle se sentait obligée d’en faire part avec franchise.
Pendant ce temps, Spider était en train de s’enfiler une bouteille de whisky en compagnie de ses larbins, riant de bon cœur en se donnant des tapes viriles sur l’épaule. Tous étaient connus des services de police pour divers affaires de vols et insultes envers agents de la police – cependant, leur dossier n’était pas assez consistant pour les coffrer.
Alice réfléchissait, le regard perdu dans le vide. Que faire ? Tenter d’obtenir un témoignage ? Ce ne serait pas très dur vu que les femmes qui s’étaient poudrés le nez risquaient cher à s’être faites grillées ainsi. Le lieutenant joignit ses index contre ses lèvres en signe de réflexion.

« Il doit bien cacher sa came quelque part. Une fouille va s’imposer… » Lâcha-t-elle alors dans un murmure, comme pour elle-même. « Il y a le risque qu’ils nous sautent à la gorge, alors je ferais mieux de prévenir mon équipe. »

La jeune femme saisit son portable et composa un bref numéro avant de le porter à son oreille. Une voix masculine se fit entendre à l’autre bout du fil – il s’agissait de l’agent Hunt, qui attendait dehors avec les autres.

« Mettez-vous en position pour couvrir les issues dehors. Nous sommes susceptibles d’appréhender le dealer Spider – tenez-vous prêts. » Lâcha Alice en passant ses doigts dans ses cheveux.

L’homme acquiesça puis raccrocha. Le lieutenant se tourna à nouveau vers Scofield. Elle était cachée derrière un pilier de sorte à ce que Spider ne puisse la voir.

« Est-ce que vous m’accompagnez ? » Lui demanda-t-elle, l’interrogeant du regard.

Scofield lui avait affirmé qu’il avait été sergent dans le corps des Marines, lui offrant un sourire qu’elle lui rendit par la suite. Son intuition à son sujet s’était donc révélée être juste – l’armée marque les esprits et les manières, il n’y avait pas de doute là-dessus. Cela rendait la situation plus à son avantage par ailleurs, car Mickaël était l’homme de la situation et savait sûrement à peu prés à quoi s’attendre de la part de ces malfrats. A peine eut-t-elle raccroché son cellulaire que le videur s’adressait de nouveau à elle pour lui confier que le vrai nom de Spider était Jason Furnenberg. Alice le gratifia d’un sourire – Spider s’était toujours démerdé pour agir sous son nom de code avec sa drogue et pour le coup, la police n’avait pas pu trouver sa réelle identité qu’il s’évertuait à cacher via des emprunts d’identité factice. C’était un vrai casse-tête.

« Merci. Vous venez de me donner une information cruciale. » Lui répondit-t-elle avec un regard complice. « Très bien. »

La jeune femme marqua une pause, se frottant les mains avant d’attraper son badge dans la poche intérieure de sa veste.

« Je suis obligée de faire ça officiellement. Vous savez les présentations et tout le tralala – mais je mettrai ma main à couper que Spider ne souhaite pas répondre à mes questions. A tous les coups, ils sont armés alors soyez prudent. » Ajouta-t-elle en fronçant les sourcils. « Alors, allons-y. »

Alice engagea le pas, émergeant de son pilier pour se diriger avec conviction vers le groupe de quatre hommes qui rigolaient sans discrétion. Elle savait que Scofield était derrière elle – de quoi la rassurait un peu plus sur la situation. Les hommes firent silence lorsqu’ils constatèrent qu’Alice se dressait devant eux. Spider arbora par la même occasion un sourire des plus enjôleur, pensant peut-être qu’il avait un ticket, mais il déchanta assez rapidement lorsqu’il perçut la masse musculaire de celui qui se trouvait derrière elle.

« Bonsoir messieurs ! » Lança la jeune femme sans manquer de sourire. « Je suis le lieutenant Drake, et j’aurais quelques questions à vous poser – si vous voulez bien me suivre. »

Elle haussa un sourcil, mêlant attente et amusement alors que le visage des quatre types commençait à se décomposer. Spider arborait un air sûr de lui, et il se contenta de jeter un regard amusé à ses copains avant de planter ses yeux dans ceux de la jeune femme.

« Les flics ? » Demanda-t-il. « Qu’est ce que vous me voulez ? On a plus le droit de sortir boire un verre avec ses potes sans être harcelés maintenant. »

Alice plissa les yeux malicieusement avant de répondre.

« Il faut croire qu’on veille au grain. Allez, s’il te plait – ne fais pas d’histoires et ça se passera plutôt bien. »

Spider offrit un sourire au lieutenant, ricanant comme si elle venait de faire une blague avant de retrouver une expression terriblement sérieuse. Soudain, celui-ci leva brusquement la paume de la main en sa direction et Alice se sentit soulever avec violence par une force invisible et elle alla violemment percuter le pilier précédent. Elle fut sonnée durant quelques secondes et lorsqu’elle ouvrit les yeux – elle dut se résoudre à faire face à des mutants en pleine tentative d’évasion.

Alice marchait aux côtés du videur, leur pas calme rythmant leur avancée. Elle jetait quelques coups d’œil furtifs à son interlocuteur qui n’avait pas l’air d’être quelqu’un de très bavard. Néanmoins, lorsqu’elle lui avait posé avec franchise la question au sujet de la raison de son départ de l’armée, Mickaël lui rendit un sourire amusé. Tant mieux qu’il ne trouve pas ça indiscret ! Alice adorait se vouer à son indiscrétion.

"Pas de souci, c'n'est pas un secret. J'ai quitté les Marines lorsque j'ai décidé de faire autre chose de ma vie. Mon contrat venait à son terme et je n'ai tout simplement pas voulu le renouveler. Je ne voulais plus être déployé, surtout après l'horreur de mes missions au Koweït. Et pour vous, la police, c'est un choix ou une obligation?"

La réponse de ce dernier avait été formulée sur un ton qui se voulait volontairement franc et Alice acquiesça en souriant, contente que son mystérieux interlocuteur lui en apprenne un peu plus à son sujet. Les guerres étaient bien loin d’être des promenades de franches rigolades – c’était plutôt compréhensible qu’un homme décide d’en finir avec ces missions peu reluisantes. Il fallait avoir un sacré mental par ailleurs pour supporter cela et elle ne doutait pas que son interlocuteur en ait un à toute épreuve. Lorsqu’il lui demanda si la police pour elle était un choix ou une obligation, Alice ne put réprimer un rire cristallin. Cette question était plutôt légitime – elle adopta une moue pensive avant de daigner lui répondre.

« Et bien, un peu des deux devrais-je dire… » Lui lâcha-t-elle en repensant à ses débuts. « En réalité, mon père est le commissaire de la brigade. Il n’y a rien de pire que d’avoir son paternel comme supérieur hiérarchique. »

Elle avait dit cela sur un ton plaisantin. A vrai dire, son père lui avait refilé sa vocation pour la police – mais c’était vraiment ce qu’Alice adorait.

« Mais j’aime mon boulot. Et en réalité, je ne m’imagine pas faire autre chose à l’heure actuelle. » Ajouta-t-elle plus sérieusement.

Alice reporta son attention sur le petit café qui se dressait sur le trottoir d’en face. La décoration et le style semblait rappeler les années 70 ce qui fit sourire la jeune femme.

« Vous êtes flic depuis combien de temps ? » Lui demanda-t-il finalement avant de s’engager sur le passage piéton.

Elle le suivit d’un pas déterminé, faisant mine de chercher dans sa mémoire pour y retrouver ses souvenirs.

« Je suis rentrée à l’école de Police à vingt ans. Cela fait donc huit longues années que je fais ce métier. » Lui répondit-t-elle finalement avec une touche d’humour.

Ils arrivèrent assez rapidement au seuil de la porte du café, et Alice poussa la porte pour aller s’asseoir à l’une de ses nombreuses tables. Il n’y avait pas grand monde vu l’heure – tardive ou matinale – et le lieutenant promena son regard dans l’enceinte du bâtiment. Habitude de flic. Elle reporta finalement son regard sur Scofield qui était assis face à elle.

« Et vous, depuis combien de temps êtes-vous êtes videur ? Le Pandora’s Box est le premier night club où vous exercez ? » Lui demanda-t-elle en l’interrogeant du regard.