C'était toujours tellement étrange quand Ian avait des horaires normaux. Il rencontrait trop de gens sur sa route, c'en était presque pénible. Trop de monde dans la rue, ça lui portait un peu sur les nerfs. Et le soir, pour faire des courses, laissez tomber. Ian avait même rebroussé chemin, décidant d'aller remplir son frigo quand il serait plutôt de soir. Les horaires de bureau, c'était… Un cauchemar. Il préférait avoir des jours de repos bizarres plutôt qu'une semaine normale. Oui, il préférait travailler de nuit. Le bruit, il aimait bien mais pas d'étouffer au milieu des gens. Il rentrait donc chez lui d'un pas vif en sifflotant comme à son habitude. Il n'avait rien de prévu ce soir mais il songeait à appeler son pote du boulot pour un match ou bien une partie de peu importe quoi, voire même un rendez-vous au bar. Il fallait profiter des horaires de bureau, d'une manière ou d'une autre, non ?

Ian se retrouva nez à nez avec une canette de soda qui venait lui dire bonjour. Dure comme de la pierre, il se baissa pour la ramasser et se redressa pour la tendre à quiconque dévalait les escaliers avec ses jolis escarpins. Ah ! Sûrement une jolie femme avec des pieds pareils ! Mais en se relevant pour lui faire face et lui sourire, il figea. Ah, Hayley… Il cessa même de respirer quelques secondes avant d'ouvrit la bouche pour la saluer. Mais même ça, il n'en eut pas le temps. La goupille de la canette explosa et il crispa les yeux, le sucre lui recouvrant le visage alors qu'il tournait la tête. Forcément. Une rencontre avec Hayley était toujours si explosive. Les sourcils hauts, Ian attendit de ne plus entendre le psshiit caractéristique de la soupape de gaz et il se passa une main sur le visage. Il regarda autour de lui, cette petite cours intérieure lui faisant penser à cette série de Veronica Mars. On aurait dit un motel sauf que c'était une résidence comparable à Los Angeles. Quand il pleuvait, c'était sinistre mais avec un soleil comme aujourd'hui, on se croyait vite de l'autre côté du pays. Ian adorait cet endroit et les appartements n'étaient pas très chers et pourtant, on aurait dit des appartements de seconde résidence pour certains. En se raclant la gorge, Ian s'approcha d'une poubelle et laissa tomber la canette dedans avant de se secouer les mains.

– J'imagine que je dois être juste content de te voir !

Il releva les yeux vers elle et lui offrit un immense sourire. Quoi de plus… Ian. Il revint vers elle en se raclant la gorge et désigna l'étage, du soda coulant au bout de quelques mèches. Avec Hayley, il était toujours celui qu'il voulait être. Et des mois, voire années, de complicité ne s'effaçaient pas comme ça. De toute façon, il n'en avait pas envie. Il voulait qu'elle reste dans sa vie. Finalement, il avait besoin d'elle dans sa vie. Elle était devenue une sorte de… Point de comparaison avec le reste du monde. En tout cas, les femmes.

– Aurais-tu par hasard besoin d'aide pour quelque chose ? Je sais que tu n'es pas une femme violente et que tu n'as pas cherché à m'agresser avec cette canette, donc… T'as un truc sur tes chaussures.

Ian sourit d'autant plus. En prime, il adorait se moquait d'elle. La plupart du temps, ça l'agaçait et elle réagissait au quart de tour. Des fois, elle relançait le jeu à son avantage. C'était ça leur relation, ils aimaient se taquiner et se chamailler. Pour Ian, c'était ça la belle vie.

Leurs entrevues... Tout un programme, tout un poème. Portant ses mains dans ses poches, Ian pinça les lèvres et sourit. Il ne valait mieux pas répondre. Venant de Hayley, c'était une semie provocation, il était assez sage de ne pas trop surfer sur cette vague. Mais comment l'oublier, c'était impossible. Parfois, c'est comme s'ils n'avaient jamais rompu. Comme maintenant, par exemple. Être à côté d'elle aurait dû le perturber, le gêner, ça aurait dû être bizarre. Mais non, c'était comme naturel. Il avait dû enfin se remettre de leur relation. Très sûrement. Mais quand il regardait ses yeux, toutes les questions revenaient et sa volonté en prenait un sacré coup. Alors il se rappelait ce qu'il conseillait à Elirys et il inspirait profondément, infligeant de nombreuses tortures à sa volonté pour qu'elle daigne avancer selon ses exigences à lui. En l'écoutant, un sourire naquit sur les lèvres de Ian et il hocha doucement la tête au rythme de ses paroles et énumération. Cette femme était magique. En tout cas, sur lui, elle avait un pouvoir et il en oubliait ses petits ennuis actuels. Et quand elle le corrigea concernant ses chaussures, il ferma même un instant les yeux, signifiant un "Oui, patronne". avant de pouffer de rire. Ses excentricités l'amusaient, allez comprendre pourquoi.

Mais lui proposer de lui offrir un verre, sans raison particulière, Ian bugga un instant. En son fort intérieur, il songea à tout ce que ça représentait, les risques qu'ils encourraient d'agir ainsi et de la concentration que ça allait lui demander. Une voix lui dit de refuser. Que c'était trop dangereux. Non, il ne fallait pas, ce n'était pas bien, ce n'était pas raisonnable. Ian haussa les épaules et sourit.

_ Pourquoi pas.

Ian se décala pour la laisser passer et lui montra le chemin, galant. Récupérant son sac de course, il soupira en le soulevant et la regarda avec un air presque inquisiteur. Il la provoquait comme pour lui dire "t'es vraiment trop bête, hein !"

_ Tu sais, ils livrent à domicile, maintenant. Combien de fois je vais devoir te dire de prendre le paquet... par en dessous. Comme ça.

Il attendit qu'elle ait fini d'ouvrir la porte, soupirant devant tant de stupidité et il dodelina de la tête en entrant, tortillant du popotin juste pour la faire enrager. Il savait qu'en général, ça marchait. Mais parfois, elle ne faisait même pas attention. C'était en fonction de son humeur. Il posa le sac sur la table et se redressa avant de se tourner vers elle. C'était assez de ces moments dont il profitait pour la prendre contre lui. Geste presque instinctif ou réflexe, c'était d'un tel naturel qu'en levant la main pour l'inviter à s'approcher, il la força à continuer sa course, jusque dans ses cheveux qu'il lissa en arrière brièvement, avant de se racler la gorge.

_ Ca faisait un moment que je t'avais pas vue. Faut dire, je suis rarement chez moi, aussi. Hey, la femme de Carlos a accouché, au fait. C'est un monstre, je crois qu'il est plus grand et qu'il pèse plus lourd que moi à ma naissance. Je te jure, quand on la voit elle, on a du mal à penser que ça ait pu sortir de s...

Ian se figea, pinçant les lèvres en se rendant compte que c'était quelque chose qui arriverait un jour à Hayley, éventuellement. Lui ou un autre, il espérait qu'un jour, elle connaître ce... Moment. Un instant facilement représentable par une énorme pastèque. Ian aimait bien cette comparaison. Mais là, il se racla la gorge en regardant ailleurs.

Hayley était donc de mauvais poil. Message reçu. Ian en dessina un sourire dans le coin de ses lèvres. Il savait qu'elle tiquerait sur cette version imagée de la naissance. Il faudrait vraiment un jour qu'il travaille aux images qu'il donne à ses paroles. Il n'avait pas non plus conscience de ce à quoi elle pensait. Le sujet "bébé" il l'avait déjà abordé une fois mais c'était sûrement un terrain glissant, dangereux. C'était un peu comme si Hayley était un animal sauvage et de la même façon qu'elle, il n'avait jamais envisagé cette possibilité avant elle. Ses parents lui avaient sonné les cloches, d'ailleurs mais quelque chose l'avait empêché de songer à toute cette grande famille à eux deux tant qu'il n'avait pas retrouvé Hella. C'était pire qu'une obsession, c'était une nécessité. C'était comme si… Comme s'il refusait une famille avec un personnage manquant à l'appel. Elle devait être là. Elle était comme la clé de son avenir. C'était bizarre de penser tout ça car il ne la connaissait toujours pas si bien. Elle aussi était un animal sauvage mais il n'avait pas besoin de parler mariage ou bébé avec elle, il se contentait de parler foot. Mais si Ian devait fonder une famille, il voulait qu'elle soit là. Finalement, il voulait lui donner qu'il imaginait qu'elle aurait dû avoir dès le début. Et maintenant… Elle était là. Et Hayley était là. Il la regarda disparaître et leva une main comme pour la retenir, qu'il allait y aller ou même, que ça n'avait pas d'importance mais déjà elle "fuyait". Lâcher prise, il avait essayé et ça avait marché le temps que ça avait marché. Elle devait sûrement avoir raison, il devrait penser à déménager. Mais il aimait vivre ici, il était à côté de tout. Il allait au travail à pieds, c'était à 15 minutes maximum. Le bar était à deux rues d'ici et puis se loger à New York, c'était un peu la galère, tout de même. Ian laissa sa main retomber sur sa cuisse et il soupira avant de se diriger vers la salle de bain. Son appartement était à côté lui aussi, il aurait pu y aller directement. Mais pour lâcher prise, il leur fallait des moments ensemble sans que ça ne paraisse étrange. Il leur fallait s'habituer de force à redevenir voisins comme lorsqu'il était arrivé la première fois. Ou pas car dans ce cas, il redeviendrait le copain éventuel au joli sourire. De plus, Hayley était une bonne amie, il n'avait pas envie de la rayer de sa vie. Etait-ce là ce qu'il devait faire pourtant ?

Ian se passa la tête sous l'eau pour rincer le sucre qui lui collait aux mèches puis il attrapa une serviette avant de s'essuyer, revenant dans la cuisine pour ranger les courses. Il n'avait toujours pas dit pour Hella. Il s'était croisés une ou deux fois, depuis, mais il ne lui avait toujours pas dit. Pas plus que pour son nouveau psy détestable. Il avait tellement envie de lui parler. Pour Hella, il avait peur de la catastrophe, qu'elle lui fasse la morale, qu'elle commence à s'énerver parce que c'était un sujet de discordes entre eux. Pour Jack, il ignorait encore que ça deviendrait un sujet à discordes également. Quand il l'entendit remonter, il avait le bras tendu dans un placard du haut.

– Ca fait un moment que je t'ai pas vue, j'imagine que tu n'arrêtes plus de bosser ? Tu travailles toujours sur la même chose ?

Un sujet anodin ! Voilà ce dont ils avaient besoin. Cependant… Le boulot de Hayley, c'était comme la nièce de Ian ; ça glissait toujours à un moment donné. Il comprenait l'importance et pourquoi elle devait être si concentrée dessus, pourquoi ça faisait tant partie de sa vie. Il avait simplement été jaloux parce qu'il ne bénéficiait pas d'une telle importance à ses yeux. Du moins, elle n'en montrait pas tant. Baissant le bras, il tourna la tête pour la voir et referma le placard pour retrouver la serviette et se donner un dernier coup dans les cheveux. Il se serait bien approché d'elle mais… Il étaient comme deux aimants de même polarité. Ils voulaient la même chose mais l'univers les séparait. Il pouffa de rire.

– C'est quand même dommage de travailler au même endroit et de jamais se croiser, tu trouves pas ?

Elle ne trouvait SÛREMENT PAS ça dommages et lui non plus, finalement.

Ah la sécurité. Sauf que Ian détestait rester au même endroit. C'était bien de là que venait le problème après tout. Il haussa les épaules d'un air désolé mais il ne pouvait échapper à son destin, après tout ! Alors qu'il acceptait une bière, il se rapprocha de la table pour s'y installer, retenant un long soupir de soulagement à l'idée de poser son derrière sur une chaise. Il se frotta un instant le visage alors qu'elle était de dos et il releva un sourire sur elle le temps qu'elle s'installe. Il espérait face à lui, assise et non à 300 mètres de l'autre côté de la rue, debout. Ils n'avaient pas besoin d'être distants l'un envers l'autre. Ils s'entendaient bien sans avoir besoin de réfléchir à quels draps sont les meilleurs pour leurs jolies fesses roses. Alors quand elle posa sa première question, il fut même ravi d'y répondre, croisant les bras sur la table.

– Et bien, les nouvelles sont plutôt bonnes. Et oui, on a obtenu notre dimanche. C'est une très bonne chose, vraiment parce qu'on peut enfin prévoir des trucs. Que ce soit pour faire la fête, pour aller se balader, on sait enfin qu'on a un jour où celui-ci ! Il est à nous.

Il ouvrit la capsule de sa bière et la porta à ses lèvres. Il avait un certain sourire. Un sourire qu'il n'arrivait pas à enlever de son visage. Il regarda Hayley en reposant sa bouteille. Le jour de repos, c'était bien. Ce qu'il pouvait en faire, c'était mieux. Son sourire énigmatique sur le visage, il tenait sa bière légèrement en hauteur en fixant Hayley. Allait-elle deviner ? Allait-elle sauter au plafond de joie avec lui ? Il tenta le diable.

– Je l'ai trouvée. Ca n'a pas été facile et elle n'est pas facile. Mais je l'ai trouvée.

Il but plusieurs longues gorgées de sa bière, tant il avait soif avant de la reposer à côté de lui. Et tout à coup, le voilà qui s'animait.

– Tu la verrais, c'est le portrait craché de mon frère ! Elle a un caractère à s'en frapper la tête contre les murs mais c'est pas grave, elle est sensible, elle est charmante et quand elle sourit, t'as l'impression que le soleil est entré dans la pièce. Elle m'a bien marché dessus pendant un temps mais je crois que j'ai compris quelle langue elle parle. La semaine dernière, on a discuté tous les deux, vraiment mais je crois qu'elle n'aime pas le football.

Démuni, il prit une moue boudeuse et secoua la tête. Ah que Hella n'aime pas le foot, c'était un problème. Mais il s'en accommoderait bien. Après tout, c'était Hella, non ? Et puis, il avait encore plein de choses à découvrir sur elle ! Ne serait-ce que ce qu'elle voulait faire de sa vie, bientôt. Elle était à une période charnière où beaucoup de choses se décidaient et il voulait être là pour l'aider et l'épauler. Il commença à jouer avec l'étiquette de la bouteille de bière, sans se départir de son sourire.

– Elle n'habite pas si loin d'ici, en plus. A quelques pâtés de maisons. C'est rassurant, dans un sens, j'ai envie de dire ! Mais elle est tellement étonnante, elle a du répondant.

Il fronça les sourcils et reporta la bouteille à ses lèvres pour en boire une gorgée avant de la reposer.

– Mon psy - oui j'ai toujours un psy avec ces conneries - pense qu'il me fallait quelque chose à protéger maintenant que ma mission de la retrouver est achevée. Donc maintenant, je dois la protéger. Il pense que ça fait de moi quelqu'un de potentiellement dangereux. Je crois que je n'aurais jamais dû parler de Hella au précédent. Il l'a inscrit dans mon dossier et maintenant cet abruti veut tout savoir dans les détails. Il doit penser que je fais un transfert, j'en sais rien…

Il inspira profondément et reprit son jeu sur l'étiquette alors qu'il lui souriait à nouveau.

– Et toi ?

"Tu as rencontré quelqu'un ?" était une question qui lui brûlait les lèvres mais il les pinça dans un sourire pour s'empêcher de dire des bêtises.

A sa première question, Ian pouffa de rire en portant la bouteille à ses lèvres.

– Oui, c'est l'armée parce que de moi-même je vois pas ce que j'irais faire chez un psy encore au bout de trois ans. Et en fait, c'était ce gars-là qui était censé signer ce fichu bout de papier. Tu vois, ils ont jamais su me garder un seul psy alors ça passe de main en main. Alors le mec me voit pour la première fois, que fait-il ? Il repart du début. Encore. Ca me fatigue ces conneries…

Il secoua la tête en buvant une nouvelle gorgée et soupira en la reposant. Ca le fatiguait vraiment. Il s'était déjà expliquée avec le premier - qui lui avait fait du bien - avec Hayley - qui lui avait permis d'avancer. Et les psy suivants n'avaient fait que tourner le couteau dans la plaie et se sentir ainsi emprisonné commençait à sérieusement l'énerver. Oui, il s'énervait. Il se racla la gorge en se frottant les sourcils, les yeux clos essayant de réfléchir à ce que Jack avait dit. Techniquement, il avait fait en sorte de ne pas trop s'en souvenir tellement il avait trouvé ça absurde. Il faisait souvent ça quand quelque chose le gonflait prodigieusement, pour mieux vivre, il l'oubliait, il se contentait de l'effacer. C'était toujours quelque part dans sa tête mais il faisait en sorte de ne pas s'en souvenir pour ne pas en être pollué.

– Il dit que mon désir de protéger ceux qui m'entourent, et en particulier la fille de mon frère, peut m'amener à devenir dangereux dans mes réactions. Que si j'échoue et bien rien ne dit que je ne sois pas comme tous ces anciens militaires qui sont revenus et qui pètent les plombs. Ceux qu'on lit dans les journaux ou je sais pas quoi.

Il leva une main et grimaça.

– Il a commencé à faire une comparaison entre un mec qui s'emporte pour sauver son fils et moi qui ait des réflexes de soldat. Non mais sans blague. Le paternel aurait plus d'excuses que moi et lui aurait le droit à la compassion des médias mais moi ce serait juste "un autre soldat qui pète les plombs". Si j'avais dû péter les plombs, Hayley, tu penses bien que ça aurait déjà dû être le cas depuis le temps. Et puis cette façon qu'il avait de croire tout savoir sur moi, Hella etc… Je te jure, ça a commencé à m'énerver, j'ai préféré partir.

Hayley le connaissait, elle savait qu'il n'était pas du genre à s'énerver. Ou du moins, quand c'était le cas - surtout avec elle - il gueulait un coup bref et sortait. Les conflits, c'était pas trop son truc. En plus de ça, c'était un coup à se polluer soi-même, non, il n'aimait pas s'énerver, il avait d'autres choses plus intéressantes à faire que de s'énerver.

– Hella va bien. Je veux dire, ça n'a pas été facile, je crois qu'elle m'a balancé une chaussure en travers de la tête, elle a tenté de m'arracher le torse en me cognant mais finalement, tout va bien, on a fini par trouver un terrain d'entente. Enfin, du moins, j'ai finalement trouvé le bon pour elle et moi. C'est qu'elle a du caractère et je n'ai pas voulu la brusquer mais je ne pouvais pas me contenter de savoir qu'elle était là sans essayer. J'en ai parlé avec Cole, tu sais l'autre ancien militaire qu'il y a dans mon équipe au boulot. Le grand blond qui n'a presque plus de cheveux. Bon. Il était d'accord avec moi. Et si Hella n'avait vraiment pas voulu que je revienne, elle me l'aurait fait comprendre. Mais chaque dimanche que je venais pour lui proposer un truc, elle ouvrait quand même la porte. Je crois que ça la rendait curieuse de savoir finalement ce que j'avais prévu cette fois. Bien sûr, elle me claquait la porte au nez mais un jour, elle a ouvert et c'est elle qui a proposé !

Il haussa les épaules, buvant une gorgée tout fier d'avoir eu raison - Ian adorait avoir raison - et il reprit dans un sourire.

– Alors on a discuté, d'elle, de moi, elle m'a demandé si j'avais une femme, j'ai dit non. Je lui ai demandé si elle avait un copain, elle m'a dit non.

En réalité, il n'avait pas dit "non", il avait répondu "c'est compliqué". Une grossière erreur de penser qu'avec Hayley c'était encore "c'est compliqué" car c'était insinuer qu'il y avait toujours quelque chose. Est-ce qu'il y avait toujours quelque chose ? Il releva les yeux sur elle et inspira profondément. A la regarder, la réponse la plus rapide était "oui" et il s'en voulait de rater un battement de coeur à cause de ça. Puis il se frotta un oeil sans cesser de sourire. Si c'était possible, il se serait mis à rougir comme un adolescent face à la fille de ses rêves, incapable de dire un mot.

– On a brièvement parlé de mon frère, elle m'a parlé de son coloc, des études qu'elle voudrait faire, du boulot que je faisais… Finalement, aujourd'hui, on progresse, Elle est vraiment géniale et je crois qu'elle m'aime bien. Ca ne se fera pas comme ça du jour au lendemain mais en tout cas, j'ai vraiment envie d'être là pour elle. Faire ce que mon frère n'a pas fait, oui, mais en prime, faire ce qu'un oncle est censé faire, tu vois ?

Il pinça les lèvres en faisant tourner la bouteille entre ses doigts, les yeux rivés dessus et il acquiesça brièvement

– Je lui ai brièvement parlé de toi, aussi.

Il pouffa de rire et secoua la tête.

– C'aurait été dur de manquer le sujet, quand on y pense

Elle faisait tellement partie de sa vie, même sans qu'ils soient ensemble. Peut-être qu'une question d'habitude mais il avait toujours l'impression qu'elle était là, quelque part, dans sa vie.