Il n’y avait pas que les gens qui réagissaient de manière étrange, le temps commençait à s’y mettre. C’était à se demander comment c’était possible d’avoir une pluie aussi torrentielle à cette période de l’année. Devant son volant, les essuie-glaces enclenchés, il surveillait l’entrée de cette maison. Il ne s’était jamais réellement posé la question du pourquoi mais, il n’avait jamais mis les pieds à l’intérieur de cet endroit. Pourtant, la propriétaire avait passé beaucoup de temps chez lui mais, cela ne s’était jamais fait dans le sens inverse. Lorsqu’ils étaient ensemble, il était venu la chercher ici à de nombreuses reprises mais, elle le rejoignait toujours dehors, il n’entrait pas. Il n’avait pas posé de question, à cette époque ça l’arrangeait bien vu qu’il préférait qu’elle reste chez lui, plutôt qu’ailleurs. Au moins, il avait le confort de son petit univers et cette impression de mieux contrôler les choses. C’était différent aujourd’hui, il savait qui elle était et cette maison l’intriguait. Son univers à elle, l’intriguait.

C’est à travers les essuie-glaces qu’il la vit passer en courant sous la pluie. Il se pencha sur le côté passager, attrapa une petite barquette qu’il avait achetée sur la route et sortit de la voiture à son tour. La prochaine fois, il faudrait vraiment qu’il songe à prendre un parapluie. De son bras de libre, il protégea son achat et se mit à courir en direction de la maison. Les flaques d’eau, au sol, venaient de le tremper sur le bas des jambes, la pluie abondante s’était chargée du reste du corps en moins de quelques foulées. Il rattrapa la jeune femme quand elle était en train d’insérer sa clé dans la serrure. Le bruit de la pluie avait couvert ses pas mais, il s’arrêta à environ deux mètres derrière elle. Une distance de sécurité, juste pour lui prouver une bonne volonté et non une envie de la tuer juste devant chez elle.

_ Ély ? Elle s’était à peine retourné qu’il reprenait déjà la parole. Attends… Le but n’était pas qu’elle hurle, qu’elle parte en courant ou qu’elle fasse quelque chose de stupide. Promis, je suis là pour discuter et pour t’expliquer ce qu’il s’est passé l’autre soir.

Et pour une rare fois – les autres ayant aussi été avec elle – il était réellement sincère. Discuter, c’est tout ce qu’il voulait. Et, si elle pouvait accepter, il lui en serait reconnaissant parce que, honnêtement, la pluie qui lui tombait sur le visage, ce n’était pas ce qu’on faisait de plus agréable. En plus il n’avait pas le pouvoir d’éviter les maladies.

_ Tu ne m’as jamais invité chez toi alors, si tu veux on peut même aller au café un peu plus loin. Il avait balancé un pouce derrière lui pour désigner la direction du café. Et, il tendit la main qui tenait la barquette vers elle. J’ai ramené des mûres en guise de trêve.

Il savait que c’est argument était le plus bidon qu’il pouvait avoir mais, de toute façon, quoiqu’il puisse dire elle était pouvait le réfuter ou ne pas le croire alors… Il ne perdait à rien à essayer. Et, il était clair qu’il préférait aller chez elle mais il savait aussi qu’il y avait peu de chance qu’elle accepte alors, même un café ferait l’affaire. Qu’avait dit Raven déjà ? Ah oui, les gens ne réagissaient pas bien à la menace. Est-ce qu’il avait une chance de lui faire un peu de peine, à être lui demander de lui parler, là, sous la pluie, trempé jusqu’aux os ? Et si c’était le cas, est-ce que ça avait une chance de plaider en sa faveur ?

_ S’il te plait Ély ?

De toute façon il fallait qu’elle dise oui. Il lui parlerait d’une façon ou d’une autre et si fallait l’assommer, prendre ses clés pour ça, il le ferait. Et, honnêtement, il aimerait autant éviter parce qu’il ne prenait pas un plaisir particulier à la voir souffrir… Pas inutilement en tout cas.

Élirys adorait la pluie - vivre en Angleterre avait probablement aidé un peu - mais, ce genre de pluie ! Elle avait couru comme une malade de la station de métro jusqu’à sa porte d’entrée et, même avec toute la bonne volonté du monde, elle était trempée. En cherchant les clefs dans son sac, elle songeait déjà à la serviette chaude posée sur le radiateur de la salle de bain, au changement de vêtement qu’elle allait pouvoir faire et, malheureusement, au ménage qu’elle allait devoir effectuer pour nettoyer les dégâts de son arrivée dans la maison. Elle sautillait sur place, en cherchant à mettre la clef dans la serrure quand on l’interpella. Rien que la voix avait été suffisante pour identifier la personne, ce qui la fit se retourner rapidement en se plaquant contre la porte… Réflexe stupide, au passage.

La bouche ouverte, prête à prononcer son nom – au cas, où il ne serait pas comment il s’appelle -, le son était resté bloqué dans sa gorge seulement parce qu’il lui demandait d’attendre. Les yeux écarquillés, elle se demandait ce qu’il foutait là, devant chez elle, en pleine journée. C’est qu’elle commençait à être habituée aux ruelles sombres, une fois la nuit tombée. Il voulait discuter. Cette fois, c’est de manière septique qu’elle le regarda avant de fermer les yeux pendant deux secondes en secouant la tête. Non, elle devait avoir halluciné. Elle ne savait pas ce qu’on lui avait mis dans son café, un peu plus tôt, mais elle était en train de voir Jack, lui proposer d’aller dans un lieu public et lui tendre des mûres. Ou alors, elle avait attrapé froid sous cette pluie et elle était en train de délirer complet parce que cela ne lui ressemblait pas. En fait, si, ça lui ressemblait mais, en remontant trois en arrière quand tout allait pour le mieux, quand elle ne savait pas qui il était.

Des mûres ? Elle pointait une main dans leur direction avec un léger rire complètement halluciné. C’est drôle parce que la dernière fois que tu as ramené ce que je mange, c’était pour me mettre derrière un ordinateur sans que je le veuille.

Elle avait envie de lui dire d’aller se faire voir, qu’elle n’irait pas dans un café avec lui et qu’il ne rentrerait pas chez elle. Seulement, par expérience, elle avait aussi appris qu’il était difficile de lui dire non, que quand il avait décidé quelque chose, il s’y tenait. Elle en avait marre d’être sous cette flotte, de commencer à trembler comme une feuille à cause du froid alors, elle avait lâché un soupir en se retournant vers sa porte pour finir de l’ouvrir. Elle venait d’entrer, tenant la porte dans une de ses mains et se tourna pour poser son regard fatigué de ce genre de situation sur Jack.

Abrège avant que je change d’avis.

Ce qu’elle avait déjà fait mais, elle n’était pas certaine qu’il lui donnait vraiment le choix. Elle aurait pu choisir le café et, sans cette pluie, c’est ce qu’elle aurait fait mais elle avait besoin de fringues sèches. Et puis, elle n’aurait su le dire mais il y avait quelque chose de sincère chez lui-même si elle savait qu’il ne fallait pas trop s’y fier. Quand Jack passa la porte d’entrée, elle releva les yeux vers lui en tendant une main vers lui.

Quitte à le regretter, je préfère le faire avec les mûres !

D’un mouvement des doigts, elle lui demandait clairement de lui filer ce qu’il avait apporté. Ce n’était quand même pas de sa faute si elle n’avait jamais su résister à des mûres ! C’était vraiment très étrange pour elle de le voir à l’intérieur de sa maison, elle avait passé tellement de temps à lui en interdire l’accès. Refermant la porte derrière elle, Élirys traversa l’entrée pour aller dans le salon où elle lui demanda d’attendre deux minutes, tout en posant les mûres sur une table. Ce laps de temps écoulé, elle était revenue avec deux serviettes de toilette dans les mains et l’une d’entre elles fut envoyée à Jack. Ce n’était pas vraiment pour le bien-être de Jack qu’elle faisait cela mais pour elle. Fallait le voir, dans son salon, ruisselant d’eau et comme elle n’avait aucune envie de le voir avec ce regard-là, elle préférait qu’il se sèche rapidement. Elle était en train de passer la serviette dans ses cheveux quand son regard alla chercher celui de Jack, sans aucune chaleur.

Qu’est-ce que tu veux Jack ?

Elle n’aimait pas tellement quand les choses commençaient de cette manière. Encore une fois il lui disait quoi faire en lui demandant de ne pas parler tant qu’il n’aurait pas fini. Elle laissa passer un soupir avant de faire un léger mouvement de la main pour lui dire d’y aller. Plus vite il aurait dit ce qu’il voulait, plus vite, ils auraient fini. Mais ne pas parler ne voulait pas dire qu’elle ne pouvait pas réagir autrement. La tête qu’elle avait quand il lui avait annoncé qu’il était désolé prouvait qu’elle ne le croyait pas une seconde. Jack, désolé ? C’était presque aussi ridicule qu’un aveugle disant trouver très bien la dernière exposition photo dans la galerie du coin.

Elle avait haussé les sourcils par la suite, cherchant à savoir si ce qu’il disait était vrai ou pas. Cela n’excusait pas ce qu’il avait fait, ni la manière dont il s’y était pris mais, éventuellement, cela pouvait être compréhensible. Elle avait été capable de comprendre les raisons qui avaient poussé Raven à agir de la sorte alors, elle devait pouvoir en faire autant avec Jack. Ce qui l’énervait en revanche, c’est qu’il lui pique ses répliques et qu’il se définisse tout seul comme un enfoiré parce qu’elle aurait trouvé un certain plaisir à lui dire elle-même. Élirys tentait de rester calme, de ne rien dire jusqu’à ce qu’il ait fini mais, doucement, une colère sourde commençait à monter. Et c’est enfoiré qui avait fait deux pas en avant ! Il avait fini ? Très bien.

C’est un peu trop facile Jack. Elle pointa sa main dans sa direction, avec sa serviette en guise d’arme ultime dans cette situation. Est-ce que tu sais depuis combien de temps j’essaye de garder mon activité secrète ? Le ton commençait à monter parce que ce type avait un tel pouvoir sur elle qu’elle était incapable de rester parfaitement neutre. Des lustres ! Et toi, tu débarques, et tu donnes mon nom seulement pour protéger tes arrières ?

Il devait bien se douter qu’elle n’allait pas lui sauter dans les bras en le remerciant de lui avoir dit tout ça. Parce que, cela ne changeait rien au fait que, maintenant, quelqu’un chez les fédéraux savait ce qu’elle faisait. Qu’effectivement, il mettait Élirys dans une situation délicate où, elle en était encore à éplucher des dossiers pour pouvoir assurer ses arrières. Et, dans son énervement, elle ne s’était même pas rendu compte, qu’elle avait aussi avancé d’un pas, puis d’un deuxième.

Franchement, si t’es pas capable te protéger ta vie tout seul, trouve autre chose mais arrête d’embarquer tout le monde dans tes histoires foireuses.

D’un dernier pas, elle était maintenant face à lui, ne quittant pas cette main menaçante qu’elle avait dans sa direction. Elle ne croyait pas à son histoire, pas entièrement. Les choses étaient toujours plus compliquées avec lui et, puis, elle se souvenait encore des attitudes qu’ils avaient pu avoir tous les deux. Cela avait l’air d’être bien plus que le simple besoin de l’avoir de son côté. En repensant à eux deux, elle se retrouvait à être encore plus en colère, et encore un peu plus parce que ça l’énervait de réagir de cette manière.

Et ne me la joue pas ‘Il n’y avait que toi que je pouvais embarquer là-dedans’ L’imitation qu’elle venait d’en faire n’avait rien de flatteuse pour Jack. Parce que, elle plaquait sa main contre son torse, le poussant par la même occasion sur le coup de l’énervement pendant qu’elle se remettait à trembler dans tous les sens à cause de cette fichue pluie. Ça n’a rien de crédible, Jack ! Elle venait de lui remettre un coup avec sa serviette entre les mains, s’énervant un peu plus. Si tu l’as fait c’est juste parce que tu es complètement… J’sais même pas comment te définir Jack. Elle relevait des yeux pleins de colère sur lui. Si tu l’as fait c’est juste parce que tu prends un malin plaisir à me pourrir la vie ! Cette fois elle venait de pousser un peu plus fort avant de montrer la porte de sortie. T’as dit ce que tu avais à dire, maintenant, dégage de chez moi !

Il avait tellement tout accepté sans rien dire qu’elle en était même venue à se demander si Jack n’était pas réellement désolé, ou s’il ne culpabilisait pas un peu. Mais c’était idiot de penser cela, elle savait bien ce qu’il était alors il ne pouvait pas avoir ce genre de sentiment. Ca la perturbait d’autant plus que, sans vouloir se l’avouer, elle avait toujours espéré qu’il y avait un semblant de vérité dans ce qu’ils avaient vécu. Elle y avait tellement cru qu’elle trouvait impensable qu’il puisse autant jouer la comédie, si bien imiter des choses qu’il n’était pas censé connaitre. Elle ne voulait pas se faire avoir une deuxième fois, elle devait rester dans sa ligne directrice et lui demanda de partir. Quand il avait levé les yeux sur elle, son cœur s’accéléra pendant qu’elle se demandait si elle avait été trop loin. Elle ne pensait pas qu’il prendrait le risque de la tuer mais, tenter le diable n’était pas l’idée du siècle.

Ce regard… Elle avait dit quelque chose qui ne fallait pas et, dans la seconde, elle avait fait un pas en arrière. Réflexe idiot mais, qui commande ses réflexes ? De toute façon, elle n’avait pas le temps de partir loin, il avait déjà attrapé son poignet. Jack… Cet appel sonnait un peu comme une plainte, elle voulait qu’il la lâche. Élirys s’attendait à recevoir une tempête sur le coin de la figure. Les choses commençaient toujours de cette manière et se finissaient en étant à moitié étranglée dans une ruelle, ou la tête enfoncée dans l’eau d’une baignoire. Bien sûr, elle essayait de se dégager mais elle avait l’impression que plus elle essayait, plus il serrait. Que plus elle essayait de reculer, plus il la rapprochait vers lui.

Jack, lâche-moi.

Elle avait baissé la tête en imaginant bêtement que de ne pas le voir l’empêcherait de craindre quoi que ce soit. Le mot confiance sortit de sa bouche, elle s’arrêta d’un coup, relevant un visage perplexe sur cet homme qu’elle n’arrivait pas à définir. Ça sonnait si vrai, une exclamation étouffée venait de sortir d’entre ses lèvres mais Jack avait repris la parole, il criait, ça la faisait paniquer alors elle essayait une nouvelle fois de se dégager. Elle voulait se sortir de là pour ne plus avoir à l’écouter parce qu’elle n’avait pas envie de le croire. Elle n’avait pas envie de réfléchir à cette question qu’il venait de lui poser, préférant croire qu’elle le faisait uniquement parce qu’elle voulait s’assurer qu’il ne tuerait pas. Mais, elle savait. Elle savait qu’il avait raison, le dénoncer aurait été la chose la plus sensée à faire. Il venait de la secouer. Arrête Jack ! C’était à son tour de hurler, qu’il arrête ce qu’il était en train de faire mais quand il hurla son dernier mot, elle se sentit sursauter avant de perdre pied.

Parce que j’en suis incapable.

Elle avait crié, tout ce qu’elle pouvait en se dégageant. Sa main était libre, elle n’était pas assez stupide pour croire qu’elle s’était libérée toute seule. Il l’avait relâché. Elle venait de faire deux pas en arrière en se tenant le poignet, la tête rivée sur le sol en comprenant ce qu’elle avait toujours cherché à enfouir quelque part. Elle était incapable de le dénoncer et elle s’en sentait encore plus faible. Ne pas avoir de sentiment devait être quelque chose de magique. Elle regardait le sol, en essayant de reprendre sa respiration, sa cage thoracique se soulevant beaucoup trop. Elle relevait la tête vers lui.

Je ne suis pas comme toi Jack. Ce qu’elle regrettait dans cette situation. Là où tu as passé un an avec la plus grande indifférence, à faire semblant, ce n’était pas mon cas.

Elle lui en voulait terriblement pour cela mais, comme elle venait de le dire, elle ne possédait pas un bouton ou quoique ce soit lui permettant simplement de ne plus rien ressentir. Elle s’était mise à secouer la tête.

Mais ça ne change rien parce que justement je ne suis pas comme toi et que je t’en veux vraiment.

Élirys avait penché la tête un peu en avant, et dans un mouvement de tête elle lui demandait de continuer. Si ce n’était pas simple, qu’il lui explique ce que c’était parce qu’elle, elle n’y comprenait rien. Elle ne savait même pas ce qu’elle voulait entendre, qu’il lui avoue qu’il n’avait pas fait que mentir. Elle n’était pas certaine de le croire. Il avait raison, rien n’était simple, parce qu’elle était incapable de le croire, cherchant toujours où était son but à lui dans tout cela. Élirys avait beau savoir ce qu’il était, cela ne restait qu’un diagnostic, quelque part dans un dossier mais, en le voyant face à elle. C’était presque inconcevable de penser qu’il était en train de tout modeler sur son visage, qu’il dessinait chaque expression qu’il voulait. Tout ce qu’il pouvait faire en cet instant était parfait parce que s’était imparfait. Cela semblait sincère parce qu’il essayait de le cacher, de retrouver ses traits habituels. Si seulement, elle savait qu’il pouvait simuler des expressions jusque-là…

Elle lui en voulait mais elle avait envie de comprendre. Rester sur des phrases qui n’ont pas de fin était frustrant, encore plus quand ça touchait à leur relation qu’elle ne comprenait pas. Elle avait ouvert la bouche pour lui dire qu’elle ne voulait pas laisser tomber mais il redevait vite désagréable. A se demander comment il faisait de réussir à faire passer quelqu’un d’un extrême à un autre. Qu’elle est reprise sa vie semblait ne lui faire ni chaud, ni froid alors que quelques secondes avant il était si près de lui expliquer quelque chose. Et, la seconde d’après, il était en train de lui demander de se changer comme s’il s’inquiétait que quelque chose puisse lui arriver.

Jack lui donnait l’impression d’être une véritable girouette, incapable de savoir si elle avait envie de lui parler, de lui hurler dessus, de le frapper ou de se jeter dans ses bras. Si on lui avait dit qu’il était possible de ressentir tout cela en même temps, Élirys aurait bien rigolé.

Même malade, je pourrais toujours éviter de faire partir ton dossier.

C’est ce qu’elle aurait pensé en temps normal, ne pouvant pas lui trouver d’autre explication sur le fait qu’il soit inquiet pour elle. Aujourd’hui, elle l’avait dit pour se convaincre elle-même parce que toutes les attitudes qu’il avait eues jusqu’à maintenant étaient en train de la faire douter. Jusqu’à cette action qui consistait à partir. Elle ne comprenait pas, cela ne lui ressemblait pas, il n’était pas simplement venu pour lui dire qu’il était désolé, s’assurer qu’elle était en vie et repartir.

Elle le regardait partir en se disant que c’était la meilleure chose à faire mais, ce dernier regard navré qu’il lui avait lancé. Elle le détestait d’être lui, d’être aussi compliqué, énigmatique, impossible à suivre et à fuir. Elle n’avait pas compté mais, six secondes (Qu’est-ce que tu croyais, que tu allais avoir juste avec ton décompte !) au minimum s’étaient passées avant qu’elle ne se décide de lever la tête sur le dos de Jack.

Attends. Promis, elle regrettait déjà ce qu’elle venait de faire. Qui va s’assurer que je reste en vie si tu meurs d’une pneumonie parce que je t’ai laissé partir comme ça. C’était à son tour de sortir des excuses qui n’étaient pas vraies. La vérité était plus compliquée et bien moins avouable. Je te ramène un truc.

Elle s’enfonçait déjà dans un couloir pour pousser une porte et arriver dans une chambre. En ouvrant le placard, elle n’eut pas besoin de beaucoup de temps pour attraper un t-shirt, un pantalon, et tout le nécessaire pour qu’il puisse se changer. Elle pouvait expliquer les raisons qui faisaient qu’elle avait des affaires d’homme chez elle mais, elle ne pensait pas que cela puisse servir à quelque chose. Elle était revenue dans le salon.

Pourquoi tu es venu Jack. Je veux dire pourquoi tu es Vraiment venu ? Elle venait de lui tendre les affaires qu’elle avait sorties pour lui. Tient.

Spoiler:

Jack ?

Elle ne comprenait pas pourquoi il lui demandait si elle avait quelqu’un. Cela n’avait rien à voir dans la discussion, n’avait aucun rapport avec la question qu’elle lui avait posée. Elle avait toujours les affaires dans les bras et, elle n’avait pas eu d’autres choix que de faire un pas en arrière affichant un air inquiet. Jack avait quelque chose de flippant, son regard, sa gestuelle. Il y a des intuitions des fois qui font qu’une personne est capable de comprendre que les choses pouvaient mal tourner. C’était sûrement ce qu’était en train de lui dire le frisson qui venait de lui remonter dans toute la colonne vertébrale.

Ce n’est qu’à sa deuxième phrase qu’elle comprit où était le problème. Elle nageait en plein délire, impossible de l’expliquer autrement. Il venait de lui revenir en mémoire, le soir où ils étaient dans l’entrepôt, la tête étrange qu’il avait faite quand Raven avait mentionné le faux petit ami qui avait servi d’excuse à Élirys pour rentrer chez elle. Elle le regardait de manière étrange parce qu’elle avait peur et parce qu’elle ne voyait pas où était le problème. Elle avait quand même le droit de refaire sa vie. Ce n’était pas le cas mais, cela aurait pu.

Faut croire que de ne pas cacher un passé comme le tient aide à la confiance.

Elle ne voyait pas trop ce qu’elle devait lui répondre parce qu’il avait l’air d’être une soupape prête à exploser à tout moment mais, d’un autre côté, il devait bien comprendre qu’elle avait sa vie et qu’il n’avait aucun droit dessus. Elle se demandait pourquoi il avait l’air d’être jaloux, ne pensant pas à associer ça à la possession, elle trouvait ça bien trop malsain pour que ça percute dans son esprit.

Élirys se doutait bien que le provoquer n’était pas une bonne idée mais, cela avait été plus fort qu’elle. Elle en avait même fait un deuxième pas en arrière, en serrant contre elle les affaires qu’elle tenait comme si ça pouvait suffire à la protéger. Elle regrettait de l’avoir retenu et, d’un autre côté, une partie d’elle arrivait à trouver un certain réconfort dans le fait qu’il puisse être jaloux. Cette année ensemble n’avait peut-être été aussi fictive pour lui que ce qu’elle imaginait.

Tu t’attendais à quoi ? Que je ne me relève jamais de nous deux, où il y avait plus de moi que de toi ? Que j’allais rester vieille fille jusqu’à la fin de mes jours ?

Elle n’hurlait pas, trop craintive de l’attitude qu’il avait mais, elle voulait comprendre. Élirys ne pouvait pas lui dire que c’était lui qui l’avait quitté parce que cela avait été l’inverse. Jack en portait une grande part de responsabilité cependant. Le pire, c’est quand lui demandant ça, elle était en train de prendre conscience que c’est exactement ce qu’elle avait fait. Elle s’était cloîtrée chez elle, ressassant cette relation qui pourtant était magistralement destructive mais qui ne ressemblerait jamais à aucune autre. Elle avait haussé les épaules en gardant toujours ses affaires contre elle.

Je te l’ai dit Jack. Ça fait trois ans, faut passer à autre chose.

Dans le doute, elle avait quand même fait un pas de plus en arrière. Un demi-pas, le mur qui était derrière elle ne lui permettait pas vraiment d’en faire plus. Elle la connaissait cette façon quand même, pourquoi elle n’avait pas réfléchi à son architecture avant de se lancer dans ce genre de réplique. Elle avait pris soin de ne pas répondre à sa première question, ni même de dire qu’elle était passée à autre chose. Élirys n’avait pas envie qu’il comprenne qu’elle mentait. L’omission, n’était pas un mensonge à proprement parler.

Élirys s’était collée un peu plus au mur, s’était accrochée un peu plus à ce qu’elle avait dans la main. Incapable de décrocher ses yeux de Jack, absorbé dans ce bleu qui était devenu froid et dangereux. Elle était incapable de parler non plus, la façon dont il lui avait dit qu’elle parlait trop. Il ressemblait à un fou, un peu comme le type qui n’a rien à perdre et qui va aller s’exploser avec de la dynamite autour du torse. Elle n’avait jamais eu la prétention de le comprendre mais, il y avait toujours des choses qu’elle arrivait à prévoir, qu’elle arrivait à décrypter. Là, rien, il était comme une bombe à retardement et elle ne savait absolument pas ce qu’elle devait faire.

Autant qu’elle pouvait le faire, tout en restant debout, elle venait de se recroqueviller, les épaules relevées, un peu en avant, serrant fort ses bras autour de son torse. Elle avait souvent détesté cette proximité où il était capable de mettre entre eux deux mais là, c’était différent. Elle ne la détestait pas, elle en avait peur. Une première main sur le mur, et elle comprenait qu’elle n’avait pas su cacher le fait qu’elle ne lui avait pas répondu. Quand il avait lancé l’autre bras, elle avait vraiment cru que c’était pour elle. Si bien qu’elle avait baissé la tête, qu’elle avait fermé les yeux de toutes ses forces en s’attendant déjà avoir mal. Rien, le mur derrière elle eut un léger bruit de craquement alors que Jack reposait sa question. Doucement, elle ouvrait les yeux, cherchant à s’assurer qu’aucune menace immédiate ne planait au-dessus de sa tête. Les deux mains à Jack avaient beau être contre le mur, il restait une menace à lui tout seul.

Elle était tellement tétanisée qu’elle ne trouvait même pas un mot aussi simple qu’un non. A défaut, elle s’était mise à secouer la tête de gauche à droite, en se disant que ça devrait suffire à ce qu’il comprenne qu’elle n’avait personne. Elle aurait voulu parler mais, même en ouvrant la bouche elle savait qu’aucun son n’arriverait sortir. Et cette petite voix dans sa tête qui lui suppliait de donner une réponse claire parce que dans l’état où il était, elle n’était pas convaincue qu’un mouvement de la tête puisse suffire.

N… Non…

Maintenant, si elle tremblait cela n’avait rien à voir avec le fait d’être trempée sans avoir eu le temps de se changer. Elle ne savait pas pourquoi mais elle sentait un besoin d’argumenter sa réponse. C’était probablement pour être certaine qu’il allait la croire, qu’il n’allait pas se mettre à retourner toute la baraque à la recherche de quelqu’un qui n’existait pas. Fébrilement, et elle se sentait faible, elle levait ses yeux vers lui.

C’est ce que je lui avais dit… Euh, à Raven. Parce que je voulais qu’elle me dépose chez moi, c’était juste pour me donner une excuse.

Ses yeux se baissèrent à nouveau sur elle, de quoi voir les affaires qu’elle avait dans les mains. C’était eux qui avaient tout déclenché, sans eux elle n’était même pas certaine que Jack revienne sur cette histoire. Elle n’était pas à l’aise avec ces bras qui encadraient son visage, la proximité qu’il y avait et cette attitude tout entière qui se dégageait de Jack. Elle inspirait profondément, voulant faire une phrase sans accrochage pour retrouver un peu de contenance même si c’était peine perdue avec ce qui venait de se passer.

Tu te souviens de notre voyage en Floride. Elle relevait les yeux vers lui pour chercher une approbation. Tu as dû partir précipitamment, deux jours avant la fin et, je devais ramener tes affaires. Ce que j’ai fait, c’est seulement qu’ensuite je n’aie pas pensé à te les ramener à toi, tu ne me l’as pas rappelé non plus. Elle se décrochait un peu des affaires qu’elle serrait contre elle pour le lever dans sa direction. Elles sont restées là, c’est les tiennes, Jack.

Ce n’était pas de sa faute à elle si Jack n’y avait pas porté plus d’attention pour pouvoir les reconnaître. Elle s’accordait à dire qu’un jean restait un jean mais, si Jack lui avait seulement demandé pourquoi elle avait des affaires d’homme, elle lui aurait répondu la même chose, sans avoir besoin de trembler comme une feuille, sans avoir l’impression de manquer de faire une crise cardiaque à chacun de ses mouvements.

Faible mais pas folle, Jack lui avait laissé une ouverture et Élirys s’était empressée de la prendre pour s’éloigner de lui. Elle avait songé à quitter sa maison mais, elle s’était arrêtée au milieu du salon. Elle était chez elle et malgré ses tremblements, cette frayeur qu’elle venait d’avoir, ce n’était pas à elle de partir. Elle avait espéré qu’il prenne la décision de partir, qu’elle n’ait pas à lui redemander encore une fois. Qu’il garde ses affaires et qu’il parte, c’est tout ce qu’elle demandait jusqu’à ce qu’il reprenne la parole.

Que je… ?

Elle ouvrait grand les yeux, en se demandant si elle avait bien compris ce qu’il venait de dire. Il se moquait d’elle ou il y avait une caméra cachée quelque part dans son salon mais il ne pouvait pas être sérieux en lui disant cela. Il faut croire que si parce qu’il arrivait même à en remettre une couche, comme cela, seulement pour le plaisir.

Jack, je pense que tu as un sérieux problème. T’as déjà songé à consulter parce qu’il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond chez toi.

Pour un sociopathe il passait vraiment dans toutes les nuances que pouvait avoir une personne munie de sentiment. Elle ne comprenait plus et ne savait plus quoi penser. Elle l’avait lu ce diagnostic pourtant, elle n’avait pas de raison d’en douter, un psy balançait pas qu’un gamin était un sociopathe sans la moindre raison. Et puis ça se couplait à tellement d’autres informations qu’elle avait pu avoir sur lui. Soit elle devenait complètement folle, à vouloir trouver quelque chose chez lui d’humain, soit elle s’était plantée sur toute la ligne et il n’était pas autant sans sentiment qu’elle l’avait pensé jusque-là. Élirys était en train de perdre pied sans savoir comment se positionner, sans savoir ce qu’elle devait penser.

Explique-moi, ou sort d’ici mais là, je commence à en avoir de tes humeurs qui passent du blanc au noir alors que ça ne devrait pas parce que. Elle le désignait l’air épuisé. Enfin tu sais pourquoi.

Elle ne savait toujours pas pourquoi elle n’arrivait pas dire ce qu’il était à voix haute, sûrement une envie de ne pas rendre tout ça bien réel. Élirys était arrivé au point de saturation, où elle était fatiguée de jouer à un jeu où elle ne connaissait pas les règles, ni les enjeux. On ne lui avait même pas donné une notice avant emploi, rien. Si Jack avait envie de la détruire, qu’il le fasse maintenant pour qu’elle puisse arrêter de se demander comment allait être sa journée, pour qu’elle n’ait pas à craindre de le croiser dès qu’elle tourne dans une rue.

Je suis fatiguée Jack, j’en ai marre. Alors dis-moi ce que tu cherches à faire une bonne fois pour toutes qu’on en finisse. Si tu fais tout ça à cause du programme, je l’arrête si tu veux.

Elle en avait marre mais, apparemment, une partie d’elle-même n’était pas encore assez folle pour dire à Jack qu’il n’y avait jamais eu de programme sur lui, qu’elle l’avait simplement inventé pour s’assurer de vivre encore un moment. Élirys avait fini par laisser ses bras retomber, ses épaules s’affaisser et si elle en avait eu le courage elle aurait été jusqu’à l’un de ses fauteuils pour se laisser tomber dedans.

Alors ça à avoir avec quoi ?

Parce que là, elle ne comprenait plus rien, elle avait l’impression d’être entrainée dans un mouvement qu’elle ne pouvait pas suivre, se prenant tous les obstacles, sur le chemin, de plein fouet. Elle voulait savoir pour comprendre comment elle devait avancer mais, Jack avait à peine dit quelques mots qu’elle voulait déjà faire machine arrière. Elle était partie parce qu’elle avait eu peur, elle n’avait pas envie de savoir comment lui avait perçu les choses parce qu’elle ne voulait pas avoir à se dire qu’elle avait eu tort de le faire. Elle avait suffisamment regretté cette relation pour ne pas avoir besoin d’entendre qu’elle avait fait fausse route.

De pas en pas, c’est ce qu’il était en train de lui dire alors qu’elle voyait tout son petit univers s’écrouler. Elle ne bougeait plus, impuissante pendant que son esprit retournait les phrases de Jack, qu’il lui repassait en boucle les mots-clefs jusqu’au moment où la seule chose qui résonnait dans sa tête fut la phrase qu’il glissa proche d’elle. Élirys n’avait aucune idée de ce qui lui avait permis de rester debout. Il lui disait qu’elle s’était trompée et, c’est la seule chose qu’elle voulait entendre. Elle n’en avait jamais eu conscience jusqu’à maintenant, elle l’avait mis dans une case et refusait de le bouger de là. Sa manière à elle de ne pas regretter son choix qu’il était en train de lui balancer en plein visage.

Elle venait de fermer les yeux, pour prendre une inspiration et essayer de réfléchir à tout ça mais, elle en était incapable. Trop d’informations en même temps, trop de choses qu’elle voulait entendre sans être certaine de réellement vouloir les entendre. Une chose ne changeait pas avec Jack : il attirait, chez elle, toujours les mêmes sentiments contradictoires qu’elle pensait impossibles d’avoir en même temps. Ce qu’elle pouvait le détester à ce moment très précis pour ne pas avoir dit les choses avant, pour l’enfer qu’il lui avait fait vivre et parce que, malgré tout cela, elle était incapable d’envisager quoi que ce soit sans qu’il soit dans les parages. C’est cette dernière raison qui la fit s’énerver pour de bon.

Tu te fous de moi Jack ? Et bientôt ça va être de ma faute parce que je n’ai pas cherché plus loin ? Tu veux rire ou quoi, tu me n’as rien donné pour que je me pose des questions. Tu veux que je te refasse un historique de tout ce qui a pu se passer dernièrement pour te le prouver ou tu as encore une assez bonne mémoire ?

Même en se rappelant tout ce qui avait pu se passer, elle avait envie, besoin, de croire ce qu’il avait dit. En regroupant les informations, elle arrivait même à y trouver une certaine logique. Il ne l’avait pas tué. Un argument improbable mais qui avait une signification parce qu’il aurait très bien pu le faire. Il y avait de ces petits détails insignifiants mais qui, venant de Jack, avait une tournure différente dans son esprit. L’autre soir, il avait pris ce qu’elle aimait sans que rien ne l’y oblige. Aujourd’hui, il venait sans aucune raison hormis celle de s’expliquer et de voir si elle allait bien – comme une débile, elle croyait à cette version – alors, maintenant, comment était-elle censée réagir ? C’est elle qui voyait ses mains s’agiter au fur et à mesure qu’elle s’énervait. Et, quand ses mains ne bougeaient pas dans tous les sens, elle se les passait dans ses cheveux encore humides de la pluie qu’elle s’était prise.

Jack, je ne sais jamais ce que je dois penser avec toi. Un jour t’es en train de m’étrangler dans une ruelle, l’autre tu me ramène des mûres. Je dois penser et croire quoi moi ? Hein ? Ou, je ne sais pas décide-toi, vois ce que tu veux et dis-le-moi parce qu’on ne peut pas continuer comme ça éternellement. Je ne peux pas !

Qu’il lui dise, elle finirait par s’adapter parce qu’elle ne pouvait faire que cela et qu’elle n’avait aucune fichue volonté quand il s’agissait de lui. Élirys avait fini par relâcher ses bras le long de son corps, un soupir passant ses lèvres en le regardant.