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 Imagine being Kevin (Salem)

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Adam Tenseï

Adam Tenseï
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MessageSujet: Imagine being Kevin (Salem)   Imagine being Kevin (Salem) EmptyJeu 14 Fév - 18:03

And since the whole thing's imagined anyhow
Imagine being Kevin. Which is he ?
Self-forgetful or in agony all the time
Seamus Heaney, The Spirit Level, Saint Kevin and the Blackbird

***

— Au fait !

Adam échappa avec difficulté à la quinte de toux qui le saisit quand un morceau de son burger entreprit d’envahir sa trachée plutôt que son œsophage, alors qu’Anya venait d’apparaître juste à côté de lui, sur la banquette du restaurant routier et sous les yeux ébahis de Salem. L’Asiatique avala prestement un verre d’eau pour tenter de préserver ses fonctions vitales et posa sur la jeune fille un regard qu’il avait renoncé à emplir de reproches, tant avaient été nombreuses les occasions pour constater leur inefficacité sur la téléporteuse.

Il lui fit malgré tout remarquer un petit détail :


— On aurait pu être en train de conduire.
— Mais non !
— On a pris la route, ça paraît pas si improbable.
— J’l’aurais senti, si vous aviez été en mouvement.
— Hmoui. Donc ?
— Quoi ? Ah Oui. Les chats ont le droit de dormir sur le lit ?


L’Asiatique hocha la tête.

— On a renoncé à leur apprendre le savoir-vivre.

Ou plutôt, ils n’avaient jamais vraiment essayé.

— OK. Bon, ben faites bon voya…

Et la jeune fille n’avait pas fini sa phrase qu’elle avait déjà disparu, laissant aux deux fiancés la liberté de finir leur repas dans cet environnement exceptionnel, où de gros camionneurs barbus regardaient d’un œil indifférent les nouvelles locales, sur l’écran de la vieille télévision au-dessus du bar. Quelque plaisir qu’il y aurait eu à entamer une partie de billard avec une si joyeuse compagnie, les deux jeunes gens ne tardèrent pas à régler leur repas et se remettre en route, Adam cédant à Salem, pour la seconde partie du voyage, le volant de la voiture.

Il était un peu stressé. Certes, il allait retrouver les Cordova et, si les choses ne s’étaient pas trop mal terminé dernière fois, il fallait avouer que l’essentiel de la réunion de famille avait été un peu difficile, et l’idée de les revoir n’était pas sans faire souffler chez lui un vent de panique. Mais c’était surtout le but premier du voyage qui le travaillait : un gamin de dix ans allait s’en donner à cœur joie dans le moteur de sa voiture, supervisé, il était vrai, par un (apprenti-)garagiste compétent, mais tout de même.

Ce qui lui avait semblé une excellente idée quand elle n’était que théorique lui paraissait désormais une entreprise un peu hasardeuse ; après tout, il y avait un monde entre les machines à rayons gamma factices, même bien conçues, et un véhicule véritablement fonctionnel. Sans doute le cahotement du véhicule en question suggérait-il qu’il était de toute façon voué à la casse et que, dans l’opération de la dernière chance, il n’y avait plus grand-chose à perdre, mais Adam ne pouvait s’empêcher de se sentir un peu nerveux.

Et pourtant, comme la première fois, la voiture finit inéluctablement par s’engager dans les rues de Boston, puis dans la rue du quartier, puis dans l’allée de garage des Cordova. Le rituel était désormais immuable : Adam quitta sa place, attrapa leurs sacs dans le coffre et suivit Salem jusqu’à la porté d’entrée où Maria les regardait déjà avec un sourire bienveillant et maternel. Adam embrassa sa future belle-mère, qui expliqua qu’elle était seule pour l’heure, parce qu’Ashley était en train de « travailler » chez « une amie » et que Papa Cordova avait emmené son fils cadet choisir de nouvelles baskets pour le cours de sport, parce qu’à cet âge-là, les enfants (et leurs pieds), ça n’arrête pas de grandir.

Qu’on se rassure cependant…


— J’ai fait des gaufres.

Le visage d’Adam s’épanouit dans un sourire alors qu’il s’engageait dans le couloir de la maison, après avoir déposé les deux sacs dans le vestibule. Il suivit Salem, qui suivait Maria, qui allait dans la cuisine en bavardant.

— Je suis allée faire les courses ce matin, et il y avait de la confiture aux fraises, tu aimes ça, Adam, la confiture aux fraises ? et je me suis dit : je vais leur faire des gaufres, ils auront sans doute faim après ce long voyage, et je me suis souvenu que tu étais un bon mangeur, et d’ailleurs Salem ne manque pas de me le rappeler, ah celui-là, quand il apprendra à cuisiner… J’ai toujours dit qu’il lui faudrait une femme qui sache…

Maria s’interrompit brusquement d’un air gêné, l’assiette de gaufres à la main. Il y eut quelques secondes de silence puis la mère de Salem enchaîna :

— Enfin, bref, j’ai acheté la confiture, et du Nutella aussi, je suis sûr que tu aimes ça, Adam, le nutella, Salem m’a dit que tu aimais bien le sucré, alors que lui, évidemment, ça a toujours été les gâteaux apéritifs, et il faudrait qu’il fasse attention.

Adam glissa à tout hasard, pour prouver qu’il pouvait être lui aussi une femme d’intérieur prévenante pour son futur époux :

— Je l’surveille.
— Ah, bien, bien, tu as raison. Il va finir par faire de l’hypertension sinon. Et donc, au magasin, j’ai croisé, tu sais Salem, Madame Fiderer, la maman du petit Kevin, tu dois te souvenir, vous étiez tout le temps fourrés tous les deux ensemble.


Adam, qui avait sagement attrapé une gaufre et plongé un couteau dans le pot de Nutella, resta la main suspendue dans les airs, pendant que Maria, sans s’apercevoir de sa réaction, posait brièvement un regard interrogatif sur son fils avant de se détourner pour fouiller dans le frigo et reprendre le fil de son propos.

— C’est une dame très gentille, et tu veux du lait Adam ou du jus de fruit ?

Le devin se tira péniblement du souvenir si désagréable de l’aveu détourné de Salem, à la table des Tenseï, aveu qui avait été plutôt enterré que digéré, et d’une voix malgré tout encore un peu lointaine murmura :

— Je veux bien du lait, s’il vous plait.

Décidément, aucune des visites chez les Cordova n’était destinée à être reposante.
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Salem Cordova

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MessageSujet: Re: Imagine being Kevin (Salem)   Imagine being Kevin (Salem) EmptySam 16 Fév - 16:01


« Tu crois qu'on sera toujours copain, quand on sera vieux ? »
« Ben oui, c'est pas possible qu'on soit plus copain. »
« … Et si je partais très loin ? »
« Tu vas partir ? »
« Peut-être, un jour… Alors, tu promets ? »
« Je promets ! »
« Promis, juré ? »
« Promis, juré ! »
« Sur le petit doigt ? »
« Ouais ! »

Salem était un peu stressé, oh, il n'avait pas vraiment peur de retrouver sa famille, d'après les longues conversations téléphoniques qu'il avait eu avec sa mère, tout le monde s'était habitué à son petit changement d'orientation et Adam faisait l'unanimité. Le sort de la pauvre voiture l'inquiétait peu également, dans le pire des cas, la voiture marcherait enfin correctement, mais avec un peu de chance, elle exploserait et ils en achèteraient une plus récente. Mais il avait peur que dans ce cas son fiancé lui en veuille beaucoup, déjà qu'à chaque fois qu'il abordait le sujet, les sourcils d'Adam s'abaissaient d'un demi-millimètre – il le voyait très nettement – il n'osait imaginer la tête qu'il ferait si son frère et lui la détruisait complètement.

En attendant, la voiture roula sans trop faire de caprices et s’engagea dans l'allée de ce qui était peut-être sa dernière demeure. Salem laissa Adam prendre les bagages et fit une bise à sa mère, tandis qu'elle lui demandait si tout c'était bien passé et parlait de la météo. Elle commençait à bien connaître son gendre puisqu'elle proposa des gaufres dès qu'il fut à leur hauteur. Ils la suivirent alors bien volontiers jusque dans la cuisine, où les attendaient un plein plateau. S'il avait beau préférer le salé, Salem ne résista pas et en attrapa une pour la couvrir d'une généreuse couche de confiture. C'est alors qu'il mordait dedans que sa mère jeta le pavé, comme plus tôt, avec le passage express d'Anya, Salem faillit avaler de travers. Il se ressaisit rapidement et hocha la tête pour signifier à sa mère qui oui, il se souvenait de Kevin, il aurait d'ailleurs eu du mal à l'oublier, si elle savait… Salem jeta ensuite un coup d'œil aux sourcils d'Adam, pour constater qu'ils étaient désespérément bas, il voulut lui dire quelque chose mais sa mère s'était remise à parler.

« J'étais sûre que tu t'en souviendrais, pourquoi vous avez arrêté de vous voir, d'ailleurs ? Vous ne vous êtes pas fâchés tout de même ? »
« Non, pas du tout. »
« Ah, tant mieux, c'est un gentil garçon, de ce que je me rappelle. Je suis contente qu'il s'en soit si bien sorti. »

Salem haussa les épaules.

« Oui, enfin, l'armée, c'est pas l'idéal, quand même… »
« Ah c'est bien ce qu'il me semblait, il voulait partir à l'armée. J'ai étais très étonnée quand sa mère m'a dit qu'il était à Boston, mais elle a aussi était surprise d'apprendre que tu étais fiancé, j'espère que je n'ai pas fais de bêtises en le lui disant. »
« Non, il n'y a pas de problèmes. Il est revenu à Boston ? »

Il avait sourire ravi, un peu trop même, et tenta de rapidement se trouver une expression plus neutre, en jetant un coup d'œil un peu inquiet à Adam.

« C'est… hum… bien, je suis content qu'il ait changé d'avis… »
« Vraiment ? Il m'avait l'air très débrouillard, comme garçon, je suis sûre que ça lui airait plus Il n'y a pas que des soldats dans l'armée, il aurait pu devenir… je ne sais pas… »

Elle se mit à réfléchir, Salem n'en était pas surprit qu'elle le trouve à sa place dans chez les soldats. Pour tout le monde, Kevin était bon pour suivre les traces de son père, et donc très mal tourner. Il était le seul, avec ses quelques amis de l'époque, à avoir vu en lui autre chose qu'une brute épaisse sans avenir. Mais il n'osait pas trop tenter d'en savoir plus en questionnant sa mère devant Adam, avec qui il n'avait plus abordé le sujet depuis la crise qu'ils avaient traversée chez les Tenseï. Adam, qui ne mangeait pas beaucoup et ne parlait pas non plus, ce n'était vraiment pas le moment de partir dans une longue conversation sur son meilleur ami.

C'est donc sans savoir quelle fut vraiment la conversation entre les deux mamans, et donc si sa mère avait fini par dire qu'il était de retour à Boston pour le week-end, qu'ils prirent finalement congés pour aller installer leurs affaires dans la chambre. À peine les sacs posés aux pieds du lit, Salem se tourna vers son fiancé et posa une main sur sa taille.

« Adam, heu… On aurait sûrement dû en reparler depuis longtemps mais… »

Depuis une éternité, même, l'adolescent regrettait maintenant d'avoir si soigneusement évité de parler de Kevin, s'il avait mis les choses au clair plus tôt, il aurait évité de plonger Adam dans l'embarras, et lui avec. Il réfléchit une seconde, c'était le moment d'être clair, net, et précis.

« Heu… Faut pas que tu t'inquiètes pour Kevin, je sais que j'aurais dû te dire que, bon, on était assez proches, tous les deux. Mais il s'est rien passé du tout, en fait ! J'te promet, c'est juste un ami, regarde, je savais même pas qu'il était revenu de Fort Kellington. Il me l'a pas dis. Faut dire qu'il est un peu spécial, niveau communication, surtout au téléphone. Mais enfin, il aurait quand même pu faire un effort, ce crétin. »

Son regard s'attarda sur une vieille photographie où Kevin lui passait nonchalamment un bras sur les épaules. Il soupira, visiblement, cette omission ne lui plaisait pas beaucoup.

« Enfin, c'est mon ami, mon meilleur ami. Et toi, t'es mon fiancé, après ma famille, t'es celui qui compte le plus pour moi dans tout l'univers. Mais lui, il compte aussi. Pas autant ! Mais par exemple, heu… s'il pouvait venir à notre mariage… Enfin, il faut y réfléchir, un peu, beaucoup même, mais ce serait bien si vous ne vous entendiez pas trop, trop mal. J'dis pas qu'il faudrait aller lui parler maintenant mais, peut-être un jour, à tête reposée… »

*Ding dong*

« Oh ! Kevin ? C'est fou comme tu as grandis ! Tu es venu voir Salem ? Il vient juste d'arriver… »
« Oh Bordel. »

Salem se passa une main dans les cheveux, il n'avait pas été aussi clair et précis qu'il l'avait désiré, et surtout, il ne se sentait pas tout prêt à voir Kevin, là tout de suite. Il avait très envie de revoir son ami, mais la confrontation avec Adam lui faisait peur, tout comme, peut-être, éventuellement, ses propres sentiments. Un vent de panique s'empara donc de lui, pendant qu'en bas, sa mère entraînait Kevin dans la cuisine en lui faisant la liste de tout ce qu'il y avait à boire chez elle.
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Adam Tenseï

Adam Tenseï
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MessageSujet: Re: Imagine being Kevin (Salem)   Imagine being Kevin (Salem) EmptySam 16 Fév - 17:01

Adam avait passé de longues minutes à regarder sans conviction sa gaufre au Nutella, qui pendant quelques secondes lui avaient paru la consécration de plusieurs heures de route et qui, désormais, n’était que le triste spectacle de l’anéantissement humain ; car les petits murs de pâtes qui séparaient chacune des alvéoles étaient sans doute les signes baroques d’une irréductible incommunicabilité et l’inégale répartition de la pâte à tartiner dans les alvéoles en question la représentation sensible des incertitudes dans lesquelles il évoluait ; oui, cette gaufre qui eût, quelques mots plus tôt à peine, rempli son estomac du réconfort moelleux de son onctuosité chocolatée, cette gaufre était devenue le vaisseau de son infortune, le véhicule de sa détresse, le navire de ses naufrages ; ainsi notre vie est-elle peuplée de ces gaufres friables où s’étalent et se désagrègent nos rêves et nos désirs et ainsi portons-nous à nos lèvres tendues dans l’espoir d’une satisfaction prochaine les nourritures de notre humaine fragilité.

Le lait n’était pas très revigorant non plus. Adam avait beau ne pas porter le fardeau d’une mémoire aussi exacte que l’était celle de son fiancé, elle n’en reproduisait pas avec moins d’exactitude le souvenir de la cuisante humiliation qui s’était abattue sur lui lorsqu’il avait vu émerger Kevin comme une seconde Jenny et qu’il avait pris conscience que l’esprit de son fiancé lui échappait encore bien souvent et que dans ce que lui disait Salem, il fallait démêler la vérité des silences. Adam n’était certes que modérément porté à la jalousie, mais ce souvenir n’avait pas cessé, depuis, de la hanter.

Certes, il ne disait rien. Il n’avait fait aucune remarque depuis le dîner. Comme souvent, Salem et lui avaient conclu l’accord tacite de ne pas en reparler. Ils se disputaient, ils se réconciliaient sans nécessairement expliquer les choses à fond et ils passaient à autre chose et de même que l’incident Jenny n’avait pas ressurgi au détour d’une conversation, le cas de Kevin n’avait pas alimenté de nouveaux reproches. Silencieux cependant, Adam n’en manquait pas de ruminer, si ce n’était pas des reproches, tout du moins des inquiétudes.

Il fallait dire que les journées où son pouvoir prenait un malin plaisir à lui représenter son compagnon dans les bras d’autres hommes et de femmes n’étaient pas faites pour apaiser ses inquiétudes ; non seulement le devin avait-il vu de ses propres yeux, et entendu, et senti, les expériences passées de son ami, mais il savait que quelque part dans les univers possibles de leurs existences croisées, Salem pouvait partir, Salem était toujours déjà parti avec quelqu’un d’autre.

Son regard s’était perdu dans le vide alors que son estomac se nouait. Ce n’était pas qu’il connût avec Salem la jalousie pour la première fois. Ulysses avait mis, sur ce plan, ses nerfs à rude épreuve. Mais avec son fiancé, les choses étaient différentes ; plus importantes et plus incertaines, peut-être. Jamais Ulysses n’avait rien caché et, à partir de leur premier baiser, l’ange blond avait été d’une sincérité parfaite et même un peu terrifiante ; mais avec Salem, Adam était contraint de naviguer dans l’ombre, sans savoir s’ils avaient finalement dépassé les eaux où l’adolescent mentait ou si leur relation conservait encore sa première fragilité.

Du coin de l’œil, il aperçut le sourire que sur le visage de l’intéressé répondait à sa voix, enthousiaste de découvrir que Kevin était à Boston. Préparé au pire, l’esprit d’Adam ne pouvait pas ne pas y voir le signe annonciateur d’un désastre prochain. Le jeune homme se mit à manger lentement sa gaufre unique, pour se donner une contenance, pendant que Salem s’épanouissait à l’idée d’aller embrasser son ami d’enfance dans leur buisson favori, pendant qu’il resterait tout seul à jouer aux échecs avec Papa Cordova.

Ce fut donc comme un condamné à mort et sous le regard un peu interrogateur de Maria qu’Adam se releva pour monter les sacs, comme un galérien, dans la chambre de Salem, avant d’attendre, la tête baissée, comme un prisonnier, le verdict qui allait tomber, comme un couperet. Sans doute Salem allait-il lui demander de rester bien sagement à la maison, pendant qu’il irait s’égayer dans les fourrés avec un militaire — le fantasme du militaire, ça devait jouer aussi beaucoup, sûrement.

Quand son ami commença à parler, Adam tenta de balayer bravement la conversation avec quelques mots fort peu convaincants :


— Non mais c’est bon, y a pas de problème.

C’était sans doute pour cela qu’il avait l’air de faire la tête, comme si Salem était responsable des personnes que sa mère croisait au supermarché. Mais pendant qu’il parlait, Adam revoyait son compagnon en train d’avouer tout bonnement à Sakura qu’il avait déjà eu un petit copain, et… Adam fut contraint de couper court à ses souvenirs pour se concentrer sur ce que lui racontait son bourreau, ce qu’il fit bien volontiers, parce que l’adolescent s’ingéniait à lui donner de nouveaux sujets d’inquiétude — qu’il eût certes trouvés dans le plus rassurant des discours.

Donc, Salem était toujours en contact avec Kevin. Il lui téléphonait. Adam n’était pas au courant de cela. Et ils devaient avoir des conversations très intimes, parce que Salem avait l’air d’être surpris d’apprendre que Kevin revenait, donc c’était que d’ordinaire, ils devaient tout se dire, logique. Mais Adam doutait que Salem eût parlé à son ami de lui. Et c’était son meilleur ami ? Première nouvelle. Entre Jenny et lui, Salem avait une curieuse façon de s’entourer.

Et lui, Adam, il passait après sa famille ? C’était bon à savoir. Il avait un peu l’impression qu’être fiancés, c’était fonder une famille, mais il avait sans doute dû se tromper. Comme parfois lorsque Salem essayait de le consoler, Adam était anéanti par ce qu’il entendait. Il se dégagea de l’étreinte de son compagnon, croisa les bras et recula d’un pas, avant de murmurer d’un air tout à fait désemparé :


— Je vois…

Une affirmation qui était toujours, de sa part, dans ce genre de conversations, un très mauvais signe. D’autant plus mauvais qu’il était sur le point de voir beaucoup plus clairement encore — les voix montèrent du rez-de-chaussée, les yeux d’Adam se posèrent sur le visage de Salem, pour guetter sa réaction. Au bout de quelques secondes silences, l’Asiatique finit par murmurer :

— Tu devrais descendre. Il est venu pour te voir, et puis, vous avez du temps à rattraper. Je vais rester ici, moi. Je voudrais pas vous déranger — ton meilleur ami, ta famille, tout ça. Et puis, tu lui as sans doute pas parlé de moi au téléphone non plus. ‘Faut dire que, comme tu dis, t’es un peu spécial, niveau communication…

Les yeux noirs du mutant restèrent quelques secondes posées sur le visage de Salem avant de le détourner, puis le jeune homme passa des reproches voilés mais essentiels à l’expression d’une inquiétude beaucoup plus superficielle, beaucoup plus puérile et beaucoup plus claire.

— Et puis, il a sans doute tout plein d’histoires très héroïques à raconter sur l’armée, tu devrais pas manquer ça.
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Salem Cordova

Salem Cordova
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MessageSujet: Re: Imagine being Kevin (Salem)   Imagine being Kevin (Salem) EmptyDim 17 Fév - 12:19



« Mais moi je sais que c'était pas toi. »
« C'était moi. »
« Quoi ? T'as volé l'argent ? Pourquoi ? »
« … Mon père est revenu. »
« Oh… Tu peux venir chez moi quand tu veux, tu sais. »
« Ça va, j'peux me débrouiller. »
« Sûr ? Tu vas pas utiliser l'argent pour partir ? »
« Non, mais j'ai besoin d'un flingue, juste au cas où. »

Tout comme Ivan – parce ces persos sont décidément très maladroits – Salem comprit immédiatement qu'il avait aggravé son cas. Bien sûr il ne courut pas rejoindre son militaire pour trouver un buisson confortable. Il resta là, et regarda Adam une seconde avant de baisser silencieusement les yeux. Cette fois, les reproches de son fiancé ne furent donc pas suivit d'une tirade assassine ou d'un chapelet de mauvaises excuses, il les prit comme elles venaient et se contenta de se sentir triste. Triste d'être toujours la cause de la tristesse d'Adam, et de la raviver sans cesse. D'une voix un peu éteinte, il répondit cependant.

« Je lui ai parlé de toi, j'crois même que c'est pour ça qu'il a débarqué comme ça, sans prévenir. »

Salem se passa une main dans les cheveux et fit un demi-pas vers Adam, de peur qu'en s'approchant trop il s'enfuit plus loin.

« Je suis désolé. C'est clair que je suis pas doué, moi non plus. Mais je t'aime, même si je me plante sans arrêt… »
« Salem, devine qui est là ! Tu ne vas pas en revenir ! »
« Heu… oui ! Une minute maman ! »

Décidément, les retours chez lui n'étaient pas de tout repos, Salem regarda la porte, puis Adam.

« Il faut que tu descendes. Je te laisse pas là, à imaginer des trucs louches qui n'ont pas lieu d'être. »

Des récits héroïques sur l'armée, nan mais franchement, alors qu'il avait tout fais pour l'empêcher d'y aller, en plus. De toute évidences, s'il le laissait là – et il n'aurait jamais laissé Adam dans son coin, avec ou sans Kevin – Adam allait progressivement se persuader qu'ils rattrapaient le temps perdu, sur le plan de travail, quelque part entre le mixeur et le frigo. Il valait mieux qu'il voit la réalité, ce serait toujours moins difficile, quand bien même il aurait vu un futur probable tendancieux de lui et son meilleur ami. Il lui attrapa finalement la main avec douceur.

« Viens, s'il te plaît, c'est vraiment pas ce que t'imagine, entre lui et moi. »

Lentement, ils cheminèrent vers la cuisine Salem essayait de paraître tout à fait sûr de lui, même s'il était vraiment stressé, lui aussi. Sans vraiment savoir pourquoi, d'ailleurs. Kevin aurait quand même pu l'appeler, avant de débarquer comme ça.

Dans la cuisine, un jeune homme aux cheveux coupés courts et à l'air solide mangeait des gaufres au nutella avec un sourire ravi. Il n'avait pas du tout l'air de trouver sa visite dérangeante. Sa tenue était aussi très décontractée, un tee-shirt blanc, un pantalon kaki délavé, des boots hors d'age et une veste en jean. Salem soupira d'un air désespéré dès qu'il l'aperçut, lui faisant lever les yeux de son assiette.

« Tu portes encore des vestes en jean… C'était déjà plus à la mode il y a dix ans. »
« Je savais qu'ça te plairais. Ah, et voici le fameux Adam, content de te rencontrer, moi c'est Kevin, un pote à lui. »

Kevin lui adressa un sourire, avant de s'intéresser à la curieuse agitation de maman Cordova, qui regarda dans ses placards avant d'attraper un sac posé dans un coin.

« Je vais faire quelques courses, les garçons, sinon il n'y aura pas assez pour le dîner. »

L'invité supplémentaire écarquilla les yeux, l'air un peu prit de court. Salem eut immédiatement l'air très inquiet, et regarda Adam. Les choses se corsaient encore un peu, mais il connaissait assez sa mère et ses accueils très chaleureux pour savoir qu'il serait difficile de la faire changer d'avis. Kevin l'avait un peu oublié, par contre.

« Je passais juste dire bonjour. Je ne vais pas… »
« Tss, tss, ça fait une éternité que vous ne vous êtes pas vus, je parie que vous avez beaucoup de choses à vous dire. »
« Ça, c'est sûr, mais… »
« Alors c'est entendu, je reviens vite. »
« Non mais… Maria… »

Trop tard, déjà elle quittait la cuisine, on l'entendit prendre ses clés dans le vestibule et claquer la porte. Un bref silence s'installa, Salem avait reposé ses yeux sur le garçon, cela faisait plus de deux ans qu'il ne l'avait pas vu en personne, tout cela réveillait des souvenirs, les bons comme les mauvais. Salem se sentait heureux, triste, nostalgique et inquiet à la fois, oui, ça faisait beaucoup. Il ne savait pas non plus par où commencer, mais Kevin n'avait pas l'air d'avoir besoin d'aide pour mener la barque, il eut un petit rire avant de se tourner la tête vers lui.

« Ta mère est une vraie tornade, c'est fou, elle n'a pas changé d'un pouce. »
« C'est sûr, toi non plus, d'ailleurs. »
« Moi ? Un peu quand même, enfin j'espère. Et toi alors, je tourne le dos pendant deux piges et r'garde moi ça. »

Ses yeux verts eaux glissèrent sur Adam, il avait l'air presque fasciné d'avoir en face de lui celui qui avait su séduire Salem.

« Tu vas te marier. J'ai du mal à réaliser, je crois. C'est comme si t'avais pris dix ans d'un coup. »
« Tu exagères, ce n'est pas si bizarre. »
« Venant de toi ? Si. Bon après, que t'aime les services trois pièces, ça j'l'avais deviné. »

Salem rougit jusqu'aux oreilles et lui adressa un regard mécontent, en croisant les bras.

« Kevin ! »
« Pardon, pardon. T'as réussis à lui dire que tu l'aimais, au moins ? »
« Oui… »

Kevin resta silencieux, visiblement s'il avait fais tout ça, c'était pour entendre ce genre de choses. Il regarda Adam et son sourire qui avait faibli une seconde lui revint.

« Alors, tu bosses au parti démocrate ? Ça doit être vachement intéressant, enfin, je ne comprends pas grand-chose à tout ça, mais je vote pour eux. »

Visiblement, le nouveau venu n'était pas trop mal renseigné, et assez à l'aise pour se tartiner une nouvelle gaufre et la mordre à pleines dents. L'anéantissement humain qu'elles pouvaient représenter ne semblait pas l'effleurer un instant, pour sa part.
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MessageSujet: Re: Imagine being Kevin (Salem)   Imagine being Kevin (Salem) EmptyDim 17 Fév - 13:12

S’il y avait bien une chose dont Adam ne doutait pas, c’était que Salem l’aimât. Il savait pertinemment qu’il fallait que les sentiments de l’adolescent fussent bien solides pour supporter leur existence chaotique et parfois un peu brutale, pour se jeter la tête la première dans leur mariage et pour laisser derrière lui, au profit du monde réel et incertain, une vie d’insouciance qu’il eût pu continuer à mener pendant cinq ou six ans encore avant de se jeter dans l’existence d’adulte. Au fil des mois, les inquiétudes d’Adam sur ce sujet avaient fini par se dissiper.

Mais il y avait tout le reste, tout ce que Salem était capable de faire malgré son amour, toutes ses décisions un peu douteuses, toutes les formules qui lui échappaient, toutes les demi-vérités, tous les oublis, tous les mensonges. Oh, sans doute, ce n’était pas si considérable et il fallait être aussi rigide qu’Adam, aussi crispé à l’égard de la sincérité, pour ressentir vivement ces petits aléas qui faisaient toutes les relations ; mais l’Asiatique était loin d’être sûr de lui et il avait lui-même trop souvent fui un compagnon solide et agréable pour ne pas craindre que le vent pût soudainement tourner.

Mais ce jour-là, à la crainte se joignait quelque chose de beaucoup plus profond. Il passait en deuxième. En deuxième après la famille — donc il n’était pas de la famille. C’était ce qu’il avait toujours craint : que pour Salem, le passé, ce qui était déjà et construit, et solide, l’emportât sur leur futur commun. Pendant que l’adolescent s’excusait, Adam essayait de se convaincre qu’il réagissait avec trop de vivacité et que, sans doute, les propos de Salem étaient pleinement sensés : après tout, il connaissait les Cordova depuis des années, depuis beaucoup plus longtemps que lui, il y avait nécessairement une différence.

Cette logique un peu douteuse ne lui apportait aucune consolation et il ne pouvait s’empêcher de se sentir comme un second choix — un troisième choix. Salem n’avait pas pu avoir la vie parfaite avec Kevin, à Boston, près de sa famille, il avait déménagé à New-York et ce n’était qu’à la condition de ces degrés de distance que leur relation était possible. Lui, il pouvait faire de la figuration à l’arrière-plan, dans la vie de substitution de l’adolescent, quand tout ce qui comptait se passait à des kilomètres de là, autour des Cordova et des souvenirs des premières années de son adolescence.

Muré comme à son habitude dans sa détresse, et incapable de prononcer le moindre mot, Adam se laissa guider hors de la chambre sans avoir rien répondu aux excuses de Salem et sans avoir donné le moindre signe qu’elles eussent eu un quelconque effet sur lui. S’il n’en avait tenu qu’à lui, il aurait probablement repris sa voiture et conduit jusqu’à New-York, pour s’enfermer dans l’appartement tout seul avec les chats et travailler, et il n’avait certainement aucune envie de rencontrer le merveilleux Kevin et contempler le spectacle de l’extraordinaire complicité qui existaient entre Salem à lui, alors qu’il venait de se disputer avec son fiancé.

Ils arrivèrent dans la cuisine et les yeux noirs de l’Asiatique se posèrent aussitôt sur le nouveau venu. C’était un solide gaillard et Adam savait pertinemment que Salem aimait les solides gaillards — il n’y avait qu’à voir comme il caressait ses muscles quand… Hm. Est-ce que Kevin était plus musclé que lui ? L’ancien boxeur tenta de jauger le potentiel de virilité de son vis-à-vis. Assurément, le militaire avait déjà un visage beaucoup plus masculin que lui (comme tout le monde, à vrai dire).

Il fallut quelques secondes à Adam pour prendre conscience de la vanité de son analyse. Il en était à se comparer les biceps ; voilà qui n’avait rien de très glorieux. Il rosit légèrement et détourna le regard, après avoir adressé un infime sourire accompagné d’un hochement de tête à Kevin qui se présentait. Le départ de Maria fut accueilli avec un flegme extérieur parfait et une impression intérieure d’anéantissement et, une fois la mère de Salem partie, le jeune homme eut la sensible impression qu’il était celui de trop dans cette cuisine, entre Salem, Kevin et leurs souvenirs d’enfance chauds et humides.

Sans doute le mutant se fût-il contenté de rester dans son coin à ruminer son malheur si deux séries d’événement presque distinctes ne s’étaient mises en branle au même moment. D’abord, Kevin commença à s’intéresser à lui et l’on eût même dit que, comme l’avait suggéré Salem quelques minutes plus tôt dans la chambre, c’était pour le voir lui qu’il était venu là ; ensuite, Adam sentit monter en lui une impression indicible mais oppressante dont il était fort familier et qui suffisait en général à ce qu’il mît ses petits problèmes personnels entre parenthèse.

Ses yeux se posèrent dans ceux de son interlocuteur — fort heureusement, Kevin avait fait l’armée et devait avoir l’habitude de ces confrontations qui n’en étaient pas vraiment, parce que le regard d’Adam, dépouillé d’hostilité finalement, mais rempli de sa perspicacité analytique, n’était pas exactement fait pour mettre à l’aise. Il y eut un petit silence, puis il parut se souvenir qu’on lui avait posé une question et répondit d’une voix assez lointaine :


— Je travaille pour Martha Orckmann. C’est… À gauche. À la gauche du parti.

Adam avait l’air parfaitement ailleurs et tout à fait absorbé par son observation de Kevin. Un peu mécaniquement, il tira une chaise pour s’asseoir — plus les secondes passaient, plus la sensation oppressante devenait écrasante.

— Je n’ai pas… n’aurais pas… n’ai pas. Compris… pas encore exactement compris… si tu le seras… étais… si…

Ce mélimélo grammatical était toujours très mauvais signe et, décidément, plongés dans ceux de Kevin, les yeux d’Adam étaient décidément bien noirs, noirs comme la nuit des temps. Avec un effort de volonté, l’Asiatique arracha son regard de celui de son « rival », ferma les paupières et murmura :

— Désolé. J’ai un peu… Mal à la tête.

Tout espoir de faire bonne impression venait de s’envoler. Dire que Kevin, lui, était pleinement décontracté. Salem allait finalement le voir comme un paria, incapable de lier la moindre relation sociale digne de ce nom et de se comporter comme un être civilisé dans le monde. Adam sentait le sang battre dans les veines de son cerveau et son torse se soulever difficilement au rythme de sa respiration. Depuis que son pouvoir avait évolué, même les manifestations les plus anodines étaient devenues plus douloureuses, mais il s’était abstenu d’en parler à Salem — le spectacle de sa première vision volontaire avait déjà été assez éprouvant.

Adam rouvrit les yeux pour regarder une partie indifférente de la table et interrogea d’une voix un peu plus maîtrisée.


— Donc, tu es toujours militaire ? J’ai pas très bien compris.

Oui, il allait passer pour un cinglé un peu stupide et Kevin allait se dire qu’il n’y aurait pas beaucoup d’efforts à fournir pour reconquérir son ancien petit ami.
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Salem Cordova

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MessageSujet: Re: Imagine being Kevin (Salem)   Imagine being Kevin (Salem) EmptyLun 18 Fév - 13:20



« …2549, 2550, 2551… »
« Salem, mec. »
« …2554, 2555, 2556… »
« Hey, réveille-toi, regarde-moi. »
« …2561, 2562, 2663… »
« Salem… »

Adam ne transpirait pas la joie de vivre, c'est le cas de le dire, mais Salem préférait presque que ce soit de sa faute plutôt que de celle de Kevin. Enfin, c'était aussi un peu à cause de lui, fatalement, mais il n'avait pas lancé les hostilités, et n'avait aucune raison de le faire, puisque c'était juste un ami.

Le calme fut de courte durée, dès que Kevin eut interrogé Adam, les deux garçons se fixèrent intensément. Kevin avait fait l'armée, c'est vrai, mais surtout il n'avait jamais baissé les yeux devant personne. Il avait commencé à s'entraîner très tôt, face à son père, et ne comptait pas changer aujourd'hui. Salem les regardaient l'un après l'autre, son stress allant croissant. Il n'avait vraiment pas envie de voir ces deux personnes qui lui étaient chères se déchirer. Le comportement d'Adam était cependant assez inhabituel, et il ne tarda pas à se demander s'il n'y avait pas autre chose que la confrontation avec son ami qui en était responsable. Machinalement, il fixa ses yeux et vit frémir d'infimes volutes de fumée sur le bord de ses iris.

« Martha Orckmann, oui, l'ai vu à la télé. »
« Adam… »

Salem attrapa le bras de son fiancé de peur qu'il ne s'écroule, heureusement, celui-ci avait eu la présence d'esprit de s'asseoir. Il le prit un peu plus fermement contre lui alors qu'il se mettait à cafouiller complètement dans sa phrase, sous le regard perplexe de son rival qui n'en est pas un parce c'est un ami. L'ami adressa finalement à Salem un sourire entendu qu'il fit mine d'ignorer, trop occupé à s'assurer qu'Adam était en bon état. Il se contenta finalement de répondre.

« J'ai arrêté il y a trois semaines, je fais des petits boulots en ce moment. »

Il regarda Salem pour jauger sa réaction.

« Et je prends des cours du soir, j'aimerais entrer à l'université l'année prochaine. »
« C'est bien, je suis content que t'ai changé d'avis. Même si tu aurais pu le dire. »

Salem trouveait un peu délicat de soutenir son ami après sa dispute avec Adam, aussi était-il tellement modéré qu'il avait presque l'air d'avoir dit ça par politesse. Surtout qu'il continuait à couver son fiancé des yeux, au cas où le petit désordre qu'il venait d'avoir n'était que le signe annonciateur de quelque chose de plus grave. Kevin ne s'en formalisa pas, il semblait comprendre la situation, peut-être même un peu trop bien.

« Ça ne va pas être facile, mais je vais me battre. »
« Je suis sûr que tu vas y arriver. »
« Moi aussi. Et sinon, ils vont mieux, tes "maux de tête" à toi ? »

Salem tourna vivement la tête vers lui, ce qui le fit sourire, il avait visé juste.

« Ça va, je fais avec. »
« Ouais, ça doit pas être facile tous les jours. »

Apparemment, cette réponse ne suffisait pas à l'ancien militaire, qui ajouta d'un air dégagé.

« N’empêche, c'est comme on dit "qui se ressemble s'assemble". »

Les deux garçons se jaugèrent un instant, cela faisait un moment qu'ils n'avaient pas joué à ça, l'un qui se tait pendant que l'autre essaie de lui tirer les vers du nez. La dernière fois, c'était quand Salem avait voulu savoir s'il sortait vraiment avec Cathy Grants. Le fait est que Salem perdait toujours, pourtant il y mettait toute sa volonté.

« L'un qui calcule, l'autre qui conjugue… »
« Kevin, ça va… »
« Non mais c'est troublant quand même, vous faites bien la paire, tous les deux. »
«»
« Allez, sans dec', c'était quoi ce truc qui te faisais compter pendant des heures ? »
« … Une mutation. »

Kevin le fusilla du regard, lui aussi avait son lot de bons et mauvais souvenirs pleins la tête, et pas mal de choses sur le cœur.

« Finalement, tu n'as pas tellement changé. »
« Pardon, j'aurais dû… »
« Oui, tu aurais dû le dire. Tu te… tu te rends compte que j'ai passé des années à te couvrir ? À me demander ce que t'avais ? Je croyais que ce truc allait te tuer, et tu ne m'as jamais donné la moindre explication. »

Salem s'était recroquevillé sur sa chaise, le regard obstinément baissé, il se sentait misérable. Ce qu'il venait de vivre avec Adam se reproduisait maintenant avec Kevin, preuve s'il en fallait que c'était de lui que venait le problème. Une boule enfla dans sa gorge et il sentit les larmes lui monter aux yeux.

« Je suis désolé, je ne sais pas pourquoi je suis comme ça. »
« Parce que tu as la trouille, tiens. Tu croyais vraiment que j'allais t'abandonner, en sachant ça ? Apprends à faire confiance aux gens qui t'entourent, sinon tu vas les perdre. »
« Je suis… vraiment… »
« D'ailleurs, en parlant de ça. »

Salem devint soudain blême et releva les yeux vers lui.

« Non, parce que je vous vois agir un peu bizarrement depuis tout à l'heure, alors j'imagine que t'as dû lui parler de moi. Salem… tu crois quand même pas que je t'aime encore ? »

L'adolescent continua de le fixer sans bouger d'un pouce, son cœur se serra douloureusement dans sa poitrine.

« Tu es un ami précieux pour moi, le meilleur de tous, mais, le reste… On va éviter les détails, mais j'ai tourné la page, et ça va beaucoup mieux. Tout ça, c'est du passé. »
« Toilettes. »

Salem se leva et sortit précipitamment pour aller s'enfermer dans la salle de bain, et tenter de ne pas suffoquer. Il s'en voulait d'avoir aussi mal, il s'en voulait d'avoir fait souffrir Kevin, mais surtout, il avait peur de la réaction d'Adam. Il avait suffit que Kevin lui dise qu'il ne l'aimait plus pour se rendre compte qu'il l'avait lui aussi profondément désiré pendant des années. Mais c'était Adam qu'il avait peur de perdre aujourd'hui, oui, il a une vie compliquée.

Kevin l'avait bien dit, avec lui, c'était du passé, mais Salem avait fait subir les même choses à Adam, et lui aussi allait finir par ne plus le supporter. Il fallait qu'il change, tout de suite, mais comment ? Et si c'était déjà trop tard ?

Dans la cuisine, le silence était religieux Kevin fixait le coin de porte vers lequel Salem avait disparu, il murmura comme pour lui-même.

« C'est la deuxième fois de ma vie que je lui mens. »

Finalement il se leva et jeta un coup d'œil à Adam.

« Tu pourras dire que j'ai eu un contretemps et que j'ai dû y aller ? »
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Adam Tenseï

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MessageSujet: Re: Imagine being Kevin (Salem)   Imagine being Kevin (Salem) EmptyLun 18 Fév - 13:55

— Hmm…

La réponse de Kevin plongeait manifestement Adam dans des abîmes de perplexité et, les coudes sur la table, les mains croisées, le menton dans les mains, le jeune homme laissait ses yeux se perdre dans le vide avec un air tout à fait songeur, comme si ni Kevin, ni Salem d’ailleurs, n’étaient présents à quelques centimètres de lui et comme si la conversation qu’ils venaient d’entamer envers et contre tout avait brusquement cessé de revêtir pour lui la moindre importance.

Pendant deux ou trois minutes en effet, il n’entendit quasi pas ce que les deux anciens amants se disaient, les cours du soir, les petits boulots, les maux de tête, les calculs, et il fallut que la voix de Salem perdît au fur et à mesure toute la maigre assurance que l’adolescent avait réussi à rassembler en quittant la chambre, au milieu de leur dispute mal résolue, pour qu’Adam se tirât de ses profondes réflexions, se rabattit sur le dos de sa chaise et se mit à nouveau à considérer tour à tour Salem et Kevin.

Il fallait dire aussi que le sujet l’intéressait beaucoup. Malheureusement pour Kevin, Salem et lui-même, la confiance n’était pas le maître trait de son caractère et Kevin pouvait bien lui jurer qu’il avait rassemblé un harem de mannequins au milieu duquel il vivait parfaitement heureux et que Salem n’était plus pour lui qu’un fantôme évanescent dans les lointains souvenirs d’une enfance révolue, il n’allait pas le croire de si tôt, parce que d’abord, tout le monde devait être amoureux de son Salem, c’était dans l’ordre des choses, et qu’ensuite, il était légèrement paranoïaque.

Accessoirement, Kevin avait sonné à leur porte moins de vingt minutes après leur arrivée : pour quelqu’un qui avait tourné la page, Adam trouvait sa ponctualité un peu précipité et tout ce petit numéro décontracté était loin de fonctionner à plein sur lui, d’autant plus loin, d’ailleurs, que Salem ne paraissait pas être pleinement convaincu non plus — ou alors il venait précisément de s’enfuir dans les toilettes pour pleurer toutes les larmes de son cœur parce que le grand amour de sa vie, le véritable, pas l’Asiatique qui servait de deuxième choix, ne l’aimait plus. Dans un cas comme dans l’autre, les hypothèses n’étaient pas très flatteuses.

Jamais Adam n’avait ressenti une jalousie plus solide et pernicieuse l’envahir. La complicité qui unissait Kevin et Salem était si évidente, et Kevin mettait un tel point d’honneur à en faire la démonstration, que le jeune homme se sentait rejeté à la périphérie de la vie et des préoccupations de son compagnon, comme une note de bas de page dans sa biographie, une sorte d’escapade new-yorkaise sans signification réelle. Les réactions de son fiancé lui paraissaient trahir un attachement sincère et, en bon psychologue, Adam se méfiait des amours informulées, dont la force était parfois proportionnelle au secret dont elles s’entouraient dans la conscience même qui les abritait.

Après tout, Kevin avait le charme mystérieux de l’enfance. Il était le premier amour, ce n’était désormais que trop évident. Lui, il n’avait pour lui que le quotidien et peut-être, dans l’esprit inconstant de Salem, cette séduction-là s’était-elle finalement évanouie. Peut-être la réapparition de Kevin, qui avait quitté l’armée, qui allait entamer des études, qui le connaissait si bien, qui se promenait chez les Cordova comme chez lui, depuis toujours, était-elle le coup fatal porté à leur relation à eux, qui ne lui paraissait faite, quand il la regardait désormais, que de larmes, de disputes et de sang.

La confession de son rival n’arrangea rien à l’affaire mais, quand il lui posa une question qu’il imaginait être une simple formalité, ce fut sans animosité sensible qu’Adam répondit avec son habituelle douceur songeuse :


— Certainement pas.

Kevin resta un peu perplexe, parce que s’il était habitué à la tyrannie brutale, l’autorité sombre mais calme qui émanait d’Adam n’avait rien de la violence contenue d’une discipline militaire ou d’un père malsain et, à vrai dire, cet Asiatique taciturne dont le visage frémissait à peine quand on parlait d’aimer son fiancé et qui avait l’air de vivre tous les événements à distance avait quelque chose d’un peu plus atypique que les fortes têtes qui avaient jusque là peuplés son existence.

— Il n’a pas cinq ans, c’est pas ton p’tit frère, tu mens pas pour le protéger. Selon mon expérience, avec lui, c’t’une très mauvaise tactique et il finit découpé en morceaux. Une fois, merci bien, deux fois, certainement pas. Tu restes ici.

Découpé en morceaux ? Soit le fiancé de Salem avait un sens un peu morbide des métaphores, soit la vie de son ami avait décidément beaucoup plus changé qu’il ne l’imaginait. En tout cas, Kevin commençait à avoir l’impression qu’en partant à New-York, Salem avait trouvé un monde beaucoup plus agité que lui en partant à l’armée. Il ne se rassit pas pour autant, parce qu’obéir aux ordres à la première indication, avait-il découvert, ce n’était décidément pas son truc.

— Mais ça, de toute façon, c’est accessoire. Ton futur est enseveli dans la mort aujourd’hui, alors tu sors pas de mon champ de vision tant que j’suis pas sûr que tu vas finir six pieds sous terre avant la fin de la semaine. Je te menotterai à moi s’il faut, mais t’es pas prêt d’partir et crois moi, c’pas parce qu’en te sauvant j’te prépare peut-être un futur idyllique avec l’homme de ma vie que ça va m’arrêter.

Kevin haussa les sourcils. Salem allait épouser un psychopathe travaillé par des hallucinations ? Ou alors Adam était un être parfaitement sensé et parfaitement effrayant ? Bizarrement, aucune de ces deux hypothèses n’était très rassurante et il lui fallut toutes les ressources de son assurance pour arborer un sourire tranquille en interrogeant :

— Et donc, tu fais de la politique, c’est ça ?
— Entre autres.
— Ça, et la conjugaison.
— Voilà. Viens, on va le chercher.


Adam se leva, mais c’était sans compter son sentiment d’oppression générale qui eut finalement raison de lui. Son regard se brouilla…

— …ah bord…

Et il s’effondra lourdement sur le sol, laissant Kevin planté au milieu de la cuisine, entre un Salem qui faisait vraisemblablement une crise de nerfs dans la salle de bain et le fiancé de son grand amour qui… il ne savait pas trop. Non, décidément, il aurait dû rester à l’armée, la vie y était beaucoup plus reposante.
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MessageSujet: Re: Imagine being Kevin (Salem)   Imagine being Kevin (Salem) EmptyMar 19 Fév - 11:01



« T'es vraiment un crétin, quand tu t'y mets. »
« J'ai horreur de ceux qui s'en prennent aux plus faibles… »
« Même, ils étaient quatre ! »
« C'est les plus minables. »
« Pfff… T'es indécrottable, monte, trouve-toi un tee-shirt. Je vais chercher le désinfectant. »
« T'en fais trop, c'est presque rien. »
« Monte, tout de suite. »

Heureusement qu'Adam avait une bonne prophétie bien glauque pour lui, parce que Kevin aurait eu deux-trois petites choses à lui dire, à ce bleu qui vient lui donner des leçons sur sa façon de gérer ses problèmes avec Salem, en se basant sur son expérience. Son expérience ? Il pensait sérieusement en avoir appris plus en quelques mois avec Salem que lui dans toute sa vie ? Y'en qui ne doute de rien, j'vous jure. Pour sa gouverne, Kevin avait confié ses sentiments à son ami un bon paquet de fois, mais la vérité, ça ne marchais pas. Il avait tenté de le rendre jaloux, aussi, ça avait plutôt bien marché, ils avaient même failli le faire, à ce moment-là. Mais Salem était tombé dans les vapes et il fut ensuite assez difficile de l'approcher à moins de dix mètres pendant plusieurs mois. Mettre de la distance, il avait essayé aussi, le coller sans arrêt, pareil. Il avait tenté tellement de choses qu'on aurait dit le coyote tentant d'attraper Bip-bip, mais il n'avait jamais réussis à obtenir ne serait-ce que les deux malheureux mots dont il rêvait.

Toutes ces choses ne furent pas dites, parce que son esprit avait assez à faire avec les trucs bizarres que racontait le fiancé – bon sang, dire qu'ils allaient se marier – de Salem. Plutôt que de tenter de comprendre toutes ces choses qui ne voulaient strictement rien dire – à part peut-être qu'Adam voulait sa mort – il préféra donc repartir sur un sujet de conversation plus normal. Ce qui marcha relativement bien, même si son interlocuteur n'était pas très loquace et coupa court à la conversation en s'écroula au milieu de la cuisine. Après une seconde de perplexité, il se rapprocha du corps et s'assura qu'il était encore en vie. Ça avait l'air d'être le cas au vu des frémissements qui le parcouraient. Après cela il sortit rejoindre la salle de bain, et cogna à la porte.

« Salem ? »
« Heu… Oui, une seconde. »
« C'est Adam, il est tombé dans les pommes… »
« Ah, d'accord. »

Ah d'accord ? Il était passé où, le gamin qui le momifiait à chaque fois qu'il avait le moindre bobo ? Salem ouvrit la porte et lui lança un regard un peu triste, avant d'aller dans la cuisine pour se pencher sur son fiancé, l'air pas plus paniqué que ça.

« Il faudrait le monter dans ma chambre… »
« Ouais. »

C'est donc en prenant Adam chacun par un bout que les garçons rejoignirent la chambre, Kevin n'arrêtait pas de jeter des coups d'œil perplexe à son ami, qui finit par rompre le silence.

« C'est à cause de sa mutation qu'il s'évanouit, il va bien. Enfin, pas trop mal. »
« Ah… Et toi aussi, ça t’arrive ? »
« C'est très rare, moi je suis surtout fatigué, à force de calculer, tu sais. »
« Et tu as mal à la tête. »

Kevin lâcha le devin sur le lit sans trop de ménagement, et Salem se chargea de le mettre dans une position pas trop inconfortable, avant de s'asseoir sur le bord du lit pour le couver du regard. Son ami s'était pour sa part perdu un instant dans la contemplation de la pièce – dans laquelle il s'était si souvent blottit contre le contre le corps chaud de Salem, sous les draps, pour veiller toute la nuit – il s'assit finalement et fixa le petit couple, avant de demander un peu abruptement.

« Tu l'aimes ? »

Salem releva les yeux.

« Bien sûr que je l'aime. »
« Il est… vraiment bizarre. »
« Comme moi, en gros. »
« Non, "bizarre" dans le genre "flippant". »
« Il a pas une vie facile… »

Salem avait baissé les yeux vers son fiancé, l'air de ne pas vouloir prolonger le débat sur la potentielle psychopathie d'Adam. Kevin eut un soupir désespéré.

« J'ai souvent du mal à te suivre, mais là ça dépasse tout, quand même. »
« Adam est un amour, je sais que je peux compter sur lui, qu'il sera toujours là… »
« Et je ne suis pas comme ça ? »
« Non, tu as toujours voulu partir, même sans savoir où aller, et moi… je voulais te suivre, je pensais que j'étais comme toi. Mais je me suis rendu compte que non. Moi je suis fais pour les choses simples, le loyer à payer, les chaussettes qui traînent… J'ai besoin de quelque chose d'assez solide pour me sentir en sécurité et d'assez fragile pour vouloir le préserver sans cesse. Toi, tu es fais pour partir en avant, tu aimes ce frisson. Moi ça me terrifie. »

Kevin avait baissé tristement les yeux, c'est sûr, la stabilité protectrice d'un foyer, il ne connaissait pas. Lui qui se cachait pour échapper aux crises de son père, pouvait-il fonder une famille équilibrée ? Il ne s'était jamais posée la question, son avenir, il l'avait toujours vu solitaire, avec Salem. Le bras qui entoura ses épaules le fit sortir de ses pensées.

« Déprime pas. »
« J'déprime pas. »
« Tu iras loin, beaucoup plus que moi. »
« Je sais. Mais quand même, lui il est vraiment… »
« Rah c'est reparti… »
« Il a dit qu'il allait me tuer ! »
« Adam a dit ça ? »
« Oui, il a fait une tête de tueur et m'a sortit, "Toi, tu vas mourir dans moins d'une semaine.". Il l'a dit mot pour mot, enfin, à peu près. »

Salem avait pâli et se leva d'un coup pour faire quelques allées et venues dans la pièce, faisant la preuve qu'il était encore capable de faire de bonnes crises de stress.

« Bon, bon, ok. On reste calme, surtout, tu ne bouge pas d'ici. »
« Tu vas pas t'y mettre aussi. »
« Non Kevin, là c'est grave, Adam, tu vois, il a des visions… »
« Ah j'me disais bien qu'il était… »
« … du futur. »

Quand monsieur Cordova rentra chez lui avec son fils, un curieux spectacle l'attendait, Kevin essayait désespérément de s'enfuir, sans oser s'en prendre à Salem, qui lui barrait la route. L'arrivée du paternel calma heureusement les esprits, et les deux jeunes hommes, talonné par un petit garçon qui avait réussit à se faire offrir un hélicoptère radiocommandé en plus des chaussures, retournèrent à l'étage.
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MessageSujet: Re: Imagine being Kevin (Salem)   Imagine being Kevin (Salem) EmptyMar 19 Fév - 11:53

Pendant que Kevin tentait de reconquérir Salem en lui faisant voir combien son fiancé était un homme peu recommandable et que Salem expliquait à Kevin qu’en somme, s’il était avec Adam, c’était parce qu’Adam était un gars ennuyeux, stable, tandis que Kevin était inaccessible, un véritable second choix, donc, Adam, allongé sur le lit de son fiancé, Voyait.

***

C’était lui — Adam — allongé encore, non, tombé, tombé par terre — il était tombé par terre, dehors, contre le toit (en taule ?) de l’entrepôt (du hangar ?), la pluie martelait, il était tombé, il y avait du sang, c’était le sien, de toute évidence, son propre sang, qui s’était répandu sur le sol en béton et mélangé aux huiles de moteur, aux déchets, à la terre, son torse ne se soulevait plus, c’était une blessure, il ne voyait pas très bien, une blessure par balle sans doute et

/ les deux garçons chuchotaient, allongés l’un contre l’autre, blottis véritablement l’un contre l’autre, Salem, Kevin, ils s’embrassaient, ce n’était pas il y a si longtemps, non, ce n’était pas il y a si longtemps, Adam le Voyait bien, il le savait, et Salem le regardait, Kevin, il le regardait avec ces yeux-là, si /

Kevin avançait dans l’entrepôt, d’un air un peu méfiant, dehors il pleuvait, il regardait à droite, à gauche, il y avait une lumière, derrière les casses, c’était les phares d’une voiture, une jeep, il y avait des hommes, les cheveux courts, des tatouages, il ne voyait pas très bien, si voilà des tatouages de régiment, mais c’était difficile de lire, peut-être le /

son sang coulait sur le béton, et c’était cela, vide, immense, la mort, encore une fois, il était mort encore une fois, il y avait autre chose, quelqu’un d’autre, c’était Kevin, qui entrainait Salem /

tendres, et émerveillés, et admiratifs, et dans cette tendresse leurs corps étaient parcourus par la tension d’un désir adolescent, portés l’un vers l’autre /

trente-troisième d’infanterie, il n’était pas très sûr, difficile de déchiffrer, et puis il n’était pas un spécialiste, peut-être que Kevin savait, Kevin s’approchait, il disait quelque chose, on entendait mal (il entendait mal : la pluie), quelque chose comme / et probablement dans l’esprit de Salem, il n’y avait que lui, il n’y avait jamais eu que lui, depuis des années, et depuis leur premier rendez-vous à eux, et depuis toujours, sous les mensonges, et les dissimulations / la balle avait traversé son ventricule gauche, elle était ressortie de l’autre côté, la douille était entourée par le sang maintenant, comme une île métallique dans un petit étang rouge, parce qu’on avait tiré de très près / « je sais ce que vous faites » / pour toujours, des serments, des sortes de serment / tout seul.

***

Adam se réveilla brusquement et ses yeux se posèrent sur le visage perplexe de Julian qui, un hélicoptère à la main, observait le fiancé de son frère allongé sur le lit de son frère avec « l’ami » de son frère dans la même pièce. Très naïvement, et fort des conversations de la cour de récréation, le petit garçon interrogea :

— Vous faites des trucs à trois ?

Les yeux noirs — entièrement noirs — d’Adam se posèrent sur l’hélicoptère et l’Asiatique murmura :

— Dans la commode du salon.

Julian posa un regard interrogateur sur Salem, avant de se faire jeter hors de la chambre comme un malpropre, parce que ses questions étaient inconvenantes et que, de toute façon, les grandes personnes avaient des choses à se dire. Le gamin regarda la porte de la chambre se refermer derrière lui, haussa les épaules et dévala les escaliers en appelant à tue-tête :

— Maman ? Maaamaaan... J’ai besoin de piles pour ma télécommande !
— Dans la commode du salon, mon chéri.


À l’étage au-dessus, Adam se redressait dans le lit et ramena ses genoux contre son torse, pour entourer ses jambes de ses bras et prendre le moins de place possible, dans cette pièce où Kevin et Salem occupaient tout l’espace, parce que les choses avaient toujours été ainsi, il le comprenait à présent. Son regard qui recouvrait peu à peu son aspect normal évitait soigneusement de se poser sur son fiancé, tout comme il retenait à toute force les larmes qui menaçaient de se déverser à gros bouillons.

Il avait l’impression d’avoir perdu la bataille de son existence sans jamais avoir eu l’occasion de la combattre à armes égales et le regard que Kevin lui avait jeté, dans la cuisine, avant sa vision, ce regard qui lui avait dit qu’on ne l’autorisait pas à expliquer Salem, à parler de Salem, parce qu’il ne le connaissait pas, revint frapper violemment sa conscience qui se rassemblait et il crut en sortir toute la force et toute la vérité.


— …les chaussettes qui traînent… le loyer… le loyer…

Des bribes de passé se précipitaient dans sa connaissance intuitive du monde. Le devin appuya sa tête contre ses genoux, se recroquevillant un peu plus sur lui-même.

— Comme moi. Non. Flippant. Pas une vie.

Adam cessa brusquement de rejouer malgré lui des morceaux du dialogue entre Salem et Kevin. Il y eut quelques secondes de silence et de parfaite immobilité pendant lesquelles le jeune homme rattrapa les lambeaux de son esprit, puis il redressa la tête, à peu près calmé, et murmura d’une voix encore lointaine :

— Internet. J’ai besoin d’internet. D’un site sur les tatouages militaires. J’ai besoin de mon téléphone. Il faut que j’appelle Ulysses. Et la météo. Je veux voir la météo. Ah, Salem…

Sans regarder son fiancé, Adam désigna du doigt Kevin.

— Faut pas qu’il sorte.

Mais contrairement à ses promesses de transparence formulées dans un temps où il lui semblait que leur relation voguait vers des jours heureux, Adam s’abstenait d’expliquer le contenu de sa triple vision et surtout le fait que Kevin ne s’en était pas tiré trop mal.
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Salem Cordova

Salem Cordova
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MessageSujet: Re: Imagine being Kevin (Salem)   Imagine being Kevin (Salem) EmptyMar 19 Fév - 23:02



« Le dernier arrivé a un gage, c'est ce qu'on avait dit, non ? »
« C'est pas juste, tu cours plus vite que moi ! »
« Fallait accélérer. »
« Bon alors… ce gage ? »
« Embrasse-moi. »
« Quoi ? On est plus des bébés, tu crois pas qu'on a passé l'âge ? »
«»
« Non. »

Pendant que l'auteur d'Adam s'en donnait à cœur joie et semait le chaos et la désolation dans le couple – oui, c'est ta faute, je suis innocent – Salem essayait de faire comprendre à son frère, surexcité de le revoir, ainsi que son ami et son fiancé, qu'ils étaient pour l'instant très occupés. Ce qui sembla être très mal interprété par le garçonnet, mais poussa Salem à le mettre définitivement dehors. Tout ça était déjà assez compliqué sans histoires de plans à trois.

Une fois la porte fermée, Salem retourna au chevet de son fiancé, qui vivait décidément une sale journée, et continua à veiller sur lui de loin, de peur qu'un contact suffise à entraîner son esprit dans une autre époque. Le spectacle d'Adam complètement perdu à cause de ses visions le rendait toujours un peu triste, mais il savait bien que la seule chose à faire était d'attendre un peu, et ne se doutait pas que le trouble d'Adam était en partie dû à la relation qu'il avait eu avec Kevin.

Kevin s'était pour sa part un peu effacé depuis le réveil d'Adam, assit au bout du lit, il observait le couple, son air perplexe l'avait repris, parce qu'il assistait à un bout du quotidien des amants qu'il n'était pas près de saisir, fait de crises et de propos bizarres. Le retour à la réalité du devin le fit cependant réagir.

« Des tatouages militaires… ? »

Ça sortait tellement de nulle part, et c'était tellement proche de son ancienne vie, qu'il sortit son smartphone sans y réfléchir et se mit à tenter de se rappeler ce site que ses camarades de dortoirs lui avait montré. Salem, de son côté s'était levé et avait attrapé le téléphone d'Adam posé sur le bureau, ainsi que son sac d'où il sortit son ordinateur portable. Le temps que la bête s'allume, il regarda Adam, et se rendit compte que même s'il sortait d'une vision, il se comportait un peu bizarrement.

« Adam, ça va ? »
« Tiens, tape cette adresse, on verra mieux. »

Le militaire glissa près de Salem pour lui montrer son téléphone, et celui-ci tapa rapidement l'adresse, bientôt l'écran fut envahi de gros bras exhibant leurs beaux (et moins beaux) dessins imprimés sous la peau.

« D'où tu sors ce site, tu t'es pris d'une passion pour les tatoos, à l'armée ? »
« Dans mon régiment, c'était un peu une tradition. Pour eux, quand on entre à l'armée, c'est pour la vie. Du coup il a fallut que je m'en fasse un aussi. »

Il écarta sa veste et remonta la manche de son tee-shirt pour montrer son tatouage, qui affichait fièrement son appartenance à la trente-troisième d'infanterie. Salem ne parut pas spécialement séduit.

« Ça fait un peu trop… armée, puis c'est nul qu'ils t'ais obligés. »
« Ça va, je l'aime bien, et puis bon c'est comme ça, là-bas, y'en a beaucoup qui sont tarés. »

Salem s'en doutait un peu, il continuait à regarder le site en accumulant pas mal de données dans sa tête, mais n'avait aucune idée de ce qu'il cherchait. Parce qu'Adam ne l'avait pas dis, parce qu'il ne parlait plus, ne le regardait plus, et que tout ça avait plus d'importance que ce qu'il était censé trouver. Kevin, que sa mort prochaine avait décidément rendu beaucoup plus conciliant, regarda le devin, avant de se décider à s'aventurer sur un terrain qu'il semblait manifestement trouver glissant.

« Et donc, heu… t'as des visions ? »

Il y eut un silence avant qu'il ne se décide à poser la question qui l’intéressait vraiment.

« Genre, tu m'as vu mourir ? »
« Il voit des… futurs probables en fait, et le passé. »
« Le passé ? J'comprends mieux pourquoi il fait cette tronche… »

Salem baissa les yeux, sachant bien à quoi Kevin pouvait faire référence, ce qui ne l'empêcha pas de marmonner.

« On a rien fait de spécial… »
« Ouais, c'est ça, t'as raison. »

Amer, Kevin retrouva sa place au bout du lit pour faire la gueule, après tout, sortir avec quelqu'un pendant des années en l'entendre dire et répéter qu'il n'y avait rien, ça peut énerver. Il y eut un silence, l’adolescent ne savait plus où se mettre il jeta un petit coup d'œil à droite, un autre à gauche, prit une grande inspiration qui ressemblait à une tentative désespérée pour ne pas fondre en larmes et lâcha un énième.

« Désolé… »
« Ça suffira pas. »
« Je t'aime. »

Le temps s'arrêta, Kevin en fut scotché sur place, il regarda bouche-bée Salem qui s'était tourné vers lui.

« Mais tu seras jamais qu'un ami pour moi. »
« Roh, c'est pas vrai… »
« On a passé tellement de temps ensemble, c'est comme s'il fallait que je sorte avec Julian, c'est pas possible. Clairement, on a dépassé ce qui se fait, entre deux potes, mais on sortait pas ensemble. »
« Et on faisait quoi, alors ? »
« J'en sais rien, des fois on était à deux doigts de… et le reste du temps, on s'évitait. »
« Tu m'évitais… »
« Parce que je ne voulais pas que ça aille plus loin. »
« Mais tu peux pas choisir ce que tu ressens… je suis pas ton frère… »

Encore un que Salem aura bien démoli, Kevin s'était recroquevillé dans son coin et reniflait par intermittence. Mais il restait encore un deuxième problème à régler, ou plutôt un deuxième garçon à gérer, et pas des moindres, Adam (retrousse ses manches). Salem se leva et vint s'asseoir tout près de son compagnon, bien conscient d'avoir balancé une bombe dévastatrice digne d'Hiroshima dans la pièce, voire même plusieurs, depuis le début. Du bout des doigts, il effleura le menton d'Adam pour le pousser à relever au moins un peu la tête.

« Ce que je t'ai fais avec Jenny, je le referais jamais. Peu importe, ce que tu peux voir. »

Ça c'était la partie facile, Salem sentit ensuite ses forces l'abandonner, mais il tint bon, et d'une voix nettement plus inquiètes et désolée, il poursuivit.

« J'évitais de parler de… »

De l'autre, là-bas, au fond.

« Parce que… c'est vraiment bizarre, comme truc, et horrible… »

Oui, tu es amoureux de deux mecs, mais l'un est quand même un ami, alors c'est pas tout à fait pareil. Non, non.

« Mais c'est avec toi que je veux faire ma vie, c'est à toi que je l'ai demandé, tu es le seul, tu es le premier, je te jure que c'est vrai. Je t'en supplies ne me déteste pas, tu n'imagines même pas combien je m'en veux de te faire ça. »

Salem essuya quelques larmes qui lui avaient échappés, il était totalement terrorisé (et il n'est pas le seul). Kevin lui n'en avait pas l'air, mais il écoutait quand même attentivement la conversation qui promettait d'être… (terrifiante, atroce, cataclysmique, imbibée de sang, digne de la fin du monde) instructive.
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Adam Tenseï

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MessageSujet: Re: Imagine being Kevin (Salem)   Imagine being Kevin (Salem) EmptyMer 20 Fév - 6:41

Souviens-toi de gens que tu as trouvés rassemblés sans qu’ils aient encore partagé une heure. par exemple des parents qui se rencontrent dans la chambre mortuaire d’un être vraiment cher. Chacun, à ce moment-là, vit plongé dans son souvenir à lui. Leurs mots se croisent en s’ignorant. Leurs mains se ratent dans le désarroi premier. — Jusqu’à ce que derrière eux s’étale la douleur. Ils s’asseyent, inclinent le front et se taisent. Sur eux bruit comme une forêt. Et ils sont proches l’un de l’autre comme jamais.
Rainer Maria Rilke, Notes sur la mélodie des choses, XIX

***

— Toi. Lui. Ne m’adressez plus la parole.

Il y avait eu un long et lent silence mortifère et depuis ces mots (« je t’aime ») et les excuses qui les avaient suivis, les excuses dont Adam avait compris qu’elles ne lui étaient pas réellement adressées, comme tout le reste de cette conversation, depuis que Kevin avait mis les pieds dans cette maison, l’avait laissé sur le côté de l’existence, comme un spectateur muet mais attentif de retrouvailles longtemps désirées ; il avait compris, et Salem le lui avait habilement rappelé, qu’il était passé après Jenny, par défaut, parce que Jenny avait été loin, que Jenny elle-même était passée après Kevin, et qu’il suffisait que lui revînt pour que tout le reste n’eût plus la moindre importance, pour que plus personne ne se souciât vraiment de lui, et de ce qu’il pouvait penser — ou alors pas assez, pas comme il le fallait, pas à la hauteur des espoirs finalement naïfs, innocents, démesurément romantiques qu’il avait déversés en Salem, en leur vie commune, en leur mariage tout de blanc et d’argent vêtus.

D’un geste de tête, Adam dégagea son menton de l’emprise des doigts de Salem. Tout à fait pour lui-même, à voix basse, perdu de toute évidence dans ses propres pensées, il murmura :


— J’en reviens pas. Ça f’sait des années qu’on m’avait pas… Traité comme ça. Mais j’suis vraiment trop con.

L’immensité de sa déconvenue le dépassait et il avait l’impression d’avoir trouvé, dans la pleine campagne, parmi les épis de blés, et l’abondance des arbres fruitiers, une soudaine et inexplicable désolation, insoupçonnable depuis la route parce qu’elle était cachée par les buissons de fleurs, mais que l’on découvrait en empruntant le difficile petit sentier de terre, et là on découvrait le sol dévasté, les plantes brûlées, la terre brûlée, sans que l’esprit pût saisir ce que c’était, ni comment la chose avait été possible, et alors on regardait, silencieux, désemparé, hébété, ce miracle de la nature qui pourtant, au fond de soi, avait une secrète évidence, comme si depuis toujours la menace d’une pareille chose, la mort au milieu de l’abondance, avait été annoncé par le vol des corbeaux.

Les yeux noirs — et cette fois-ci, ils l’étaient redevenus vraiment, comme des mois auparavant, comme lorsqu’ils ne se connaissaient pas encore et qu’il avait posé sur Salem le même regard froid, et distant, et méfiant, qu’il posait sur le reste du monde, le même regard protégé par une écorce de calculs et de méditations, où la confiance était toujours déjà épuisée, malmenée, meurtrie, et où il ne restait plus rien que la compréhension intellectuelle des phénomènes ordinaires comme extraordinaires et dessous, tout au loin, cachée, secrète, refusée à la sollicitude aimante des autres, la souffrance inaltérable de la vie, la sienne et celle des autres, son existence rapiécée et les visions qui quotidiennement la déchiraient — les yeux noirs se posèrent sur Salem et, dans un calme murmure halluciné, Adam reprit :


— Tu m’as dit tant de choses, je n’en reviens pas, tu m’as dit tant de choses qui sont fausses, tu m’as embrassé, tu m’as touché, tu t’es raconté en me mentant, et puis chez mes parents, j’ai essayé de te pousser, pour que tu dises la vérité, et tu m’as menti encore, et tout à l’heure dans cette chambre tu m’as menti. Tu m’as dit tellement de fois que c’était pas important. Et tu m’as menti. J’arrive même pas à…. J’arrive même pas…

Seulement en parlant les conséquences qui suivaient cette révélation et les sentiments qu’il sentait s’agiter désormais dans son cœur se développaient clairement pour son esprit, comme autant d’étapes nécessaires — l’appartement qu’il faudrait vider de ses affaires, les chats dont il faudrait assurer la subsistance, son frère à qui il faudrait demander l’asile pendant quelques jours, tous les gens auxquels il devrait dire que les fiançailles n’étaient plus d’actualité, en essayant de cacher la honte, l’insondable humiliation qu’il avait subie, et le regard vert, et triste, et odieusement compatissant d’Ulysses, et tous les matins où il se lèverait seul, il s’habillerait seul, il partirait seul au travail, et le soir il arpenterait de nouveau les rues, jusqu’à ce que quelqu’un, un jour, enfin eût raison de sa vigilance et abrégeât la succession des jours qui ne lui appartenaient pas.

Ces réflexions lui donnèrent la nausée.


— Et même là, tu me mens. C’est fou. Tu me dis que tu es amoureux de lui. Non. Tu me le dis même pas. Je l’apprends en passant. Comme ça. Depuis qu’il est arrivé, c’est à peine si j’existe. Là. Sur le bord de ton champ de vision. L’espèce de roue de secours qu’on a dans son coffre. Tu me dis que tu en aimes un autre. Mais c’est pas exactement la vérité. C’est plus que cela. Tu l’as toujours aimé. Depuis des années et des années. Et moi je suis là, je parade, je suis pathétique, je m’imagine des choses, moi avec mes quelques semaines mises bout à bout, mes quelques semaines de mensonges. Je me fais des idées. Moi, je suis le troisième choix qui décore ton quotidien new-yorkais, en attendant que la vraie vie te rattrape.

Et dire que s’il était pas arrivé, tu m’aurais épousé sans rien me dire. Tu m’aurais menti encore. J’ai jamais compris pourquoi quatre-vingt dix pour cent de mes visions de toi te montraient avec d’autres. Je sais pas. J’ai supposé que c’était juste comme ça. Un sadisme inutile de mon inconscient. Mais à sa façon, finalement, ce machin-là a toujours raison.


Un sourire amer était fugacement passé sur ses lèvres et, soudainement, il se leva.

— J’peux pas rester ici. C’est pas chez moi. C’est votre lit. Votre histoire. J’veux pas… J’veux pas m’imposer. Pas entre lui…

Il inclina la tête vers Kevin.

— …qui m’a méprisé en cinq secondes et a décidé que j’étais un psychopathe après quatre mots. Mais comme tout le monde, hein. C’est pas comme si j’avais pas l’habitude. Et toi… Toi, je sais même pas Salem. En fait, j’crois que c’est juste de l’orgueil de ma part. D’être surpris et tout. C’est juste parce que j’m’attendais à mieux pour ma propre vie. Mais en fait, c’est pitoyable et normal. J’aime quelqu’un qui en aime un autre et qui m’a menti. Je suis un substitut. Ça doit arriver à plein de monde.

Adam avait stratégiquement reculé vers la porte.

— Faut qu’j’y aille. Me… Me suivez pas. Me touchez pas. Me parlez pas. J’veux pas avoir affaire à vous. J’veux pas… J’me suis jamais senti aussi abject et insignifiant d’ma vie, et j’veux pas… J’peux pas… Être comme ça. J’ai du travail.

Et c’est ainsi qu’Adam Tenseï disparut de la scène. Plus beau il rencontra celui qui aurait pu être son beau-père, bafouilla une vague excuse sur des pièces détachées à aller récupérer, puis grimpa dans sa voiture et le bolide antique grinça dans l’allée de garage avant de s’enfuir à toute vitesse dans les rues, pendant que son propriétaire esseulé ordonnait à son téléphone de composer un numéro.

— Winford.
— C’est moi.
— Si c’est à propos de meeting de mardi prochain, je n’ai pas fini. Ça va venir, mais je dois…
— Non, laisse tomber.
— Ça va ? Tu as une voix…
— Oui. Oui. J’ai besoin d’un service.
— Tout ce que tu veux.
— C’est à propos du trente-troisième d’infanterie.


Personne ne mourut ce soir-là. Après tout, Adam avait déjà modifié le futur ; il s’était assuré qu’il n’y aurait plus de Salem en larmes auprès de son cadavre hypothétique, et cet événement futur privé de son entrepôt, de sa pluie et de son sang, avait redessiné le destin de leur petite partie du monde ; il n’y eut que la police militaire, de loin orchestrée par quelque voix influente, et puis il avait roulé jusqu’à New-York, il avait laissé Boston derrière lui, parce que cette ville était une plaie pleine de mémoire, il était rentré chez « eux », avait jeté quelques vêtements dans un sac, son ordinateur, deux ou trois affaires, puis il avait envoyé un message à Salem.

Adam a écrit:
Pas mort finalement. Je suis chez mon frère. Garde l’appartement.

— C’est juste… Pour quelques jours. Le temps que je trouve une chambre quelque part.
— Et Salem ?


Adam passa le pas de la porte et murmura :

— J’étais déjà trop tard.

***

D’île à île, il n’y a qu’une possibilité : de dangereux sauts, où l’on risque plus que ses jambes. Cela donne un éternel va-et-vient bondissant, fait de hasards et de ridicules ; car il arrive qu’ils soient deux à sauter en même temps l’un vers l’autre, si bien qu’ils ne se rencontrent qu’en l’air, et qu’après ce pénible échange ils se retrouvent tout aussi loin — l’un de l’autre — qu’auparavant.
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