*Je ne suis pas encore en retard. Et je ne suis pas encore perdu. Attends… Non. Si ! Je suis perdu.*

Il fallait que cela arrive. Arsenio avait débarqué à New-York depuis seulement trois jours. Il en avait profité pour remplir toutes les formalités administratives nécessaires, qui faisaient de lui un habitant provisoire des Etats-Unis, ce qui signifiait qu'il n'était pas considéré comme un terroriste -mutant ou autre-. Ses affaires rassemblées dans la chambre d'un hôtel qui n'était ni de seconde zone ni de luxe, il avait… beaucoup dormi -la faute au décalage horaire-. Quant à la tâche consistant à la visite de la ville qu'était New-York l'idée de son accomplissement le fatiguait d'avance tellement il y avait de choses qui s'offraient à lui. Il était sorti quelques fois pour remplir son estomac. Avec des choses comme des Frapuccino à la fraise concoctés dans un des nombreux Starbucks -il n'en avait jamais vu autant : le paradis- par exemple.

Mais si Arsenio n'avait pas consacré son temps à la libération de son désir-touristique -ce qui ne tarderait pas, il avait déjà prévu quelques escapades hors de la ville pour se rendre compte de ce que pouvait bien signifier le terme de nature aux alentours de cette mégalopole- il ne s'était pas non plus abandonné au vagabondage lascif. Il s'était déjà renseigné quant aux cours qu'il allait devoir suivre à l'université -il n'en avait pas énormément mais il savait que le choix des spécialités psychologie et criminologie nécessiterait un investissement personnel sans faille. A côté de cela il s'était manifesté dans le monde artistique new-yorkais -ou tout du moins il avait essayé- par l'envoi de vidéos de quelques chorégraphies à plusieurs boîtes de productions de spectacles et maisons de disques. Enfin il avait réussi à joindre un agent immobilier à qui il avait confié la charge de lui trouver un appartement.

C'était donc avec lui qu'il avait rendez-vous à 15h00. Et il était, au moment même où Arsenio se rendait compte du fait qu'il n'avait pas la moindre idée d'où il se trouvait, 14h52. Il s'arrêta un instant, pensant qu'une inspiration d'ordre divine pourrait descendre des grattes ciels que l'on apercevait un peu plus loin, inspiration qui lui servirait à combler les informations qui lui manquaient pour retrouver son chemin. Le rendez-vous avait été fixé à 15h30, d'accord, à l'intersection de deux rues. Malheureusement ces deux rues, Arsenio avait oublié leur nom, ou leur chiffre, enfin il ne comprenait pas trop comment tout cela fonctionnait. Et tout ici, à New-York, lui procurait un sentiment de fascination mêlé à un étonnement suspicieux. Il s'interrogeait en permanence. Et cela aboutissait à la perte d'informations capitales comme le nom de ces deux rues dont il devait trouver l'intersection.

*Peut-être que je devrais le rappeler. Ce… Monsieur Walls. En tout cas il porte bien son nom, s'appeler "Murs" quand on est agent immobilier. Oui oui… C'est de bon goût.*

Car il ne fallait pas oublier qu'Arsenio, sortant tout droit de son Italie natale, ne parlait pas naturellement anglais. Ce qui lui permettait de repérer dans certains noms ou mots composés des significations qui n'avaient aucune importance pour les anglophones d'origine. Il avait certes un bon niveau de langue mais on entendait toutefois un accent particulier lorsqu'il s'adressait à vous. Arrêté depuis bien deux minutes il était désormais 14h54. Le temps qu'il fallait pour écouter une musique. Il prit son Ipod en vitesse et mit son casque sur sa tête.


Il continua sa route, en direction de n'importe où. Tant qu'il restait dans le quartier de Greenwich Village de toutes façons il était dans la bonne "zone". Après quant à trouver l'endroit exact. Il voyait défiler les taxis jaune si particuliers à New-York, qu'il avait vu des centaines de fois dans les épisodes de "Sex and the City". Puis il passa devant un restaurant français "L'aile ou la cuisse". Il était à un carrefour. Il lit les panneaux qui indiquaient les noms de chaque rue : "Bleecker Street" & "Grove Street". Il se souvint alors que c'était à ce carrefour qu'il avait rendez-vous. Inconsciemment il s'était donc dirigé là où il devait aller. Où alors c'était l'odeur des croissants chauds que le "Café Angélique" servait.

*Il n'y a plus qu'à attendre monsieur Murs.*

Il était désormais 14h59. Arsenio profita des secondes restantes qu'il était supposé passer seul avant l'arrivée de l'agent immobilier pour examiner le quartier -oui car c'est bien le mot : examiner-. Les trottoirs étaient en mauvais états mais pas sales. Les gens avaient l'air assez détendus et marchaient à une allure moindre que ceux qui traînaient au pied des grands immeubles d'affaires. Il y avait des arbres, parfois. La chaleur ne semblait pas provenir du ciel mais émaner du sol, comme si les égouts étaient des radiateurs extérieurs. Et tout cela avait son charme. Arsenio se dit que vivre ici ne serait pas un calvaire, malgré ce que certains de ses amis lui avaient laissé entendre en Italie. Il est vrai que le calme des rues italiennes, ou plutôt le calme bruyant des rues italiennes, ne pouvait être retrouvé ici, à l'intersection de ces deux rues. Toutefois qui cherchait le calme ? Surement pas Arsenio. C'était l'heure. Alors le jeune homme, en gentille personne bien élevée qu'il était, se débarrassa de son casque et rangea tout son appareillage dans son sac.

*Monsieur Murs sera-t-il en retard ?*

Tout organiser, que tout soit ranger afin que les choses soit claires. Prendre son temps, respirer, se vider l'esprit. Autant de choses qui te son compliquées n'est-ce pas ? Tais toi... tu es peut-être ce qui prend le plus de place dans mon esprit... Je sais... . Les journées de Nathanaël sont calquées sur le même rythme, millimétrées presque pour ne pas se perdre. Le matin il se lève de bonne heure, prépare son petit déjeuner, amène un jus de fruit à sa sœur avant de se diriger, un verre à la main, vers la chambre de sa fille. En douceur il passe une main dans ses boucles claires, l'aide à sortir de ses songes en douceur. Un père modèle en soit.... Il fait en sorte de canaliser le brouhaha permanent de son esprit, et cela prend souvent plusieurs heures... Surtout pour faire taire ce passager noir... Autrefois il avaient d'autres habitudes, de celles que l'on ne peut décrire... Se réveillant auprès d'inconnues... Aujourd'hui il reste songeur l'espace de quelques minutes avant d'être happé par la voix de sa sœur qui commente le journal ou les bras de sa fille qui l'entoure et réclame son attention pour sortir de son état de sommeil. Il la prend dans ses bras, pose ses lèvres sur son front et s'accorde ce moment de calme avec elle, avant d'aller se préparer. Ca ne te manque vraiment pas? Tais toi... Tu ne sais pas ce que je gagne avec cette vie...

Une fois ce temps passé, il dépose sa sœur à la fac, ou à son travail. C'est elle qui a insister pour « participer » aux frais de la maison, ou pour acheter quelques trucs pour elle ou pour sa nièce. Une fois fait il dépose Salomée à l'école, veille à ce que personne ne la suive, et une fois qu'elle est dans la masse des enfants il s'éloigne alors. DEvant sa voiture il prend le temps de s'allumer une cigarette, son regard glisse sur les femmes qui passent, il sourit à l'une d'elle, parle à une autre. Une fois sa cigarette finit il s'engouffre dans sa voiture... Une cigarette, timing parfait pour arrêter une conversation, ne pas déraper. Et maintenant?

En général Nathanaël part au travaille, rejoint son agence, retrouve les personnes qu'il emploie, parle avec eux, avant de regagner son bureau et finalement travailler sur les appartements qu'il souhaite rénover, retravailler... Et puis il y a des jours comme aujourd'hui... Pour être clair ? Nathanaël avait pris sur lu de faire quelques visites, un de ses vendeurs était en vacances, et le second avait un agenda surchargé. Du coup il faisait lui-même certaines visites. Mais pris dans ses habitudes, c'est une fois les crayons en mains, alors qu'il jetait un regard sur son agenda, qu'il se rendit compte du travaille qui l'attendait. Sa journée repartie donc, et Nathanaël parti en retard au premier rendez-vous, puis les enchaîna, rattrapant un peu le temps perdu. Le midi il retrouva sa sœur et sa fille, mangea avec elles, laissa la première travailler à l'appartement, tandis que la seconde était déposée à l'école. Il repassa à l'agence pour y laisser des contrats et des promesses de ventes.

Arriva rapidement 15h, Nathanaël était de ces hommes ponctuels qui même dans un New-York remplit de monde parvenait à arriver pile au moment prévu. Ainsi, peu avant 15h il s'était engouffré dans sa voiture noire, et avait arpenté la ville avant d'arriver à l'intersection prévue. Il pensa même qu'il serait bien d'aller acheter des pains au chocolat pour Salomée et Capucine, avant de finalement trouver une place de parking. S'y arrêtant, il en sorti tranquillement avant de remettre sa veste noire, de passer une main entre ses cheveux, et d'attraper une besace. Enfilant cette dernière et la posant sur son épaule, il observa les lieux et les gens avant de retirer ses lunettes de soleil. Trouver une silhouette nouvelle... Une personne qui l'attendrait... Tu es plutôt doué à ce jeu là non ? Ne peux tu donc pas te taire ? Bien je me tais... Mais regarde là bas sous les panneaux... Une silhouette attire son regard, latine, mais pas comme celles qui vivent dans certains quartiers de la Grande Pomme. Son idée fut confirmer, lorsqu'à l'heure du rendez-vous – Nathanaël avait alors regardé sa montre – l'homme avait rangé son casque dans son sac. C'est donc d'un pas sur, léger sourire aux lèvres que Nathanaël approcha, se plaçant près de lui, en lui tendant la main.

« _ Monsieur Duffecci ? Bonjour je suis Monsieur Walls »

Le nom de famille du jeune homme avait était prononcé comme l'aurait fait un italien. En échangeant avec lui au téléphone, il avait rapidement compris la nationalité de son interlocuteur – et peut-être futur acheteur/locataire – il avait donc pris son soin de prononcer son nom comme il le fallait. Une marque de respect pour lui, il n'était pas question ici de marquer des points ou de tenter de vendre plus. Juste de respect.

« _ Comment allez vous ? Ca va vous ne m'avez pas trop attendu ? »

Sait on jamais cela aurait pu être le cas, et auquel cas Nathanaël ferait en sorte de faire oublier ce détail...