Aujourd'hui, enfin cet après-midi, pas de cours. Après-midi de révisions. Ou presque. Parce que pendant son temps de révisions, River essayait de bien faire son job pour apporter un peu d'argent à sa mère et lui. Comme depuis l'accident, elle était restée handicapée, subvenir à leurs besoins à tous les deux était devenu un peu plus compliqué qu'avant. Alors en bon garçon qu'il était (Ndla : Sisi!) il avait trouvé un petit job en tant que personnel d'accueil au centre de remise en forme.

Il avait de la chance, ainsi ça lui permettait de croiser énormément de monde, d'échanger beaucoup de choses avec les gens, pas juste parler cours avec ses potes, et changer de sujet... pour parler d'un autre cours, et d'encore un autre cours, puis embrayer sur les histoires types « Feux de l'Amour » de la fac. Au moins, ça permettait de faire le vide dans son esprit... Ou pas.

Ou du moins, même s'il n'arrivait toujours pas à les repousser ces voix, ici elles avaient des préoccupations beaucoup plus calmes et concentrées, c'était pas des histoires à dormir debout, et elles étaient toutes rythmées par les efforts des gens. Évidemment, y'en avait toujours un ou deux pour se la jouer courrier du cœur et reluquer tous les corps à porté d'yeux. Et c'est pas forcément ceux qu'on croit en plus! Mais justement, ça avait son petit coté amusant, malgré lui, River en savait plus sur les habitués du club que ce qu'ils pouvaient bien leur dire tous. Dis-moi à quoi tu penses, je te dirais qui tu es. Il devrait peut-être ouvrir un cabinet de voyance en fait...

Son job était simple, et en plus ne lui prenait pas énormément de temps. En général il devait juste rester derrière le comptoir de l'entrée, et vérifier que les équipements choisi par les gens qui entraient étaient libres (histoire qu'ils n'entrent pas pour poireauter juste, ça aurait été mauvais pour la réputation du centre) Il y avait aussi le téléphone, rappeler aux gens leur prochain rendez-vous avec tel ou tel instructeur, et prendre les rendez-vous pour les prochaines semaines. Et encore, ça c'était juste lorsqu'il était à l'entrée. Y'avait aussi ranger les accessoires que les gens oubliaient de ranger une fois qu'ils avaient fini, envoyer les tissus au lavage, et même parfois passer le balais et la serpillière sur le sol ou entretenir les machines. Ca avait le chic au moins de le faire toucher à pas mal de domaines, entre le secrétariat, le ménage, la sécurité, le bricolage... Quoi demander de plus ou un temps pareil?

Plus les commérages, même les hotesses d'accueil « normales » en entendaient des vertes et des pas mûres, mais lui il était un cran au-dessus, et limite, il adorait ses capacités lorsqu'il était au centre, parce que les gens avaient sans arrêt des choses à y dire, alors qu'ils devraient se taire et se concentrer. Et c'est justement dans ces moments qu'ils en disent le plus long, sans s'en rendre compte.

Toujours son écouteur à l'oreille, histoire que s'il commençait à délirer tout seul, on ne lui pose pas de question ou qu'on ne le prenne pas pour un fou.

Aujourd'hui, l'un des athlètes avait mis la musique dans son walkman tellement forte, que même River l'entendait comme si ça sortait de sa propre oreillette. Il se mit alors à fredonner sans s'en rendre compte. Se mit même à danser avec son balais, pour vous dire!

Si bien qu'il rentra dans une personne à l'entrée. « Oh, pardon, je suis désolé. Je peux vous aider? » demanda-t-il poliment. Sans pourtant ôter son oreillette, mais en faisant son possible pour chasser la musique de son esprit. Autant c'était marrant quand on est seul, mais quand on a une conversation qu'on doit tenir avec une personne, ça empêche de se concentrer suffisamment pour répondre correctement.
Ca lui était arrivé une fois d'être distrait au point de redire texto les pensées d'un sportif devant une pratiquante occasionnelle qu'il reluquait, et au final c'est lui qui était passé pour un pervers. Avec une baffe en prime. On ne lui avait rien dit, mais même en restant impassible, à l'intérieur, ça l'avait vaguement vexé de s'être laissé avoir si facilement!

Toujours son walkman sur les oreilles, même s’il était éteint, la musique continuait de perturber les réflexions du jeune homme. Autant si elle venait vraiment du walkman, il aurait pu baisser le son, ou même le mettre en pause, ainsi, il n’aurait plus eu à s’en occuper, seulement là, venant d’un autre appareil, il n’avait pas encore assez de volonté pour s’en défaire. Il était bien obligé de réfléchir avec une américaine qui hurlait dans la tête, et ça l’aurait bien aidé qu’elle la mette en sourdine, au moins pour le refrain de la chanson !
« Oh c’est… » Il se stoppa net dans sa réflexion, lorsqu’il analysa complètement la phrase. La machine qui distribue les en-cas avait encore avalé la monnaie. Fronçant les sourcils, il se reprit et pesta « Quoi ? Encore ? ». Cette machine était décidément un enfer en plastique… Autant qu’il vende lui-même les boissons fraiches et les barres de céréales à l’accueil, au moins il aurait eu moins de problème. Purée de machine à deux sous ! « C’est pas vrai… » lâcha-t-il dans un soupir dépité et résigné.

Il posa son balai contre le mur, et commença à fouiller dans ses poches. Où avait-il pu mettre encore ce passe qui ouvre le ventre de cette gloutonne en fer blanc ? « Vous ne devriez pas vous entrainer à démolir la machine. Déjà ce n’est pas fait pour, de deux, elle arrive à faire son boulot correctement, ça dépend des jours, de trois, ces jours-là vous feriez des malheureux. Et puis quatre, ça serait bête qu’on vous demande d’en repayer une autre au centre, alors que celle-ci ne vaut plus un clou… » Il énuméra tout un tas de raison pourquoi il ne fallait pas s’en prendre au matériel. « Et puis vous être certainement mieux sur les tapis ou avec les haltères qu’à vous prendre la tête avec celle-ci. » Dit-il en désignant de la tête ladite machine.

Il hésita à ajouter qu’une machine n’est jamais stupide. Elle faisait le job qu’on lui avait demandé de faire, c’était tout. « Mince, je l’ai prêté à… » Se souvenant maintenant qu’il avait prêté ses clés avec le trousseau entier à un pote à lui, avec justement celle qui ouvrait la machine, il devait se trouver une autre solution pour rendre sa monnaie à la demoiselle. « La monnaie est à l’accueil. Je reviens. » Et il se dépêcha d’aller chercher une pièce d’un dollar.

Revenant aussi vite, il remarqua une chose. Il avait dû louper un détail. Quelque chose l’interpellait, mais il lui était impossible pour l’instant de mettre le doigt dessus. Revenant vers sa vis-à-vis, il tendit la main pour poser la pièce dans celle de la jeune femme, mais au dernier moment, il garda la pièce dans sa main, et la regarda avec un air suspicieux. « Vous avez mis combien dans la machine, vous dites ? » Il était peut-être un peu lent, mais même avec la musique dans la tête, il avait bien vu assez de monnaie dans la main de la jeune femme, lui semblait-il. « Excusez-moi, mais c’est qu’on a aussi parfois des gens qui profitent de ça. » pas qu’il accuse personne, et en soi, il n’avait rien pour prouver la bonne foi de la dame en face de lui. Il ne devrait pas faire de chichis pour une pièce d’un dollar, mais on lui avait dit de se méfier des gens qui réclament leur monnaie. La machine était un peu capricieuse, mais pas autant. Est-ce que cette dame lui demandait sa monnaie parce qu’elle l’avait croisé, ou bien est-ce qu’elle serait venue quand même demander son dû à l’accueil un peu plus tard ? Comment savoir ? Sa seule possibilité était de gagne du temps pour la faire réfléchir. Même si cela ne permettrait qu’à lui de savoir…

Elle avait l'air tellement calme, mais en même temps, très remontée contre la machine à boisson. « Non non c'est pas utile » Dit-il en posant rapidement la pièce dans la main de la jeune femme et en récupérant le jeton. « J'imagine que vous n'en avez pas besoin? Je vous débarrasse » dit-il en lui présentant rapidement.
Il espéra intérieurement que cette fichue machine ne lui fasse pas de coup bas encore avec d'autres clients jusqu'à ce qu'il ait fini sa journée. « Puis si vous la cassez, ça va être à moi de la faire réparer... » Dit-il embêté. Le patron ne croirait jamais qu'il n'avait pas poussé à bout un client pour qu'il démolisse la machine. Et si ça venait de la poche de River, qui ne travaillait qu'à mi-temps, l'addition serait salée.

Elle était vraiment étrange cette femme quand même. Elle avait des attitudes particulières. River n'était pas très observateur, mais d'autres dans la salle avaient les yeux braqués dans leur direction. River ne fit pas attention, lorsqu'il retranscrivit dans son esprit les paroles de l'un des gros m'as-tu vu de la salle « Elle fait sa maligne, mais je suis sûre qu'elle cherche une excuse pour se dérouiller les poings. Qu'elle essaye je vais me faire un plaisir de montrer qui est le chef par ici. »

Il arrivait assez souvent à River de repenser ce que les gens pensaient. Il entendait en continue les voix intérieures des gens, et parfois, certaines étaient retranscrites, comme si River les pensait lui-même. Le plus souvent, ce n'était pas grave, puisque River était plus un capteur qu'un émetteur. Mais il ne fallait pas oublier que de temps en temps, le receveur se mettait à émettre ses propre ondes. Comme s'il était ventriloque. C'était souvent l'excuse qu'il donnait d'ailleurs, pour qu'on le lâche et qu'on ne lui pose pas trop de question. Le plus souvent ça n'avait aucun rapport avec ce qu'il vivait dans sa sphère intime. Mais parfois, comme là, ça pouvait risquer de lui attirer des ennuis. Surtout que River n'avait jamais la main mise sur son pouvoir, qu'il ne pouvait pas savoir s'il envoyait ou non ses pensées vers les gens. Évidemment, il savait déjà que dans certaines situation, il était plus enclin à penser tout haut que d'autres, mais parfois ça ne tenait à rien.

Et là justement, cette espèce de barrique surgonflée dans la salle avait tendance à penser toujours trop fort, rendant River presque fou lorsqu'il passait ses après-midi à supporter ses remarques pleines de bon sens et carrément bourrées d'intelligence... Étrangement, plus river en avait marre de l'entendre s'aimer lui-même, plus les pensées du bodybuilder étaient retranscrites dans l'esprit du garçon. A son grand malheur.

En toute innocence, River avait repris son balai et comptait bien finir de nettoyer ce qu'il nettoyait, même si cela n'était pas d'une importance vitale et capitale. Après tout, pour le moment c'est tout ce qu'il avait à faire, alors autant s'occuper!