Le mode zombie de Call Of l’avait toujours fait marrer. Sa manette à la main, en tailleur sur un canapé et le corps penché en avant, elle insufflait grâce à des cris des encouragements à son personnage dont elle ne voyait que les mains. Elle était en train de reconstruire virtuellement des planches de fenêtre quand son ordinateur, à côté d’elle, émit une sonnerie spécifique. Le temps de pencher la tête pour regarder de quoi il s’agissait qu’un enfoiré de zombie venait de lui éclater la tête. Dans un grognement, elle balança sa manette pour attraper son ordinateur portable qu’elle mit sur ses genoux.


< Dante > Mon élevage de pingouin se gèle un peu mais sinon, tout va bien.

Elle ne sait pas d’où lui vient cette manie de raconter des conneries comme celle-là mais, elle aime bien

< Dante > et toi ? Je regarde ça rapidement. De toute façon, j’étais sur une nouvelle version. Garder le même système trop longtemps va forcément finir par se faire cracker à un moment. Sinon il y a toujours l’option du boulot honnête, personne n’essaye de rentrer dans l’ordinateur du barman en bas de chez soi.  Laisse-moi jusqu’à demain soir, je finis mes tests et je te fais quelques modifications.

< Le Veilleur > J'ai une nouvelle voisine dont la fille vend des cookies au caramel pour son école, je t'en garde une boîte ? Délicieux.

J'ignorais totalement d'où me venait cette idée de parler de "moi" à un inconnu mais je ne disais rien de bien méchant. C'était ma façon de communiquer. J'instaurais une convivialité sans pour autant décrire ce qu'il se passait autour de moi. Combien de gens, par jour, avaient "une nouvelle voisine" ? Combien avaient une fille et combien de personnes seraient intéressés par cette nouvelle ? Je n'étais pas en danger. Et Dante non plus.

< Le Veilleur > Entendu, tiens-moi au courant de combien je te dois et si je peux faire quelque chose pour toi. Je n'ai pas de barman en bas de chez moi. Mais je peux en trouver un, si tu y tiens !

J'ai maintenu mes mains au-dessus de mon clavier alors qu'on regardait par-dessus mon épaule. J'hésitais. Je sentais l'odeur du café chaud dans mon dos et ses ongles jouer de la musique sur le gobelet en carton. Je me refusais à boire mon propre café tant que je ne m'étais pas décidé à me lancer. Elle m'a donné un léger coup à l'épaule et a acquiescé comme pour me convaincre que tout irait bien. J'ai inspiré profondément et j'ai recommencé à écrire.

< Le Veilleur > Tu as sûrement entendu parler de la bombe qui a éclaté dans Soho il y a quelques semaines. Tu sais quelque chose ? Certaines membres me posent des questions. Les Mutants ont revendiqué leur acte mais sans dire pourquoi. Je dois avouer que je suis moi-même très curieux.

< Dante > Des cookies ? Merveilleux !

Parler de cookies l’obligea à penser à son café, avec du lait, qu’elle avait dans un mug à côté d’elle. Elle l’attrapa d’une main pour en boire une gorgée, l’écran de la télé en face lui rappelant qu’elle était morte. Elle poussa un soupir et baissa à nouveau les yeux sur son écran.

< Dante > Ne pas avoir de barman en bas de chez soi. Tu ne sais pas ce que tu loupes !

Au même titre qu’on pouvait avoir de nombreuses voisines avec une fille, il existait un nombre incalculable d’appartements avec un bar à proximité. Elle n’estimait pas se mettre en danger, d’autant plus que, vivant en maison, elle n’avait pas non plus de barman en bas de chez elle. Elle porta à nouveau sa tasse à ses lèvres et manqua de s’étouffer avec son café à sa dernière lecture. Si, jusqu’à présent elle avait répondu relativement vite, Le Veilleur dû attendre plusieurs minutes avant de voir sa réponse à elle.

< Dante > Qui n’en a pas entendu parler ? Ce que je sais, c’est que les revendications sont fausses, ce n’est pas le groupe des damnés qui est à l’origine des deux bombes.

Accessoirement, elle savait aussi qu’elle avait crypté une clé pour protéger les infos de ces bombes mais ce n’était pas le genre de chose dont une personne aimait se vanter. Puis trop chercher sur cette histoire, en plus de remonter jusqu’à elle pouvait aussi remonter à Raven, par extension à Jack. La question du Veilleur était légitime, cela ne l’arrangeait pas.

< Dante > Juste de la curiosité ou tu veux faire quelque chose à ce sujet ?

Mes doigts se sont mis à s'agiter au-dessus des touches. Quoi et comment répondre ? Si je lui disais que la première qu'ils disaient avoir désamorcé était en fait celle de mon inauguration, c'était lui donner bien trop d'informations. Bien sûr que les revendications étaient fausses. A son tour, Dante a sûrement dû attendre ma réponse quand j'ai senti qu'elle me poussait légèrement l'épaule pour poser son café à côté du mien et elle a étendu ses mains pour les poser sur le clavier.

< Le Veilleur > Le monde a le droit de savoir que les mutants ne sont pour rien là-dedans. Notre travail est d'offrir la vérité, non ?

J'ai froncé les sourcils et j'ai relevé la tête. Il était inutile d'agresser Dante, il n'y était pour rien. Elle s'est contentée de hausser les épaules en se redressant. Nous ne parlions pas, comme si Dante lui-même était dans la pièce et qu'il pouvait nous voir. J'ai bu une gorgée de café et j'ai poursuivi.

< Le veilleur > Et tu as déjà une idée de l'auteur de ces attentats ?

Ça devenait beaucoup moins amusant comme discussion. Sur le coup, ses doigts avaient tapé une phrase disant que c’était son boulot à lui, que ce n’était pas le sien. Élirys ne s’était jamais senti l’âme d’un super-héros, elle n’utilisait pas un ordinateur uniquement pour des causes des plus justes. Elle payait ses factures, s’offrait son matériel, elle aimait les casse-tête. Si le plus gros qu’on pouvait lui offrir n’était pas si « bien » que cela, elle n’arrivait pas à résister. La touche retour fut maintenu enfoncée pour effacer ce qu’elle venait d’écrire.

< Dante > Je n’ai pas dit que les mutants n’y étaient pour rien, seulement que ce n’était pas les Damnés qui le revendiquait.

Il était facile de répondre non, qu’elle ne savait pas de qui il s’agissait. Mais il était question d’une bombe, c’est elle qui n’avait pas vérifié, alors elle avait peut-être envie de rétablir certaines choses.

< Dante > oui.

Quelques secondes s’écoulèrent.

< Dante > Mais, y a comme un conflit d’intérêts pour moi de le dire.

Il était clair qu’elle ne voulait pas qu’on remonte jusqu’à elle, même si c’était déjà merdique à ce niveau-là. Elle avait bossé pour ce mec, il était devenu un client et, balancer ses clients ce n’est pas bon pour les affaires.

Spoiler:

Je me suis passé l'index sur le sourcil en réfléchissant rapidement. Bien sûr qu'il se protégeait, c'était évident. Et je ne pouvais rien contre ça. J'ai poussé un soupir, j'allais donc devoir enquêter moi-même de mon côté. Je me suis frotté le nez rapidement avant de reprendre.

< Le Veilleur > Si ce ne sont pas les Damnés, je ne vois pas d'autres mutants capables d'engager une attaque pareille, surtout sans motif précis. Mais je comprends, c'est tout à fait normal.

Un instant.

< Le Veilleur > Mais tu sais que tu peux avoir confiance en ma discrétion.

Un nouvel instant. J'ai réfléchi une seconde et elle a roulé des yeux avant de tourner les talons en me voyant répondre.

< Le Veilleur > Et à quelle adresse j'envoie un coursier pour te livrer la boîte de cookie ?

Elle l’avait laissé les deux premiers messages passés sans répondre, à réfléchir à la manière dont elle allait s’y prendre. La discrétion dont il pouvait faire preuve n’était pas le problème. Elle avait merdé, elle avait le SHIELD sur le palier de sa porte, ce n’était qu’une question de temps ou de chance… Ou d’aide avant qu’ils ne débarquent. Lui donner les informations qu’il voulait, c’était aussi le mettre en danger. Peu de personnes étaient au courant. Elle se décida à répondre quand le troisième message apparut, lui arrachant un rire.

< Dante > A l’adresse où j’enverrais ma coursière personnelle.

Pour les gens avec qui elle travaillait, ce n’était pas un secret, elle avait une personne qui bossait pour elle donc, elle ne divulgua pas une information essentielle dans cette réponse. Ses doigts restèrent au-dessus de son clavier et, après une inspiration, elle décida de se lancer.

< Dante > Je ne te promets rien mais, tu devrais peut-être y envoyer quelqu’un de confiance aussi. Il se pourrait qu’en échange de ta boîte, elle ait quelque chose à remettre.

Sa décision n’était pas prise, elle avait besoin d’y réfléchir.

< Dante > Je n’ai jamais su résister aux cookies.

Mes doigts se sont figés sur le clavier alors que je tapais mes réponses en recevant la sienne. Il fallait me voir. J'ai inspiré profondément et mes yeux se sont agrandis comme si je me retrouvais suspendu au crochet d'un suspens insoutenable. J'ai eu un sourire, comme le gosse que j'étais toujours à l'intérieur de moi. J'ai effacé ma réponse en cours et j'en ai recommencé une. Puis une autre. En fait, j'avais déjà pris ma décision.

< Le Veilleur > Très bien. J'enverrai quelqu'un, comme d'habitude.

Bien sûr : j'irai moi-même avec mon taxi.

< Le Veilleur > Moi non plus. Surtout ceux-là.

J'adorais l'idée d'échanger des informations sous couvert, c'était souvent bien plus efficace. Et puis j'aimais sortir, voir des gens. Je n'avais pas de coursier mais parfois, Amy y allait pour moi. Mais en règle générale, c'était moi. Et personne ne s'inquiétait de me voir comme coursier ! C'était... Normal. Suffisait de prendre un accent bizarre et de faire mine de rien comprendre... L'idée même que d'autres "personnalités cachées" puissent faire comme moi ne me venait pas à l'esprit pour la simple et bonne raison que je me pensais le seul à devoir véritablement me cacher.

< Le Veilleur > Fais attention à toi, Dante.

Selon moi, il était incapable de me mettre en danger, sinon c'aurait déjà été le cas. Mais je pouvais me montrer parfois un peu... Têtu.