Elle n’avait pas tout perdue, au moins, cette fois il se sentait capable de rire sans s’arrêter. Un bon point pour lui. Elle essayait vraiment de suivre cette idée de glace comme philosophie mais, c’est juste qu’elle avait du mal. Et plus ça allait, plus elle avait l’impression de s’enfoncer avec lui dans ses explications alors, quand il lui demanda de laisser tomber… Bin, en fait elle était tiraillée entre l’envie de voir jusqu’où il pouvait s’enfoncer dans ses explications, et l’envie de laisser tomber parce qu’elle n’était pas certaine de suivre.

« Dommage… Je me demandais à quel point tu pouvais t’enfoncer dans des explications. »

Un sourire sur les lèvres elle reporta son attention sur le chemin emprunté, en se forçant à ne pas réfléchir à un éventuel point de côté. Elle n’en sentait pas mais elle savait que si elle se posait la question, il finirait par apparaitre, ça devait être psychologique, ou un truc comme ça. Elle avait fini par lever les avant-bras, une main tendue dans un salut à la miss-France, avant de faire un tour sur elle-même, genre défilé de mode, tout en continuant de trottiner quand il avait dit qu’elle faisait un beau I-parfum. Fallait vraiment qu’elle arrête ce genre de connerie, elle allait finir par s’épuiser toute seule et vraiment senti cette douleur caractéristique sur le côté. Elle ne s’était pas arrêter mais elle avait ralenti, posant un regard intrigué sur Ian.

« Comment on ne peut pas être certain de la fin d’une relation ? »

Et elle retournait le problème dans tous les sens mais elle ne comprenait pas, ça lui semblait être des choses pourtant facile à savoir. Bin, en fait, elle n’en savait que dalle, elle n’avait même pas souvenir d’avoir eu un semblant de petit ami une fois. Quand on évite les gens, on évite aussi ce genre de chose, hein. Elle baissa le regard vers les chaussures de Ian avant de relever la tête vers lui.

« Ok, Papy-Don-Juan, commence déjà par mettre des tongs et après tu trouveras peut-être ton conte de fée à la disney. »

Elle avait juste levé les bras, comme pour dire que, non, elle n’allait pas le blâmer pour le fait d’aimer les métaphores, elle trouvait ça marrant en fait. Le mec associait les relations de couple à des glaces. Les femmes à des tongs dont il fallait trouver la bonne couleur. Tout était parfaitement normal !

« Tu vois, le seul truc que je me dis c’est que… Wahou, ça doit être une plaie d’aller faire les courses avec toi. » Et là, elle prit une voix plus grave en pointant de son index un truc imaginaire « Tu vois ses steaks hachés, bin ça me fait penser à… Oh non attend, ce choux fleur, c’est comme ce que ma dit une maie sur le fait que… Ah et cette crème fraiche, tu sais ce qu’on dit de la crème fraiche ? » Elle reprit sa voix à elle, pas très douée pour les imitations. « Je te jure ce n’est pas militaire que t’aurais du être mais publicité : un produit acheté, une philosophie de vie offerte ! »

C’était sûr, si un jour il débarquait pour lui proposer de faire des courses, elle lui fermait pas la porte au nez, elle lui balançait carrément au visage. Ça devait juste prendre trois plombes avec lui si, sur chaque trucs, il était capable de penser à quelque chose d’imagé.

Cette fois, Ian éclata franchement de rire. Le pire, c'est qu'elle ne faisait pas totalement fausse route. Mais Ian était plutôt rapide à faire les courses. Il laissait simplement son esprit, facilement voguer à droite et à gauche.

– Tu m'imites très mal ! Je t'imite mieux que ça.

C'était sûrement faux mais il jouait le jeu. Elle semblait de bonne humeur, autant en profiter.

– Et disons que ma dernière relation était... Un peu particulière. Ca fait pas si longtemps qu'on a rompu alors c'est la phase, tu sais... C'est facile de replonger. Mais je tiens le choc ! T'en fais pas, je suis un dur, moi. Je suis Captain America.

Elle avait été là pour son genou. Elle avait été là pour ses doutes, pour lui redonner goût à la vie, elle l'avait aidé à remarcher, à recourir. Elle l'avait soutenu, même quand il parlait de cette nièce dont il ne savait rien. Elle avait supporté ses changements d'avis pour la retrouver, elle avait supporté jusqu'à son obsession pour le mensonge de son frère, la colère envers sa mère, l'incompréhension face au silence de son père ! Jusqu'à ce que ça ruine leur relation. Ca et le fait qu'elle manque de tact, qu'elle ne sache pas mentir un seul instant et qu'elle ait moins de patience que lui. Il avait eu du mal à le vivre et elle n'avait plus réussi à supporter ses questions existentielles. La compréhension avait laissé place à la lassitude et la lassitude à l'insignifiance. Ils ne s'entendaient que lorsque qu'ils n'étaient que tous les deux. Quand sa famille entrait en ligne de compte, c'était fini.

– Tu as raté un super film, en tout cas. Je suis pas gay mais ouah, quel mec, t'aurais vu ça, les biscotos ! En même temps, franchement, c'est de la gonflette. Je suis bien mieux que lui. Je te parie, dans un mois, il a plus rien. Tout flap flap, le type ! Ces acteurs, je te jure. Alors, ça va tes côtes ?

Il tourna la tête vers elle et la désigna du menton en souriant, amusé. Ah, si seulement il pouvait être son Captain America. Ian avait longtemps nourri ce désir, cette envie d'être un super héros pour quelqu'un. Il aimait qu'on ait besoin de lui. Protéger, c'était son mojo, il était né pour ça. Il donnerait sa vie pour tant de personnes, simplement pour les protéger. Et pas même un instant il y réfléchirait ! Hella faisait partie de ces personnes pour qui il se sacrifierait, simplement pour qu'un autre ait une chance de vivre ! Il ne vivait que pour ça. Lui, il s'en fichait. C'est comme s'il était né pour protéger les autres. Alors Captain America ? Oui, il se retrouvait pas mal là-dedans. Surtout depuis que Hella se moquait de lui ouvertement. Papy...

« Han… » Elle pointa un doigt vers lui « En attendant, tu sais que c’est toi que j’imite donc… »

C’est que ce n’était pas si mal. Ok. C’était désastreux mais bon, elle faisait avec les moyens du bord. Promis si elle devait faire une autre imitation de lui, elle le ferait en étant habillée en Captain America. Quoique, c’était un peu bizarre comme concept. Ça commençait à faire des surnoms vraiment à rallonge Papy-Don-Juan-Captain-America. Elle avait bien écouté ce qu’il avait dit sur cette dernière relation mais, honnêtement, elle ne voyait pas quoi en dire. Elle n’était pas un modèle de référence et se sentait tellement loin de ces genres d’histoire de cœur et tout le bordel. Elle se mise à secouer la tête.

« Tu sais, ce n’est pas en me vantant les mérite d’une gonflette artificielle que ça va me donner envie de le voir. Tu t’es pas dit que, plus jeune j’étais plus Cat eyes que Nicky Larson ? »

Elle avait levé le regard vers lui dans un sourire entendu, juste pour voir sa réaction. Ça n’avait rien de vrai. D’une elle n’avait jamais vraiment regardé l’un ou l’autre dessin animé et, de deux, elle n’était pas certaines que les filles l’intéressaient… En y réfléchissant bien, pas plus que les mecs. Enfin, c’était différent. Non, en fait c’était compliqué. Et voilà, elle arrivait à s’embrouiller toute seule. Bravo !

« N’empêche qu’il te manque sérieusement les collants ! »

Ses cotes... Rah, pourquoi est-ce qu’il se sentait obligé de poser la question, hein ? Parce qu’elle faisait taire ce point de côté qu’elle avait sentie deux ou trois réponses plus tôt. Mais c’était de sa faute aussi. Elle courait bien en général sauf qu’elle n’était pas habituée à le faire en parlant. D’ailleurs, hormis Phen, elle n’était même pas habituée à parler autant. Pas étonnant qu’elle s’épuise plus vite. Elle balança les bras, s’arrêta d’un air de défaite bien qu’elle avait une légère moue sur le visage en levant le visage vers lui.

« Ok… Disons que j’ai un très léger point côté qui est apparu entre les steaks hachés et la crème fraiche. » Elle croisa les bras mais arrêta bien vite cette position pour poser une main sur sa hanche droite. « Mais c’est de ta faute aussi, si t’arrêtais de parler je tenais au moins jusqu’à ». Posant son regard plus loin elle balança son bras dans une direction « pff, au moins tout ça. »

Mais comme elle l’avait dit, elle n’était pas une mauvaise joueuse. Ses paroles ne sonnaient pas comme une critique mais comme une mauvaise foi amusée. Il l’avait dit, il courrait depuis qu’il était en âge de tenir sur ses deux pieds, qu’est-ce qu’elle aurait pu faire contre ça, hein ? En fait, elle avait toujours su que c’était voué à l’échec, elle ne s’en rendait compte que maintenant. Et combien même, elle l’aurait compris avant d’accepter que ça n’aurait rien changé. Elle releva les yeux vers lui dans un regard à la fois suppliant et amusé.

« Mais je t’en supplie, si on doit manger une glace, pas de philosophie sur les parfums dispo où ceux que je fais parce que, je te promets que je me sens capable d’en bouffer assez pour faire une overdose sur le champ ! »

Le suicide à la glace, ça existait ça ? L’idée avait même un côté cool même si elle était bien incapable d’en arriver là. Ça va, si elle avait dû se foutre en l’air, elle l’aurait fait depuis longtemps mais, non, elle était toujours là, debout à attendre que les choses changent. D’où la partie amusée sur son visage, il ne fallait pas la prendre au sérieux.

Décidément, elle avait décidé de le faire rire tout le long ! Ou pas. Quand elle s'arrêta finalement, Ian fit demi tour et revint vers elle en souriant, les mains sur les hanches.

– C'est parce que tu ne sais pas respirer. Je t'apprendrai, si tu veux. On nous faisait faire des tours de base en chantant, sous la pluie, et au pas de course. Ca forge une expérience, je te promets. La respiration, c'est le secret de la course. Tu fais pas de yoga ?

Elle avait une tête à faire du yoga. Dans d'autres circonstances, plus "normales", il aurait pensé qu'elle faisait du Yoga. Elle avait ce corps élancé et cette finesse des traits. Son ex faisait du yoga, et toutes ses copines avaient ce trait particulier de finesse et sportif à la fois. A sa suggestion de la glace, il hocha la tête en riant.

– Promis. Allez viens...

Il posa une main sur son épaule brièvement et se remit à marcher à ses côtés. Et puis, quand il vit un banc, il lui désigna pour s'y installer. Il faisait tellement beau aujourd'hui, c'était idéal pour un footing mais aussi pour profiter du calme du parc. En journée, il était parfait. La nuit, il craignait. Allez comprendre. Ian s'installa dans un soupir sur le banc et déploya ses bras sur le dossier. Il leva le menton vers le ciel et ferma les yeux pour profiter des quelques rayons de soleil à travers les feuilles des arbres hauts.

– Tu sais... Nicky Larson, Cats Eyes, c'est plutôt ma génération que la tienne. Mais je note que tu t'identifies plus facilement à Catwoman qu'à un pédophile notoire.

Ce à quoi il rit en relevant la tête pour la regarder. Il se redressa pour serrer ses hanches entre ses doigts et lui montrer son gras.

– Je suis content que tu aies eu ce point de côté... Je crois que j'en avais un juste là en train de se former, c'était chaud, tu vois ? C'est parce qu'on s'est pas échauffés. Et parce qu'on parle, oui. Bon alors ! Choisis ! Nougatine, chocolat ou vanille ?

Ouais le fait de ne pas savoir respirer, de ne pas savoir parler en courant et, le manque d’entrainement tout court en fait. Elle n’était pas certaine d’avoir envie d’apprendre ce genre de choses, en fait. Fais carrière dans la course à pied ce n’était pas vraiment sa vocation même si elle n’en avait toujours pas. Elle souffla, ravala de l’air et secoua la tête.

« Du Yoga ? Sérieux ce truc est tellement lent que je pense que ça m’énerverait plus qu’autre chose. »

Encore plus si elle devait « obéir » aux ordres de mouvement donner par quelqu’un. Elle avait déjà parlé de  son problème avec l’autorité, parce que ça entrait complètement dans cette catégorie. Lever les bras mademoiselle ! Ouais, et là on était certain de la voir faire tout sauf lever les bras. Ça devait être pathologique. Elle se demandait quand même comment on pouvait être fier de courir comme un abruti, sous la pluie, en chantant, pour répondre à des ordres d’un supérieur. Ca la dépassait un peu.

Les mains sur les hanches, alors qu’elle reprenait sa respiration, elle picota sur elle-même en se penchant un peu pour prendre la direction du banc. Elle avait dans l’idée de s’avachir sur le banc mais le fait que les bras de Ian soit sur le bord, en prenant beaucoup de place, elle préféra s’asseoir en se penchant en avant. Les contacts, ce n’était toujours pas son truc et savoir qu’elle avait un bras qui risquait de passer trop près de ses épaules était une raison suffisante pour ne pas s’appuyer contre le dossier du banc.

« Qui est un pédophile notoire ? Nicky Larson ? »

Elle était presque choquée, ça lui apprendra à faire des références sur des trucs qu’elle ne connaissait pas vraiment. Elle se gratta la tempe un instant, pendant qu’il se relevait et qu’elle pouvait enfin s’appuyer contre le banc. Son regard se posa sur la partie qu’il lui montrait et elle ne put s’empêcher de sourire.

« Oh… un mythe qui s’écroule, je croyais que tu étais mieux que Captain América. T’as vu cette boule de graisse, jamais tu vas réussir à rentrer dans ses collants ! »

Elle avait un air faussement choquée, elle en faisait même de trop ce qui prouvait qu’elle n’était pas sérieuse dans ses propos, avant de secouer la tête dans un sourire quand il demanda le parfum qu’elle voulait.

« Fraise… »

N’importe quoi tant que ce n’était pas du chocolat, de la nougatine ou même de la vanille. En temps normal elle serait allée vers le chocolat mais là, elle n’avait pas envie de repenser à tout ce qu’il avait pu dire en mangeant une glace. Punaise, ça serait vraiment trop perturbant si ça devait se passer comme ça. Et sérieux, elle avait le droit de continuer à l’appeler papy et, en plus de choisir son parfum de glace. Elle n’était pas si perdante que ça dans cette histoire.

Mais il comptait faire cette histoire de glace maintenant ? Rien qu’à cette idée elle s’affala encore plus sur le banc, la tête rejetée en arrière, le regard fixé sur le ciel bleu qui n’offrait même pas le moindre nuage.

– C'est génial le yoga. C'est euh...

En la regardant, les mains levées, Ian réalisa ce qu'il était sur le point de dire. Les femmes, les corps des femmes en pleine concentration, en pleine méditation. Il grinça des dents et grimaça avant de secouer la tête. Non, il ne pouvait pas lui dire ça. Pourtant, il les voyait, chacune d'entre elles.

– Bref.

Il se retourna pour regarder ailleurs et se pencha en avant, pendant qu'elle parlait, profitant pour refaire ses lacets. Il sourit à sa moquerie de collants mais n'y répondit pas. Il aimait bien qu'elle le taquine, en fait. Ca lui faisait plaisir, c'était comme... si elle l'acceptait, petit à petit. Alors quand elle a confirmé ses intuitions sur le parfum qu'elle préférait, il ne se redressa pas. Il posa ses coudes sur ses genoux, en appui et tourna la tête vers elle pour la dévisager. C'était marrant. Alors qu'il lui souriait, ce n'était pas comme avant, ce n'était pas par amusement ou taquinerie. S'il souriait, c'était parce qu'elle avait un effet sur lui. Un bon effet. C'était quelque chose qu'il appréciait. Elle l'ignorait encore mais il vit sa réponse comme une sorte de lien télépathique. Si elle était une mutante pouvant lire dans ses pensées, ça l'aurait déjà fait tiquer. Mais là, c'était comme s'il avait vu juste, enfin, sur une chose à son sujet. Il l'avait là, juste à côté de lui, ses yeux marrons chocolat à vue et ses cheveux légèrement secoués par la brise du parc. Ian se rendit compte qu'il aurait voulu être le père de cette gamine. Il commençait à drôlement s'y attacher, peut-être moins comme un oncle que comme un parent plus proche. C'était très probablement une erreur de son esprit, une comptine qu'il se chantait le soir pour bien s'endormir. Mais il se laissa rêver quelques secondes. Il pouffa légèrement de rire, juste de quoi souffler par le nez.

– Je le savais.

Il lui sourit un peu plus et acquiesça avant de se lever, prenant appui sur ses genoux, non sans une grimace. Il eut un pas boitant et lui fit signe de le suivre d'un geste de la main.

– Allez viens, Miss America, je t'emmène manger une glace à la fraise. Promis, plus de métaphore ! Pour moi, ce sera une montagne de vanille avec des éclats de nougatine et un coulis de chocolat ! J'ai trop faim ! Et sinon, c'est quoi ta couleur préférée ?

Ian reprit sa marche à ses côtés en direction de la sortie du parc. Un glacier, ils en trouveraient un bien assez tôt.

Elle avait avancé un peu la tête, le regard interrogateur l’air de chercher à comprendre ce qu’il allait lui dire concernant le Yoga mais, non, rien. Elle laissa ça de côté pour le moment, sachant qu’elle trouverait le moyen d’y revenir. Pour l’instant elle avait envie de profiter un peu du ciel, quand sa tête fut basculée en arrière mais elle la releva très vite quand il annonça qu’il le savait. Hein ? De quoi il parlait ? Elle retraça la dernière chose qui avait été évoquée. Ah oui, le parfum de la glace qu’elle allait choisir. Elle n’aurait su pourquoi, peut-être à cause de ce sourire qu’il avait sur le moment mais, elle préféra taire le fait qu’elle avait balancé la fraise parce que c’était le seul parfum qui n’allait pas lui évoquer quelque chose qu’il avait dit. Elle l’aimait bien ce parfum mais ce n’était pas celui qu’elle préférait où qu’elle aurait choisi s’il n’avait pas parlé par image en se servant des parfums de glace. Alors, au lieu de rétablir ce fait, elle lui offrit un demi-sourire et se leva dans un soupir, le banc, il lui avait bien plu pourtant.

« C’est parti. »

Elle était à nouveau à côté de lui, en fait elle avait même plutôt bien récupéré. Le truc c’est qu’elle n’avait pas l’impression d’être claquée par cette petite course, elle avait encore de l’énergie à revendre, c’était juste que parler en même temps, ce n’était pas une habitude. Elle était en train de réfléchir à la question qu’il avait posée quand elle comprit qu’en fait, elle n’en savait strictement rien. Elle ne s’était même jamais réellement posé la question. Elle aurait pu donner une couleur au hasard mais, il était déjà sur un faux avis concernant la fraise alors elle n’allait peut-être pas en rajouter. D’une moue indécise, elle finit par secouer la tête.

« J’sais pas. »

Et si il trouve ça étonnant de ne pas savoir, elle allait lui rappeler que lui ne savait pas définir si une relation était finie ou pas, ce qui était pire. Donc bon… Elle prendrait le temps de réfléchir à la question quand elle serait au calme, peut-être qu’un jour elle viendrait le voir, lui balancerait une couleur, comme ça, sans préavis, sans rien, ça sera à lui de comprendre qu’elle parle de sa couleur préférée.

« C’est important de savoir ce genre de chose ? »

Ce qui était une vraie question, sans taquinerie, sans sourire. Elle n’était pas familière des relations entre les gens et du coup, elle se demandait si connaitre la couleur préféré de quelqu’un était quelque chose de réellement important. Elle y réfléchissait, se disait qu’elle ne connaissait même pas celle de Phen. Ca faisait d’elle une mauvaise amie ?

« Enfin, j’veux dire, c’est important pour toi de le savoir ? »

Parce que c’était bien là le truc, elle voulait savoir si c’était vraiment important pour lui de savoir ce genre de chose venant d’elle. Parce qu’elle ne comprenait pas ce que ça pouvait apporter de le savoir. Elle enfonça les mains dans les poches de son jogging, shoota dans un caillou qui passait par là, le regard rivé sur le sol.

A sa question, Ian haussa les épaules. Est-ce que c'était important ? Est-ce que ça l'était pour lui ?

– J'en sais trop rien.

Il la regarda en marchant tranquillement à ses côtés avant de secouer la tête.

– On parle toujours de ce genre de détails dans les relations humaines. Comme ça, c'est vraiment se connaître que savoir le parfum ou la couleur préférée d'un proche. Je connaissais même pas la couleur préférée de mon frère. Mais ça a peut-être une importance. On se dit peut-être que... Pour un anniversaire, ce genre de choses, tu vois, par exemple, un père ou un oncle ou un frère, tu vas lui offrir une cravate de sa couleur préférée. Si t'es daltonien, c'est la merde mais...

Il montra un petit marchant de glace ambulant. Finalement, un simple cornet à manger sur la pelouse du central Park... C'était pas idyllique ? En s'approchant, il sortit deux billets, commandant un cornet de fraise et un de vanille.

– C'est important pour toi de savoir si je suis avec quelqu'un ?

Il tourna la tête vers elle, renvoyant la question sincère de la même manière puis il prit les cornets, tendant le rose à Hella en remerciant le vendeur qui roulait déjà vers d'autres clients avec sa cloche. Il lui désigna un bout d'herbe d'un geste de la main en reprenant.

– Ca dit quoi si je suis avec une femme ou pas ? Ca t'inspire une stabilité ? Parce que j'aime autant te dire que mon ex, fiancée ou non, j'ai connu plus stable comme relation.

Il s'assit finalement, en appui sur un coude pour se tourner légèrement vers elle. On accordait beaucoup d'importance à des détails comme ça. Les couleurs, les formes, les films. Pourquoi ? Il n'en savait rien. Il ne s'était jamais posé la question. Il n'y réfléchit que maintenant, finalement en regardant dans le vague.

– Je pense que les gens s'attachent à ce qui est insignifiant aujourd'hui parce que c'est ce qu'on a tendance à oublier. Des choses, synonymes de valeur, de souvenir qu'on délaisse parce que c'est vieux. Mais finalement, ça fait de nous ce que nous sommes alors ce qui est insignifiant prend de l'importance ? C'est un retour aux sources, aux valeurs vraies aussi. Trop déparpillement. Dire que ta couleur préférée, c'est le bleu, c'est affirmer une opinion, finalement. T'affirmer en tant qu'être humain.

Il fronça les sourcils en tournant la tête vers elle.

– Enfin, je crois.

Elle l’avait écouté, sérieusement mais comment l’empêcher de rire un peu à la fin de sa phrase. Elle imaginait une sorte de fête familiale de fin d’année avec un gamin tout heureux d’offrir une cravate bleu à son père et que, ce dernier, étonner, lui réponde qu’il n’aimait pas la couleur, incapable de voir la vraie. Mais hormis cette dernière phrase elle était un peu rassurée de savoir qu’il ne connaissait pas la couleur préféré de son père, ça la rendait moins étrange de ne pas connaitre celle de Phen. Elle s’interrogea pour savoir si ça lui posait problème de ne pas connaitre la couleur de prédilection de son père et, contre toute attente, ouais, ça lui posait un souci. C’était vraiment bizarre.

Elle se retrouvait avec une glace dans les mains, à le remercier lui et à continuer leur route pendant qu’il posait une question. Bizarrement, elle avait besoin d’y réfléchir un peu parce qu’elle ne savait pas quoi répondre. Elle aurait tendance à dire que non, elle s’en foutait de savoir s’il avait quelqu’un ou pas mais, si c’était le cas, pourquoi elle avait posé la question ? Elle s’installa dans l’herbe, toujours en réfléchissant et en se disant qu’elle ne s’était jamais posée autant de question qui, finalement, n’avait pas une si grande importance, non ? En tailleur, dans l’herbe, elle attaquait sa glace alors que lui continuait sur sa lancé.

« J’étais en train de me demander si ça me posais un souci que tu ne connaisses pas la couleur préféré de ton frère. On m’aurait posé la question que j’aurais dit que je m’en fou mais, en fait non. » Elle fronça les sourcils pour essayer d’ordonner ses idées. « Parce que tu vois, je crois que quelque part j’essaye de trouver des points communs. C’est débile, c’est qu’une couleur. »

En fait c’était bien plus qu’une couleur, est-ce qu’ils avaient des points communs ? Est-ce qu’elle tenait un peu de lui ? Et finalement en venir au pourquoi il avait juste fait comme si elle n’avait jamais existé. Elle trouvait dingue qu’une simple couleur puisse amener à ce genre de question qu’elle n’était pas certaine d’avoir envie de poser alors, bêtement, elle haussa les épaules.

« Je connais même pas celle de Phen, alors, c’est que ça empêche pas grand-chose. »

Penser à Phen qui, lui était encore là, qui ne l’avait jamais abandonné. Pas encore, qui l’avait défendu, c’était juste plus agréable que de penser à un type qui connaissait son existence mais à quand même continué à vivre la sienne. Et puis, en y réfléchissant bien, il n’était pas question de ce père, ni même de Phen alors, elle reporta son regard sur Ian, parce que c’était bien de lui, et d’elle, dont il s’agissait, non ?

« Je sais pas si c’est important de savoir si tu as quelqu’un ou pas. J’crois que, bizarrement, je me dis que si t’avais eu quelqu’un, ta famille à toi que t’avais construire, j’aurais pu écarter l’hypothèse que ton acharnement est juste pour combler un manque quelconque de famille. »

Que le fait qu’il n’est personne donnait la possibilité que le jour où ça arriverait, cette nouvelle personne serait la priorité de sa vie et que, finalement, Hella retournerait dans son joli petit placard familiale, là où elle avait toujours été. C’est pas qu’elle voulait le remettre lui en cause, c’est juste que c’est ce qu’elle avait toujours connue et que c’était bizarre de devoir penser autrement, même en le voulant, elle n’y arrivait pas.

Ian garda les yeux sur elle tout au long de ses paroles. Il ne l'interrompit pas, il la laissa parler. Il garda même le silence quand elle parla de son frère, se contentant de baisser les yeux pour entendre la suite. Non, Ian resta de marbre. Il perdit même son sourire. Le fait qu'elle s'ouvre ainsi était peut-être un signe, une brèche qu'elle lui offrait mais il n'avait pas envie de s'y engouffrer si vite. Non, ce n'était pas du tout une bonne idée. Mangeant sa glace sans rien dire, il inspira profondément au bout d'un moment. Il se frotta le nez mais rien ne semblait sortir. Elle se trompait sur lui et il voulait lui dire, il voulait lui donner des billes, des indices sur qui il était et ce qu'elle signifiait pour lui aujourd'hui. Une implication qui ne pouvait qu'évoluer avec le temps. Mais ce n'était pas lui le coeur du sujet et il ne pouvait pas se mettre à parler de lui comme ça. En fait, la nervosité de la réflexion lui fit achever sa glace en deux-deux. Il se frotta les mains et se redressa en serrant les dents. Rien d'intelligent ne semblait vouloir sortir de sa fichue tête. Il se passa une main dans les cheveux et se gratta la nuque en rouvrant les yeux. Il devait répondre à ça et c'était sûrement une réponse qui allait compter alors il devait faire très attention à ce qu'il allait dire.

En tailleur, il posa les coudes sur les genoux et mêla ses doigts les uns aux autres. Il observa alors Hella quelques secondes en se mordant la lèvre avec un sourire. Elle devait sûrement attendre qu'il réponde et le prendre pour un taré parce qu'il semblait constipé. A le voir, c'était probablement ce que tout le monde devait penser maintenant. Il inspira en ouvrant la bouche et soupira d'un coup en haussant les sourcils et secouant la tête.

– Mon frère est un sujet... Que j'ai du mal à aborder, je te cache pas et... Un manque émotionnel, je n'en ai pas. J'ai peut-être des soucis avec certaines choses que j'ai vécues, oui mais je n'ai pas de troubles émotionnels. Si être avec quelqu'un signifie ne avoir ce manque alors j'aurais voulu que tu me vois avec elle.

Les sourcils toujours hauts, il montra un endroit imprécis de ses deux index en la fixant, elle. Ian se mordit la lèvre supérieure avant de reprendre, sentant toujours qu'il pesait ses mots, malgré son sourire.

– J'aurais voulu... Peut-être que tu sois dans ma tête à un moment ou à un autre pour que tu puisses comprendre ce que ton existence signifie à mes yeux. Ce qu'elle signifiait à mon frère et ce qu'elle représente pour mes parents. Volontairement, je ne dis pas ton père ni tes grands parents parce que tu veux la vérité ? Je vais te dire la vérité... Ce n'est pas ton père et ce ne sont pas tes grands parents. Il ne t'a pas élevée et ils n'ont rien fait pour toi. Je suis en colère, Hella. Ca ne se voit pas mais je suis très en colère. Tu veux des points commun ? Tu as son regard. Il a les yeux bleus, comme moi, mais toi, tu as son regard. Et il adorait les fraises. Mais si j'étais toi ? Je pense que je chercherais des points communs sauf qu'ils n'ont pas de sens.

Il secoua la tête et inspira profondément en levant le menton pour regarder en hauteur, autour de lui, cherchant l'inspiration.

– Il adorait le foot, il... priait tous les soirs en se couchant pour que les Cowboys aillent en playoffs, pour que les Panthers remportent le Superbowl ! Il... visait comme un pied, putain, il a failli descendre tout notre unité un jour parce qu'il sait pas tenir un fusil mitrailleur entre ses deux mains ! Il est pas foutu de porter des chaussettes de la même couleur et il ne quitte jamais sa ceinture de Cowboy. Pour l'amour du ciel, on n'est même pas Texans !

Ses dernières paroles, il les avait dites en riant, la voix haut perchée. Il sourit à Hella et haussa les épaules.

– J'ai pas dit à mes parents que je t'avais trouvée. Dernière fois qu'ils m'ont demandé, j'ai répondu que je cherchais encore. Que c'était... Difficile de trouver une gamine de 18 ans en plein New York. Parce qu'ils te méritent pas. Ou si c'est le cas, alors pas encore. Avant qu'ils puissent... Je dois te mériter. Moi. Parce que de toute cette foutue famille, c'est moi qui aie traversé ce foutu pays pour retrouver cette foutue infirmière qui se souvenait parfaitement de toi. Alors le jour où tu auras décidé que j'ai le droit d'être dans ta vie. Le tout, sans avoir besoin de courir avec un pari pour avoir le droit de t'acheter une glace sans que tu te dises que je fais ça pour t'acheter, toi... Alors à ce moment-là, on verra si eux ont le droit d'entrer dans ta vie. Pas avant.

Il secoua la tête. Il était parfaitement sérieux, c'en était presque flippant.

– On n'abandonne pas sa famille, Hella. On assume ses actes, quoiqu'il en coûte. C'est mon frère qui m'a appris ça. Tu saisis, l'ironie ? J'ai pas besoin d'une femme dans ma vie pour avoir envie de connaître ma nièce. 18 ans, c'est beaucoup de temps à rattraper, tu crois pas ? J'ai déjà perdu 3 ans à réfléchir, j'en perdrai pas plus. Tu veux d'autres points communs ? J'en ai pour toi...

Il laissa planer un léger silence et sourit, comme pour adoucir tout ce qu'il avait dit sans vraiment y avoir réfléchi avant. Il fit alors tourner son index au niveau de sa tempe.

– On est tous un peu fêlés dans la famille. Et reconnais-le... t'as un foutu grain, ma fille.

En réalité elle n’attendait pas de réponse de sa part elle avait, juste parler, laisser des mots s’échapper un peu comme ils venaient, sans réel contrôle dessus. Si ça n’avait tenue qu’à elle, à cette foutue protection dans laquelle elle s’enrobait à chaque fois que ça devenait compliquée, elle n’aurait rien dit, elle aurait pris ses petites jambes et aurait couru vite et loin de lui. Mais elle avait pris cette décision un peu folle de laisser un peu tomber cette protection de réfléchir un peu moins, de parler plus. Là, elle s’en voulait parce qu’elle ne comprenait pas sa position à lui, ce regard qu’il lui lançait comme s’il cherchait ce qu’il devait faire. Elle avait envie de lui dire, de lui hurler de ne rien faire, de ne pas entrer dans son discours. Il allait encore mettre les deux pieds dedans, se rétamer et elle allait bouillir sans raison apparente. Vraiment, elle n’avait pas voulu la moindre réponse de sa part mais, il ouvrit la bouche et elle comprit que c’était trop tard.

Baissant les yeux elle cherchait déjà le moment où il allait se planter, c’était plus fort qu’elle. Chaque fois qu’elle avait hurlé, claqué la porte c’est parce qu’il s’y était pris de travers. Elle savait qu’elle ne pouvait pas lui en vouloir mais, c’était plus fort qu’elle, ça l’a mettait hors d’elle. Hella s’acharna sur sa glace, en se disant que ça adoucirait ce qu’il dirait de travers. Sauf qu’elle avait jugé un peu trop vite, il n’était pas là avec son discours habituel, comme quoi il la voulait dans sa vie. Il parlait de son frère, de lui, de comment il avait eu envie qu’elle puisse le connaitre. Elle bloqua sur sa glace, étonnée et, sans dire le moindre mot elle était en train de lui accorder le bénéfice du doute, de prendre le risque de l’écouter. De le faire vraiment cette fois, sans même se braquer à la moindre parole.

Elle se surprit à regarder un peu mieux les yeux de Ian, de les voir vraiment pour mettre une couleur sur ceux de son père, de son géniteur, peu importe le terme en fait. La seconde d’après c’est sa glace qu’elle regardait bizarrement à l’évocation des fraises mais elle ne disait toujours rien et continuait de la manger pendant qu’il poursuivait. Elle ne connaissait pas la moitié des équipes qu’il donnait, en fait, elle n’en connaissait aucune mais elle ne pouvait s’empêcher de s’imaginer un type hurlé devant son poste de télévision un soir de foot. Elle ne voulait pas lui donner une image, ça le rendait réel, ça lui rappelait qu’il n’avait jamais été là et qu’il ne pourrait plus jamais l’être. C’était juste plus fort qu’elle.  Elle avait même rit, un peu, avec lui.

Et plus il avançait plus elle avait l’impression de rentrer dans ce genre de conversation de l’orpheline typique : Dis-moi d’où je viens. Elle s’était toujours dit qu’elle ne serait pas ce genre de gamine, pas cette adolescente-là, et qu’elle ne serait pas non plus cette adulte. La discussion était là et elle n’était même pas en train de la suivre parce que, bordel, elle avait juste envie de savoir. Et elle n’avait même plus de glace derrière laquelle se réfugier alors, elle l’écoutait encore, la main dans l’herbe à jouer avec plusieurs brin. Si ça s’éternisait, il était possible qu’elle se fasse payer pour avoir tondu à la main, toute la pelouse de Central Park. Puis elle finit par arrêter son activité, relevant les yeux vers lui et bien plus intéressée que ce qu’elle le pensait à ce point commun qu’il voulait évoquer. Elle s’était attendue à la révélation de l’année, un truc dans ce goût-là et, sa dernière phrase. Ok, elle laissa passer le rire qu’elle était incapable de retenir en baissant la tête. Dans ce rire, elle releva les mains, comme l’accusée qu’elle était.

« Ok… je plaide coupable. »

Son rire passa en sourire et son sourire trouva doucement un air un peu plus sérieux quand ses doigts se remirent à arrachés quelques brins d’herbe. Apparemment, c’était à son tour, non ? Tant pis si ce n’était pas le cas parce que, finalement, elle avait aussi des choses à dire.

« Tu sais, je ne crois pas que ce soit une histoire de père ou de grands-parents. C’est juste que, enfin je ne sais pas vraiment, mais je crois qu’on a tous besoin de savoir d’où on vient à un moment où à un autre. Peut-être que c’est juste pour se chercher des excuses genre : Ok j’ai fait ça mais, quand je vois la famille que je me traine aussi, c’est dans les gènes.. Ne pas avoir grandi dans une famille, on se fait une raison, on finit par s’y faire et arrive un jour où on se dit que ce n’était pas si important parce qu’on arrive à l’âge ou, de toute façon, on aurait fait notre propre vie. Mais, ne pas savoir d’où on vient, de qui on tient, c’est plus compliqué. »

Elle ne savait même pas comment l’expliquer avec des mots, c’était quelque chose qui se ressentait, qui se vivait, pas qui s’expliquait. Et puisqu’elle en était là…

« C’est comme, comment t’expliquer. Tout le monde, hormis cas à part, essaye de devenir quelqu’un de bien. Le plus souvent pour faire la fierté de ses parents, adolescence mise à part ça va de soi, mais quand tu ne les a pas ses parents, quand t’as pas ses repères là… En fait, c’est un putain de cercle vicieux parce que tu fais n’importe quoi, tu t’en fou personne n’est là pour te dire que ce n’est pas bien, et si y a des gens qui le font, tu t’en fous encore plus, c’est pas tes parents. Réplique lourdement usée à force de l’avoir balancé. Et plus tu fais n’importe quoi, plus tu te dis que, finalement, ce n’est pas étonnant qu’on t’es abandonné, qui voudrait d’un gamin comme ça ?! »

Parce que, évidemment, elle se sentait fautive, elle pensait que c’était de sa faute. Quand elle essayait d’y réfléchir avec logique, elle se disait que ça ne pouvait pas être le cas, qu’un gamin à la naissance n’avait rien pu faire et, combien même ce raisonnement était la logique pure, elle n’était pas capable de se l’appliquer à elle-même parce qu’elle avait besoin d’une raison et que, parce qu’elle ne les connaissait, parce qu’elle était l’objet de l’abandon, c’était forcément de sa faute à elle. Elle fit rouler ses yeux avant de reporter son regard sur Ian.

« Alors tu vois, je ne suis certaine que ce soit à toi, ou à tes parents de me mériter. » Un rire bref, léger, complètement nerveux passa sur ses lèvres. « L’inverse est bien plus justifié. »

Dans son esprit d’orpheline c’était elle le problème, elle qu’on n’avait pas voulu et donc, à elle de faire ses preuves d’être quelqu’un de bien pour mériter une famille. Sauf qu’elle ne savait pas comment faire, qu’elle avait peur de perdre toutes ses libertés, tout ce qu’elle était et, à son tour, s’abandonner elle-même pour coller à une famille. Et voilà qu’elle se mettait à hausser les épaules.

« Mais tu sais, si tu tiens vraiment à ce que je rentre dans ta tête je peux le faire. »

Un sourire sur le bord des lèvres elle n’était pas vraiment sérieuse. Elle pouvait le faire, fallait juste trouver un télépathe et lui prendre son pouvoir et, à l’institut, ce n’est pas ce qui manquait mais, franchement, elle n’en avait pas envie. Pas maintenant, pas tout de suite parce que, si Ian était sincère… Non, en fait elle ne le voulait pas parce que le jour où elle voudrait fuir, elle n’aurait aucune excuse à se fournir à elle-même parce qu’elle savait qu’elle ne pourrait plus douter de lui.

Pour une ouverture, c'était une ouverture ! Ian n'aurait jamais espéré autant de mots provenant d'une si petite bouche ! Alors il profitait de chaque mot, comprenant parfois un peu mieux le malaise qui faisait qu'elle gardait ces distances maladives entre eux. Il les avait déjà comprises, se disant que dans sa propre situation, il aurait très probablement fait de même. Mais l'entendre parler ainsi... Il eut un flash mémoire, d'un soir, au travaille, tuant le temps en discutant avec les collègue. L'un d'eux s'était disputé avec sa fille aînée, juste avant qu'il ne parte travailler et cette situation, qu'il n'avait pu éclaircir sur le moment, le travaillait et l'empêchait de se concentrer. Il avait expliqué que sa soeur avait vu le petit ami de sa fille avec une autre fille, la veille. Et elle l'avait mal pris. Une situation pouvant pourtant sembler banale ! Mais il n'avait pu le garder pour lui-même. Imaginer un instant que sa petite fille puisse souffrir à cause d'un autre homme ? Ce sentiment lui était si inacceptable qu'il en ressentait lui-même souffrance à l'intérieur de lui. Alors il avait décrit ce sentiment, celui-là même que Ian ressentait à cet instant. plus que de l'empathie, c'était comme un lien, comme une fusion. Hella n'était peut-être pas sa fille et peut-être qu'il n'avait rien partagé avec elle de toute sa vie. Mais c'était comme si la souffrance de sa nièce était également la sienne. Ce n'était pas non plus comme s'il avait pu s'identifier à elle ou se mettre dans sa tête pour la comprendre. C'était la souffrance d'Hella qui le faisait souffrir, lui. Alors à ce moment, il comprit. Il comprit que, il avait fait le bon choix. S'il avait encore eu des doutes sur la raison de sa présence ou sur le fait qu'il pourrait vraiment un jour se sentir proche d'elle ? Tout ça s'était envolé. Il était conscient qu'il faudrait bien plus qu'une glace à la fraise et un livre ouvert pour que Hella ressente la même chose. Mais peut-être que le principal dans cette histoire, c'était que lui ressente ce lien. C'était de ça dont elle avait besoin, non ? Alors il secoua la tête, ne relevant même pas sa menace amusée.

– Ce n'est pas ta faute, Hella.

Et bon sang, il connaissait l'histoire. On lui avait raconté les circonstances de la naissance de sa nièce. Comment tout ça pouvait bien être de sa faute ?

– Et mon frère ne sera pas toujours une excuse à tes actions. Je ne serai pas toujours une excuse pour tes actions, non plus. Parce que si tu étais si lâche à te trouver des excuses, alors ça se saurait et tu n'aurais pas autant de caractère que tu m'en as montré ces dernières semaines. Il n'y absolument... aucune... excuse... pour t'avoir abandonnée de la manière dont tu l'as été. Alors voilà ce que je te propose.

Inspirant profondément, il se frotta les mains avant de faire craquer ses doigts. Puis en passant une main dans ses cheveux pour les ramener en arrière, il se racla la gorge.

– Disons que j'ai envie de te mériter et que tu as envie de me mériter. Admettons que tous les deux, on puisse y voir là une sorte de... De chance, de nouvelle chance, une nouvelle vie où il n'est pas question du passé mais uniquement du futur ! De glace à la fraise et de points de côtés et pourquoi pas de collants trop serrés, ça met toujours un peu de piment dans la sauce et j'adore ce qui est très épicé, ça me rappelle que je suis bien vivant.

Il porta une main sur son torse.

– Je voudrais te confier un secret. Depuis que je suis rentré, que j'ai rencontré cette fille il y a trois ans, j'ai envie d'avoir des enfants. Une maison. Une jolie clôture blanche et un gros chien. Qu'est-ce que tu dirais si on pouvait partager ce genre de fantaisie, de rêve ? Tu aurais ta place dans mon jardin utopique... Une chambre même pour quand tu viendrais pendant les vacances parce que tu serais à la fac le reste de l'année.

Souriant, il se souvint des paroles d'Elirys. Il avait saisi une chose à propos d'Hella. Le sérieux, ça ne tenait pas longtemps chez elle. Elle semblait apprécier la franchise et l'honnêteté mais avait du mal à la gérer pour le moment. Elle était bien plus réceptive à l'humour. Depuis qu'il l'utilisait, elle était plus ouverte, plus encline à vouloir l'écouter, lui sourire, le croire. Alors il continua sur cette lancée.

– On pourrait aller voir des matchs de foot ensemble ou des concerts de... Ce gars qui se maquille bizarrement, là dont toutes les filles sont fan. Jared quelque chose. Pourquoi ne pourrait-on pas, toi et moi, chercher à mériter notre vie, une bonne fois pour toute ! Nous avons chacun visiblement connu des temps difficiles. On n'en parle pas parce que ça nous fait du mal ou simplement parce que la situation ne s'y prête pas. Il suffit juste d'oublier tout ça et je pourrais être ton repère et toi, le mien. Tu m'appellerais Papy et moi petite fille. J'aurais le droit de te montrer à tout le monde en disant "Hey les mecs, cette fille canon, là-bas, c'est ma nièce ! On fait que des bombes chez nous !" Et toi, tu pourrais éventuellement dire aux mecs pas cool que s'ils tentent quelque chose, j'ai définitivement de l'expérience dans le bottage de cul des mauvais garçons. Certains m'appellent... Le Sniper.

En prononçant le surnom, Ian baissa le menton en souriant, l'air carnassier. Techniquement, on l'appelait le tireur d'élite à cause de sa popularité auprès des femmes mais il était également un bon tireur. Cela dit, des culs, il en avait bottés, et pas des moindres. Finalement, il releva la tête et tendit sa main vers elle. Il la dévisagea un instant avec un sourire plus sérieux et conclut.

– Alors ? Vendu ? Pas de rêve entre nous. Juste une chance à ne pas manquer d'en accomplir un.

Heureusement qu’elle avait fini sa glace sinon, elle aurait été capable de s’étouffer avec quand il avait dit que ce n’était pas de sa faute. En soi, le problème n’était de le dire mais, ce que cela voulait signifier : elle avait trop parlé, pas assez réfléchie, ne s’était pas protéger. Elle savait bien tout ce qu’elle avait dit avant, elle s’en était rendu compte mais, apparemment, pas à ce point-là. Elle avait juste… Bordel, elle avait juste parlé. Ca l’avait toujours fait un peu marrer, muettement, quand on parlait de son caractère alors que… Sérieusement, si elle en avait tant que ça, elle ne serait pas paumée aujourd’hui, elle ne serait pas avec une conditionnelle sur le dos, elle serait en train de faire des putain d’étude, avec un avenir brillant et un gros doigt d’honneur à la fon pour dire : Vous voyez, j’ai jamais eu besoin de vous, j’ai su me débrouiller toute seule !

Elle releva, juste les yeux sur lui, laissant sa tête légèrement pencher en avant quand il parla d’une proposition. Allez savoir pourquoi, ça ne lui disait rien avant même d’avoir entendu la proposition en question. Vu la manière dont avait viré la conversation, elle se disait que ça allait aller dans ce sens-là et… bref, elle l’écouta mais resta septique. Elle pinça un peu les lèvres, entre deux eaux. Elle n’avait pas spécialement envie de revivre le passé, même si elle avait un tas de questions mais le futur… Pff. Elle avait toujours été incapable de se projeter où que ce soit, encore moins avec quelqu’un là-dedans. Et là, il était particulièrement flippant comme type. Hella avait plissé un peu les yeux en relevant la tête. Maison, clôture, femme, chien, chambre… FAC ?!

Toutes ses propositions, même celles faites sous le ton de l’humour étaient tellement banales, qu’elle les trouvait flippante. C’était plus fort qu’elle, elle ne savait même pas d’où ça lui venait mais… Elle ne pouvait pas alors quand elle posa un regard sur la main qu’il avait tendue, elle n’avait pas bougé les siennes et c’était mise à doucement secouer la tête en se pinçant les lèvres parce que, dans le fond, elle devait être un peu désolée de ne pas pouvoir accepter ce genre de chose.

«  Non, pas vendu. Désolée. » Elle venait de hausser les épaules, fixant un point invisible tout en réfléchissant avant de revenir sur lui et de donner plus d’explications. « Les glaces, les points de côté, je peux gérer, le reste pas vraiment. Si ça doit arriver, ça arrivera mais pas parce que j’ai dit ou promis d’au moins essayer. »

Se mettre un accord, c’était un peu trop comme promettre de tout faire pour y arriver et elle ne le voulait pas. Elle voulait garder la liberté de pouvoir fuir au moindre truc qui ne lui plait, elle voulait pouvoir le tester encore parce qu’elle estimait ne pas l’avoir fait suffisamment. Elle voulait un tas de chose mais pas s’accorder sur le fait qu’elle voulait essayer de le faire entrer dans sa vie, ou qu’elle entre dans la sienne à lui.

«  Leto. Le type qui se maquille et qui fait des concerts, c’est Jared Leto. »

Elle eut un petit sourire genre, je t’apprends la vie. Penser qu’elle n’avait retenu que ça depuis un bon moment était une fausse idée. Elle avait noté le fait qu’il avait dit ne pas avoir eu une vie facile, le fait qu’il avait rencontré une fille, son surnom, le fait qu’il pouvait botter des culs et, bien avant, elle avait aussi noté le fait qu’il avait mentionné que l’infirmière chargée de l’accouchement d’Hella se souvenait d’elle. Chose qu’elle avait mis dans un coin de sa tête parce qu’elle ne voyait pas comment on pouvait se souvenir d’une naissance en particulière surtout quand elle date de nombreuses année. Il y avait des choses qu’elle ne voulait pas aborder, d’autre où elle ne savait simplement pas comment s’y prendre. Elle ne sautait pas sur chaque phrase qu’il disait mais, n’allez pas croire qu’elle ne les gardait pas dans un coin de sa tête. Elle reprit un air un peu plus sérieux pour reprendre sur la proposition qu’il avait faite.

«  S’il ne doit pas être question du passé, il ne peut pas être question du futur non plus. Se projeter, tout ça, c’est vraiment pas mon truc. »

Pour preuve la dernière fois qu’elle avait fait un plan sur le futur, c’était un braquage de banque, censé la protéger du besoin un temps pour qu’elle se pose, construise une vie tranquillement dans un coin. Le tout s’était soldé par un jugement, une école et des heures à faire dans un commissariat. Finalement, ne pas vouloir prévoir, pour elle, c’était déjà essayer de leur donner une chance.

« Jamais vu un match de foot en vrai, parait qu’il faut le faire au moins une fois dans sa vie. » Un léger sourire sur les lèvres, elle avait fini par hausser les épaules et, oui, on pouvait presque y voir une demande, une proposition pour une prochaine fois. « Et pour le bottage de cul, je note mais je pense que, pour l’instant, il ne devrait pas y en avoir besoin. »

Ian voyait déjà le tableau. Une belle rédemption, une envie de changer de vie, une transformation à travers une nouvelle voie. Il la voyait déjà courir sur le chemin de la fac, heureuse d'une nouvelle vie qu'on lui offrirait, comme si la fac était tout ce dont une fille pouvait rêver. Il voulait qu'elle ait des petits amis, qu'elle lui présente. Ian était un égoïste. Il ne pensait qu'aux représentations qu'il voulait avoir d'elle et lui parce que... Parce qu'il voulait tout simplement être son Captain America. Il n'avait aucunement la vocation d'un héros mais il voulait être le sien. Il voulait l'être au moins pour une personne. Pour elle. Quand elle refusa alors sa proposition, il leva les mains en secouant la tête. Il l'écoutait à peine en se confondant en excuses, reculant même jusqu'à poser ses mains dans son dos, en appui sur le sol et il releva les yeux vers elle. Il était allé trop vite d'un coup. Il avait cru, avait surfé sur sa chance et s'était brûlé les ailes. Voilà ce qui arrive quand on veut quelque chose à tout prix et qu'on cesse de réfléchir en voulant aller trop vite.

Ian pouffa de rire en regardant ailleurs alors qu'elle lui apprenait le nom de ce chanteur qu'il voyait assez à la télé. Comment on pouvait oublier un nom pareil ? Pour Ian, Leto était une référence à Star Wars mais chacun son truc. Mais il pensait que ça se finirait là. Que bientôt, elle lui dirait qu'il s'est trompé et elle s'en irait. Et encore une fois, il devrait la convaincre qu'il vaut le coup. Il le ferait... Mais il avait hâte de passer au niveau supérieur, pensant avoir déjà donné ce dont il était capable et fait passer les messages qu'il voulait. Alors seulement Hella reprit. Il tourna les yeux vers elle, plus attentif que jamais. Une baffe ou une main tendue ?

Pas de futur sans passé ? C'était une réflexion bien pensée, se dit il. Il n'aurait jamais pu mieux le formuler. Il aurait voulu qu'elle ne se pose aucune question, bien entendu. Mais comment avancer quand on ne sait même pas d'où on vient, pas vrai ? Allait-elle alors enfin lui poser les questions auxquelles il ne voudrait pas répondre ? Ou avait-elle autre chose dans la tête ? La mention d'un match de foot lui donna presque du baume au coeur. C'est comme si elle avait reculé de deux pas mais qu'elle avançait d'un quand même. Il avait été trop vite mais elle ne le remballait pas. C'était ça le message ? Il sourit doucement.

– La saison ne reprend pas avant septembre. Mais je pourrais t'y emmener un peu avant pour un match de pré saison si ça te dit, oui. C'est effectivement une expérience dans sa vie. Plus le match est important, plus le jeu est prometteur, plus le symbole est fort.

Reprenant son sérieux, il soupira.

– Quant au reste, je ne suis pas sûr que savoir soit une meilleure chose mais je comprendrais que tu insistes. Peut être pas maintenant ni demain mais un jour, tu voudras savoir. Pour avancer, comme tu dis. Je pense avoir toutes les réponses aux questions que tu peux te poser, j'en sais rien, probablement. Tu sauras également que je t'ai proposé d'avancer sans chercher à savoir. Ce n'est pas une preuve de lâcheté que de refuser de savoir. C'est aussi une protection. Mais si c'est vraiment ce que tu souhaites à ce moment-là, alors je répondrai.

Pinçant les lèvres, il acquiesça doucement. Il n'avait pas très envie de lui dire comment elle était née, pourquoi, dans quelles conditions... Mais elle en aurait sûrement besoin un jour ! Alors ce jour-là... Pourquoi pas. Si elle avait besoin de lui, il serait là.

C’était tout à fait le message. Quelques semaines plutôt, elle n’aurait pas cherché à comprendre, elle aurait juste fui sans rien demander de plus. D’une certaine manière elle s’accrochait à lui donner une chance mais, à s’en donner une aussi. Les choses avançaient mais elles ne devaient pas se faire trop vite parce qu’elle n’était pas si stable que ça à ce niveau-là. Hella prenait peur facilement, elle n’y pouvait rien alors, en fait, tout c’est qu’elle voulait c’était d’y aller par étapes. Peut-être qu’ils y viendraient à cette histoire de jardin utopique mais elle se refusait d’y penser, se refusait d’y croire parce que, dans le fond, elle savait qu’elle pouvait aimer cette idée-là. Que si elle ne se faisait pas alors elle s’écroulerait sans savoir si, cette fois, elle s’en relèverait. Elle en avait marre de se relever.

« Y a des matchs de pré-saison ? » regard interrogateur à l’appui, elle n’y connaissait rien en foot mais, un sourire était sur le coin de ses lèvres parce qu’elle n’avait pas fait de proposition directe et, lui, l’avait pris comme ça. Parfaitement ce qu’il fallait. Et, finalement, ce sourire c’était sa manière à elle de lui sauter dans les bras pour le remercier, chose qu’elle ne savait pas faire. Elle hocha la tête. « Ça serait cool, oui. »

Sourire timide, finalement, parce que ça lui faisait bizarre de dire oui pour la première fois sans avoir à se poser un tas de question. Et si ça lui faisait bizarre, peut-être qu’à lui aussi, ce qui ne la rendait pas si certaine que ça de sa réponse, d’où le sourire un peu timide qui s’effaça quand Ian reprit la parole sur cette histoire de passé. Elle se mise à secouer la tête vivement un instant, l’air désolé.

« En fait, ce que je voulais surtout dire c’est que si on doit juste avancé sans se soucier du passé, je veux qu’on le fasse sans avoir à se mettre la pression sur le futur. »

Elle s’était mal exprimée, elle en était désolée. Cela dit, ce n’était pas si faux non plus, elle avait besoin de savoir d’où elle venait donc, la manière dont il avait compris ses paroles n’était pas tellement à côté de la plaque. Peut-être même qu’elle avait laissé sa phrase avec deux sens possibles parce qu’elle-même savait qu’à un moment elle aurait besoin de réponse. Elle posa son regard sur lui, une pâquerette entre les mains dont elle arrachait les pétales sans même sans rendre compte.

« Tu sais, euh » Elle baissa les yeux, un œil fermé à cause d’une petite moue qu’elle faisait pour remettre de l’ordre dans ses idées et pour savoir comment dire les choses avant de le regarder à nouveau. « J’ai un tas de questions qui vont de : d’où je viens à pourquoi on m’a laissé, en passant par : comment une infirmière peut se souvenir de ma naissance après tout ce temps. » Elle haussa les épaule, secoua la tête en se pinçant les lèvres. « J’ai pas envie de savoir, pas maintenant, ça fouterait tout en l’air. »

Raisonnement qui pouvait paraitre étrange mais qui était d’une logique imparable pour elle. Savoir maintenant, poser les questions trop tôt, ça serait forcément fermer la porte à Ian. Peut-être qu’elle l’ouvrirait à nouveau un jour, si cela venait à arriver mais, elle n’en était pas certaine. Elle n’avait qu’une seule raison à ce genre de raisonnement et aurait pu la garder pour elle mais, quelque part, elle se disait qu’en l’expliquant  Ian elle s’assurerait qu’il la laisserait venir elle-même aux questions qu’elle se posait. Elle lâcha sa petite fleur, posa les coudes sur ses genoux avant d’agiter un peu les mains comme si ça l’aidait à imager ce qu’elle voulait dire.

« Sans revenir sur le sujet, j’en veux à ceux qui m’ont conçu, j’en veux à toute cette famille qui est autour d’eux et tu en fais partit. Poser ce genre de question va apporter des réponses qui vont, très probablement, me faire fondre une durite. Je risque d’en vouloir encore plus à cette famille, je leur mettrais tous les maux de la terre sur le coin de la figure avant même d’essayer de comprendre. Alors… j’en sais rien, peut-être que j’ai envie de te donner une chance et que, dans ce cas-là, le jour où toutes ses réponses arriveront, j’aurais besoin de me raccrocher à quelque chose d’autre pour ne pas te mettre dans le même lot que toute cette famille. »

Nouvelle moue, mi-désolée, mi-interrogative. Elle n’était pas certaine qu’il puisse comprendre ce genre de raisonnement mais les choses étaient comme ça. D’une façon ou d’une autre, avec ce qu’il avait déjà pu lui dire, elle ne trouverait jamais de raison valable au fait qu’on l’ait abandonné. Ca l’énerverait forcément et s’il elle voulait lui laisser une chance à lui, alors fallait qu’elle trouve quelque chose chez lui qui en vaille le coup. Un point de côté et une glace ne suffisait pas.

– Oui, ça ressemble plus à des matchs d'entraînements que des vrais mais c'est sympa aussi.

Cette fois, son sourire s'étendit à peine, juste de quoi recevoir son "oui" comme un cadeau, sans trop rien dire. Il avait tellement peur de l'effrayer encore qu'il resta là, à la regarder, appuyé sur ses coudes dans son dos avec un genou relevé. Légèrement décalé, il la voyait parfaitement bien et il comprenait ô combien. Il n'avait jamais été dans sa situation mais il essayait de s'y mettre le plus possible. Est-ce qu'il y arrivait, c'était peut-être trop prétentieux mais il pouvait l'imaginer. Elle semblait pourtant s'ouvrir à lui, d'une certaine façon. Sans pour autant être un fort empathe, il arrivait toutefois à percevoir sa colère comme sa souffrance. Et il comprenait. Ian observa sa nièce pendant qu'elle parlait, reprenant son code gestuel en essayant d'y trouver des indices qui lui permettraient de mieux cerner encore ses pensées.

Il commençait à comprendre surtout qu'elle était en train de lui expliquer que, le jour où elle voudrait connaître son passé, elle aurait besoin de se raccrocher à quelque chose, quelqu'un. Et que ce serait lui. Elle avait juste besoin, avant, de le séparer des autres. Il songea un instant qu'il aurait pu la rencontrer par hasard, se faire anonyme pour mieux se rapprocher d'elle. Mais alors, il aurait dû lui avouer un jour et passer pour un menteur - ce qu'il n'était pas fondamentalement - alors il s'était "compromis" d'entrée quitte à remonter une pente plus raide. Au moins, une fois au sommet, il n'y aurait pas de chute possible. Ian non plus n'aimait pas trop se relever, il l'avait déjà fait assez de fois, comme ça. Il en avait fini avec tout ça, d'ailleurs.

Si elle pensait mal s'exprimer, il avait pourtant bien saisi. Il n'avait pas imaginé les choses sous cet angle mais ça l'intéressait d'autant plus. Finalement, ils recherchaient la même chose mais pas dans le même ordre. Et finalement, elle le bien, lui, mais il avait encore des preuves à faire. C'était somme toute légitime. Il resta un moment à la dévisager. Encore une fois, il cherchait quoi dire et surtout, comment le dire. Il décida d'y mettre un peu de lui-même. Jusque là, il allait beaucoup dans son sens. Pas qu'il se compromettait ou qu'il était quelqu'un d'autre pour elle. Mais il agissait en fonction d'elle. Il avait envie de lui montrer un peu qui il était, avec ou sans elle. Juste lui. Mais sans jamais la brusquer, non. Il pourrait lui montrer la photo dans son portefeuille mais ce n'était pas ce qu'elle demandait, ni ce qu'elle voulait. Ca aussi, il l'avait bien compris. Inspirant profondément, il se redressa et regarda autour d'eux avant de croiser les jambes en tailleur et de se pencher en avant. Encore une fois, il la dévisagea puis il pinça les lèvres en baissant les yeux avant de lever les mains, tendues vers elle.

Il haussa les sourcils en la regardant et lui donna un léger sourire. Il avait déjà senti que le contact physique, ce n'était pas son truc. Ian était, naturellement, plutôt tactile comme personne. Il aimait le contact avec les gens, se sentir proche d'eux.

– Donne-moi tes mains.

Ses deux mains tendues vers elle, il la fixa en attendant qu'elle se décide. Finalement, pour qu'elle lui fasse confiance, il devrait lui livrer quelque chose qui n'avait strictement rien à voir avec elle. Il fallait qu'il se désolidarise lui-même d'elle pour qu'elle puisse le considérer comme une personne extérieure à sa famille. S'il comprenait bien ce qu'elle disait, alors il avait une idée.

Elle était habituée, d’une certaine manière, à le voir agir plus franchement. Du coup, là, elle avait haussé un sourcil sans le vouloir parce qu’elle était en train de se demander si ça lui faisait vraiment plaisir, à lui, de la trainer à un match. Alors peut-être qu’elle avait dit quelque chose de travers ou alors que l’idée de voir un match « d’entrainement » n’était pas l’activité du siècle pour lui. Elle avait une moue sur le visage, réfléchissant. Est-ce qu’elle devait lui demander si ça ne l’emballait pas plus que ça, ou si quelque chose n’allait pas. Elle aurait très bien pu se contenter de son sourire qui était, à la base, une réponse suffisante pour elle mais, bin, elle avait juste l’impression que d’habitude, quand il était content, il réagissait de manière un peu plus excessive.

Finalement, elle n’avait rien dit. Elle gardait pourtant un regard interrogateur en se demandant ce qu’il voulait dire à la regarder comme ça. Ok, maintenant il était en tailleur à regarder autour de lui. Ça devait un truc qui se transmettait un peu comme le fait de bailler, Hella ne put s’empêcher de regarder autour d’elle à son tour, peut-être qu’elle y verrait la même chose que lui et qu’elle comprendrait ce qu’il était en train de faire ou de se dire. Par expérience elle trouvait que la télépathie était réellement un pouvoir de merde qui pourri la vie plus qu’autre chose mais, y a des fois, ponctuellement, où ça devait franchement bien servir. Savoir ce que les gens pensent permettait de se préparer à ce qu’ils vont dire.

Le regard d’Hella se baissa sur les mains qu’il venait de tendre, puis remonta au visage de Ian qui avait un léger sourire. Elle, pendant ce temps le regardait l’air de lui demander ce qu’il était en train de foutre. Lui donner ses mains ? Encore une fois elle le regarda, regarda ses mains, le regarda à nouveau. Elle dessina un sourire amusé sur son visage, finalement, la seule façon pour elle de prendre les choses quand ça semblait être trop sérieux.

« Wahou, tu sais pour la demande en mariage, en plus d’être bizarre c’est carrément trop tôt puis… tu n’as pas tes collants. »

Rien de sérieux dans ce qu’elle venait de dire mais, elle avait à peine fini sa phrase que déjà elle prenait une inspiration en remettant son dos droit, balança la tête de gauche à droite comme si elle était en train de se préparer pour le plus grand plongeon de sa vie. Elle avait fini par extirper l’air qu’elle avait dans les poumons en relevant les yeux vers lui..

« Ok. »

Ok… Ok… Ok… Elle passa les mains sur son jogging pour enlever toutes traces de pétales ou de glace éventuelle avant de prendre une inspiration et de tendre les mains vers lui, jusqu’à les poser dans les siennes. Punaise, elle avait vraiment l’impression d’avoir des mains minuscules à côté des siennes, sans parler du fait que le contact n’était vraiment pas son truc. Est-ce qu’il avait seulement idée de tous les efforts qu’elle faisait depuis le début de leur entrevue ? Ca ne l’empêchait pas pour autant d’être nerveuse ce qui devait forcément se sentir dans ses mains, pas vraiment à l’aise, elle essayait juste de répondre à ses demandes, surtout après avoir refusé la dernière.  Ça n’allait pas être si terrible, elle ne savait absolument pas où il voulait en venir mais, maintenant, elle n’avait plus qu’à attendre, non ?

Quand elle fit de l'humour, Ian haussa les sourcils, lui signifiant qu'il ne plaisantait pas. Qu'avait-elle à perdre ? Il n'allait pas la manger et ils ne se disputaient pas donc il n'allait pas la brutaliser non plus. Quand elle se décida enfin, il acquiesça. Il n'avait pas dit un mot et elle avait semblé se décider toute seule. C'était un changement ! Inspirant profondément, il prit ses mains dans les siennes pour les serrer entre ses doigts. Son regard dans le sien, il sourit avant de se mettre à parler. Une voix assez basse et calme, comme s'il réclamait toute son attention. Il lui caressa même les mains de ses pouces, comme si ça pouvait l'apaiser.

– Je comprends. Je ne peux pas prétendre savoir. Mais je comprends. Alors ça va très sûrement te sembler cliché, mais je vais le faire quand même et je vais te demander de bien m'écouter.

Il lâcha une de ses mains pour la plonger dans le col de son t-shirt. Doucement il en sortit une longue chaîne. Il s'agissait en fait de ses propres plaques qui firent un bruit dans le mouvement. Il les passa par dessus sa tête et les posa au creux de la main de Hella avant de lui refermer. Il avait beau sourire mais la légèreté de celui-ci signifiait qu'il en était bel et bien sérieux. Il enferma les mains de Hella dans les siennes, comme s'il lui faisait le cadeau le plus important du monde. Du moins, à ses yeux. Néanmoins, il sembla mettre du temps à l'enlever, comme s'il hésitait.

– Ce que tout le monde peut facilement prendre pour une immatriculation est avant tout une identité. Ce que tu ne sais peut-être pas, c'est que ces plaques vont par deux. L'une appartient au porteur, l'autre à son frère d'arme. C'est comme... un serment passé entre l'un et l'autre de toujours veiller sur eux. Le propriétaire de la seconde n'est pas mon frère. Ce n'est pas non plus un membre de la famille. C'est juste moi, en tant qu'individu et mon meilleur ami, le meilleur qu'on puisse jamais espérer sur cette planète. Tu te doutes que si c'est aussi précieux pour moi que ça en a l'air, c'est qu'il y a une raison. Alors voilà. Je te donne quelque chose qui est à moi. Et uniquement à moi, que je n'ai jamais... jamais enlevé de mon cou, que j'ai toujours porté, quoi qu'il arrive. J'aurais pu le transmettre à mon ex, j'aurais pu le donner à n'importe qui. Mais ça ne m'a jamais semblé justifié ou... le bon choix.

Il s'humecta les lèvres sans la quitter des yeux, ses mains tenant fermement les siennes dans le creux de ses paumes. C'était sûrement une erreur mais il ne pouvait pas s'empêcher. C'était sa façon de tout miser. De jeter l'éponge, tant pis si elle fuirait, il aurait tout donné. Du moins en ce qui le concernait.

– Je te demande de les garder, en sécurité sur toi ou chez toi ou dans un endroit de ton choix que tu seras seule à connaître. Disons que... je mise sur toi. Je te donne une part de moi, une seule, à protéger. Et je voudrais que, chaque fois que tu as un doute, chaque fois que tu te poses des questions sur qui tu es, ce que tu vaux, tu te souviennes que quoi qu'il arrive, je serai là pour toi. Même si tu en doutes pour l'instant, je n'ai que ma parole à t'offrir. Et si un jour, je te déçois, alors tu me les jètera à la figure et alors, seulement là, MOI je saurais que j'ai merdé et que je te mérite pas. Tu n'es peut-être pas ma fille. Et je ne te connais pas non plus. je ne sais rien de ce qu'est un mutant, de ce que ça signifie, représente, je n'en sais rien du tout et je ne vais pas te cacher que ça me fait flipper grave. Mais si je devais transmettre mon seul héritage à quelqu'un, je voudrais que ce soit toi. Et si ça te paraît excessif de penser ça maintenant, imagine ce dont je suis capable quand je prendrai conscience de ma chance d'avoir dans ma vie une nièce aussi forte, aussi belle et aussi sensible que toi.

Il sourit un peu plus et secoua la tête en la penchant pour la dévisager.

– Non, je ne te connais pas et c'est pour ça que je m'évertue à te rencontrer et que je n'arrêterai pas. Mais j'ai un instinct plutôt bon quand il en est des personnes et j'ai un très bon feeling te concernant. Je laisserai pas ta méfiance être un barrage pour moi, ça tu peux en être sûre. Je serai là. Quoiqu'il arrive. Tu as sûrement du mal à l'admettre maintenant, et que je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit pour que tu en prennes conscience. Mais j'aurais misé sur toi. J'ai parcouru des kilomètres, j'ai couru des dizaines de kilomètres en perdant sur mon chemin des hommes, des femmes qui comptaient sur moi et sur qui je comptais.

Doucement, il relâcha ses mains et prit du recul en reposant ses bras sur ses genoux. Il se sentait nu sans ses plaques, il ne les avait jamais quittées et il se sentait léger. C'était comme une alliance qu'on a du mal à enlever après un divorce, il faut du temps. Il faut faire un deuil et parfois, pour y arriver, il faut se séparer de tout ce qui comporte des attaches.

– Tu es tout ce qu'il me reste, aujourd'hui.

Il avait des parents. Mais comme il l'avait dit plus tôt : il était en colère. De plus, aucun des deux n'avait vécu ce que lui avait vécu alors pour Ian, il était assez seul au monde. Sauf que maintenant, il avait Hella.

Les mains dans celles de Ian, c’était horrible, elle ne pouvait plus attraper ses brins d’herbe, ne pouvait plus croiser les bras contre elle, ne pouvait plus les occuper à autres choses lui permettant de fuir autre part sans avoir à bouger de sa place. Peut-être qu’elle aurait dû faire du yoga finalement, apprendre des techniques de respirations pour gérer ce genre de moment qu’elle trouvait angoissant sans même être capable de l’expliquer. Intriguée, perplexe, flippée, elle le regarda enlever la chaine qu’il avait autour du cou sans même comprendre où il voulait en venir. Elle ne comprenait pas pourquoi ces plaques venaient de finir dans le creux de sa main, pourquoi il voulait qu’elle les ait. Elle avait déjà, quelque part, celle de son frère, c’était bien suffisant. Mais Ian parla, il expliqua et elle se sentait s’effondrer sans même bouger.

Elle avait l’impression d’avoir cessé de respirer. Là où un tas de gens aurait trouvé excessif d’avoir un tel attachement, un tel regard, sur des plaques portées autour d’un cou, elle, elle y voyait bien plus. Hella ne connaissait pas son histoire à lui et à son meilleur ami mais, elle comprenait, elle savait. Ce qui n’avait rien à voir avec une empathie quelconque, elle savait de quoi il parlait parce qu’à son cou, elle avait la même chose. Ce n’était pas des plaques, juste un pendentif, tout ce qu’on fait de plus con mais qui avait une histoire, SON histoire, qu’elle ne l’avait jamais quitté depuis qu’elle l’avait trouvé dans les mains d’Alice, que personne ne lui ferait jamais enlever parce que ça serait une trahison, oublier Alice, se perdre elle-même.

C’était horrible à quel point les mots de Ian pouvait la ramener à sa propre histoire, de voir à quel point elle était en train de comprendre ce qu’il était en train de faire. C’était flippant parce qu’elle y voyait bien plus d’impact que n’importe qui d’autre. D’un autre côté s’était rassurant parce qu’ils pouvaient se comprendre sur l’implication que pouvait avoir un objet, de la valeur qu’on pouvait lui donner et, s’ils pouvaient se comprendre sur ça, sur combien d’autres choses ils pouvaient aussi le faire ?

Ça devenait de plus en plus compliqué de le regarder, à cause des pensées qu’elle avait qui donnaient aux paroles de cet oncle plus de répercussions que ça n’aurait dues. Ses yeux lui piquaient et elle ne pourrait même pas accuser le soleil qui était derrière son dos. Quand il relâcha ses mains, elle s’empressa de les récupérer, laissant celle qui avait les plaques closes, pendant que l’autre, libre de tout objet passa sous ses yeux du revers de l’index. Trop à encaisser d’un coup, elle se sentait faible et vulnérable et, bordel, ce que ça pouvait l’énerver. Ses yeux avaient retrouvés, très vite, le chemin de l’herbe. Au moins, elle n’avait pas peur d’affronter ces quelques brins verts.

Le pire dans tout ça, c’est que si elle n’avait pas eu de collier avec une significatif, elle lui aurait balancé ses plaques à la figure en lui disant que c’était n’importe quoi, qu’il ne la connaissait même pas et que c’était stupide. Ça aurait été sa façon à elle de dire que c’était trop rapide et, elle en avait envie. Vraiment, envie. Mais elle savait ce que ça pouvait représenter et ça ne se jetais pas sans une raison valable, pas juste pour une histoire de protection. Elle se mise à sourire, à rire légèrement en secouant la tête, carrément paniquée et stressée avant de relever les yeux vers lui.

« Ça serait tellement plus simple de te dire que ce ne sont que des plaques, que ça ne peut pas avoir la moindre signification. Que tu mets bien trop de sens dans un simple objet que tous les soldats peuvent avoir. » Elle posa son regard sur sa main close qu’elle n’osait même pas ouvrir « sauf que je crois que… Non, en fait, j’en suis certaine. Je comprends ce que ça peut signifier. » Ce n’est qu’à ce moment qu’elle releva les yeux vers lui. « Tu te sens responsable de ne pas avoir pu le protéger ? »

Elle n’avait pas voulu poser cette question mais, en fait, elle avait envie de savoir si c’était normal de se sentir mal d’avoir perdu quelqu’un et de s’en sentir responsable, de se dire que, finalement, il aurait mieux fallu que ce soit eux plutôt que ces amis dont il était question. Mais elle avait à peine posé la question qu’elle secoua la tête, la regrettant. Elle n’aurait peut-être pas aimé qu’on lui pose la question. Elle tendit la main close vers lui en le regardant.

« Tu devrais la récupérer, c’est bien trop. Euh, enfin, je ne sais pas, c’est presque trop de responsabilité dans de si petites plaques. » Elle avait su garder un collier pendant des années mais, c’était le sien. Si elle devait perdre celui de Ian… Elle ne voulait même pas imaginer cette possibilité. « Elles sont importantes pour toi, tu devrais pas miser sur moi de cette façon. » le seul fait qu’il est voulu le donner était une preuve en soit qu’elle voulait bien accepter comme telle sans qu’il ne lui donne vraiment. « Tu sais si tu veux savoir des trucs sur moi… J’sais pas moi, sur ma mutation qui de toute façon n’a pas lieu d’être quand je suis qu’avec toi, sur ce que je suis… t’as pas besoin d’en arriver là. »

Il aurait pu se sentir vexé qu'elle s'écarte de lui aussi vivement. Et pourtant, il ne dit rient. Il avait dit qu'il comprenait alors il devait le lui montrer. Ce qu'il n'avait pas anticipé, c'était ce qu'il avait vu dans ses yeux. Il l'avait touchée, d'une manière ou d'une autre. Il pensait même que lui, tout seul, avait accompli un exploit, jusqu'à ce qu'elle lui pose cette question. Personnelle et sortie de nulle part, il comprenait alors qu'il avait parlé de quelque chose qu'elle connaissait et qu'elle avait sûrement dû expérimenter. A cette interrogation, il acquiesça lentement en pinçant les lèvres.

– Chaque jour que Dieu m'offre, oui.

Et des jours, il en avait gagnés. Et déjà elle tentait de lui rendre. Il soupira en en repoussant sa main, tentant de ne pas succomber à la tentation de récupérer ce bien grâce auquel il se sentait protégé et toujours proche de cet ami qu'il avait perdu et dont il déplorait encore la disparition, même des années et des années après.

– J'ai dit ce que j'avais à dire, je veux que tu les aies, est-ce que tu ne peux pas accepter une seule chose venant de moi ? Je sais ce que je fais, d'accord ?

Un peu plus et il se serait énervé s'il n'était pas de si bonne constitution. Il garda le silence quelques secondes à peine pour se reprendre. Il soupira et se frotta le front en fermant les yeux, cherchant une solution. Mais à quel problème exactement ? Alors elle lui proposa de parler, de poser ses propres questions et il releva les yeux sur elle, hésitant. Il aurait pu mais sans être un couard, il était juste... trop hésitant. Il acceptait déjà l'idée de sa nièce, chaque chose en son temps, il ne pouvait pas tout encaisser si facilement. Il y viendra, bien sûr. Mais pas aujourd'hui. Il secoua la tête.

– Je poserai mes questions quand tu poseras les tiennes. Je te l'ai dit. Chaque chose en son temps. Et ça fait déjà beaucoup pour aujourd'hui. Merci... D'ailleurs, d'avoir enfin accepté de passer un peu de temps avec l'inconnu que je suis, pour toi. Je m'efforce chaque seconde de ne pas te décevoir et j'entends bien continuer ainsi.

Et il le ferait. S'il avait vu juste, s'il avait bien compris qu'ils partageaient quelque chose qu'il n'aurait jamais souhaité partager avec quelqu'un d'aussi jeune, alors il tiendrait le coup et ça ne faisait que les rapprocher. Un rapprochement qu'il bénissait, de sûr mais il avait aussi hâte de tout rentre dans l'ordre pour elle et lui. Ian était un homme de routine. Le changement, c'était pas trop son truc. Il aimait ce qui était rangé, régulier. La guerre, dans son chaos, était régulière, c'était sa vie à l'époque, c'était sa routine, son lever et son coucher. La vie était bien différente à New York mais les changements... Il détestait ça. Il avait aussi longuement hésité parce que, égoïstement, il avait refusé de subir un nouveau changement dans sa vie. Et aujourd'hui ? Il voulait dépasser ce changement. C'était ce qui le rendait un peu plus nerveux et impatient.

Aussi étrange que ça pouvait paraitre, elle avait hoché la tête à sa réponse, ça devait la rassurer quelque part. Ce qu’elle ressentait avait quelque chose de normal si elle n’était pas la seule à le ressentir. Elle n’avait jamais pu poser la question à personne parce qu’elle n’en connaissait pas dans cette situation parce qu’elle n’en parlait pas non plus. Là, ça avait juste été une sorte de moment parfait, où elle n’avait pas besoin de parler de son histoire tout en comprenant que lui pouvait lui répondre. Mais ce fut son tour de soupirer, l’air presque de le supplier de reprendre les plaques militaires quand il repoussa sa main. Ce n’est pas qu’elle ne voulait rien accepter de lui. Une glace à la fraise pourquoi pas mais une part de sa vie. Il ne la connaissait même pas et il était là en train de miser sur elle. Et c’était angoissant parce que, en sachant ce que ça pouvait signifier pour lui, elle aurait toujours plus de mal à le rayer de sa vie. Ces plaques, ça l’empêchait de disparaitre dans la nature du jour au lendemain, en quelque sorte. Parce que, il allait de soi, qu’elle ne pouvait pas lui enlever ces plaques militaires de sa vie.

Et comme à chaque fois qu’elle se sentait obligée de faire quelque chose, elle avait tendance à partir en vrille. Alors ouais, elle soupira en le voyant se frotter le front, en l’entendant reprendre la parole pour dire ce qu’il tentait de faire. Elle bloqua sur ses derniers mots, sur le fait qu’il « s’efforçait » de faire quelque chose. Rapidement, récupérant sa main qu’elle n’avait pas ouverte, elle haussa un sourcil, sans le moindre sourire sur les lèvres.

« T’efforcer ? Ça veut dire quoi, que tu n’es pas toi-même, que tu cherches juste à paraitre le plus parfait possible pour essayer de me faire entrer dans ta vie ? » Elle le regarda en secouant la tête. « Et après, il se passe quoi quand t’as réussi, tu redeviens ce que tu es ? »

Hella avait cette faculté quand les choses étaient trop compliqué pour elle à bloquer sur un seul mot utilisé et à voir tout de la mauvaise manière. Peut-être qu’il n’était pas si patient que ça, qu’il s’efforçait de l’être pour qu’elle finisse par l’accepter et qu’après ça allait partir en vrille. Putain, elle n’avait même pas songé à vérifier s’il ce type était vraiment de sa famille. Et là, elle savait qu’elle déconnait de tout remettre en cause parce qu’il avait raison, elle avait les plaques et c’est à ça qu’elle était en train de penser à ce moment-là. Pourquoi lui donner ce genre de chose si elle n’était pas un minimum importante. Et c’est ce doute qui l’empêcha de s’emporter comme elle pouvait le faire, comme elle l’avait déjà fait.

« Voilà ce que je propose. » Elle ne criait pas mais elle avait l’air quand même énervée. « Je les garde et tu reviendras quand tu n’auras plus besoin de t’efforcer » Et là elle avait dessiné des guillemets imaginaire à ce verbe « à faire quoi que ce soit quand il s’agit de moi ! »

Mais comment elle avait fait pour ne pas s’en apercevoir. Enfin, c’était presque trop parfait la manière dont il venait tous les week-ends, les efforts qu’il déployait alors qu’elle fondait des durites pour un oui ou pour un non, personne ne pouvait résister à ce genre de chose sans jamais s’énerver. Elle aurait bien dû se rendre compte qu’il devait prendre sur lui pour paraitre « parfait », c’était évident. Elle secoua la tête dans un sourire qui montrait que c’était à elle qu’elle en voulait.

« J’aurais dû m’en douter. » La phrase avait été dite à voix haute mais elle se l’était dite pour elle-même avant de se relever « Toute façon faut que j’y aille. »

Elle n’avait pas desserré le poing, trop peur de perdre ce qui se trouvait dans sa main. Ça ne l’avait pas empêché de se relever pour tourner les talons sans demander son reste. Elle s’en voulait de vouloir croire à quelque chose qui n’était peut-être pas vrai. Elle s’en voulait encore plus de se dire que c’était trop beau mais de quand même vouloir y croire en se disant qu’il avait juste mal choisi un mot. Pour ce qui était d’y aller, Hella n’avait aucune montre, ils étaient dans central parc sans horloge en vue alors, à moins de savoir lire l’heure dans le soleil – ce qui n’était pas le cas – elle venait juste de prendre ça comme excuses pour commencer à partir.

Qu'avait-il bien pu dire pour que tout change ainsi tout à coup sans qu'il en ait un seul contrôle ? Ian fronça les sourcils quand Hella répéta son mot. S'efforcer oui mais... Il secoua la tête, n'en croyant pas ses oreilles.

– Quoi ? Non ! Je ne joue pas un rôle, enfin, c'est ridicule !

Indigné, il plissa le front et secoua franchement la tête.

– Mais je SUIS comme je suis !

Il leva une main qui vint ensuite se poser près de son nez en regardant ailleurs. Voilà qu'elle lui faisait dire ce qu'il ne pensait même pas. Il avait à nouveau marché sur une brindille et la voilà qui fuyait encore. Il devenait fou. Il crispa les yeux un instant pour essayer de ne pas craquer et de ne pas se mettre à hurler. Ce n'était plus de la patience, c'était l'impatience et l'échec qui le rendaient à ce point agacé. Ce n'était même pas Hella. Il était tout aussi furieux contre lui-même de ne pas être capable de lui parler normalement. Il en voulait trop et trop vite.

Il la regarda se lever et soupira en basculant la tête en arrière. Plus que furieux contre lui-même, il avait l'impression d'avoir raté un test. Et il n'avait même pas fait exprès. Pourtant, il ne voyait pas ses plaques lui revenir en pleine figure.

– Hella ! Efforcer ne veut pas dire forcer !

Pourtant, il ne chercha pas à la suivre. Il se laissa tomber en arrière dans l'herbe et porta ses mains à son visage en soupirant. Il venait de gravir des barreaux d'échelle et d'en rater une pour retomber directement en bas, sur le cul. Elle grogna de toute ses forces, son cri étouffé entre ses mains. Il s'en voulait férocement et il allait devoir recommencer à zéro. Mais il ne savait pas du tout ce qu'il trouverait pour le dimanche suivant. Les matchs de pré-saison ne démarraient pas avant le mois d'août. Dans ce cas, il apporterait lui-même un match à elle. Il ne voyait que ça à l'heure actuelle.

Il se redressa finalement mais Hella avait déjà disparu. Il se frotta le front et souffla avant de se lever, tout penaud. Il avait échoué mais n'avait toujours pas dit son dernier mot. Le dimanche suivant, il était à nouveau là, devant sa porte, à frapper, un ballon de football entre les mains et une casquette des Giants de New York enfoncée sur sa tête. Et cette fois... Il allait jouer selon ses règles.

Une semaine… Elle avait suivi ses cours, fait ses heures, elle avait même rappelé son psy parce qu’il lui avait demandé de le faire quand elle aurait des réponses à ses questions. Elle n’en avait toujours pas, elle n’y avait pas réfléchie mais elle avait profité de le voir pour faire les 100 pas dans son bureau, en levant les bras, en soufflant, en hurlant contre ce type qui venait de revenir dans sa vie et qui était capable de l’énerver en moins de deux secondes sans que ce soit légitime. Elle avait fini par s’écrouler sur un canapé à lui demander ce qu’elle devait faire. Foutu psy, il n’avait pas voulu de donner de réponse, soit disant que ce n’était pas son rôle. Il avait juste posé des questions, elle lui avait juste répondu et… Elle avait fini par se calmer.

Retour chez elle, samedi, elle appréhendait déjà la journée du lendemain. Elle avait décidé de ne pas parler à Phen cette fois, parce qu’elle devait faire les choses pour elle. C’est ce qu’on lui avait dit de faire, non ? Les plaques militaires, elle les avait gardés, dans un endroit qui n’était connue que d’elle. Elle ne savait même pas pourquoi elle faisait ce que lui disait Ian. Puis, le dimanche arriva et elle se retrouva à tourner en rond dans son petit salon. Efforcer n’était pas forcer. Bordel, elle le savait mais, elle ne savait pas, c’était plus fort qu’elle. On frappa à la porte et elle se figea se tournant vers la porte, son ongle du pouce entre les dents. Elle aurait trouvé tellement plus simple qu’il ne vienne pas, parce qu’il s’agissait forcément de lui, non ? Si Ian pouvait juste lâcher l’affaire, elle serait déçue, elle le savait mais, s’il le faisait maintenant, elle arriverait à s’en remettre.

Ce n’est pas un pas en arrière qu’elle avait fait, c’était carrément un bond de géant. Même l’autre sur sa lune en apesanteur il n’avait pas parcouru une telle distance en un seul saut.  Son ongle ne quitta pas son emplacement avant qu’elle ne soupir et qu’elle aille jusqu’à la porte. Une seconde d’hésitation, la main sur la poignée et, enfin, elle se décida à ouvrir pour tomber sur Ian – ce qui n’était pas étonnant – un ballon de foot dans les mains.

« Jamais tu t’arrêtes ? A quel moment tu comprends que c’est juste voué à l’échec ? »

Le pire c’était que c’était à elle qu’elle faisait mal en disant ce genre de parole, elle n’avait pas envie de le voir partir et en même temps elle voulait fuir tellement loin. Mais elle avait pris une décision, celle de se protéger. Elle ne voulait pas de quelqu’un qui puisse tout accepter, elle n’avait pas besoin de quelqu’un qui accepte tous ses caprices. Ce n’était pas en lui accordant tout qu’on pouvait l’aider, on ne pouvait pas la guider comme ça. N’avoir aucun repère, c’est ce qu’elle avait eu toute sa vie et, franchement, si c’était pour continuer sur cette lancée, elle pouvait continuer à se débrouiller toute seule.

« Des glaces, des points de côté du… » Elle désigna le ballon « Du football, sérieusement ce n’est pas ce dont j’ai besoin, je vivais très bien sans avant, je peux continuer à vivre sans. Hey, tu sais quoi champion, attrape. » Et elle en profita pour lui balancer des plaques militaires, espérant quand même qu’il les rattrape ne serait-ce que par réflexe. « Je jette l’éponge. »

Aucun sourire n’avait parcouru ses lèvres, elle détestait l’idée de lui dire et balancer ce genre de chose, ça ne lui ferait pas plaisir, ça ne lui procurait aucune satisfaction non plus. Elle devait se protéger c’était la seule chose à laquelle elle devait penser. Et, avec tous ses sentiments contradictoires, elle n’avait même pas été capable de lui balancer ses plaques à lui, c’était celles de son frère qu’il lui avait donné la première fois. Elle ne savait pas pourquoi elle avait fait ça, c’était débile, il finirait bien par s’en rendre compte. Peut-être qu’elle avait juste besoin que la symbolique soit là. Bordel, il ne devait pas y avoir plus perdu qu’elle en ce moment… Elle avait à peine finit sa phrase, qu’elle avait déjà la main sur la porte pour la refermer. Discuter c’était dangereux et, de toute façon, elle ne pensait même pas qu’il dirait quelque chose. Comme à chaque fois, il lui laisserait piquer sa crise, reviendrait peut-être dans une semaine avec une nouvelle idée…

Et cette fois, quand elle ouvrit la porte, il ne souriait pas. Il avait même décidé d'appliquer le conseil d'Elirys : mettre des limites à Hella. Mais c'était quelque chose dont il n'avait pas le mode d'emploi. Comment pourrait-il faire ça ? Il n'était pas sévère, pas en dehors du travail, pas au-delà du terrain. Il l'était avec ses hommes, il était sur le qui vive, il l'était dans le besoin. Mais pas avec une adolescente qu'il essaye de convaincre, c'était impossible ! Quand elle ouvrit, il ne songea pas un instant en avoir la force. Faire mal à Hella, c'était se faire mal à lui-même, comment pouvait-il faire une chose pareille ! Il haussa simplement les épaules.

_ Ce sera un échec quand je dirais que ce sera un échec.

Mais cette fois, il ne partirait pas. Il ne reviendrait pas. Il était là, il planterait ses pieds et il ne bougerait plus. C'était fini. Ils avaient établi une connexion la semaine passée. Cette fois, il allait être ce qu'Elirys disait qu'elle avait besoin qu'il soit : une barrière, un garde-fou. Une protection contre elle-même. Restant sérieux, il l'écouta sans rien dire, attrapant même les plaques dans un réflexe. Il ouvrit légèrement les lèvres et regarda les noms entre ses doigts, par curiosité. Quelque chose lui disait qu'elle n'avait pas pu lui balancer les siennes. Pas avec le regard qu'elle lui avait lancé. Pas avec la question qu'elle lui avait posée. Il savait qu'elle savait la signification de tout ça et qu'elle ne laisserait pas passer la chance de savoir d'où elle vient juste pour un mot mal interprété. Doucement, il releva les yeux vers elle et décida... De prendre les choses différemment. Il acquiesça finalement.

– Tu as raison. Tu mérites mieux que le souvenir d'un homme qui a décidé, en apprenant ton existence, que tu n'avais même pas le droit de respirer. Simplement parce que ça ne faisait pas... Partie du plan.

Il rangea les plaques dans sa poche. Quelque part, il fut rassuré et son coeur mit du temps à ralentir dans sa poitrine. Ce n'étaient pas ses plaques à lui. Elle ne lui jetait pas. Si vraiment elle ne voulait plus de lui, alors c'est ce qu'elle aurait fait. Mais elle avait rejeté son père. Pas lui. Il n'avait toujours pas eu un mot plus haut que l'autre mais pour la première fois : il ne souriait pas. Pas du tout.

– Tu as raison de jeter l'éponge sur lui. Il est mort, il n'a jamais un instant songé à te retrouver parce que tu n'as jamais eu une quelconque importance pour lui. Tu étais un accident, une erreur et lui, comme ta mère, a préféré te voir loin, très loin, histoire de ne pas gâcher le paysage parce qu'à 17 ans, on pense à bien d'autres choses qu'assumer ses actes.

Du ballon, il lui désigna le couloir.

– Tu vas venir avec moi parce qu'ici, c'est chez toi, que tu peux te planquer à tout moment et que j'en ai marre que tu te planques. Que ça suffit, que tu as 18 ans et toute ta vie devant toi donc je voudrais que tu la prennes en main, que tu te venges de tes parents en leur disant "Vous voyez, c'est bien fait pour votre gueule, j'ai réussi, vous êtes morts." Pas que je crois qu'elle soit morte mais elle a disparu de la circulation et j'ai la flemme de chercher. Tu vas faire la nique à ce gouvernement de merde qui tente de t'enfermer dans un rôle de délinquante - que tu n'es pas - et je vais t'apprendre à te défendre, à apprécier des petites choses de tous les jours et que tu le veuilles ou non, je suis ton oncle. Et bien que tu sois émancipée, ça m'est égal. J'ai aussi un droit sur toi, j'ai le droit de te vouloir, j'ai le droit de te chercher.

Sa respiration soulevait son torse régulièrement et profondément avant qu'il inspire pour reprendre, l'air toujours franc et direct.

– Si tu voulais pas de moi, tu m'aurais jeté mes plaques. Si tu ne voulais pas de moi, il n'ouvrirais pas cette putain de porte le dimanche parce que tu SAIS que c'est moi qui frappe. Si tu ne voulais pas de moi, tu me l'aurais déjà dit. Ce que tu n'as pas fait. Alors je t'attends en bas dans 5min. Tu mets tes chaussures, tu prends un pull parce qu'il fait pas très beau et si tu n'es pas en bas dans les 5 minutes, je remonte, je défonce ta porte et je t'attrape par la queue de cheval pour te faire descendre moi-même. Ok ?

Faisant appel au même réflexe qu'elle demandait plus tôt, Ian lui envoya le ballon pour qu'elle l'attrape. Il haussa les sourcils et acquiesça avant de tourner les talons.

– Dis-toi que je m'efforce de rester moi-même !

Il lui montra l'intérieur de son appartement, les sourcils hauts alors qu'il se dirigeait vers les escaliers pour redescendre.

Hella avait bloqué sa respiration en le voyant rapidement posé son regard sur les plaques, elle avait misé sur le fait qu’il les regarderait plus tard, qu’elle avait le temps de fermer la porte et de s’enfermer pour un bon moment. Et elle allait fermer cette porte quand il prit la parole. C’est sur ça qu’elle bloqua sur cette prise de parole qui n’avait jamais eu lieu d’être. En général, elle fermait la porte, il acceptait et c’était fini… Jusqu’à une prochaine fois. Ok, là elle était en train d’halluciner parce que, ça, ça ne faisait pas partie du plan. Il n’était pas censé dire quelque chose.

Les plaques, son père. Est-ce que c’était vraiment après ça qu’elle jetait l’éponge et pourquoi elle restait comme une débile sur le palier de sa porte à l’écouter ?! Il n’y avait pas l’ombre d’un sourire sur Ian, même pas dans le regard, il ne criait pas mais c’était sûrement plus efficace. Abandonnée parce qu’elle était une erreur… le truc c’est qu’elle s’en foutait parce que là, il n’était pas questions des personnes qui l’avait mise au monde, il était question de lui et d’elle. De lui qui ne lui demandait pas son avis, de lui qui en avait marre, de lui et de ce qu’il voulait faire parce qu’elle était sa nièce.

Le problème venait du fait qu’il lui balançait ce qu’elle n’avait pas fait, en choisissant volontairement de ne pas lui envoyer ses plaques à lui. Qu’il avait raison sur toute la ligne sur la façon dont elle ouvrait cette putain de porte chaque semaine et ça l’énervait parce qu’il commençait à la comprendre et que ce n’était pas ce qu’elle avait voulu aujourd’hui. Ce n’était pas le plan. Elle avait attrapé le ballon avant de le laisser retomber au sol, près de l’entrée. Elle était juste restée sur le cul – façon de parler – pendant tout ce discours auquel elle ne s’attendait pas alors quand il commença à se diriger vers l’escalier, elle passa la tête en dehors de son appartement.

« Je te préviens si tu défonces ma porte, je te casse les dents à coup de poêle ! »

Elle avait hurlé avant de claquer la porte de son appartement, une envie furieuse de hurler se fit ressentir mais elle fit ça de manière muette. Réaction typique de l’adolescente qui n’avait pas envie d’entendre ce qu’on venait de lui dire et qui s’enferme dans sa chambre en claquant la porte. Sauf que là, c’était dans son appartement qu’elle s’enfermait. Elle ne descendrait pas, ça elle le savait. Elle avait besoin de savoir si Ian se tenait à ce qu’il disait, elle en avait vu la preuve en le voyant venir tous les week end mais, c’était une autre preuve à ajouter. Il ne pouvait pas menacer de faire quelque chose et, ne rien faire, ce n’était pas viable alors, non, elle ne descendrait pas.

Bon cela dit elle tenait à sa porte, aussi bancale soit-elle et n’avait aucune envie d’être tiré par les cheveux sur plusieurs étages. Folle mais pas maso la fille. Elle avait fini par rejoindre sa chambre, à ouvrir un placard de fringue en jetant derrière son épaules tout ce qui ne convenait pas. Tout ça pour finir dans un bordel montre mais avec un jogging, un débardeur et un pull sur les épaules. Basket aux pieds elle avait couru dans la cuisine, elle avait pris une poêle  et, finalement, c’est à sa porte qu’elle était revenue. Elle allait l’ouvrir quand elle se décida, avant, de virer sa queue de cheval, laissant ses cheveux à l’air libre, l’élastique enfoncé dans la poche de son jogging. Là, seulement elle ouvrit la porte, restant dans l’encadrement, son arme de prédilection dans les mains. Du pied, elle sortit le ballon de football qui était resté là et elle resta à attendre… Il remonta et il n’avait même pas passé la dernière marche de l’escalier qu’elle était déjà là, les deux mains sur le manche de son arme.

« Je ne suis pas descendu, ma porte est ouverte, j’ai pas de queue de cheval et j’ai une poêle dans les mains… Maintenant on fait quoi ? »

Et elle était là, à l’attendre, dans la tenue qu’il avait demandé. Tout était d’une contradiction sans faille chez elle. Hella était une adolescente. Elle ne hurlait pas non plus, en fait. En fait c’était plutôt le contraire, elle semblait être en train de se décomposer.

« Ian, pourquoi tu fais ça, pourquoi tu ne peux pas juste me laisser tranquille, juste abandonner ? »

Les bras qu’elle avait levés pour être un minimum impressionnante avec sa poêle commençaient déjà à flancher. Quelle poisse, de toute façon, pour ce qu’elle était impressionnante !

Ian attendit. Il attendit un moment en bas, levant parfois la tête pour voir si elle passait la sienne par la fenêtre. Mais rien. Commençant doucement à perdre patience, il remonta les marches quatre à quatre. Alors quand il l'entendit, il sauta sur le sol et revint vers elle, le menton haut en soupirant. Elle ne lui faisait pas peur, il n'avait pas peur d'elle.

– Et ta poele, je te la fracasse sur la tête si tu commences à trop me gonfler, vu ?

Il soupira une fois face à elle et quand elle leva son arme, il lui attrapa sans même réfléchir, excédé ou presque. Il se rapprocha d'elle et se pencha pour jeter l'arme à l'intérieur de l'appartement, visant le canapé. Il avait envie de crier, de hurler, parce qu'il en avait marre. Il voulait être entendu mais rien ne marchait. il commençait à fatiguer mais il avait toujours foi. Il n'abandonnerait pas.

– Parce que.

Il haussa un sourcil en se redressant pour la dévisager. Il ne souriait pas plus. Il avait tout essayé et rien n'y faisait. Il était temps de tester une autre méthode. Il la détestait mais s'il le fallait... Il inspira profondément et ouvrit légèrement les mains.

– Ok, tu veux te venger ? Tu veux t'énerver, tu veux faire mal à quelqu'un ? Alors vas-y ! Frappe-moi et sans utiliser d'armes, fais-le par toi-même. Tu veux me rejeter, commence par le faire sans te planquer derrière tes excuses. C'est tout ce que tu sais faire, trouver des excuses pour me tester, essayer de me faire fuir. Depuis le temps, tu vois pas que ça marche pas ? Ca va durer combien de temps encore ? Faut que je crie ? Faut que je m'énerve ? Je dois faire quoi maintenant ? Faut qu'on se batte ? T'as tué un homme un jour pour te défendre, j'en ai tué des centaines sur plusieurs années parce que c'étaient les ordres. Qui crois-tu va gagner à la fin de la journée ? Hein ? Tu me fais pas peur. Alors me force pas à te faire peur.

Il détestait cette technique. C'était celle de l'intimidation et il la trouvait déloyale. Elle n'avait pas lieu d'être, elle était mesquine, et déplacée. Mais il avait foi en Elirys, sur ce coup-là. Alors même s'il serrait les dents, il tiendrait bon. Il tiendrait bon pour elle, pour lui, et pour eux.

– Tu veux VRAIMENT me poser en échec ? Alors rends-les moi. Allez ! Montre-moi que t'en as dans le débardeur si t'es si forte, si grande et si capable. J'attends.

C'était risqué. Hautement risqué. Plus que risqué. Son torse se bombait sous sa respiration, il savait qu'il jouait gros et ses dents jouaient dans sa mâchoire, il n'était pas tranquille. Il n'était pas mauvais au poker mais il faisait surtout confiance à son instinct. Elle ne pourrait pas le virer. Non, il la tenait au bout d'un fil, très mince, très fragile mais il gardait foi. C'était ce qui l'avait guidé jusque là, près d'elle et ce qui l'avait conduit jusqu'à Central Park. Elle ne pouvait pas l'abandonner maintenant.

– Je te dirai tout. Tout ce que tu veux. Mais pas tant qu'on sera sur TON terrain.

Et elle n'avait jamais touché le sien, de terrain.

Il allait vraiment faire ça ? Lui fracasser une poêle sur le coin de la figure ? Hey, c’était son idée à elle, il ne pouvait pas et… Merde la poêle venait de lui échapper des mains, elle avait laissé échapper une exclamation en relevant un regard interdit sur lui. Là, elle se demandait ce qui était en train de se passer. Il était censé TOUT lui accorder et là, ça y est, il avait décidé d’en avoir marre ? Il y avait une série de questions, beaucoup trop en même temps pour qu’elle puisse y réfléchir. A priori elle avait envie de dire oui à tout, ou pas… Fallait qu’il lui laisse le temps de réfléchir bordel. Et pourquoi fallait toujours qu’il en revienne à ce qu’elle avait pu faire, hein ? Il devait pourtant avoir compris que c’était le sujet à ne pas aborder, non ?

« Arrête de parler de ce que j’ai fait » Et voilà, elle recommençait à hurler en agita son index devant lui. Super menaçante, hein ? « Tu ne sais même pas de quoi tu parles BORDEL ! »

Et voilà qu’il la mettait dans une impasse. Qu’elle lui rende ses plaques ? Elle se figea, se mettait à réfléchir plus vite que ce qu’elle croyait être capable. Non, elle ne voulait pas lui rendre mais, c’est ce qu’elle devait faire pour prouver tout ce qu’elle avait dit. Sauf qu’il avait bien dit, quand elle lui rendrait il comprendrait, il arrêterait. Ce n’est pas ce qu’elle voulait, enfin si mais, merde, il avait raison c’était que des excuses. Et comme, a priori, il avait l’air de tenir ce qu’il disait.

A force d’hurler, puis lui aussi avait dit quelques mots un peu plus fort que les autres, un voisins de palier avait fini par ouvrir la porte. Qu’est-ce que ce type foutait encore un peignoir à cette heure-ci, hein ? Et là, le type, avec ses sourcils froncer, voilà qu’il dévisageait Ian comme si c’était le pire des enfoirés.

« Un problème ? »

Elle aurait bien voulu dire que c’est l’énervement qui la faisait jeter un regard noir à l’homme, alors que franchement, son action pouvait être appréciée. Mais en fait, c’était la manière dont il regardait Ian qui la dérangeait. Elle pointa son doigt vers le nouvel arrivant.

« Aucun problème, y a l’air d’avoir un problème. On s’explique, c’est tout ! »

A croire que le ton quel avait employé avait suffi à décourager l’homme de sa bonne action qui leva une main dans un Ok, avant de se renfermer dans son appartement. Hella, toujours un peu sur les nerfs, beaucoup en fait reporta son attention sur Ian.

« Merde,  » Elle avait posé ses deux mains sur lui pour le pousser. Pas très probant, mais ça lui faisait du bien. « Tu fais chier ! C’est le terrain qui te pose problème ? » Elle leva les mains « Ok… »

Puis elle fit un pas en arrière, se baissa, récupéra le ballon de football et ferma la porte une fois qu’elle avait les deux pieds sur le palier. Elle lui posa le ballon entre les mains, il lui avait même semblé l’avoir fait avec force mais, face à lui, autant dire que ça ne rendait pas aussi bien que ce qu’elle avait imaginé. Finalement, peut-être qu’elle avait plein de choses à dire, elle n’en était pas certaine. Ce n’était même pas contre lui qu’elle était énervée mais contre elle-même à ne pas savoir ce qu’elle voulait, à ne pas réussir à se comprendre et à prendre des décisions sans être capable d’aller jusqu’au bout.

« Eh bin, on va sur le tien, si y a que ça !  »

– SI, je sais de quoi je parle, JUSTEMENT !

Il commençait à élever la voix et quand quelqu'un tenta de les interrompre, il désigna l'appartement d'un index pour leur signifier de rentrer, que ça les regardait pas et qu'ils s'occupent de leurs affaires. Puis il se reconcentra sur Hella qui commençait à se rebeller. Il serra les dents parce que la sentence n'était toujours pas tombée. A tel point que, quand elle le repoussa, il fit deux pas en arrière sans ciller. Il préférait qu'elle réagisse comme ça, au moins, elle s'exprimait. Mais il était toujours tendu et quand elle lui mit le ballon entre les mains, il cligna des yeux en sursautant presque. Il avait gagné. D'une certaine façon, il avait gagné. Elle ne le rejetait pas. Pour lui, c'était une victoire. Il baissa les yeux sur sa main qui tenait le ballon et il s'aperçut alors qu'il tremblait. Il serra le ballon entre ses doigts et releva la tête sur elle. Il aurait été seul, il aurait soupiré de soulagement, enfin. Il avait enfin obtenu une réaction d'elle. Une vraie, sincère, une expression qu'elle ressentait et qu'elle transmettait. Il était passé pas loin du point de non retour mais il avait réussi. Pourquoi est-ce qu'il s'évertuait, allez savoir... il désigna les escaliers du ballon, insistant.

– Et ben, avance, alors !

Il avait beau avoir eu peur qu'elle lui claque définitivement la porte au nez, il ne se laisserait pas abattre si facilement ! Et il lui montrerait, le moins possible, qu'elle avait manqué, de peu, de l'ébranler. Elle aurait presque pu gagner, sur ce coup-là ! Il n'avait pas envie de l'emmener chez lui. C'était trop loin et ça ne rimait à rien. Aussi, il resta sur Central Park. Il lui désigna le chemin sans rien dire, se contentant de lui montrer et elle de marcher.

Il n'était pas son frère, il n'était pas son père, il était son oncle et si elle avait manqué de figure d'autorité par le passé, il allait faire pour que ça change. Pourtant, son propre frère avait été un modèle pour lui, il avait suivi son chemin pendant tellement d'années. Et maintenant, il était là, à tenter de réparer ses erreurs. Il ne comprenait pas ce qui s'était passé. Même en connaissant l'histoire, il ne comprenait pas. Mais elle avait besoin de quelqu'un sur qui compter, et lui d'un lien qui lui serait personnel. Il aurait aimé avoir une fille mais sa relation avec Hella était probablement plus importante que s'il n'avait pas connu de problèmes avec une fille. Finalement, les liens qu'il créait avec elle était propres et sincères. Ce n'était pas obligatoire parce que c'était le même sang, c'était quelque chose qu'ils bâtissaient tous les deux, même si c'était difficile ! Au moins... C'était réel.

Ils passèrent le portail du parc et Ian n'avait toujours pas dit un mot. Marcher lui avait du bien, il avait arrêté de trembloter et même si elle parlait, il ne disait rien. Il était encore trop secoué d'avoir posé ses bijoux sur la table pour qu'elle les écrabouille à volonté et il n'était pas encore remis du fait qu'elle l'avait épargné.

La main dans ses cheveux, à les attacher, elle avait levé les yeux aux ciel en secouant la tête et mimant, sans prononcer le moindre mot, la phrase qu’il avait dit… Et, elle avança. Ses tremblements, elle les avait vu, elle faisait seulement comme si de rien n’était parce qu’elle ne savait pas ce que ça voulait dire, ni les conséquences que ça pouvait avoir. Elle semblait mettre une mauvaise volonté à avancer, trainant un peu des pieds mais, elle avançait et elle ne disait rien suivant les directions qu’il voulait jusqu’à ce qu’il passe l’entrée de Central Parc.

« Bonjour l’innovation »

Elle avait marmonné, même pas certaine qu’il est entendu quoique ce soit. En quoi est-ce que c’était son terrain ? Au mieux c’était un terrain neutre… Puis en fait, en y réfléchissant bien, elle ne savait pas parce qu’elle ne le connaissait pas. Elle continua d’avancer pour s’enfoncer un peu dans le parc, pour trouver un coin de pelouse qui, finalement était plutôt tranquille et, elle s’arrêta, se tourna vers lui en laissant ses bras retomber contre elle, un air presque insolent sur le visage. Ce genre de tête que peuvent vous faire les adolescents de son âge pour dire qu’ils ne sont pas contents mais, qui dans le fond, savent parfaitement que la réaction est légitime.

« Et maintenant ? On hurle en public ? » Elle regarda autour d’elle, désigna rapidement els environnement d’un mouvement des mains avant de revenir sur lui. « Tu veux que j’essaye de faire venir plus de personne ou ça ira ? »

Elle roula des yeux mais c’était plus une façon d’éviter son regard en gardant son air d’ado rebelle qu’autre chose avant de finir par soupirer tout en restant en face de lui. Il avait voulu changé de terrain, bien, c’était fait. Maintenant, peut-être qu’elle avait le droit de répondre.

« Si tu savais de quoi tu parles, tu arrêterais de me le rabâcher à chaque occasion parce que, tu vois, d’après moi, y a une putain de différence entre tuer parce que c’est des ordres, parce que c’est ton boulot ou j’en sais rien, que tuer un type parce que… Ce putain d’abruti était juste en train de tirer sur toutes les personnes qui passaient dans son champ visuel. » Elle se désigna. « JE n’ai pas été entrainé à ça ! » Elle balança les bras. « C’est comme toute ces questions sur ce que je veux de toi, c’est nul. Je ne veux pas me venger et combien même ça serait le cas tu ne serais même pas la personne que je viserais. »

Elle leva les yeux en l’air en se pinçant les lèvres et en balança les bras. Elle était chiante et elle le savait à ne pas savoir ce qu’elle voulait. Comment lui pouvait le savoir ? Enfin, elle savait très bien ce qu’elle voulait mais l’avouer c’était quelque chose qu’elle ne savait pas faire, elle ne savait pas comment si prendre. Et dire les  choses c’était la rendre consciente de ce qu’elle voulait, elle n’était pas certaine de le supporter. Elle reporta son regard vers lui, index dans sa direction.

« A quel moment tu comprends que cette situation me fait juste flipper ? Que chaque personnes qui est entré dans ma foutue vie à fini par se barrer ou par mourir. A quel moment tu te décides à prendre conscience que j’en ai ma claque de devoir me relever à chaque fois ? T’es là avec tes putains de rêve de clôture blanche, de chien dans une maison sympa alors que la seule chose que je demande c’est de rester debout. »

Et voilà que ses yeux recommençait à être brillant, elle en avait marre de toute cette situation. Il voulait savoir ce qu’il devait faire avec elle, elle commençait déjà par ce qui la bloquait, ce qui était plutôt un bon début. Il voulait qu’ils parlent, alors qu’ils parlent parce qu’elle n’avait plus vraiment le choix maintenant. Tout ça parce qu’il lui avait demandé de lui redonner ses plaques, qu’elle avait été incapable de le faire et que, maintenant, c’était une certitude pour tous les deux : elle voulait qu’il reste.

Mais Ian ne dit toujours rien. En fait, il avait viré muet. Il serrait les dents de temps en temps en se retenant de répondre. Elle le faisait flipper aussi mais il ne lui dirait pas car si elle lui demandait pourquoi, il ne saurait pas quoi répondre. Alors il la laissa s'énerver sans rien dire. Central Park était le meilleur endroit qu'il connaissait. Peut-être que chez lui aurait été mieux. Ou chez elle. Mais allez savoir pourquoi... Il avait besoin d'une porte de sortie. Ce que le parc offrait. Tous ces gens autour d'eux, c'était son garde-fou. S'il ne disait rien, il l'écoutait, ses yeux portés dans les siens. Le ballon coincé dans le bras, il l'écoutait à peine. Il entendait bien mais les mots lui glissaient dessus alors qu'il la dévisageait. Il y avait beaucoup à répondre, c'était certain. Il ne savait juste pas par quoi commencer. Par la fin, déjà.

– Je le comprendrais quand tu te décideras à me le dire.

Il cligna des yeux, imperturbable. Il n'avait pas élevé la voix, il ne s'était pas énervé et n'avait pas bougé un muscle. Il déglutit avant de reprendre. Il expira lentement avant de poser le ballon au sol en se penchant. Un genou à terre, il croisa les bras sur l'autre, plié et il releva les yeux sur elle.

– Entraîné ou non, ça ne change rien. On n'est jamais préparé pour ça. C'est juste que, comme pour tout, on finit par se dire que... Ce n'est qu'un de plus. On prend en expérience, pas en tolérance. Et je continuerai de ramener ça sur le tapis parce que je sais ce que ça fait. Et je sais que ça te hante, au plus profond de toi. Que tu te sois défendue ou que tu aies tiré de sang froid, ça n'a pas d'importance. Ca restera dans ta tête pour toujours.

Il leva l'index pour lui tapoter la gorge. Il se mordit la lèvre et acquiesça finalement avant de reprendre.

– Qu'on t'ait imposé un psy, on m'en a déjà imposé un aussi. Et j'ai jamais réussi à dire la vérité. J'ai dit ce qu'il voulait entendre. Lui et tous les autres. Mais ça ne change rien... Un psy finit simplement par signer un papier et te dire que t'es apte à reprendre du service. Mais il ne t'aidera pas à dormir, Hella. Ni à oublier. Parce que tu ne pourras jamais. C'est une partie de toi, maintenant. Tu dois simplement l'accepter pour avancer. Quand bien même tu as voulu défendre ces gens, et toi par la même occasion... tu chercheras toujours, en toi, une autre solution. Tu te diras sans arrêt "j'aurais pu faire autrement". Non, Hella... La vérité, c'est qu'il n'y a pas d'autre solution. Tu vas simplement devoir apprendre à dominer cette colère en toi mais tu ne dois jamais oublier que ce n'est pas ta faute. C'est comme ça que tu pourras rester debout. C'est comme ça, que je reste debout. Figure toi que j'en ai marre aussi de devoir me relever. Tu crois pas que dans un sens, c'est déjà ce que je fais tous les dimanches depuis tout ce temps ?

Il haussa les épaules et fit une moue avant de relever les yeux sur elle, presque défiant.

– Tu as eu besoin de te relever de moi depuis, toi ? Je t'ai déçu quelque part, j'ai... J'ai parfois été maladroit mais à part ça ? Si je suis pas parfait alors dis-moi où j'ai faux. Corrige-moi. Frappe moi s'il le faut ! Tout ce que je demande, c'est que tu t'exprimes, alors vas-y !

Et là il se releva et posa ses mains sur ses épaules pour la repousser légèrement. Oh oui, il la provoquait. C'était très clair. Les sourcils hauts, il ne se faisait même pas de soucis pour elle, il savait qu'elle répondrait.

– Tu veux être une battante ? Tu veux pas d'un avenir avec du soleil ? Mais tu veux pas non plus du chaos qui t'entoure alors tu veux quoi ? Une famille ? Pour l'instant y a que moi ! Tu veux te battre pour quelque chose ? Bah alors, t'attends quoi ? T'es une dure, je sais pas de quoi je parle, alors dis-moi !

Et il leva à nouveau les mains pour les tendre vers ses épaules et la repousser à nouveau. Si elle était maligne, elle se ferait avoir une fois. Pas deux.

C’est bon le discours « ce n’est pas ta faute, tu n’avais pas le choix » elle l’avait entendu encore et encore. Et surprise, elle avait même essayé de s’en convaincre elle-même. Sauf que c’était son doigt à elle qui avait appuyé sur la détente, sa main à elle qui tenait l’arme qu’elle avait volontaire visé sur quelqu’un. QUELQU’UN ! Alors tout ce qu’il pouvait dire elle aurait dû s’en foutre royalement parce qu’on lui avait déjà dit mais, à la vérité, il était probablement la seule personne à savoir de quoi il parlait vraiment. Parce que oui, elle avait fini par dire à un psy qu’elle savait que ce n’était pas de sa faute en sachant que c’était faux et… bordel, pourquoi il se sentait obligé de se mettre au sol, hein ?

Elle avait ouvert la bouche, lever les bras, retrouva sa position initiale quand il parla de lui. Deux pas en arrière il venait de la pousser et elle pinça ses lèvres en relevant un regard un peu noir sur lui. A quoi est-ce qu’il était en train de jouer, hein ? Elle l’écoutait, elle n’avait pas envie de continuer à s’énerver, elle devait choisir ses mots arrêter de balancer des trucs sans réfléchir mais les mains de Ian revenait vers elle. C’est elle qui leva les bras pour pousser les siens et la pousser la première.

« Tu ne sais ABSOLUMENT PAS de quoi tu parles, tu ne me connais pas. »

Elle le regardait droit dans les yeux, tant pis si elle devait lever la tête comme une malade pour ça, tant pis si il était bien plus imposant qu’elle. Il ne lui faisait pas peur.

« Parce que si tu savais qui j’étais, t’aurais pas passé ton temps à juste tout accepter sans rien dire. » Elle s’énervait contre lui, le poussa une nouvelle fois mais, c’est contre elle qu’elle s’énervait réellement. « T’es juste comme tous les autres à ne pas donner de limite à tout vouloir laisser passer sous prétexte que je suis la pauvre petite fille abandonnée. Comment tu crois que je vais te donner plus de crédit que les autres dans ces circonstances, hein ? »

Des gens qui ne fixaient rien, c’est bon, elle avait donné et elle avait compris que, finalement, si on acceptait tout c’est qu’on ne tenait pas vraiment à la personne, qu’on s’en foutait de la voir dériver et qu’on ne serait pas là pour la repêcher quand elle allait se mettre à échouée. Elle ne sentie même pas la larme qui venait de rouler sur sa joue, ça n’avait pas la moindre importance pour le moment. Elle ne le poussait plus vraiment mais elle ponctuait ses phrases par des coups qu’elle lui mettait sur le torse.

« J’m’en fou du nombre de personne qu’il peut y avoir mais si je veux une famille, je veux que ce soit une capable de me protéger et de m’aider pas de tout accorder sans rien dire et quitter le navire quand ça devient ingérable. »

Parc ou pas, personne ou pas, elle ne voyait plus rien de toute façon. Il l’avait énervé, il avait juste provoqué tout ça et elle n’était toujours pas capable de s’en rendre compte. Les paroles dépassaient ses pensées, peut-être que ça finirait par lui faire du bien parce qu’elle était en train d’évacuer quelque chose, petit à petit, à chaque coups qu’elle lui mettait qui, de toute façon, n’étaient pas si méchant que ça. Enfin, disons qu’ils s’estompaient au fur et à mesure. Ce n’était pas contre lui qu’elle était en colère, c’était elle et ce qu’elle voulait, lui un peu de ne pas comprendre comment s’y prendre mais, là encore, elle ne pouvait pas vraiment lui en vouloir.

– Alors dis-moi qui tu es ! Parle-moi !

Et elle l'avait repoussé. Et encore. Ian ne réagissait pas. Il se contentait de reculer d'un ou deux pas en pinçant les lèvres. Bientôt, il releva même les yeux devant lui, se contentant d'attendre. S'il avait écouté Elirys, depuis le début, rien de tout ça ne serait arrivé. Oui mais s'il avait écouté Elirys dès le début, elle l'aurait pris pour un mec autoritaire qui n'avait aucun droit sur sa vie. Maintenant, au moins, il était... Il n'avait toujours aucun droit mais au moins il avait tout essayé. Le gentil, le marrant, le sincère et le sévère. Il sembla que le dernier avait plus de succès. Mais si elle s'énervait et qu'elle le matraquait de ses petits poings, il serra les dents en regardant devant lui.

– J'ai rien dit parce que ce n'est pas dans ma nature de dire non à tout. Et que ta colère était légitime. J'ai misé sur toi avant de miser sur moi. C'est tout.

Plus elle se calmait, plus Ian leva les bras autour d'elle. A bien y réfléchir, c'était la première qu'elle le touchait. Elle le cognait au lieu de ça, mais c'était pareil pour lui. Il ferma les yeux en reculant d'un pas à nouveau sous les coups et quand il vit un homme s'approcher d'eux, il leva une main pour lui dire que tout allait bien, qu'il avait le contrôle de la situation. Sa voix était devenue toute basse, il ne parlait qu'à elle, faisant contraste avec sa voix à elle.

– Je suis désolé.

Il la serra un peu contre lui et il alla mêler une main dans ses cheveux. Il baissa la tête pour la poser sur celle de Hella et ferma les yeux en continuant de lui parler, comme pour tenter de la calmer.

– Je voulais pas te donner d'ordres, à toi. Je voulais pas te dire quoi faire, je suis qui pour savoir ce qui est mieux pour toi, pas vrai ?

La serrant un peu plus contre lui, il lui embrassa les cheveux sans s'arrêter de parler. Il l'empêchait presque de s'enfuir, la gardant dans ses bras, son visage contre le haut de sa tête. L'avantage d'être grand, c'était aussi ça. Impossible aux personnes en détresse de tomber du train !

– Ma chérie, je suis là, maintenant. Je te quitte plus. Je suis là pour toi, je te protègerai. Je te le promets, tu n'auras plus jamais à mettre ton doigt sur une gâchette. C'est fini.

Il lui embrassa à nouveau les cheveux en la berçant doucement et il garda même les yeux fermés en serrant son épaule dans sa main. Il savait qu'elle n'était pas très tactile mais cette fois, il forçait un peu. Hey, lui aussi il avait besoin d'un câlin !

La première fois qu’elle avait senti des bras l’entourer, elle avait eu un mouvement d’épaules pour se dégager, jusqu’à en arriver au stade ou elle ne savait même pas si elle avait envie de le frapper ou de le laisser faire et de lâcher prise. Ce qui, au final, donnait un mélange un peu étrange, entre des coups inutiles tellement ils étaient faibles, cette envie de se débattre contre lui, tout en le laissant faire. Sa voix, la main qu’il avait mis dans ses cheveux, c’est à ce moment qu’elle décida de lâcher prise et, finalement, elle était bien contente d’être caché contre lui parce qu’elle avait l’impression qu’il ne pouvait pas remarquer ses larmes… Ok, elle n’avait pas pensé à ses épaules qui étaient remuées, de temps en temps, par de très légers soubresauts.

L’échange était étrange pour elle parce que, finalement, c’était la première fois que ça lui arrivait, elle ne savait même pas ce que ça faisait, ni ce qu’elle devait faire. Et puis, merde, elle n’avait plus envie de se poser de questions, ni de savoir ce qu’elle devait faire ou pas, elle le laissa faire, c’est tout. C’était nouveau mais là, aussi bizarre que ça pouvait lui paraitre, elle avait juste l’impression d’être protéger du monde. A la base elle s’était juste dit que c’était une bonne cachette pour chialer dans son coin mais, plus ça allait, plus elle se calmait alors elle était bien forcé d’admettre qu’il y avait autre chose qu’une simple planque, non ?

Ma chérie ? Fiouuu, comment elle aurait bondi en temps normal mais, là, ça avait quelque chose de différent. En fait, c’est elle qui voyait tout de manière différente, ses barrières en moins. Le temps se stoppa sans qu’elle ne sache combien de temps, les avants bras qu’elle avait quand même gardés entre lui et elle, comme ultime protection, bougèrent et, doucement elle recula son dos, ses mains restant contre lui. Non, en fait, une de ses mains venaient d’effacer partiellement toutes les traces d’un flot de larmes qu’elle trouvait débile et nécessaire à la fois.

« C’est moi, j’suis désolée. » Elle n’avait toujours pas relevé les yeux vers lui. « Je ne sais pas comment gérer ce genre de chose, les relations entre les gens tu vois, euh… quand je ne sais pas, je hurle, reflexe d’auto défense, un truc comme ça. »

Elle recula d’un pas, ses mains qui été resté contre lui, le quittant, son pas pour se dégager de ses bras à lui et lui permettre de relever les yeux vers lui. Tout était bizarre avec lui, à commencer par cette envie qu’elle avait, elle, de vouloir le croire et de vouloir s’accrocher à lui juste parce qu’il avait débarqué dans sa vie en disant être de sa famille. Enfin, il n’y avait pas que ça, c’était sa façon de faire en général.

« Je ne te demande pas de me dire non à tout mais. » elle haussa les épaules sans vraiment trop savoir. « Ne laisse pas tout passer non plus, je ne sais pas, ça me fait flipper parce que je me dis que c’est le premier pas avant de baisser les bras. J’ai l’impression que, quelque part, si on laisse tout passer c’est juste qu’on ne sait pas comment s’y prendre et qu’on baisse les bras. »

Elle était réellement calme, pas un mot plus haut que l’autre, pas de main qui s’agite dans tous les sens, sauf pour illustrer ses propos.

« Je te demande pas d’avoir bon sur toute la ligne mais ne me laisse pas dériver, s’il te plait. »

Et franchement c’était une vraie demande. Ok il l’avait provoqué, ok il l’avait mise au pied du mur et oui il avait élevé la voix sur quelques mots mais c’est ce dont elle l’avait besoin. Parce que, c’était peut-être tordu mais, au moins, ça prouvait qu’il tenait un peu à elle, qu’il se rendait compte de certaine chose et qu’il ne la laissait pas faire et, ça avait quelque chose de sécuritaire. Elle se mise à sourire en remuant doucement la tête.

« Et sérieux, ça » elle essaya de miner le câlin. « Ca, c’était vraiment super bizarre comme expérience. »

Bon elle ne lui disait pas de ne plus recommencer mais, pas tout le temps parce que fallait vraiment qu’elle encaisse certaine chose dans cette nouvelle perspective et qu’il y avait des choses qui n’étaient pas encore faite pour elle.

Ian avait envie de la garder contre lui, pourtant, il la laissa s'écarter et baissa les yeux sur elle pour la regarder. Il l'écouta à nouveau en se retenant de la toucher. Elle n'aimait pas trop ça alors il respectait ce choix. Mais est-ce que c'était trop accepter ? Finalement, il lui prit les épaules entre ses mains et se baissa légèrement pour la regarder.

– J'aurais pas fait tout ce chemin pour abandonner si facilement. Si j'étais venu directement quand je l'ai appris, peut-être. Mais je voulais être sûr de ce que je faisais. Tu comprends ?

Souriant, il haussa une épaule en lâchant les siennes.

– Je voulais juste aller à ton rythme. Même s'il était lent. Ce n'est pas à moi de m'imposer mais je ne voulais pas que tu crois que je pouvais abandonner. Je te laisserai pas dériver, Hella. C'est promis. Et si tu hurles, dis-toi que je hurlerai plus fort, encore.

Et il était sincère. Il avait décidé cette vie, il avait décidé de l'avoir avec lui, il n'allait pas bousiller ça sans raison, tout de même. Maintenant qu'il était là, il le resterait. Et puis, contre toute attente, à sa dernière remarque, il pouffa de rire. Se redressant complètement, il passa son bras autour du cou de Hella pour la serrer contre lui comme un ballon de football. Il aimait bien son côté rebelle, ça lui donnait du caractère, un peu de piment. Ca la rendait plus normale, plus appréciable, plus humaine aussi. Il joua de sa tête entre ses bras jusqu'à la faire plier sur le sol pour l'asseoir. Elle voulait des barrières mais lui aussi, finalement. Il voulait la mériter et donc, réussir l'épreuve de passer outre ses barricades et ses protections. Il ne s'agissait même plus de gagner, au final.

Il s'accouda, les bras dans son dos à se laisser aller dans l'herbe puis il bougea un pied pour la bousculer à l'autre bout. Qu'est-ce qui se serait passé si Hella avait été un garçon ? Il aurait fait quoi ? Comment aurait-il réagi, finalement ? Il avait une idée mais face à une fille ? Qu'est-ce que ça aimait ? Il voulait lui demander mais à présent, il n'était plus sûr de rien.

– C'est toi, la zarbie, petite fille.

Il lui sourit, plus sincèrement cette fois. Bien, il ne la connaissait pas. Alors que devait-il faire pour ça ? Comment arriver à la connaître ? Finalement, il inspira profondément. Pas qu'il ait vraiment envie de parler mais au moins de jouer le jeu.

– Ok, donc je sais rien sur toi, tu sais rien sur moi. Ou du moins, on sait peu de choses. Tu dis quoi d'un question/réponse ? Et tu commences. Tous les coups sont permis, tu peux me demander ce que tu veux. Je suis sûr que t'as même pas le cran de poser des questions hyper personnelles. Et on a droit à un joker ! Qu'est-ce que t'en dis ? Je décide donc tu commences.

Elle hocha la tête, elle n’était pas si certaine que ça de comprendre le pourquoi du comment mais, elle comprenait l’idée. Enfin, elle le pensait. Mais elle se demandait quand d’où venait cette envie de toucher les gens tout le temps. Ces gens tactiles, pffff. Elle l’écoutait mais elle ne disait rien, ça ne demandait pas de réponse il précisait juste quelques points qui, finalement étaient plutôt encourageant. Elle avait même sourit quand il avait dit qu’il hurlerait plus fort qu’elle, affichant un regard septique mais amusé. Parce que, juste que là, elle avait surtout l’impression de hurler plus que lui et plus fort.

Un petit « Hey » s’échappa de la bouche de l’adolescente quand il l’attrapa, elle avait même remué les bras en essayant de l’empêcher de l’ennuyer gentiment. Elle laissa échapper un rire quand elle arriva sur le sol. Vous y croyez, il l’avait même poussé avec son pied ? Amusé, elle bougea sur le sol pour venir s’y allonger, en restant redresser sur les coudes, et en lui tirant la langue. A charge de revanche, elle avait tout le temps pour se venger. Il comptait rester, après tout, non ?

« Ca fait une éternité qu’on ne dit plus zarbie, papy ! »

Un hochement de tête qui valait un tirage de langue et elle écouta sa proposition. Peut-être bien qu’il la connaissait un peu en fait, à la provoquer en lui disant ce qu’elle n’était pas capable de faire. Elle lui offrit un large sourire en secouant doucement la tête, à chaque qu’il provoquait, elle répondait en faisant ce qu’il voulait au finale. Alors, ouais, peut être bien qu’il comprenait un peu comment la gérer.

« Ok, ça me va alors… »

Elle se pinça les lèvres en le dévisageant, l’air de chercher sur lui la question qu’elle pourrait lui poser. Bien sûr qu’elle acceptait le jeu, fallait bien commencer quelque part non ? Et puis, elle n’aurait su l’expliquer mais, apprendre à connaître l’autre sous la forme d’un jeu, ça donnait une autre vision et c’était… Bin, disons que c’était plutôt cool en fait.

« Cette fille que tu as rencontré avec qui tu veux une clôture blanche et tout le bordel. Dis-moi tout. »

Elle s’était remise en tailleur, parce qu’elle avait toujours été mieux dans cette position qu’allongée sur le sol.

« Comment elle s’appelle, tu l’as rencontré comment ? Elle est cool au moins ? »

Il n’avait pas précisé combien de question on pouvait poser et, puis en y réfléchissant bien, ça pouvait compter comme une seule, non ? Enfin c’était un tout qui allait ensemble. Il était peut-être temps qu’elle s’intéresse un peu à lui maintenant, à ce qu’il était, ce qu’il aimait, enfin ce genre de choses normales. Y a des fois où elle se disait qu’ils avaient peut-être fait les choses à l’envers, elle ne saurait l’expliquer mais, enfin, d’habitude on apprend à connaitre les gens avant de décider si oui ou non on les veut dans notre vie.

Avec lui, ça n’avait pas été tellement fait dans ce sens. Les choses avaient été différentes. Ce n’était pas un mal parce qu’elle ne l’aurait jamais laissé s’approcher de trop près en temps normal, la famille tout ça, c’était trop compliqué. Là, disons, qu’elle avait juste envie d’essayer. Elle tendit un bras pour attraper le ballon de football et lui envoya en direction de la figure. Elle ne doutait pas vraiment sur le fait qu’il puisse le rattraper, il y avait quoi la voir venir mais, l’envoi de ce ballon c’était un peu comme dire, allez, répond et c’est à ton tour.