Parfois, nul besoin de parler, la conscience a sa volonté propre. Fut une époque, les mutants avaient la vie dure. Finalement, c'est toujours le cas. En fait, quand j'y réfléchis avec toutes ces années de recul, je me dis que j'ai été plutôt chanceuse. J'ai vécu tant de décennies et je ne suis toujours pas épuisée de les avoir connues. Non, je m'estime bien chanceuse et heureuse d'avoir survécu à toute cette misère dans le monde. Certains pensent que je suis immortelle et que je m'ennuie. D'autres me disent bien chanceuse. De ces deux écoles de la vie, je ne sais à laquelle j'adhère réellement. Je m'ennuie et en même temps, je ne suis pas invincible. Si je guéris d'une balle dans le ventre, c'est qu'elle n'a touché aucun organe vital et que je bénéficie d'un système immunitaire à toute épreuve. Mais on aurait tort de croire que je me crois surpuissante. Non, encore moins maintenant.

Aujourd'hui, quand les mutants filent droit, cc'est qu'ils sont trop faibles pour se battre, ou tout simplement que l'avenir de leur race ne les intéresse pas. Pour certains même, c'est un signe de bon petit mouton. Je n'ai pas la prétention d'avoir quoi que ce soit à apprendre à qui que ce soit. Mais par mon expérience, je sais que tout ceci, toutes ces inventions du gouvernement... c'est que de la merde. Oups, pardon, j'ai dit un gros mot, vous pensez que ls fédéraux vont me boucler pour avoir causé un mot de trop ? Ha ! Je leur suis bien trop précieuse. Voilà qui m'arrange, en prime. Parce que j'ai envie de vivre. Je n'ai pas connu assez de décennies. Je n'ai pas vu la Muraille de Chine. Je n'ai même pas sentir mes lèvres craqueler sous le soleil du désert, encore. Non, je me suis contentée de l'hémisphère nord pendant près d'un demi siècle. Pour le suivant, je me suis dit que j'allais tenter les îles et le sable fin. Mais avant... Je dois me sortir de ce pétrin dans lequel je me suis mise...

J'ignore pourquoi tous les mutants du monde ont récupéré leurs pouvoirs malgré le sérum imposé par le gouvernement. Tous sauf moi. Merci mon organisme bizarre, je présume... Ne croyez pas que je me tenais assise sur cette chaise, au milieu de cet appartement parce que javais des états d'âme sur qui j'étais avant. J'avais usé de mes aptitudes de petite voleuse du dimanche insoupçonnée pour entrer, poser mes mains sur quelques affaires avant de croiser ls jambes sur ce siège, près de la fenêtre, à écouter les klaxons de la ville et la ville qui grouillait en contre-bas, le genre de vie que je n'aurais pas et dont je ne voulais pas. Je n'étais pas normale. J'étais une mutante. Pouvoir ou pas pouvoir, et malgré la ride au coin de mon oeil apparue l'an passé, jamais je ne pourrais prétendre à leur vie.

J'ai fait des choses dans ma vie que je regrette, d'autres que je ne regrette pas. Je suis animée par une colère que j'aimerais ne plus ressentir, et puis, il y a ces nuits où je me réveille en sursaut car on frappe à la ma porte en hurlant mon nom, qu'on va me tuer et que je vais payer pour ce que j'ai fait... Quand je me rends compte que tout ceci n'est qu'un rêve et que les seuls à savoir où j'habite sont les membres du SHIELD et ceux à qui je n'ai pas donné de fausse adresse ou de faux numéros, alors il m'est impossible de me rendormir. Au final... Tout ce qui me fait le plus peur se trouve dans cet appartement. Mais c'est également la seule chose qui me fasse me sentir suffisamment chez moi pour me sentir en confiance. Allez comprendre... Je ne prétends pas être une femme aisée à cerner. Je me demande s'il ressent la même chose que moi. Je connais son petit secret, il connaît le mien. Il peut me faire détruire et je peux le faire détruire. Il nous suffit, l'un comme l'autre, de prononcer les mots magiques...

Ce jour-là, il n'a pas eu besoin de parler et moi non plus. J'ai souvent eu envie de donner son nom, afin de pouvoir dormir la nuit en me disant que de toute façon, j'étais protégée par le SHIELD. Les jours puis les mois ont défilé, je l'ai surveillé, suivi et il ne semblait pas se cacher. Il n'a même pas semblé avoir peur de moi mais qui sait... Il a tenu sa parole silencieuse alors, j'ai décidé de tenir la mienne. Mais je crois qu'à force de vivre avec des humains... j'en deviens une, petit à petit.

Toutes ces pensées me hantaient la cervelle alors que j'attendais, dans le noir, qu'il daigne rentrer chez lui. Ce que je comptais lui dire, aucune idée. Mais quand personne ne vous reconnaît, c'est à se demander si on n'oublie pas soi-même son propre visage, le vrai, celui qu'on est réellement. Jack connaissait mon visage, il savait qui j'étais... J'espérais simplement qu'il dirait quelque chose qui me ferait revenir à moi et sortir de cette léthargie méprisable.

Croyez-le ou non mais perdue dans mes pensées, je ne l'ai pas entendu rentrer. En fait, c'est lui qui m'a surprise en allumant la lumière. En tournant la tête pour le regarder sans dire un mot, je me suis rendue compte que j'avais oublié son visage. Ce que j'avais à l'esprit n'était qu'à peine proche de la réalité. Dans mon souvenir, il était plus grand, plus jeune, moins confiant. Depuis tout ce temps, je n'avais aperçu que des silhouettes, des ombres fugaces. Mais à présent qu'il était tout près...

N'importe qui aurait pu se sentir agressé de me savoir dans leur demeure, espace vital d'une vie qu'on protège à tous les prix de nos jours. Mais pas Jack. C'était à croire qu'il m'attendait ou que rien ne le surprenait. L'une comme l'autre des hypothèses était bonne. Une fois levée, je me suis approchée de lui sans rien dire. Si les sentiments n'étaient pas son fort, la parole n'était pas le mien. Et bien que je ne sois pas chez moi, cet endroit où l'on pouvait être qui on est réellement, sans jouer, déteignait sur moi. A y songer, avoir une clé de son appartement ? Pourquoi faire ? J'avais déjà une clé puisque j'étais entrée. Pas vrai ?

J'ai tendu une main pour prendre une verre puis j'ai relevé les yeux sur lui pendant qu'il me servait. Non, de près, ce n'était pas du tout l'image de lui que j'avais figée dans mon esprit. Il avait l'air... plus adulte et plus... dangereux, finalement. Qui propose un whisky à une personne entrée par effraction qui porte sur elle une bombe pouvant vous conduire au trou sans la case départ ? Pourquoi j'étais venue, voilà une question à laquelle je ne savais même pas répondre moi-même. J'ai porté le verre à mes lèvres pour en boire une fine gorgée alors que je me tournais pour regarder autour de nous l'appartement. J'ai grimacé au liquide se frayant un chemin dans ma gorge. Ce n'était décidément pas ma tasse de thé mais j'ai repris une nouvelle gorgée. Je trouvais que mon appartement était triste et sans vie mais celui-ci était... Sans âme. C'était compréhensible pour un mutant issu de la clique de Magneto.

Je me demandais...

– Est-ce que les psy analysent tous les filles qui les intéressent avant de leur proposer un verre ?

J'ai haussé une épaule avant de me tourner vers lui. La réponse me semblait évidente mais incomplète.

– Je m'ennuyais.

C'était vrai ! Ce n'était pas la seule raison mais cela restait la principale. J'ai tenté un sourire, le genre qui sonne faux malgré mon bon entraînement. Ma réponse allait-elle passer ? J'en doute. jack n'était pas un abruti, il se doutait bien que je ne venais pas ici pour rien et à dire vrai, maintenant que j'y étais... Je me demandais moi-même ce que je faisais dans cet appartement. Alors, j'ai à nouveau haussé les épaules.

– Je me demandais comment vivait un Damné aujourd'hui.

J'ai alors repris mon étude de l'appartement, posant mes mains sur ls meubles.

– Je suis assez d'accord. Les sentiments ne servent à rien, toutes ces choses qui détruisent des vies. Ca commence par te faire sourire et puis ça te colle à la peau sans que tu puisses y faire quoi que ce soit, jusqu'à te réveiller en pleine nuit, oubliant père et mère, jusqu'à ton nom, qui tu es et pourquoi tu es là. Ton but dans la vie, tout s'efface, motorisé et orchestré par ces... Sentiments.

J'ai doucement posé le verre sur un autre meuble sans stopper ma course puis j'ai levé les yeux vers le plafond.

– C'est bien ici. Pas d'oppression, qui sait que tu vis ici ? J'imagine les femmes qui peuvent débarquer ici parce que tu auras commis l'erreur un soir de te dire "Pourquoi pas ?" pour finalement, le matin, réaliser qu'il vaut mieux qu'elle décampe de ton petit espace vital. Je fais pareil.

Je l'ai regardé un instant et j'ai cligné des yeux avant de reprendre.

_ Toi et moi on n'est pas si différents, au fond... Je me trompe ?

[3 jours d'intense recherche pour trouver LE gif qui pourrait correspondre à Mystique sans être mutante et sans être pathétique... Bah purée, j'ai ENFIN trouvé ! Allez je peux aller me coucher en paix lol]

Jack était quelqu'un assez à l'écoute. Je le savais psy mais pour le boulot. J'avais cru pendant un instant qu'il s'en prendrait à moi ou qu'il s'insurgerait de ma présence. Mais... Plus je le regardais, plus quelque chose m'intriguait. Je me suis adossée, mes mains dans mon dos appuyées contre le rebord de la fenêtre, face à lui et j'ai légèrement penchée la tête. Le sourire que j'ai esquissé sur mes lèvres à l'idée qu'une seule et unique femme - et ce n'était pas moi - ait eu l'opportunité d'entrer dans sa vie. Et cette fois, c'était un vrai sourire. Moqueur, taquin et amusé, le tout à la fois. Les gens qui m'entouraient adoraient dire que j'avais un terrible sens de l'humour. C'est parce qu'ils ne m'avaient pas connue avant. J'ai cligné des yeux mais je n'ai pas quitté Jack du regard, mon sourire s'estompant peu à peu.

J'en ai profité pour l'observer à son tour. Il semblait... vide. C'était difficile à expliquer car à côté de ça, il était disponible, il était là, il posait des questions, cherchait à comprendre, se demandant réellement, ce que je pouvais faire chez lui en ce moment. Si je le connaissais mieux, je dirais presque qu'il avait un coeur. Etrange, vous ne trouvez pas ?, pour quelqu'un qui pourrait, s'il le voulait vraiment, me livrer aux Damnés pour les avoir vendus aux Fédéraux. En fait, plus je le fixais et plus je me disais quelque chose. S'il voulait me vendre à son tour, il pouvait très aisément le faire. Après tout, les Damnés avaient dû changer de quartier général... Même si je disais que Jack était des leurs, je n'avais pas grand chose contre lui. Et pour tout vous dire... Je m'en fichais totalement, à présent. Ca faisait partie du processus de ramollissement pro-humain.

– Ce n'est pas aussi simple que ça, Jack. Je ne choisis pas. Tu penses qu'ils vont me laisser repartir à mes pénates, comme ça ? Juste... Pour bonne conduite ? Non, ces choses-là prennent du temps. Et de toute façon... J'irais où ?

J'ai à nouveau haussé les épaules. De dépit en dépit, de questions en questions, la réalité me frappait toujours en plein visage : où irais-je ? J'ai fait une moue des lèvres.

– Je suis pas trop mal payée, je bénéficie d'une protection,, j'ai un appartement duquel il serait bien irrespectueux de se plaindre, je suis la petite biche sauvage et blessée au fond d'une immense cage et ils savent en profiter, mais j'en profite bien plus qu'eux, ne t'en fais pas pour ça.

En fait, la fin de ma phrase était restée en suspend. Est-ce que Jack s'en faisait pour moi, d'une certaine manière ? Après tout, nous avions les mêmes valeurs, nous voulions tous les deux la même chose, non ? Un événement avait chamboulé nos relations "professionnelles" si j'osais dire mais pas qui nous étions réellement ni pourquoi nous avions travaillé côte à côte pendant quelques années.

_ Tu ne me mets pas dehors ?

C'était à la limite du défi. Quelles étaient les limites de Jack ?

Il m'était impossible de cerner Jack totalement. Voilà quelque chose qui me contrariait quelque peu. Je me réfléchissais ma vengeance depuis un moment, maintenant. Plusieurs années à réfléchir et non... Les balancer ne faisait pas partie de mon plan, ce n'était... Qu'un amuse-gueule dans cette guerre à laquelle j'avais commencé à participer alors que Magneto, lui-même, n'était encore qu'une vague idée impressionniste dans un service trois pièce encore emballé dans du joli papier de verre. Qui s'y touche, s'y pique. Erik avait été important pour moi et il l'était toujours. Mais alors que mon sourire ne présentait aucune ride, son cou offrait plusieurs plis. Très certainement, le jour où il fermerait les yeux... Sa cause mutante, je serais toujours parmi les plus hauts placés dans l'histoire de notre monde, vous voyez ce que je veux dire ? Jack n'était rien, ce n'était qu'un moucheron à mes yeux. Il servait une cause mais pour Magneto, c'était un sous-fifre. Du moins, aux dernières nouvelles. Mais il n'était pas question de considérer le mutant comme un moins que rien. Son absence visible d'émotion et d'expression me laissait à penser qu'il était bien plus dangereux qu'il ne voulait bien le montrer. De ça... je me méfiais. J'ai doucement penché la tête sur le côté. C'était mon tour d'être sûre de moi.

– Disons que j'ai toujours en ma possession des informations précieuses que je ne dévoile que si on me pose la question. Mensonge par omission, appelle ça comme tu veux. Ce n'est pas parce que je n'ai plus de mutation que ma vie reposait sur mes aptitudes à l'infiltration et l'investigation.

Je me suis tapotée la tempe de mon index, illustrant par là que j'en avais aussi dans la tête sinon je n'aurais probablement pas tenu aussi longtemps en vie. Puis, j'ai inspiré profondément en relevant mon menton, un sourire se dessinant lentement sur mon visage. Oh oui, je cachais encore bien des cartes dans mes gants de soie. C'était probablement ce qui m'empêchait de me transformer totalement en humaine, ce qui me repoussait.

– Ils ont tout intérêt à me protéger.

D'un coup, j'ai ouvert les mains, paumes vers le ciel et j'ai haussé les sourcils.

– Finalement, tout le monde me protège ! Je ne risque rien. Après tout tu as raison... Je peux encore détaler comme un lapin, je suis douée pour rester discrète. Ce n'est pas aisé mais pas impossible non plus. Je... me fonds dans la masse, maintenant.

Le contact avec Jack avait l'effet que j'escomptais depuis que j'avais pris la décision de me rendre dans son appartement : il me rappelait qui j'étais, réellement. Et pour moi, Mystique, tout était une menace, même avec le plus joli des sourires.

Je me suis redressée en me poussant des mains dans mon dos pour revenir vers lui. Au passage, j'ai récupéré mon verre pour en boire à nouveau une gorgée même si ce n'était pas mon breuvage préféré du tout et j'ai repris mon observation des lieux. Pas vraiment par curiosité, plutôt par occupation. Mes eux, comme mes mains, avaient un besoin irrépressible d'être toujours en action. Et je ne pouvais pas passer mon temps à le fixer. En cherchant les failles dans les murs, juste par jeu, j'ai haussé les épaules dans un léger soupir.

– Peu importent les agissements de Magneto. C'est peut-être lui qui m'a ouvert les yeux, mais ce n'est pas lui qui a fait de moi ce que je suis. Ce n'est pas non plus vraiment à lui que je dois la vie en premier lieu. Non, cet homme-là n'est plus depuis un moment maintenant. Et il me manque, c'est certain.

Mon verre au creux de mes paumes, je me suis finalement retournée vers lui après avoir fait le tour de la pièce. J'aurais pu m'asseoir mais j'avais la bougeotte.

– Parfois, je me demande quelle aurait été ma vie si j'avais décidé de prendre un autre chemin ce jour-là. Je n'échangerais ma vie pour rien au monde, cependant, je suis curieuse. J'ai probablement quelque chose approchant les trois fois ton âge à en juger par les marques aux coins de tes yeux et l'aspect de tes sourcils montrant une trop grande réflexion et il m'arrive de me demander combien il me reste encore de vies alors je me prends au jeu. J'en imagine, certaines. Sur toutes ces longues années, j'ai connu bien des carrefours, chacun avec une multitudes de chemins possibles. Pas un jour je ne regrette les voies que j'ai empruntées. Toi et moi, nous savons qu'il n'y a pas de méchant, ni de gentil, dans cette affaire. Simplement des gens avec des opinions différentes. Les méchants, ce ne sont pas nous. Ce sont ceux qui veulent faire prévaloir une idée - qui ne leur appartient pas au demeurant - au détriment d'une autre auprès de ceux qui n'auront rien demandé.

D'une main légèrement ouverte, je l'ai désigné en faisant à nouveau quelques pas vers lui. J'ai froncé les sourcils, mes yeux plongés dans le vague, à la réflexion.

_ Est-ce une sorte de confiance ou d'intérêt... Nous n'en avons jamais parlé, le besoin ne s'est jamais fait sentir. Mais c'est toi, au contraire, qui a déterminé les règles du jeu, Jack. C'est toi qui a pris le premier la décision de ce pacte silencieux entre nous. Je n'ai fait que l'accepter, y voyant mon propre intérêt.

Je me suis finalement assise dans un fauteuil à ses côtés et j'ai posé le verre à moitié vide sur la table, en me penchant doucement sur elle.

– J'ai retourné la question dans ma tête pendant si longtemps... Je savais que c'était toi qui m'en donnerais la réponse, sans même t'en rendre compte, c'est pour ça que je suis venue.

J'ai posé mes mains sur les bras du fauteuil, mes yeux dans les siens. Je l'observais toujours plus que je ne le regardais car il me fascinait plus qu'il ne devait s'en douter.

– Parce que ta cause est la même que la mienne. Tu viens de le prouver en disant que ce n'était pas juste. Peut-être que ça l'était, Magneto savait parfaitement que je ne lui étais plus utile sous cette médiocre forme humaine. J'étais... Comme morte au combat, pour ma cause. Peut-être que je lui manque... Du moins, la mutante que j'étais. Tu n'as rien dit car d'une manière ou d'une autre, ton opinion rejoint la mienne.

J'ai secoué la tête dans un dernier soupir, portée à l'évidence.

– Je ne donnerai jamais ton nom, Jack. Pour quoi faire ? Quel en serait mon intérêt ? Tu ne vaux pas assez cher. Pour le moment.

J'ai répondu à son sourire par le même. C'était étrange cette aisance de communication entre lui et moi, je n'avais jamais ressenti autant de simplicité avec qui que ce soit à de très rares exceptions. Quelque chose continuait de me déranger chez lui, mais ce n'était pas ça qui m'inquiétait. C'était ce qui se dégageait de lui, il était intriguant. Et voilà que ça m'intéressait. J'ai doucement acquiescé en souriant un peu plus et j'ai récupéré mon verre sur la table. Je me suis redressée pour retirer mes chaussures d'un coup d'orteils, puis j'ai replié mes jambes sous mes cuisses. C'était bien vrai... Fondamentalement, on ne se ferait aucun mal l'un à l'autre. Mais mon expérience m'avait appris à rester méfiante et n'avoir pleinement confiance en personne car la vie ne se déroulait jamais comme on s'y attendait. Aujourd'hui, Jack comme moi, nous pensions ainsi mais une fois devant le fait accompli, tout pourrait très différent. J'ai posé ma tête dans ma main, serrant mes genoux dans un bras.

– Un jour je retrouverai mes pouvoirs et la question ne se posera plus, de toute façon.

J'ai porté mon regard à nouveau autour de moi en gardant l silence. Je n'étais pas vraiment quelqu'un de bavard et Jack non plus. Je commençais à croire que nous avions plus de choses en commun qu'il n'y paraissait, à commencer par cette communication silencieuse qui nous convenait parfaitement. Je tapotais mon verre du bout des doigts en m'inventant un rythme dans la tête, s'alliant au bruit de la vie dehors. Il aurait été temps que je rentre mais je n'arrivais pas à me lever. L'idée de remettre un pied dehors et de rentrer, de me confronter à tous ces gens, tous ces humains... je n'aimais as les sentir contre moi, respirer, parler, crier... Alors ma bouche s'est ouverte alors que je tournais la tête vers Jack et les mots en sont sortis avant que j'ai eu le temps d'y réfléchir.

– Je peux rester ici, cette nuit ?

Mon outrecuidance me mortifiait déjà au moment où je terminais ma question. C'était d'ailleurs le moment de la retirer mais... Et bien pour tout vous dire : je n'avais pas envie de retirer ma question. Le sentiment était très faible mais rentrer chez moi signifiait quitter cette impression précaire d'être celle que je suis censée être. Je n'avais pas envie de l'abandonner pour le moment. Demain matin les choses seraient très différentes mais sur le moment, c'était ça que je voulais : me sentir mutante un peu plus longtemps, encore.

Son étonnement me fit rougir (sisi). C'était difficile aujourd'hui de surprendre encore les gens. Tellement blasés par cette vie, de leur vie... Mais Jack m'étonnait encore plus car il prenait ça avec humour. Il aurait pu rire pour se moquer, il aurait pu avoir de multiples réactions mais celle-ci, je ne m'y étais pas attendue. Ce qui m'a provoqué un léger rire en secouant la tête. Ce n'était pas du tout dans mon intention d'attendre qu'il soit endormi pour m'occuper de son cas. Quoiqu'à bien le regarder... Quand il s'est levé, je l'ai regardé partir en me demandant si je faisais le bon choix, si ce n'était pas une erreur. Peut-être que c'est lui qui tenterait de tester son couteau sur moi, non ? Bien que je n'en vois pas l'intérêt, je ne voyais surtout rien en Jack. Pas l'once d'une véritable émotion. S'il devait me tuer, je l'imaginais sans remords aucun, ni regret... Je m'imaginais tel un paquet, une mission à accomplir, une fois empochée, je n'aurais plus aucun intérêt. Le genre de pensées que je ne partage avec personne. Me l'avouer à moi-même était déjà beaucoup. Mon regard était resté fixé sur l'endroit où Jack avait disparu et seules mes paupières avaient cligné, perdue dans mes pensées. Ce genre de comportement m'arrivait de plus en plus fréquemment en ce moment. Et j'en avais horreur !

J'ai inspiré profondément en me rendant compte que Jack était revenu et déposait une couverture pour moi. J'ai alors relevé les yeux sur lui, adressant un léger sourire.

– Merci.

Puis, j'ai secoué la tête, refusant la chambre d'ami. J'ai à nouveau souri en dépliant la couverture.

_ Ca ira. Merci.

Je ne cherchais pas à connaître ses limites mais quelle personne normalement constituée accepterait une telle chose, finalement ? Voilà qui était curieux. C'était comme si... Ma présence ne le dérangeait pas.

– Je ne dors jamais réellement, de toute façon.

Je ne comprenais pas ce qui clochait avec lui, aussi, j'ai pris la décision de poser la question. J'étais aussi curieuse que réellement intéressée.

– Tu ne dis rien ? N'importe qui se serait déjà insurgé ou aurait cherché à comprendre, mais toi... Tu ne réagis pas. J'ai toujours su que tu étais quelqu'un de différent mais je n'ai jamais su dire en quoi.

[Bon, c'est pas fameux... je suis désolée. C'est mon coup de fil qui m'a perturbée... M'a dit un truc qui me tourne dans le cerveau.]

J'aurais pu frapper ou attendre devant chez lui. Mais entrer sans y être invitée, c'était aussi une marque de force, rappeler qui je suis et que je fais encore ce que je veux, comme je le veux. J'aurais eu des milles de façon de venir ici, de prendre contact avec Jack. Mais j'avais choisi la domination, simplement parce que... Et bien parce que je connaissais pas grand chose d'autre. Mais Jack était différent et il n'avait que très probablement perçu mon intrusion ainsi. Mais si tout ça ne change rien alors qu'est-ce qui change ? Les gens n'aiment pas le changement et je n'apprécié pas tout à fait ça non plus. Ce changement vers une vie à l'état humain, je ne m'en étais toujours pas remis. J'essayais... avec tant de force de me fondre dans la masse mais plus j'essayais, moins j'y arrivais. Et pourtant, certains traits ressortaient, parfois. Je n'avais plus le contrôle de ma vie... Et ça me rendait malade.

Alors que Jack parlait, je suivais du regard les lignes vides de l'appartement. Le mien présentait à peine plus de vie... mais ce n'était qu'un accessoire. Jack semblait ressentir la même chose vis à vis de son habitat, d'ailleurs. Mais quand il parla d'affronter le monde extérieur, j'ai reporté mon attention sur lui. Mon regard était froid et je ne souriais pas. Je n'avais pas mémoire d'un sens télépathe au pouvoir de Jack. Comment pouvait-il lire dans mes pensées ? Quand bien même ce n'était pas le cas, comment aurait-il pu deviner ? Et ne me dites pas "C'est un psy, c'est son rôle de tout savoir". Je n'aimais pas que quelqu'un puisse entendre mes pensées, mais j'aimais d'autant moins quelqu'un qui pouvait les deviner.

Mon visage froid, je ne l'ai pas quitté des yeux alors qu'il se remettait à parler. Pourquoi lui ? très sincèrement, qui d'autre ? Les X-Men ne risquaient pas de m'accueillir bras ouverts et les Damnés, c'était exclu. J'étais surveillée par le SHIELD, je parie, alors je n'étais pas totalement libre, finalement. La vérité, c'est que je n'avais plus personne dans mon entourage en qui je pouvais avoir un minimum confiance. Jack non plus, me direz-vous. Mais tant que je n'avais pas récupéré mes pouvoirs... Il était mon seul lien de confiance dans ce monde car il était le seul à savoir qui j'étais réellement. C'était un danger et l'animosité silencieuse qu'il semblait exprimer à mon égard était réciproque. Est-ce que je le pensais dangereux ? Oh oui. Est-ce que j'avais peur de lui ? Non, pas de lui mais de ce que ce morceau d'homme pourrait changer de plus dans ma vie, du contrôle qu'il me ferait perdre alors que j'en manquais déjà cruellement. Il ne cherchait probablement pas à le comprendre ni à en jouer mais une partie de ma vie reposait dans sa décision à donner mon signalement aux Damnés.

Alors à sa question, je n'y ai vu qu'une réponse. J'ai légèrement relevé le menton, comme si je le mettais au défi de répondre à ma propre question.

_ Et pourquoi pas toi ?

Ce que je pouvais détester les psy... j'ai secoué la tête en réponse.

– Je ne suis pas venue parler. Je n'ai pas envie de parler. Je ne parle pas.

A défaut de devenir agressive, j'avais l'impression de régresser et de redevenir cette jeune mutante rebelle avec un fort manque de confiance en soi. J'ai haussé les épaules en roulant des yeux.

– J'en ai marre d'aller me perdre dans des bars le soir, de me dire "Tiens, il est mignon lui, un véritable pigeon, et si j'allais me le faire !" et puis je donne le mauvais nom, le mauvais numéro et le lendemain, je reprends ma vie telle qu'elle est, c'est à dire banale et humaine. J'en ai marre d'errer dans les rues en me demandant si je vais croiser quelqu'un que je connais. Je me suis dit qu'ici je trouverais du calme en plus de la tranquillité. L'adage dit toujours d'être plus proche de tes ennemis que de tes amis. Et j'ai pas d'ami. J'en ai plus depuis que j'ai vendu leur nom aux fédéraux. Et puis, faut le dire, les amis je m'en passe parfaitement.

J'ai posé mon menton sur mon poing et j'ai regardé ailleurs. C'était vrai... De tout temps à jamais, je n'avais jamais vraiment eu ce qui pouvait ressembler à un ami. Des amants, des amantes mais je n'ai jamais vraiment réussi à faire pleinement confiance en qui que ce soit... Ni même en Magneto. Dévouée, loyale (jusqu'à une certaine limite) mais en confiance... Ca, jamais.

_ Je te l'ai dit, je me fiche que tu prennes une photo de moi pour la montrer à tes copains. Je sais où est ton couteau, j'hésiterai pas à m'en servir si je dois me défendre.

J'ai à nouveau tourné la tête vers lui, histoire qu'il sache que je n'étais pas non plus devenue une farouche petite vierge sainte Marie avec les aile coupées.

_ Je n'ai pas besoin de ma mutation ou de quelconques pouvoirs pour savoir me servir d'une arme. Fort heureusement, d'ailleurs...

Avec le nombre de pervers dans cette ville et tous ceux avec qui je m'étais aventurée, certains n'en étaient même pas ressortis vivants. Je me souviens une fois, d'une petite colonne du New York Times : "Un violeur recherché par la police est retrouvé mort dans une rue sombre" de je ne sais plus quelle rue...

– Je reste une professionnelle... Quoiqu'il arrive.

Doucement, j'ai secoué la tête. Je n'avais aucune envie de ressembler à tout le monde, contrairement à ma jeunesse. Je n'avais aucune envie d'être assimilée à d'autres personnes. J'étais unique, je le savais et j'entendais bien le rester. Alors qu'on puisse deviner qui j'étais, ce dont j'avais besoin ou encore, mieux, se douter de ce dont j'étais capable, ça, c'était quelque chose que je n'aimais pas du tout non plus. J'ai cligné des yeux avant de répondre d'une voix assez basse.

– Personne ne se doute de ce dont je suis capable. Pas même toi.

Et sans le quitter des yeux ni modifier mon ton, j'ai continué.

– Je ne me suis pas séparée de mes amis... Ils se sont débarrassés de moi. Hey, n'essaye pas des trucs de psychorigide sur moi, compris ? Je suis pas une de tes patientes. Tout ce que je dis, c'est que tu es le seul mutant que je trouve à peu près acceptable dans mon entourage. C'est tout. Si tu avais voulu me vendre, comme j'ai vendu tes potes, tu l'aurais déjà fait.

J'ai grimacé en secouant la tête, pour regarder ailleurs.

– Et n'essaye même pas d'avoir pitié avec tes réflexions du genre "Ils auraient pas dû faire ça." Ca me donne envie de vomir.

Je me suis passée les mains sur le visage pour écarter des mèches rebelles en travers de mes yeux et j'ai reniflé avant de me lever en laissant la couverture sur le fauteuil pour faire quelques pas. J'ai légèrement tiré sur mon col en croisant mes bras sur ma poitrine, comme si je cherchais à mieux respirer. Je ne tenais

– C'est cette ville, tous ces gens, ça me donne la migraine, ça sent mauvais, ça fait du bruit, ça m'insupporte. Regarde-les, pauvres innocents, ils vivent leur petite vie confortable sans se douter de rien. Ces mutants qui se font une place dans la société et les autres qui se croient supérieurs... Va trouver ta place là-dedans.

Je me suis grattée la gorge en regardant par la fenêtre et tentant de trouver les réponses à mes questions.

_ Tellement de choses à faire... "La forêt est belle, profonde et sombre, Mais j'ai tant de promesses à tenir, Et avant de m'endormir, Il y a tellement de chemins encore à parcourir."

Mais aucune réponse ne venait. J'ai soupiré et j'ai tourné la tête vers lui en jouant avec mon pendentif. Je n'avais aucune envie de lui donner raison, ni de le faire vainqueur de quelque chose que je réfutais. Je n'avais pas envie de lire dans ses yeux une quelconque victoire, rien que ça, ça me donnait de l'urticaire. Celle que j'avais été était réduite à ça, un moucheron vulnérable. Ca me rendait malade.

_ D'accord, je suis peut-être venue chercher quelque chose ici. Mais c'est peut-être pas quelque chose dont on parle.

Jack et ses lubies. Alors qu'il se levait pour aller à nouveau je ne sais où, j'ai froncé les sourcils en le suivant du regard. Il allait vers la cuisine et commençait à sortir je ne sais quoi, encore. J'ai penché la tête, par curiosité et j'ai cligné des yeux en l'observant. Je devais paraître stupide à ne pas comprendre ce qu'il faisait et à étudier chacun de ses mouvements comme si je cherchais une faille ou une quelconque réponse. A sa question, j'ai relevé les yeux sur lui. Non, je ne savais pas. Mais je l'ai laissé faire, je l'ai laissé presque "diriger", finalement. Peut-être que c'était ça que je cherchais, en fait.

Puis, lentement, alors qu'il parlait, je me suis approchée du comptoir mais d'un pas pas très franc. Je n'étais toujours pas certaine de ce qu'il faisait, de plus... C'était lui qui savait où il avait rangé les couteaux. j'ai jeté un oeil sur les fauteuils où nous étions confortablement installés quelques minutes plus tôt puis je les ai reportés sur lui. En fait, je devais surtout ressembler à un animal sauvage que Jack tentait tant bien que mal, à sa manière, d'apprivoiser. A sa deuxième question, j'ai hésité en entrouvrant les lèvres et j'ai presque bégayé.

– Euh... Du vin ?

Le vin.. Le nectare des dieux... M'appuyant d'une main sur le comptoir, je me suis hissée doucement sur un des sièges. je n'étais as du tout celle qu'il pensait. Si je régressais, d'une certaine manière, je n'irais pas le contredire sur tout, ce n'était ni dans mon intérêt, ni mon caractère. Je préférais voir les gens se planter et me regarder l'air d'un "Tu avais raison" que le dire ouvertement moi-même. Mon visage s'est transformé dans une sorte de bouderie.

– Ce sont les faibles et les moutons qui disent oui à tout. Si tu étais un pantin, ça se saurait. Et je ne serais pas là non plus si c'était le cas.

Et c'était vrai. Jack avait le mérite d'être respecté. Du moins, je le respectais. Respecte toujours tes ennemis. Ce n'est pas parce que tu es une proie à leurs yeux que tu dois les considérer comme tels. A mes yeux, Jack était une proie pour bien des personnes, mais pas pour moi ...

– Je suis même déçue... J'avais osé espérer que tu m'opposerais un peu plus de résistance.

Je lui ai offert un sourire malicieux à peine perceptible.

... Parce que dans un sens... Il m'avait aussi sauvé la vie.

Parce qu'en plus il faisait le difficile. J'ai écouté sa presque tirade sans rien dire, mes yeux dans les siens, à attendre qu'il ait simplement... Fini. Quel homme à New York n'avait pas de vin chez lui ? Je voulais bien croire que Jack était du genre sans âme et sans attache mais en général, ce genre de personne aimait le bon vin et les femmes plutôt classes. Et il m'arrivait d'être fréquemment du genre de ces dernières. Mais avec Jack, tout était différent. Sa façon de parler, sa façon de voir les choses, d'anticiper, de prendre les événements et de gérer les situations. Toujours imperturbable, j'ai fini par hausser les épaules et j'ai secoué la tête.

– Et bien une bière, alors. Pourquoi tu demandes si ton frigo d'homme célibataire est vide comme l Sahara ?

Vous savez... C'était plus de la moquerie, de la taquinerie, qu'un véritable reproche. mais Jack cherchait à m'emmener quelque part et je n'arrivais toujours pas à cerner où. j'ai suivi son regard vers le salon puis je me suis reportée sur lui, attendant encore la réponse à ma question silencieuse. Mais vous savez, être humaine m'avait apporté ce que je considérais comme des faiblesses ce qui était quelque chose de "mignon" du point de vue de la plupart des hommes, j'avais remarqué ça : il m'arrivait de rire... naturellement.

_ Ce que tu peux être nul...

J'ai secoué la tête avec un sourire en baissant la tête alors que mon ventre se mettait à faire un bruit indésirable. J'ai tendu une main pour prendre une bouteille de bière, ça au moins je savais que j'aimais... beaucoup, même si je préférais le vin, et puis j'ai ajouté :

_ Tu n'aurais pas, quelque chose à manger comme des biscuits ou des chips ? Je n'ai rien avalé de la journée.

J'ai laissé planer un temps en le fixant puis j'ai sourit, très légèrement.

_ T'as le droit de dire non, tu sais ?

De blague en blague, c'était à croire que nous étions aussi nuls l'un et l'autre en terme de relations humaines de mutant à mutant. En tout cas, pour ma part, j'étais bien meilleure face à des inconnus. Mais avec jack, je me sentais jugée en permanence, comme si j'allais faire une bêtise et qu'il n'y aurait aucun moyen de lui cacher. Portant la bouteille à mes lèvres, je l'ai observé s'affairer et finalement, j'ai repris.

– Tu es différent. Je veux dire, des autres hommes. J'arrive pas à mettre le doigt sur un détail en particulier... Mais je sens qu'il y a quelque chose de différent chez toi.

Puis, je n'ai pas réfléchi avant d'ajouter.

_ En tout cas, tu ne me regardes pas comme les autres.

Peut-être était-il homosexuel. Si tel était le cas... Encore un qui en briserait des coeurs de femmes. Je parle d'expérience.

Spoiler:

Je voyais bien que Jack faisait tout, ou presque, pour me mettre à l'aise, allez savoir pourquoi. Est-ce que ça pouvait être du flanc ? Du genre "Je suis gentil avec toi pour que tu sois gentil avec moi ?" Aucune idée. C'était appréciable mais curieux à la fois, je n'y étais pas habituée. J'ai continué de sourire à ses "blagues" jusqu'à ce que même une légère fossette se dessine au coin de mes lèvres. C'en était presque appréciable. Je trouvais même amusant qu'il cherche vraiment pour me trouver de quoi me remplir l'estomac gargouillant et affamé qui faisait un tel bruit. Je l'ai alors remercié pour la brioche, je n'en attendais pas autant et pour ainsi dire, c'était même au-delà de mes espérances, jusqu'à promettre, la prochaine fois, de venir avec un cabas de bonnes choses pour son frigo vide. En prenant un morceau de brioche entre mes doigts, j'ai relevé les yeux sur lui.

_ C'est pas de la psychanalise, j'observe. Si je voulais jouer la psy, je pense que je te poserais des questions. Du genre...

Je me suis raclée la gorge en me redressant et j'ai pris une voix des plus clichées. J'ai fait danser mes sourcils avec un mouvement du menton digne d'un psy de luxe en costume cravate Hugo Boss.

– Raconte-moi, tu as eu une enfance malheureuse ?

J'ai pouffé de rire avant de prendre un nouveau morceau de brioche. Secouant la tête, j'ai ajouté :

– Non, c'est simplement de la curiosité à ton égard, rien de plus.

Comme je le disais, Jack semblait tout faire pour me mettre à l'aise et je trouvais ça assez curieux. Pour ainsi dire, presque agréable mais je ne me leurrais pas, il y avait forcément une raison. Etait-il intéressé ? Non, il n'en avait pas l'air. Manigançait-il quelque chose ? Pourquoi pas mais pour quelle raison ? Aucune ne me venait à l'esprit alors que j'avalais encore un morceau. La brioche était plutôt bonne et... j'étais morte de faim. J'avais un rapport à la nourriture très étrange. Depuis que j'avais perdu ma mutation, j'avais même pris quelques kilos parce que je ne bénéficiais plus de mon organisme super brûleur de calories ou je ne sais pas... Cependant, d'un seul coup, je n'avais plus faim.

C'était comme prendre soudainement un coup de couteau en plein coeur. Ou dans le dos parce qu'on ne le voit pas venir. C'était comme revenir des années et des années en arrière, ce n'était plus simplement de la régression, c'était un souvenir ressurgissant. Pénible, douloureux et qui menait à une colère que j'avais réussi à enfouir... Grâce à Magneto. Alors, lentement, j'ai relevé les yeux sur Jack. Je ne pouvais pas croire qu'il avait pu prononcer une telle réplique sans en connaître les conséquences. Surtout que je n'avais plus rien d'une mutante et que c'était bien de là que venait le problème... initialement. Mais autant mon visage était imprimé d'une colère froide, autant mes yeux s'étaient enflammés de colère. Le bleu n'était pas sa couleur préférée mais il ne parlait très certainement pas de mes yeux.

Alors, au souvenir de plusieurs décennies en arrière, j'ai réagi de la même façon. Ma main s'est subitement envolée pour aller retentir sur la joue de Jack en un claquement sec et subit. Les dents serrées, j'aurais probablement dû me lever, lui jeter la bouteille à la figure et détaler comme un lapin. Je n'étais pas venue pour ça et encore moins pour subir une telle humiliation venant d'un espèce de rat qui adorait vivre bien caché, confortablement installé dans ses fauteuils avec un verre de whisky. Mais j'étais restée là à le fixer. J'avais bâti ma vie, ma réputation et ma confiance en moi, tout comme dans ma perception du monde, sur ma seule mutation dans les eux d'un seul homme. "Est-ce que tu sortirais avec moi ?" Le pire n'était pas d'avoir une réponse négative... c'était de ne pas en avoir du tout. Je ne pouvais croire que Jack n'avait pas agi sans savoir. J'étais là... Quand la Confrérie des Mutants a vu le jour avec Magneto, face à l'institut Xavier. Et ce mouchard n'était même pas encore né.

Croyez-le ou non mais mes yeux me brûlaient.

Mais j'étais restée totalement imperturbable à son laïus. En fait, selon comme il bougeait, mes yeux le suivaient. J'avais les dents serrées et le regard sévère. ma mâchoire était crispée à m'en faire mal. J'avais envie de hurler et j'étais totalement imperméable à ses dires. Encore une fois, ce n'était pas tellement contre lui que j'étais en colère, que je nourrissais cette blessure. C'était pour une accumulation de choses. Mais disons que je ne m'attendais pas à en recevoir de sa part, des répliques dans ce genre.

J'ai dressé mon index vers lui. Pourquoi j'étais encore là ? Vous voudriez le savoir, hein ? Je venais seulement de m'en rendre compte.

_ Ne m'insulte... Plus jamais.

Ma voix était basse et manquait de se briser, même. Elle manquait même un peu de fermeté. Oui, pour moi c'était une insulte. Vous savez, comme beaucoup de mutants, le seul jour où je pouvais sortir en toute liberté et m'amuser avec les autres, c'était le jour d'Halloween. Alors quand quelqu'un vous renvoyait ce miroir en pleine face, sans prévenir, alors qu'à vos yeux, c'était ce qui s'approchait le plus d'un ami - c'est vous dire la définition... - je m'en retrouvais bouleversée.

Et pour la première fois, depuis très longtemps, j'avais l'impression de ressentir quelque chose de vrai. Quelque chose de sensé, de réel, quelque chose qui me rattachait à ma vie de mutante, à ce que j'étais réellement. Un deuxième "plus jamais" s'est perdu dans les limbes alors qu'aucun son ne s'était finalement échappé de ma bouche. Mais l'avantage avec ce côté humain qui ressortait, c'était que ma colère s'était estompée et ma rage avec elle ainsi que mon désir de vengeance. Et en l'instant d'un seul geste, une seule gifle, issue d'une seule réflexion, toute cette haine était remontée jusqu'au creux de ma gorge en m'empêchant de déglutir proprement.

Et puis, comme à chaque fois qu'on garde quelque chose trop longtemps, à un moment... Ca finit par exploser. J'ai ouvert la bouche en me redressant et le reste est sorti. Mais pas forcément comme j'aurais aimé qu'il sorte.

– Est-ce que tu vois quelque chose de bleu, sur moi ? Est-ce que mon épiderme te semble bizarre ? Non ?! Et tu sais pourquoi ? Parce que je n'ai plus RIEN de mutant, en moi, je n'ai absolument plus rien qui coule dans mes veines de bleu, ni de quoi que ce soit qui puisse s'apparenter à l'adjectif "anormal" !

Je m'étais légèrement reculée et à présent, ma gestuelle se joignait à mes paroles, prononcées de vive voix et d'un ton bien plus haut que le précédent.

– Vous êtes tous là à bien vous marrer parce que vous avez tous récupéré vos petites vies tranquilles telles que vous vouliez la mener ! Je me suis sacrifiée ! Pour ma cause, pour les Miens, pour ce que j'ai cru JUSTE ! Et me voilà maintenant enfermée dans ce corps qui se met à vieillir et qui rallonge chacune de mes nuits, qui m'emprisonne chaque jour que Dieu fait comme pour me punir ! Et je ne peux rien faire, rien du tout !

M'appuyant sur le comptoir, je me suis penchée vers lui.

_ Tu vois quelque chose de bleu ? Où ça ? Tu veux vérifier, vraiment partout ? Je n'ai PLUS RIEN Jack ! Je suis aussi faible qu'un moineau qui vient de péter sa coquille et aussi impuissante qu'un tétraplégique ! Alors maintenant dis-moi... Qu'est-ce que je dois ressentir ?

Entendre mon nom prononcé ainsi, ça ne m'aida pas à rester calme mais pourtant, je ne dis rien. A nouveau, je l'ai laissé parler et j'ai essayé de comprendre ce qu'il me disait. Mais mes yeux me brûlaient et la pression de ma mâchoire commençait à me descendre dans les omoplates. Il était hors de question que je manque de dignité face à lui. J'ai dégluti en l'écoutant alors que sa voix commençait à me calmer. Je n'avais aucune idée de comment il faisait ni de comment il y arrivait mais il me calmait. J'étais furieuse de devoir admettre que c'était un bon psy. Je ne comprenais pas. J'ignorais ce que je ne comprenais pas mais je ne le comprenais pas. Quelque chose n'allait pas, quelque chose ne fonctionnait pas comme ça devrait et ça ne venait pas que de moi. Jack n'avait pas les réactions que j'attendais de lui, ni les réactions que le commun des mortels, ou même un autre mutant de sa trempe, pourrait avoir. Il était sensible et à la fois inexpressif. C'était comme si... En tant que psy, les équations se faisaient naturellement dans sa tête mais avec un détachement hors du commun.

J'ai baissé les yeux sur ma bière à sa mention et j'aurais probablement ri si j'avais voulu lui donner satisfaction que son laïus fonctionnait sur moi. Mais ce n'était pas le cas. J'avais besoin de plus que la possibilité de crier pour comprendre ce qu'il m'arrivait, pourquoi et comment. Seul Jack pouvait m'aider. Ou non. Mais à son idée, j'ai lentement relevé les yeux dans les siens pour ne plus les quitter.

Croyez-le si vous le souhaitez uniquement mais à aucun moment je n'ai songé que quelqu'un pouvait regarder en moi ce qui clochait. J'étais toujours partie du principe que j'avais reçu une dose du prototype et qu'il devait mieux marcher que la version "officielle" "commercialisée" ensuite. Et du coup, ce sérum était probablement différent des autres. Ou alors mon corps me jouait un mauvais tour. Ma stupéfaction, à l'idée de n'avoir jamais creusé la piste de Jack, se lisait sur mon visage. Les lèvres entrouvertes, les yeux ronds, je n'en revenais pas moi-même d'avoir manqué une piste pareille. Je m'étais résignée si vite, j'avais renoncé avec une telle force pour simplement me protéger.

Mais Jack finissait par faire exactement ce pourquoi j'étais venue. Je n'attendais rien de particulier mais j'espérais qu'il me fournirait des réponses, qu'il me donnerait quelque chose, qu'il m'apprendrait quelque chose que j'ignorais encore. Et il était là, face à moi avec tout un écran de nouvelles possibilités s'offrant à moi. Il était... Parfait. Il était simplement tout ce que j'avais espéré. Et c'était pourtant tellement évident.

_ Bien sûr...

Je faisais partie de cette sorte de mutants pour qui la mutation était une protection vitale. Ma peau ne se contentait pas d'être bleue, elle me protégeait de bien des blessures et me donnait certaines aptitudes. Perdre sa mutation, c'était comme perdre une partie de soi. Et je n'étais plus la même depuis. J'étais nue mais je n'étais pas bleue. J'ai levé une main en penchant la tête sur le côté pour effleurer, du bout des doigts, la légère marque rouge que j'avais causée sur sa joue. Mon regard s'y est intéressé un bref instant avant de se replonger dans celui de Jack.

_ Le bleu, c'est ma couleur préférée...

Allez savoir... Je parlais de ma mutation, de mon épiderme ? Ou bien des yeux de Jack ?

Il y avait longtemps que personne n'avait posé une main sur moi ou que, banalement, j'avais eu un contact physique avec quelqu'un, surtout un membre du sexe opposé. J'entendais par là, un véritable contact. De ce qui signifient quelque chose. Poser une main sur l'épaule ou la tapoter pour attirer l'attention, c'était une chose. Mais poser une main sur un autre main m'avait toujours rendue sensible. Et quand il m'écarta de son visage, je n'ai pas résisté. C'était peut-être une façon de me repousser mais je ne pouvais pas lui en vouloir, bien au contraire. Mon visage s'était décrispé et j'avais repris mon observation frénétique du visage de Jack. De la couleur de ses yeux à la pointe de son nez jusqu'à la forme de ses lèvres et au nombre de millimètres sauvages qui composaient sa barbe. Je mémorisais autant de détails que je pouvais. Pourquoi ? Pour moi. Juste pour moi. J'étais une métamorphe, c'était un de mes dons d'enregistrer les composants ADN d'un visage, d'une peau... Au bout d'un moment, j'ai fini par réagir.

_ Donc...

Je me suis redressée et j'ai glissé du siège en m'appuyant sur le comptoir. Acquiesçant, j'ai commencé à énumérer dans ma tête puis à voix hautes, contournant lentement le bar.

– Des couteaux, du whisky trop fort, une chambre d'amis...

Je me suis alors rapprochée de lui avant de prendre la bouteille pour la faire glisser un peu plus loin. J'avais gardé une voix assez basse, je pense que j'étais assez fatiguée, j'avais également eu une journée pleine et même si je dormais toujours très peu la nuit, j'avais probablement atteint une limite à la tolérance de ma vie actuelle. Je me suis retournée pour m'adosser au comptoir.

– Le bleu, c'est pas ton truc mais le brun non plus...

Et puis, j'ai alors relevé les yeux vers lui, je n'étais pas une naine mais il était quand même plus grand que moi. Penchant la tête, j'ai repris.

– Peut-être que tu préfères les blondes, alors. Fut un temps, j'aurais pu être qui tu veux et ce que tu voulais, juste pour toi, Jack. Mais il semblerait que quoi que ce soit, ça ne réponde pas à tes valeurs ni à tes standards. Et si j'en faisais partie... Qu'est-ce que tu m'aurais proposé d'autre que la chambre d'amis ?

Je ne savais pas vraiment comment prendre sa dernière réplique. Un compliment ou une provocation, je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus.

– Et la bière aussi, oui si tu veux...

J'avais légèrement souri, quant à ce que je croyais, je n'en avais aucune idée. J'étais en terrain inconnu avec aucun indice sur une éventuelle réaction de la part de Jack. Quant à une femme ayant été en ces lieux, pour ainsi dire, je m'en fichais totalement. Cette femme-la pouvait être blonde, brune, rousse, noire, rouge, jaune, ça m'était totalement égal car elle n'était pas là. Mais moi si. J'ai baissé les yeux quand il a esquissé une approche. Bien sûr que régulièrement, les hommes demandaient une forme et un visage particulier. Leur ex femme, leur femme décédée, le fantasme de leur vie, ce que j'en sais. Mais ça c'était pour ceux qui connaissaient mes capacités un peu particulières. Pour les autres, bleue, il fuyait, normale, ils me payaient. C'était comme ça que ça marchait. Je vivais, je prenais ce que je venais chercher et puis je passais à autre chose.

Jack n'avait pas besoin d'une tirade pour se faire comprendre. Sa façon de s'exprimer, de se comporter, même s'il ne le cherchait pas ou ne le faisait pas exprès, c'était là, sur son visage. Il était différent. Alors tout était différent quand c'était lui. Et puis parler... C'était pas mon truc. Si on devait écrire un comics sur moi ou tourner un film, je serais le personnage ayant probablement le moins de répliques. L'idée même que je puisse être parfaite à ses yeux me rendait muette.

J'ai alors relevé les yeux dans les siens quand il s'est penché sur moi. En général, c'était plutôt mon genre de prendre les devants, d'être la femme d'action qui prend les choses en main, entreprenante et qui exprimait précisément ce qu'elle voulait, sans détour. Mais encore une fois, et pour probablement toutes les actions qui impliquaient cet homme là, c'était différent. Quand il parlait ou qu'il me regardait ou encore qu'il me souriait comme il venait de le faire, je me sentais plus humaine que jamais. Finalement, je crois que ma mutation me protégeait aussi de ça. Je n'aimais pas plus que j'adorais cet instant.

Un jour, j'avais feinté une vie normale, avec un homme normal, dans une maison normale avec un chien normal. J'avais joué la petite femme d'intérieur pendant plusieurs mois. Infiltration ou même curiosité de ma part, je m'étais amusée quelques temps, je m'étais fait un peu d'argent et c'était tout tout. Une fois l'intérêt passé, j'étais retournée à qui j'étais réellement. Alors là, ici, en cet instant, comme si Jack avait inventé un bouton pause sur lequel j'étais la seule à pouvoir appuyer selon ce que je décidais, j'ignorais si j'aimais ça ou si je voulais fuir avant qu'il ne perce mes mystères et qu'il ait toutes les cartes du jeu. Comme je disais : aucune confiance, en qui que ce soit. Il eut été n'importe quel homme dans n'importe quel bar que rien de tout ça ne m'aurait traversé l'esprit mais... Comme toujours : c'était Jack et il se tenait en plein carrefour de ma vie, à un détour, à la frontière de mon ancienne et de ma nouvelle vie. Et je le détestais pour ça. A contrario, il était un de mes secrets, il était de ces choses qu'on ne révèle jamais. Bien que je manque de confiance en lui, quelque chose, un sentiment m'endormait, me laissant croire qu'il ne me trahirait pas. Mais c'était sûrement quelque chose que j'avais juste envie de penser pour me rassurer.

Il s'en passe des choses dans ces instants où rien d'autre n'existe autour de vous que la seule perception d'un avenir très proche. Les secondes se transforment alors en heure et pendant ce court laps de temps, vous n'êtes plus ni vous-mêmes, ni mort, ni un Dieu, vous êtes une entité propre dans un monde qui n'appartient qu'à vous et alors vous êtes sujet à une intime lucidité que vous n'auriez jamais en temps réel.

Je me suis redressée contre le comptoir et je lui ai souris avant de secouer la tête, lui répondant sur le même ton.

– Je n'en avais pas du tout l'intention.

J'ai parcouru les quelques millimètres qu'il me manquait pour le rejoindre, mon dos se détachant du comptoir. C'était une chose d'avoir des besoins, c'en était une autre d'avoir des envies. Et cela remontait à bien longtemps la dernière fois que quelqu'un m'avait embrassée de cette manière. L'inverse était également vrai. Inspirant profondément contre ses lèvres, j'ai entouré sa nuque de mon bras pour me rapprocher encore de lui. Puis, ma main a glissé le long de son cou pour trouver sa gorge, avant de monter sur son visage où j'ai pu encadrer sa mâchoire et mêler mes doigts à ses cheveux. Mon autre main, quant à elle, s'est vue acquérir une volonté propre en se dirigeant vers le bassin de jack, épousant les formes de son torse puis du bas de son dos... Avant de lui donner une claque sur les fesses.

Dans un demi rire contre ses lèvres, j'ai eu ce sourire que certains me qualifiaient de carnassier sans que je ne me détache de lui. D'une voix basse mais amusée, j'ai glissé.

– Aucune autre réaction qu'une baffe...

Spoiler: