– J'aime les jeux, en général, oui...

Je l'ignorais alors que ce sourire était "faux" mais je le trouvais tellement beau sur ce visage. A mes yeux, un sourire était bien plus qu'un rire ou qu'un simple regard. C'était une telle expression, le sourire et sur le visage de Jack, ça paraissait tellement... Sincère. Alors pendant ce temps, j'en ai profité et je l'ai observé alors qu'il faisait de même. Mon pouce dessinait un demi cercle sur sa joue et mon sourire s'élargissait quelque peu sur mes lèvres. C'était quelque chose qu'il était très difficile à imiter ou à ignorer. Ceux qui ne souriaient pas n'avaient simplement pas d'âme ou aucun sentiment. Et ceux-ci qui tentaient de l'imiter étaient trahis par le reste de leur corps. Jack me fixait mais je n'avais aucune idée de pourquoi. Son sourire même n'était pas aussi spontané que d'habitude et proches comme nous l'étions, je pouvais observer ses yeux à loisir. Mais aussi bleus et clairs étaient-ils qu'ils me semblaient... vides.

J'ai froncé les sourcils, souriant un peu plus, puis j'ai secoué la tête.

– Quoi ?

Jack était observateur mais il semblait à présent chercher quelque chose en moi. Je n'avais pas envie de lui donner quoi que ce soit, je cherchais seulement un peu de chaleur humaine et de contact de la part des Miens. Mais il était vraiment curieux. J'ai porté ma main à sa tempe pour lui écarter quelques mèches tombantes, les repoussant doucement pour libérer son visage et pouvoir mieux admirer ses yeux que j'adorais. Ils étaient étranges, curieux et beaux à la fois. Il paraissait si froid et pourtant des signes évidents montraient qu'il était bel et bien vivant, alors... Depuis tout ce temps que j'étudiais les humains pour les comprendre, à présent, l'énigme se portait sur ce mutant. J'ai légèrement plissé le nez en passant mon pouce sur son arcade.

– Qu'est-ce qu'il peut bien se passer dans cette tête ? Tu es une énigme, Jack.

Et dans mon monde à moi, ça voulait dire qu'il était dangereux tout comme il était un allié d'exception. Pour le moment, il m'était totalement incapable de savoir de quel côté il était réellement alors... Je me contentais de vivre le moment présent. Parfois, ça avait du bon.

Plus qu'une véritable réponse, je n'en attendais rien, ce n'était qu'une question dans ma tête prononcée à voix haute. Si Jack pensait cacher une réponse, il ignorait que je n'en cherchais pas réellement. J'aimais être ainsi fascinée par quelqu'un, ce qui démontrait qu'au moins, la race humaine, mutante ou non, pouvait encore m'épater. Et en plus, il faisait de l'humour. Peut-être un peu trop à mon goût. Effectivement, il aimait jouer sur les mots mais à mes yeux, ce n'était qu'une blague et non un mensonge dissimulé sous l'humour. Alors à son laïus sur l'irlandais, j'ai pouffé de rire et j'ai posé ma main sur son torse pour le forcer à se dégager mais sans le quitter des yeux. Puis, j'ai haussé les sourcils.

– Tu sais... Parmi les plus grands hommes de ma vie, l'un était anglais et se servait de son cerveau pour en trouver d'autres, l'autre est Allemand et planque le sien sous un casque de plomb. Alors que tu sois Irlandais ou Chinois, ça ne change strictement rien pour moi.

J'ai promené mes yeux sur lui de haut en bas et je me suis légèrement trémoussée avec un sourire malicieux grandissant sur mon visage.

– Mais je sais d'expérience que les Irlandais sont plus à même de s'amuser.

J'ai à nouveau glissé mes bras autour de sa nuque pour revenir me coller à lui, me hissant légèrement sur la pointe des pieds pour rejoindre ses lèvres à nouveau qui, à ma surprise, m'avaient manquées. D'un baiser appuyé, je ne cherchais plus de réponse. J'avais trouvé. Quant au reste, je n'avais aucun doute que Jack me cachait bien des choses mais c'était réciproque et nous n'étions pas là pour nous confier l'un à l'autre, de toute façon. De toute façon, pour moi, Jack était quelqu'un de particulier et à moins qu'il fasse quelque chose de suspicieux, son caractère le regardait et je n'étais personne pour lui dire quoi faire et comment le faire.

Jack m'offrait une perspective nouvelle, un semblant de neuf dans une vie monotone, morne et ennuyeuse. C'était assez vivifiant, outre l'envie de partager quelques textes bibliques et celle de se retrouver un peu chez soi avec un autre mutant qui connaît vos déboires et face à qui, vous n'êtes pas obligé de jouer de petits jeux pour faire semblant de ci ou de ça...

Les détails, les longueurs, tout ça, ce n'était pas vraiment pour moi. Jack avait ouvert une porte et je m'étais engouffrée dans le passage, ce qui m'arrangeait très bien. On pouvait dire ce qu'on voulait de moi mais j'appréciais toujours un homme qui savait conduire ! Mais ce n'était pas pour autant que je me servais de lui. Peut-être un peu mais je ne le considérais pas comme ceux que je chassais parfois le soir. Jack n'était pas une proie dans mon sillage, il n'était pas un de ces violeurs/pédophiles/violents à qui je voulais donner une leçon. Mais il était là au bout moment et le confort que j'éprouvais à son contact m'aidait à mieux respirer. Et même si ce n'était que pour un temps, c'était comme remonter à la surface après une longue plongée en apnée et je pense que... Ca devait se ressentir. En matière d'intimité, j'étais pas la dernière levée et pour une fois que celui que je choisissais avec des atouts appréciables et que ça pouvait signifier quelque chose - pas pour nous, juste pour moi. - alors j'en profitais pleinement. J'ignorais ce que ça signifiait pour Jack ou bien est-ce qu'il répondait à un signe de ma part uniquement. Mais ça n'avait pas d'importance.

Pour autant que j'avais tenté d'en cacher, la soirée avait été plutôt riche en émotions en comparaison à d'habitude et mes paupières s'en sont vite retrouvées bien lourdes. Finalement, j'avais pris un oreiller pour le serrer dans mes bras, allongée sur le ventre et la tête tournée vers Jack pour reprendre mon observation. J'avais même un sourire esquissé sur mes lèvres mais j'avais pris le parti de ne rien dire et de rester sur cette impression de pouvoir communiquer avec cet homme-là sans avoir besoin de parler. Comme à chaque fois que je me retrouvais mise à nue de la sorte, je repensais à l'ironie, à ce paradoxe qu'illustrait mon tatouage dans les reins face à la situation. C'était lui le mutant, mais moi qui était fière de l'être. Si je souriais, c'était aussi pour ça.

A aucun moment je n'avais cherché à établir un quelconque contact "d'après", le genre "Et maintenant, j'emménage ?" Croyez-le ou non mais ça arrivait même aux hommes ce genre de comportement. Ce n'était pas du tout celui de Jack, j'en étais convaincue mais ce n'était pas non plus le mien. Ma tête bien enfoncée dans le coussin que je serrais dans mes bras, malgré la fatigue, j'étais incapable de détacher mes yeux de lui.

Les gestes de Jack envers moi m'épataient plus que je n'aurais pu le penser. Il n'avait pas vraiment montré de sentiments très tactiles et ne l'étant pas tellement moi-même, j'étais un peu impressionnée. Le fait même qu'il prenne "soin de moi" en s'intéressant à mon bien être, m'étonnait. J'ai finalement souri mais je n'ai rien répondu. Le moins loquace des deux n'était peut-être pas celui qu'on pensait. Quant à me demander si je voulais changer de chambre... Sans cette gestuelle, je me serais probablement vexée d'être ainsi rejetée mais je sentais que ce n'était pas le cas et qu'il ne faisait que m'offrir une possibilité si je le souhaitais. Mais j'ai secoué la tête en m'écrasant un peu plus dans le coussin en fermant les yeux.

– Non, je suis bien là. Merci.

J'ai rouvert les yeux, un seul dépassant des plis du coussin, et je lui ai souri.

– A moins que ce soit ce que toi tu préfères.

Mais j'en doutais. Si Jack ne voulait pas de moi par ici, il me l'aurait déjà dit, il me l'aurait déjà fait sentir. Non, il y avait quelque chose de franc chez lui et en même temps de bien dissimulé. Il ne laissait paraître ce qu'il voulait que l'on voit de lui. Peu à peu, je commençais à comprendre ce qui m'intriguait chez lui. Contrairement à bon nombre d'hommes et bon nombre de mutants, Jack ne disait que ce qu'il voulait, comme il le voulait et sans débordement. Il faisait montre d'une totale maîtrise en toute circonstance. Comme si tout était déjà calculé dans sa tête, par avance. Soudain, j'ai froncé les sourcils. J'avais pourtant une bonne mémoire en général...

– C'est quoi déjà ta mutation ?

Ma voix se faisait faible mais j'étais bien réveillée, juste dans un état proche de la transe, de ces instants de calme dont on profitait rarement. Jack était si froid et si vivant à la fois que ça ne collait pas à l'idée que je me faisais du souvenir de son pouvoir. Un truc avec le temps ou l'espace. Le genre de don avec lequel le commun des mutants s'éclate à en devenir imprudent. Mais pas Jack, non pas lui, il n'était pas irréfléchi. Tout ce qu'il faisait était précis et tous les paramètres étaient passés en revue. Je soupçonnais que tous MES paramètres avaient été passés au peigne fin. J'avais probablement passé un stade de confiance mais il en restait bon nombre encore.

J'ai sorti une main de sa cachette moelleuse pour la tendre vers son épaule et lui enlever un petit quelque chose qui devait lui chatouiller la peau. Mes doigts ont alors longé son bras dans une caresse avant de revenir se mettre au chaud. Deux raisons à mon propre geste. Trois. La première : je répondais aux siens et montrais que je n'y étais pas insensible. Deux, j'aimais sa peau et ce qu'il était physiquement. Enfin trois : j'établissais un message de paix en référence à ma précédente question.

A présent, le voilà qu'il se mettait sur la défensive. Il prenait donc soin des informations qu'il me transmettait. Il avait raison mais sur le coup, je ne voyais pas le problème avec sa mutation. J'ai secoué la tête pour lui répondre.

– Non, je posais la question, je ne t'imaginais as mentir à ce propos, je n'y vois pas d'intérêt.

Parfois, il paraissait que mon comportement ou mes réactions pouvaient s'apparenter à un mécanisme automatique, comme un robot incapable de discerner le bien du mal ou pour qui le mensonge n'avait aucune valeur, aucun intérêt. Bien entendu, c'était une impression erronée mais peut-être n'y avait-il pas que du faux. Après tout, on ne me craignait pas parce que j'étais une fille/mutante banale mais parce que j'étais imperceptible et insaisissable.

Je ne l'ai pas quitté du regard, ce même regard curieux alors que toute la soirée me tournait dans la tête. La soirée ainsi que notre rencontre fortuite chez les fédéraux quelques années plus tôt à peine. Je l'ai observé se mettre sur le dos et sa main se tendre vers moi. Parfois, agir suffisait mais dans le cas de Jack, la parole pouvait s'avérer nécessaire. Je savais qu'il ne servait à rien de chercher, de trop réfléchir, que je devais me contenter de ça et que c'était déjà bien assez parfait pour ne pas avoir à le gâcher en si bon chemin. Alors pourquoi cette question me brûlait-elle les lèvres ?

J'ai pris sa main dans la mienne alors que je me redressais sur les coudes, mes cheveux suivant le mouvement en tombant de part et d'autre de mes épaules. Les sourcils toujours froncés, j'ai légèrement reculé le menton, en pleine interrogation intérieure. Sa mutation était bien celle dont je me souvenais et bizarrement, elle n'allait pas du tout avec le personnage. Posant sa main sur le lit, j'ai secoué la tête.

– Alors pourquoi...

J'ai regardé la porte de la chambre puis Jack à nouveau avant de lui montrer la cuisine d'une main. Il était fatigué et moi aussi mais je n'y tenais plus.

– Je me suis introduite chez toi, je t'ai provoqué en permanence, je me suis imposée, je t'ai giflé, je me suis énervée, j'ai été une parfaite imbécile du début à la fin sans te dire clairement, à un seul instant, pourquoi j'étais venue et toi, tu...

J'ai haussé les sourcils de stupéfaction et mes épaule ont tressauté.

– Tu m'embrasses et tu m'amènes dans ta chambre. Tu ne dis rien, tu ne t'énerves pas, tu ne me réponds pas quand je lève la main sur toi et c'est moi l'énigme ? Pourquoi, Jack, pourquoi ? Nous ne sommes pas amis pourtant, nous ne sommes pas ennemis non plus on dirait, ni collègues, nous ne sommes absolument rien l'un pour l'autre. Soit tu as une patience hors du commun et une habitude du genre féminin qui me dépasse, soit tu t'en moques complètement. Mais si c'était le cas... Et bien si c'était le cas, tu ne me toucherais pas comme tu le fais.

Laissant quelques secondes passer, mes yeux dans les siens, j'ai porté ma main à ma gorge. Mon monologue pouvait gâcher la soirée, gâcher la nuit et même cette drôle de relation que j'appréciais sans le dire. Mais je ne voulais rien gâcher, je ne comprenais pas. A en juger par le comportement de Jack depuis son arrivée, quelque chose me disait que je pouvais me permettre de telles interrogations. Du moins... Je l'espérais. J'ai à nouveau secoué la tête en cherchant des yeux une réponse sur son visage.

– Et ça, dans mon monde à moi, c'est incohérent.

Ca ne m'avait pas frappée avant. En fait, ça ne m'était pas non plus venue à l'idée un instant... Le fait même que Jack puisse, pas plus que moi, savoir pourquoi il avait agi ainsi. Il s'était contenté de... Et bien, il s'é'tait contenté de rester à l'écoute et de s'intéresser. Du moins, c'était la vision des choses que j'avais. Les sourcils hauts, je ne l'avais pas quitté des yeux, presque aussi ébahie par cette éventualité que de ne pas avoir penser à consulter un spécialiste pour retrouver mes pouvoirs. Bien, en vérité, j'avais bien vu quelqu'un un jour mais il n'avait pas su me trouver de solution. Il disait que mes cellules étaient tout ce qu'il y avait de plus humain sans une seule trace de mutation. Néanmoins, je restais de l'avis de Jack : nous étions nés ainsi et l'Homme ne peut pas éperdument changer la nature originelle de ce qui ne lui convient pas.

Partie de là, mon questionnement intérieur a cessé. Souriant légèrement, j'ai haussé les épaules en roulant des yeux.

– Tu sais, parfois je pose beaucoup de questions, je cherche à comprendre ce qui m'échappe, je m'évertue à vouloir trouver des significations. Et puis des fois...

J'ai penché la tête en lui souriant un peu plus. J'allais faire référence à sa dernière interrogation, si telle était le cas. Ce que nous signifions l'un pour l'autre et si ça voulait dire quelque chose. Mais comme j'y songeais plus tôt, en cet instant, ça n'avait pas d'importance pour moi. L'argument valait seulement pour l'incompréhension de son comportement... Pas que je n'aie cherché à y trouver une réponse pertinente, ni claire.

– Je préfère ne pas savoir. Je ne calcule pas forcément tout ce qui m'arrive, j'aime être surprise.

Dire à Jack que je l'appréciais était trop demander. M'excuser pour mon comportement face à lui aussi. Ce n'était pas dans mon caractère. Mais il y avait cette impression - aussi désagréable qu'appréciable - qu'un jour, je pourrais compter sur lui. Et que même maintenant, dans l'incertitude permanente qui semblait le caractériser, je pouvais me reposer sur lui, comme si je n'étais plus seule. Depuis que j'étais devenue humaine, je me sentais si vulnérable que j'en étais malade. Aujourd'hui, s'entourer de personnes de confiance était chose difficile. Jack était un havre de paix sur une île déserte du Pacifique dans un continent où la haute technologie, le bruit et la peur envahissaient le quotidien.

J'ai hésité à sourire un peu plus et puis je me suis approchée de lui, toujours sur le ventre, portant ma main à nouveau sur son visage. J'ai redressé mes jambes dans mon dos, croisant les chevilles puis, en caressant sa tempe du bout des doigts, j'ai continué.

– Ce que je pense, c'est que tu aimes aider les gens. C'est ton travail et peut-être même que tu es fait pour ça. C'est pour ça que tu n'as rien dit la première fois et c'est pour ça que tu ne dis rien non plus maintenant. Tu pourrais dormir avec ton super couteau sous ton oreiller parce que tu n'as pas confiance en moi que ça ne changerait rien. Et je ne suis pas non plus venue chercher ton aide. Ce n'est pas dans mon caractère à moi.

Passant mon pouce sur ses lèvres, les miennes les ont finalement rejointes en s'y attardant de longues secondes. C'était le genre de baiser que certains avaient un jour qualifié de "baiser de la mort" car ils me croyaient incapable de ressentir des choses. Quelle ironie, n'est-ce pas ? Lui ne ressentait rien et moi on pensait que je ne ressentais rien du temps où j'étais une mutante. Qui a dit que les sentiments étaient une valeur obligatoire dans la vie d'un être ? De ce fait, s'il m'arrivait d'embrasser quelqu'un de cette manière, à un moment particulier - car ce n'était jamais innocent, je n'étais pas dénuée de sentiments mais je ne les ressentais pas tous, ni de la même manière qu'un humain normal - on songeait alors que c'était comme une dernière grâce. Mais ils oubliaient que j'avais déjà connu l'Amour, le vrai, contrairement à eux. Dans le cas de Jack, c'était bien différent. Il s'agissait d'un message que je m'interdisais de prononcer à voix haute, par mon seul égo et mes valeurs personnelles. Ma main a glissé dans son cou et je me suis finalement détachée de ses lèvres à contre coeur, mes doigts se faufilant à la naissance de ses cheveux dans sa nuque. J'ai observé encore quelques secondes ses yeux dont je ne me laissais jamais puis j'ai repris, ma voix soufflant comme un murmure.

– Mais à t'entendre proposer de m'aider à retrouver ma véritable apparence, c'est à se demander ce que tu fais chez les Damnés, Jack.

Ma main sur sa gorge, j'ai déposé un bref baiser sur ses lèvres avant de lui sourire, geste que nous semblions avoir en commun même si aucun de nous deux ne ressentait une vive joie ou un attrait particulier.

En sentant sa main, je m'étais même permise de venir me blottir contre lui. C'était finalement assez agréable de sentir quelqu'un vous porter un minimum d'affection. et cela faisait bien longtemps que ça ne m'était plus arriver. C'était surtout cette impression, ce miroir que m'offrait Jack. A ses yeux, j'étais toujours une mutante, ce qui me donnait du baume à l'âme et m'aidait à retrouver mon assurance. Doucement, je me suis roulée pour venir poser ma tête contre son épaule, ma main sur son torse pour me trouver une place confortable. Si je n'ai pas tout de suite fermé les yeux, j'ai senti Jack partir petit à petit. Pour quelqu'un de méfiant, je trouvais qu'il s'endormait assez vite... Personnellement, j'avais un peu plus de mal, malgré la fatigue. J'ai gardé les yeux ouverts pendant un moment mais, rythmée par la respiration endormie de Jack, j'ai fini par sombrer à mon tour.

Autant l'un que l'autre, nous refusions d'admettre des choses. Que ce soit parce que nous étions des ennemis, il fallait se protéger, soit nous étions trop fiers pour avouer certains aspects de notre personnalité, soit, nous préférions nous mentir à nous-même. Entre toutes ces choses que je me refusais de prononcer à voix haute, il y avait la principale... La raison pour laquelle j'avais mis un pied dans cet appartement. Voilà bien trop longtemps que j'errais seule, sans contact mutant ou presque et j'étais fatiguée. Je n'étais pas une personne de solitude, je ne l'avais jamais été, sinon ça se saurait. J'avais vécu avec plusieurs personnes dans ma vie mais depuis que j'étais devenue humaine, je ne m'étais jamais sentie aussi seule au monde.

Cette présence - même bien bancale - m'avait permise de dormir sur mes deux oreilles. J'aurais pu rester méfiante ou mon sub conscient continuer de surveiller l'homme à mes côtés mais pourtant, il n'en fit rien. Dans la nuit, j'avais vite retrouvé le coussin à serrer contre ma tête, mon visage enseveli sous les cheveux. D'un naturel très peu frileux, j'avais même rejeté la couverture à moitié. Je n'ai même pas vu le jour arriver. Pas un seul rêve ni un seul cauchemar. Parfois, je sentais jack à mes côtés mais ça ne me réveillait pas. En fait... Pour une fois depuis très longtemps, j'étais calme et paisible. Et je n'étais as seule. jack faisait partie de mon ancienne vie et dans un sens, je m'accrochais à lui comme un espoir, comme une moule à son rocher. Qu'il m'aide à retrouver mes pouvoirs n'avait pas d'importance en m'endormant contre lui car je n'en avais pas besoin. Mais très vite, ce manque maladif se ferait sentir une fois sortie de mon nuage provoqué par tant de quiétude. C'était étrange d'imaginer que quelqu'un comme jack pouvait procurer autant de calme à quelqu'un comme moi.

Ce qui m'a réveillé, c'est un klaxon dans la rue, plus fort que les autres. J'ai sursauté en relevant la tête, alerte et j'ai regardé autour de moi. je n'avais plus idée d'où j'étais ni avec qui j'étais et je ne reconnaissais pas la chambre. Et puis, petit à petit, les souvenirs sont revenus à m'en coller la migraine. L'entrée de jack, la gifle, le whisky qui m'était très vite monté au casque... Son baiser et puis le mien... En grognant, ma tête est retombée lourdement dans l'oreiller. Je regrettais déjà d'être restée. C'était comme se mettre à nu e se rendre compte après qu'on avait accordé une trop grande importance et une trop grande confiance à un inconnu. j'ai poussé un profond soupir faisant volet des mèches de cheveux sur l'oreiller que je serrais fortement entre mes bras.

Spoiler:

Quand j'ai entendu la porte d'entrée se fermer, j'ai à nouveau relevé la tête en tendant l'oreille. Un coup d'oeil à côté de moi et Jack n'était pas là. L'odeur m'indiquait qu'il avait déjà pris une douche - laquelle je n'avais absolument pas entendue - et que le café était encore chaud. Je me suis retournée sur le dos mais je n'entendais rien. Pas de cuillère, pas de froissement de vêtements... Je me suis passée une main sur le visage en grognant et j'ai ramené mes cheveux en arrière en me levant finalement, tirant la couverture avec moi pour m'enrouler dedans. Ce n'était pas une question de pudeur, je ne connaissais pas ce mot, mais simplement de confort.

– Jack ?

Dans le salon, j'ai regardé autour de moi. Tout était parfaitement bien rangé, à sa place, j'étais la seule intruse, la seule chose qui n'était pas à sa place. Les sourcils toujours froncés, j'ai remarqué que la cuisine était bien rangée elle aussi, au détail près d'un papier sur le comptoir. Penchant la tête, je l'ai secouée. En soupirant, je me suis approchée pour le lire en le prenant entre mes doigts et j'ai haussé les sourcils en le laissant retomber.

– Mais bien sûr...

C'était de bonne guerre ! Je n'aurais même pas laissé de mot. Pourtant, je n'allais rien utiliser, pas de café ni de brioche, ni de thé. Non, j'allais me ranger moi-même dans mes fringues de la veille et partir au travail, comme lui. Mais curieusement, j'avais le coeur léger. Le message "fais ta vie" de Jack pouvait être un peu brutal pour quiconque n'était pas habitué à ce genre de relation précaire mais finalement, ce n'était pas plus mal. Et j'y ai souris en retournant dans la chambre pour jeter la couverture sur le lit. J'avais hésité à prendre une douche mais je ne voulais pas m'imposer encore plus, cela dit je n'avais pas le temps de retourner chez moi. Alors après une courte séance d'eau chaude, j'ai enfilé mes vêtements, attaché mes cheveux vite fait et j'ai refait son lit vu qu'il aimait que chaque chose soit bien rangée. C'était le moins que je puisse faire.

De retour dans la cuisine, j'ai fait passer mes cheveux par dessus le col de mon manteau et je me suis penchée sur le mot de Jack en prenant un stylo. J'ai alors barré toute la première partie, ne gardant que le "Fais ta vie." Souriant encore, j'ai noté à côté un simple "J'ai un plan" avec mon numéro en-dessous. Jack était intelligent et il comprendrait, pour ça au moins, j'avais confiance.

Et sans me retourner ni regarder en arrière, comme si j'avais pu recharger mes batteries et mes bonbonnes à oxygène, j'ai quitté l'appartement.

Spoiler: