Cela faisait plusieurs années maintenant que Deirdre avait ouvert son cabinet sur la 5ème Avenue, elle avait choisi cette rue pour permettre à ses patients de se fondre la masse, pour garder « l'anonymat ». Là elle avait vu nombre de personnes passer, s'attachant à certains, tandis que d'autres ne revenaient pas et ne reviendraient probablement pas. Mais ce qui étonnait le plus Deirdre était le fait qu'elle avait autant de personnes qui venait la voir. Comment croire que tous avaient tant besoin d'aide ? Et plus encore elle avait même une liste d'attente, chose complètement folle – et ce sans mauvais jeux de mots – elle en était venue à envoyer de nouveaux patients à des confrères, car dans le cas contraire elle aurait dû finir aux alentours de 22-23h peut-être même le week-end...

Pourquoi parler de cela me direz vous ? Simplement parce qu'aujourd'hui Deirdre recevait aujourd'hui un tout nouveau patient. Elle ne savait rien de lui, il l'avait appelé un après midi et avec lui elle avait fixé un rendez vous. Chance pour lui Deirdre venait de dire au revoir à une jeune femme qui sentait prête à voler de ses propres ailes. La psychiatre l'avait laissé partir avec joie, une légère accolade et un sourire rassurant. Elle fut remerciée par un bouquet de fleurs qui réchauffa son cœur et qu'elle ne tarda pas à mettre dans un vase. Le bouquet posé près de son appui de fenêtre donnait un brun de fraîcheur dans une pièce qui déjà cassait les vieux codes et les idées reçues. Lumineux, l'endroit aux grandes baies vitrées était protégé par des voilages clairs. Le tout était composé de meubles modernes, même le fameux divan dont chaque psychiatre devait disposer était lui aussi très moderne. Les murs étaient décorés de tableaux reprenant les tâches d'encre du test de Rorschach sur son bureau en verre, un ordinateur portable restait comme éternellement fermé et éteint, près de son agenda duquel dépassait légèrement un stylo noir. Une lampe de bureau venait éclairait le tout avec douceur une fois la nuit tombée. Des plantes finissait de décorer le tout ainsi qu'un tapis près du divan, ce genre de tapis qui vous donne envie de retirer vos chaussures et d'attendre que le tout s'éteigne pour dormir. Le fauteuil que Deirdre utilisait était tout aussi design, un lieu qui cassait tous les codes mais où elle elle se plaisait.

C'est dans cette ambiance particulière, et calme que Deirdre attendait également son nouveau patient donc. Perchée sur ses talons hauts, elle décroisa lentement les jambes lorsqu'elle entendit la sonnette de l'appartement retentir. Elle laisserait le jeune homme s'installer dans la salle d'attente, faire « connaissance » avec les lieux. Un endroit tout aussi rassurant, qu'elle avait construit aux rythmes de ses patients, et qu'elle adaptait à leurs besoins. Lentement elle ouvrit la porte, esquissa un sourire que certain aurait qualifié de maternel, de tendre. Et c'est une voix légèrement grave qui raisonna avec douceur.

« Bonjour Monsieur Quire ; entrez je vous en pris »

Sa main tendue accueillait l'homme face à elle avec la même douceur, elle le laissa entrer afin de rejoindre avec lui son bureau. De nouveau elle s'installa derrière son bureau en le laissant choisir sa chaise parmi les 2 présentes, et finalement elle souffla

« Dîtes moi tout alors Monsieur Quire, qu'est-ce qui vous amène ici ? »

Quentin avait bien pris racines à l’institut maintenant. On pouvait dire qu’il faisait dorénavant partie du quotidien de l’établissement. La plupart des élèves le connaissaient, et il avait appris à connaître une grande partie de ses collègues, à défaut peut-être des plus mystérieux d’entre eux. Mais l’ensemble de cette communauté, sous ces semblants de vie pleine et dynamique, semblait cacher quelque chose d’autre pour le télépathe. Une sorte de malaise profond qui, selon lui, avait pour nom : la perte de Xavier.

Cela faisait maintenant des années que le Professeur les avait quittés, mais sa présence faisait toujours écho entre les murs. C’était comme s’il hantait les lieux, ou plutôt les esprits de ses habitants. Et même ceux qui ne l’avaient pas connu semblaient souffrir cette perte. Cela allait jusqu’à en affecter la télépathie de Mantis qui confirma son diagnostique : l’institut était encore en deuil. Pourtant, après toutes ses années, il fallait avancer. L’institut et les X-men ne s’en étaient pas remis et cela se voyait dans le bilan de leurs actions qui avaient perdues au moins le triple de leur ancien éclat. Et Quentin, ayant été là pendant « l’âge d’or » de l’équipe, voyait très bien la différence. Avant, les confrontations avec Magneto et sa confrérie étaient hebdomadaires… aujourd’hui, la dernière officielle datait de… il ne savait même pas… des années ? Alors certes la situation avait changé, l’opinion publique, les groupes en eux-mêmes… Mais au final, ce n’était pas non plus si différent que cela. La communauté mutante souffrait toujours, plus que jamais, peut-être, et à l’école, une torpeur quasi mystique entravait le groupe. Clairement, il fallait faire bouger les choses… et Ororo, aussi adorable était-elle, laissait l’équipe se fondre dans l’anonymat. La raison était limpide pour le professeur de littérature : la mort de Xavier avait cruellement manqué de soutien psychologique. Fidèle à ses principes, si la solution ne résidait pas dans la littérature, elle devait se situer quelque par dans les tréfonds de la psychanalyse. Seulement Quentin n’avait pas les outils adéquats pour une telle inquisition. La réponse était des plus simples… il fallait prendre un rendez-vous chez un psy.

Le jour de sa consultation, Quentin fut pris par une série de doutes, non pas pour les raisons de ce rendez-vous, mais sur le psychologue en question. Il ne la connaissait pas, il n’avait pas suivi son travail, ayant été absent de la « scène » pendant des années, il n’avait pas eu d’autres choix que ; 1 : Demander l’avis à quelqu’un qui consultait véritablement (mais il ne connaissait pas de telles personnes et même s’il en connaissait, il ne voudrait pas lui attirer de problèmes au cas où) – 2 : y aller au hasard. Les pages jaunes combinées à un jeu de dès firent leur office. Le voilà donc dans la salle d’attendre du Docteur Philipps qui, lorsqu’elle l’accueillit, se montra charmante. Un brin maternelle, mais très directe, ce qui était rassurant lorsqu’on avait une telle consultation ; on a pas envie de passer plus de temps à déchiffrer les intentions ou les paroles d’un psy qu’à lui parler. Mais après tout, il était encore trop tôt pour ce faire un véritable avis. Le bureau quant à lui se montra à la fois simple et sophistiqué, le tout mélangé à de la douceur qui générait au final un climat de confiance pour le client lambda. Quentin savoura ce nouveau milieu tout en imaginant un cabiné stylé gothique satanique, pour le fun. Une fois assis, le docteur montra encore une fois sa capacité à se montrer directe en demandant d’office quel était le problème. Se tenant au plan qu’il avait, Quentin garda une expression un peu sombre (repenser au bilan de l’institut suffisait amplement à jouer le jeu) tout en déclarant d’une voix grave qui se voulait assurée :

– Mon père est mort. Ok il en faisait trop, il détourna les yeux en se raclant la gorge avant de se reprendre. En fait non, ce n’était pas mon père… mais… disons qu’il a bien tenu ce rôle pour moi pendant un long moment. Il marqua une nouvelle pause et s’efforça de regarder son interlocutrice dans les yeux (il avait lu quelque part que certaines personnes avaient du mal à regarder leur confident dans les yeux, et Quentin entrait pile dans cette catégorie de gens… enfin avant. En fait, ça fait quelques années qu’il est mort mais… je l’ai appris il y a peu et… j’ai du mal à avancer… j’essaie mais… j’ai l’impression que rien ne sera plus jamais comme avant quoique je fasse et que c’est une fatalité…

Le vrai était tellement bien mêlé au faux que le tout devait avoir une intonation bien étrange pour le docteur Philipps. Mais au final, il donnait vraiment l’impression d’être perdu, peut-être parce que c’était la vérité. Le plus marrant, c’est qu’il n’en avait pas vraiment conscience. Occupé à « jouer son rôle », il ne se doutait pas qu’il en livrait beaucoup.

– Bref, j’ai… Je ne sais plus trop quoi faire alors j’ai pensé… Enfin c’est votre métier d’aider les gens à… vous savez ?

Pour le coup il n’arrivait même pas à trouver les bons mots. Ca promettait. Lui qui était là pour représenter tout l’institut afin de pouvoir aider ses habitants par la suite… Car la crise les empêchait légèrement de payer des consultations à tout ce petit monde.

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Désolée pour l'attente vraiment je suis honteuse >.<

A peine l'homme fut il entrer dans son cabinet que quelque chose aiguisa la curiosité de Deirdre. Et lorsque cela arrivait la jeune femme prenait un grand soin à suivre cette intuition. Il y avait dans l'allure et dans la prestance de cet homme, dans sa façon simplement de se tenir quelque chose qui l'intriguait. Néanmoins Deirdre se montra comme à son habitude souriante, douce, sans souhaiter le brusquer. Elle l'accompagna jusqu'à son bureau, charge à lui de choisir sa place. Une fois installé, elle se préoccupa donc de la raison première de la visite de Quentin. Suivant son habitude, Deirdre ne pris aucune note, croisa les jambes avec grâce et observa le visage de son interlocuteur. Cet air sombre ne lui échappa pas et l'explication ne se fit pas attendre. Quentin évoqua la mort de son père. Deirdre allait pour l'interroger sur cet homme lorsque l'homme face à elle rectifia ses premiers mots. Il parla d'un homme qu'il assimilait comme tel. Et ce qui surpris la psychanalyste à cet instant fut ce regard qui se vrilla dans le sien, néanmoins elle écouta la suite de son histoire.

La suite passa à quelque chose de confus, son discours semblait à la fois très personnel et en même temps presque préparé, sauf si il n'y avait pas eu ces hésitations. Lorsque Quentin évoqua le but du métier qui était le sien un signe de tête fut esquissé par la jeune femme.

« Mon métier consisterait dans cette situation à vous accompagner dans ce qui semble être votre deuil, vous permettre de comprendre pourquoi « vous n'arrivez plus à avancer » »

Légèrement elle se replaça sur sa chaise, et croisa les mains devant elle et sur son bureau reprenant mentalement ce que venait de lui dévoiler son patient, faisant le tri entre ce qui était – pour elle – sorti plus naturellement. Elle esquissa un sourire et souffla avec cette douceur qui lui était propre.

« Parlez moi un peu de cet homme, vous disiez qu'il tenait un rôle de père pour vous... Comment l'avez vous rencontrez par exemple ? »

Deirdre prenait toujours soin de connaître les personnes qui venaient la voir, sans jamais outrepasser ce qu'elles souhaitaient lui dévoiler. Ainsi respectait elle les parts d'ombres de chacun. Mais dans le cas de Quentin autant sa demande était explicite, autant ce « père » qu'il avait évoqué n'était pour l'heure par le mystère le plus grand dans cette histoire. Mais comprendre ce qui amenait Quentin en ces lieux était tout autant important que de l'accompagner dans ce qui lui semblait être un deuil difficile à faire.

De nouveau elle se replaça sur son fauteuil et replaça son étole sur ses épaules écoutant donc le récit que voudrait bien lui faire Monsieur Quire de cet homme qui comptait tant pour lui et qui l'avait conduit ici.