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 Une discussion dans le jour (Ashley)

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Adam Tenseï

Adam Tenseï
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MessageSujet: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptyMar 20 Nov - 8:31

— Et alors, là, elle m’a dit, Ashley, tu ne devrais pas le rappeler, et…

Adam avait envie de mourir. Il faisait un effort considérable pour obliger son regard à ne pas dériver dans le vague, pour le garder bien fixe sur Ashley qui parlait, Ashley qui lui racontait sa vie, un regard noir — il ne pouvait certes pas trop faire autrement — mais un regard qui ne fût pas assassin. Et un sourire. Il fallait tout de même avoir l’air un peu intéressé.

Intéressé ou non, il venait de toute façon d’accéder à un large pan de l’existence d’Ashley Jessica Smith, étudiante en deuxième année de psychologie, temporairement employée à l’administration de l’université, courtisée par Jordan Sylvester Ford, étudiant en droit, plus âgé (ce qui était un bon point), mais qui ne faisait pas de football américain (ce qui était embêtant), Ashley qui rêvait de devenir journaliste, ou banquière, ou militante pour la cause animale. Peut-être les trois à la fois.

La savoureuse ironie de la situation n’échappait pas à Adam. L’Ashley qu’il cherchait à retrouver n’avait que peu à voir avec l’Ashley qu’il devait affronter. Son Ashley étudiait une vraie matière, lui, et puis c’était un garçon, et puis son Q.I. devait valoir (au bas mot) le double de celui de l’Ashley présente. Le sordide hasard qui les faisait tous les deux étudier dans la même université ne servait guère qu’à lui rappeler que sa vie était décidément, dans les petites choses comme dans les grandes, très étrange.

Terminant ses explications qu’Adam n’avait écoutées qu’avec une attention flottante, Ashley laissa échapper un rire qui n’eût pas paru déplacé au jeune homme dans un film d’horreur (mais il n’était peut-être pas entièrement objectif) et interrogea :


— Alors, donc, tu veux jeter un coup d’œil au registre ? C’est pour… ?
— Rapide échantillonnage. On veut placer un nouveau gymnase. Il me faudrait un aperçu de la répartition des étudiants.


Il avait préparé une explication beaucoup plus complexe et beaucoup plus crédible, mais quelque chose lui soufflait qu’elle ne serait pas entièrement nécessaire. Un soupçon de méfiance s’insinua néanmoins dans l’esprit d’Ashley, qui jeta à nouveau un coup d’œil sur la carte de visite que le jeune homme en costume-cravate lui avait tendue :

Adam R. Tenseï
Parti Démocrate — Antenne New-Yorkaise
Chargé de mission Sports & Urbanisme social

Suivaient une liste de numéros de téléphone et d’adresses électroniques qui avaient l’air décidément très officiels. La jeune femme fit finalement pivoter l’écran vers Adam et poussa le clavier vers lui.

— Merci.

En deux minutes, parce que le logiciel universitaire était bien conçu (nous sommes dans une fiction), Adam, malgré sa notable antipathie pour les machines, parvint à tirer de l’appareil le numéro qu’Ashley, le vrai, avait donné en s’inscrivant à l’université. Il prit quelques secondes pour le graver dans sa mémoire puis se mit à pianoter un peu hasard, pour se donner une contenance et accréditer un peu son histoire d’échantillonnage.

Pendant ce temps-là, Ashley, la fausse, continuait à faire la conversation.


— Tu sais, moi aussi je vote Démocrate, parce que je trouve que c’est trop cool, le progrès quoi, et puis tous ces trucs, sur… Enfin, tu vois, là, les dernières propositions…
— Les amendements à la dernière appropriation bill ?
— Non, l’autre…
— La réforme sur le recensement ?
— Non, le truc avec les chiffres.
— La taxe sur l’éthanol ?
— Euh, ouais, peut-être, j’sais pas. T’as des supers pectoraux, ça s’voit que t’es en mission sport.


Adam quitta des yeux l’écran et posa un regard incrédule sur son interlocutrice.

— Euh… Oui. Peut-être.
— J’peux touch…
— Ah. Il va falloir que j’y aille !


Adam se releva brusquement et tendit une main très professionnelle à Ashley.

— Merci pour tout. Nous nous souviendrons de votre collaboration.

***

Adam Tenseï a écrit:
Tu crois que l’on pourrait se voir à Central Park, vers dix-sept heures ? A l’entrée ouest ? Juste pour discuter. Pas de piège, rien. Ce serait bien, il me semble. AT.

***

Adam avait beau avoir abandonné son costume-cravate pour des vêtements plus confortables, il ne s’en sentait pas pour autant à son aise. Depuis qu’il avait pris la décision de revoir Ashley, pour essayer d’adoucir, si c’était possible, l’impression qu’il lui avait faite lors de leur dernière entrevue, il avait tourné et retourné dans son esprit une conversation improbable qui n’aurait jamais lieu et, même dans la quiétude isolée de sa propre conscience, il n’était pas parvenu à se trouver entièrement convaincant.

Le message qu’il avait envoyé lui paraissait inadéquat ; il l’avait reformulé plusieurs fois sans rien trouver de mieux. Et désormais, il attendait, il faisait les cent pas, les mains dans les poches, sans savoir quoi dire, sans même savoir avec quelle intonation prononcer les salutations d’usage, ni s’il restait un quelconque usage à conserver. Il avait décidé de réformer son existence, lentement, sûrement, de continuer sur cette lignée fabuleuse qui lui avait offert un compagnon (bizarre) et un emploi (inattendu) — mais tout était décidément bien compliqué.

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Ashley Blumenthal

Ashley Blumenthal
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MessageSujet: Re: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptyDim 2 Déc - 0:57

Le stylo-plume, depuis plus d'une minute, faisait des acrobaties entre les doigts agiles d'Ashley ennuyé. La bibliothèque était silencieuse : rien ne s'y passait et n'accrochait son regard ; rien n'aurait dû donc le divertir de son travail et pourtant, diverti, il l'était. La dissertation, comme exercice, était délicat. Il n'aimait pas particulièrement écrire : il lui semblait ne jamais arriver à transcrire exactement ses idées ; certainement, même, elles ne méritaient pas d'acquérir une existence durable car elles étaient éphémères, en évolution constante ; et s'il y avait un intérêt réel à les conserver, c'était pour, des années plus tard, comme un artiste expérimenté retrouve ses dessins d'enfance, se féliciter de la maturité gagnée. Outre, bien sûr, ne pas avoir zéro en histoire des sciences.
Il était bien obligé, donc, de subir cet exercice qui aurait dû, dans le meilleur des mondes, prendre le temps raisonnable de trois heures – le temps accordé en examen – et qui, il le savait déjà, lui prendrait beaucoup plus de temps, sans même y compter toute la documentation à réaliser.
Se réarmant de courage et de stylo-plume, il relut son dernier paragraphe, qu'il trouva détestable, et se mit à corriger l'ordre des mots, les tournures de phrase, le vocabulaire, puis à corriger les corrections, jusqu'à arriver sur son brouillon à un pavé informe, vaguement lisible – il se rendit compte à cet instant de la source de son mécontentement : son raisonnement était complètement stupide, il fallait tout changer, parler de l'état de tutelle de l'homme avant de citer la Critique de la raison pure ; et quelle idée il avait eu d'exposer la chronologie des idées, c'était absurde, il valait mieux faire un travail thématique, un travail de synthèse, en bref quelque chose d'intéressant et pas une bête description.

Vingt minutes plus tard, le stylo avait repris vie, voltigeait à nouveau – cette fois-ci cependant, Ashley réfléchissait réellement – quand une vibration, depuis la poche de l'étudiant, l'interrompit dans ses pirouettes.
Et, de fait, interrompit Ashley dans tout son travail. Il n'eut qu'à voir le nom du destinateur : Adam Tensei. Ce qu'il y avait de perturbant à recevoir un message de sa part n'était pas seulement qu'Adam l'avait entraîné dans une baraque maléfique d'où Ashley était ressorti avec dans les yeux le choc du meurtre constaté, de la violence réelle du monde, et la honte de n'avoir pas pu y faire quoi que ce fût ; c'était aussi et simplement que l'Anglais n'avait pas donné à Adam son numéro.
La surprise passée, il n'hésita pas longtemps et ouvrit le message. Il en ressortit sceptique, inquiet peut-être – l'idée même de revoir Adam était troublante. Le jeune homme avait songé souvent, les premiers jours après leur rencontre, puis parfois, à le recontacter ; en tant que mutant à New York, il était parfois inquiet. Il aurait parfois voulu le soutien de quelqu'un de sa condition – et Adam, du moins avant sa rencontre, quinze jours plus tôt, avec Salem, laquelle l'avait d'ailleurs travaillée, était le seul mutant qu'il connaissait. Ou la seule personne qu'il connaissait et dont il était sûr qu'elle était mutante. Il se demandait parfois si, dans ses camarades de classe, ses amis même, il y avait des mutants. Peut-être – statistiquement probable, même.
Alors, Central Park, dix-sept heures ? Il était quatorze heures et demie. Techniquement, il avait largement le temps. Y aller ? Ne pas y aller ? Il voulait savoir, surtout, pourquoi Adam voulait le voir. Peut-être un rapport avec Salem ? Sûrement, ce n'était pas pour lui demander s'il avait demandé à ses amis dessinateurs si le scenario du jeune homme l'intéressait... (il l'avait d'ailleurs fait. Sans oser envoyer les trois réponses, d'ailleurs ou négatives ou peu enthousiastes, au mutant.)
Le fait qu'il précisait « pas de piège » n'avait rien de très rassurant au premier abord. Le devin avait-il vu quelque chose, avait-il besoin de lui ? « Juste pour discuter »... ça ne lui semblait pas une très bonne raison, pas après des mois de silence.
Ashley se leva, sortit de la bibliothèque, dans la tactique du prendre l'air pour penser mieux. Il imaginait qu'obtenir son numéro ne devait pas être très compliqué. Pas pour quelqu'un capable de voir l'avenir, ou de crocheter le cadenas d'un bâtiment désaffecté. Ou même, à la rigueur, pour qui que ce fût d'un peu motivé, sachant un peu où chercher.
Finalement, Adam ne lui avait menti en rien. C'était aussi que, ce soir là, seulement après il lui avait expliqué sa situation – et Ashley croyait à l'honnêteté de ces révélations. Alors, peut-être, « pas de piège » voulait simplement, vraiment dire cela : pas de piège. Juste une discussion. Qui, peut-être, dans le champ des possibles futurs, sauverait le monde ; ou peut-être non.
Il avait aussi une obligation au devin et, l'ayant déjà une fois déçu, ne voulait pas le contrarier à nouveau. Alors, en résumé, pour y aller : c'était presque un devoir, l'effort à fournir était minime, Central Park était un lieu fort agréable, il avait le temps ; contre : un mauvais sentiment.

Dans la rue, sur le trottoir, il y avait du monde. Non pas de la foule : il y avait des gens, des passants, beaucoup de gens, masse mobile et perpétuelle des grandes cités et qui témoigne de leurs vitalités. Ashley y trouvait un certain côté plaisant : il y avait quelque chose de rassurant dans ce mouvement des hommes dans la ville, peut-être dans la diversité des individus, ou dans leur multiplicité si proche que le mutant ne se sentait plus isolé.
Il était en avance de plus d'une demie-heure ; parce qu'après ce message, il avait eu l'esprit trop agité pour se remettre à disserter ; parce qu'il faisait assez beau pour s'aventurer dehors ; parce que, simplement, arriver en avance était dans ses habitudes et qu'il préférait particulièrement arriver plus tôt ce jour – pour cerner les lieux. Et faire un tour, il l'avait fait en effet : après être arrivé au niveau de la 65ème rue, il était remonté, s'était baladé en contournant les étendues d'eau du Lake. L'observation lui avait montré qu'il ne se passait rien de particulier.
Il ne lui restait plus qu'à retrouver le devin, et ça ne lui prit guère de temps. Le lieu de rendez-vous ne permettait pas exactement de se perdre. Adam l'avait vu également et chacun allait à la rencontre de l'autre.
Adam n'avait pas beaucoup changé. Il ne s'était écoulé que quelques mois. Seulement. Peut-être il avait l'air moins sombre, plus lumineux – ce qui n'était pas très significatif quand presque toutes les images qu'Ashley avait retenu d'Adam étaient celles d'un jeune homme, d'un type asiatique, une lampe torche à la main, dans des couloirs enténébrés, tâtant l'incertitude du bout des doigts (ou de l'esprit).
Le Britannique n'avait pas changé non plus, en vérité et, habillé d'un jean classique et d'un t-shirt beige, paraissait à la lumière naturelle sous un jour plus favorable, plus tranquille en apparence que le soir, au cœur d'un des quartiers les plus chauds de New York, dans une rue glauque, devant un bâtiment sinistre.
Il avait décidé depuis des heures de rejeter tout sentiment et tout potentiel tremblement ou hésitation était rendu imperceptible, confondu dans le mouvement de la marche et les traits que dessinaient, sur son visage, la trouvaille de l'objet cherché, Adam. Il tendit donc une main assurée, c'est-à-dire énergique, à l'Américain et le salua d'une voix alerte et neutre.

« Bonjour. Comment vas-tu ? »

Puisqu'il avait déjà compris qu'Adam n'aimait pas les questions, il préférait se contenter d'interrogations inconséquentes. Si d'ailleurs, comme il en sentait une pointe d'envie, la discussion tournait autour de trivialités, il serait enchanté : jamais à un tel jeu il n'était en défaut d'atouts.
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Adam Tenseï

Adam Tenseï
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MessageSujet: Re: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptyDim 2 Déc - 12:14

Adam n’était pas loin de s’enfuir. Partir, retrouver M. Cordova-Tenseï (l’autre), le battre à la bataille corse (évidemment), bref, passer une fin d’après-midi beaucoup plus simple que la conversation qu’il prévoyait d’avoir. Il n’était pas très doué pour entretenir les apparences de la normalité, pas très diplomate surtout, et il avait peur que sa tentative ne se soldât par un échec et ne fît, en fin de compte, empirer les choses.

Alors qu’il suivait du regard un bus qui s’éloignait précisément dans la direction où l’autre Cordova-Tenseï était censément en train de faire ses devoirs de mathématiques et très probablement en train de regarder des vidéos sur Internet, de construire un château dans Minecraft ou de chercher des vêtements en solde, ses yeux tombèrent finalement sur Ashley, dont la silhouette élégante se découpait au milieu des promeneurs et des passants qui, plus pressés, coupaient à grandes enjambées par le parc pour arriver plus vite à leur rendez-vous.

C’était trop tard.

Le mutant déglutit péniblement et s’approcha à pas mesurés d’Ashley. Il tenta de se rassurer en constatant qu’au moins, le jeune homme avait une meilleure mine. Ce n’était pas très surprenant : la dernière image qu’il conservait de lui, bien éloignée de leurs précédentes rencontres dans la bibliothèque universitaire, était souillée par la brutalité et l’horreur de la soirée. C’était pour Adam un soulagement de retrouver Ashley comme il l’avait rencontré les premières fois, quand ils avaient parlé philosophie.

Il serra la main du Britannique en lui adressant un sourire fugitif, puis s’engagea sur l’une des allées principales, Ashley à ses côtés, les mains dans les poches, après avoir répondu :


— Bonjour.

Ce mot simple, et anodin, lui paraissait un peu étrange entre eux désormais, mais il comprenait l’intérêt de restaurer la banalité même, qui était peut-être la plus efficace des armes contre la rupture du monde dans laquelle ils s’étaient engouffrés, quelques semaines plus tôt — rupture pour Ashley, tout du moins, épisode récurrent d’une histoire répétitive, pour Adam.

Promenant son regard sur les New-Yorkais assis sur les bancs, les grands-mères qui nourrissaient (au mépris de la loi) les pigeons, les enfants qui couraient dans les allées, les cyclistes qui se frayaient un chemin, les joggeurs de fin d’après-midi auxquels succéderaient les joggeurs du soir, les faux joggeurs qui venaient exhiber leur torse musculeux dans l’espoir d’attirer l’attention d’une vraie joggeuse et plus loin, dans les buissons, les couples, les pervers et les dealeurs, au-delà encore, les vendeurs de gaufres et de ballons, puis les témoins de Jéhovah.


— Ca va, merci.

Contrairement à Ashley, Adam n’était pas un spécialiste des conversations et ces menus propos le rendaient un peu nerveux. C’était la vérité cependant : il allait bien, merveilleusement bien. Exception faite des trois visons apocalyptiques quotidiennes, des bagarres, des courses-poursuites, des meurtres, etc., sa vie était parfaite — il avait un fiancé, ou presque, il avait un nouvel emploi, il allait peut-être avoir un chaton, ou un nouvel appartement.

Il hésitait à retourner la question à Ashley. Il n’était pas sûr d’en voir l’utilité. Il doutait que son interlocuteur se livrât soudainement et lui fît part des tourments qui peut-être l’agitaient depuis leur rencontre, des cauchemars, des doutes, du dégoût, comment savoir ? Adam jeta un regard en biais sur celui que Salem avait décrit comme « un type bizarre qui joue des morceaux immondes sur le piano de la galerie marchande », description dans laquelle Adam n’avait pu que reconnaître Ashley (cela, et le fit que le type en question « portait un prénom de fille, tu sais, Ashley »).

C’était peut-être le terrain à exploiter, pour manœuvrer paisiblement dans cette étrange, puisque banale, conversation.


— Alors, tu travailles sur un nouveau morceau, en ce moment ?

C’était prometteur, mais Adam se rendit compte après avoir prononcé sa question, et passée la fierté d’être arrivé à faire avancer normalement une conversation, que tout cela méritait peut-être un peu de contexte. Il se reprit presque aussitôt, comme un élève récitant un poème qui aurait oublier quelques vers :

— J’veux dire, Salem m’a parlé de toi. Il paraît que tu joues des choses étranges dans les supermarchés. Enfin, bref, ça a un peu bousculé sa conception de la musique, je crois.

Cela dit, il n’avait à peu près aucune idée du genre de musique qui passait dans les écouteurs que Salem mettait pour éviter que ses morceaux favoris ne fissent convulser son petit ami. Mais enfin, après la description sceptique que Salem lui avait donné de la pièce jouée par Ashley, Adam supposait que les deux univers musicaux ne connaissaient guère d’intersections.

Toujours était-il qu’au mot « Salem », un sourire s’était installé sur le visage d’Adam, que le jeune homme s’était empressé de refouler quand il s’en était rendu compte, pour ne pas avoir l’air tout à fait idiot. Comme la rencontre entre Ashley et son compagnon datait d’une époque où tout n’était pas encore très pacifié dans leur relation, il supposait que le Britannique ignorait la nature des liens exacts qui l’attachaient avec Salem — et il ne voulait pas que son sourire passât pour une moquerie à l’égard des choix mélomanes de l’un ou l’autre.


— Je te dirais bien que je suis curieux d’écouter ça, mais je ne suis pas très doué avec… L’ordre des notes de musique, disons. Les aléas de la génétique.

Bien, Adam avait tenu au moins une minute entière, si ce n’était deux, sans évoquer le nœud du problème et engager la conversation sur les rails de l’étrange : ce n’était pas une si mauvaise performance. Mais telle était sa nature : il n’avait ni talent, ni goût pour les conversations qui serpentaient entre les sujets importants et, à moins que les détours ne fussent productifs, il préférait en faire l’économie.
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Ashley Blumenthal

Ashley Blumenthal
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MessageSujet: Re: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptyLun 3 Déc - 21:21

De l'herbe des grandes allées, des buissons et bosquets émanaient des effluves plaisantes. Le Soleil se ressentait partout : dans la lumière éclatante du jour, dans la chaleur que celle-ci transmettait à Ashley, dans l'odeur même de la chair réchauffée. Le jeune homme se rendait bien compte de ces conditions idéales et, en philosophe un peu épicurien, essayait d'y trouver un bout de bonheur mais la présence d'Adam à ses côtés le rendait difficile d'accès.
Ce n'était pas qu'Adam était absolument désagréable : simplement qu'il faisait surgir trop d'interrogations et de possibilités pour se relaxer à ses côtés – outre le souvenir douloureux qui n'était jamais très loin à l'esprit de l'Anglais. Mais marcher à ses côtés, cela était possible. Peut-être une chose qu'Ashley aurait aimé éviter. Il regardait les étendues vertes presque autant par intérêt pour la vue reposante de la vie New-yorkaise que pour éviter de regarder le mutant à sa droite.
À la première évocation d'un « morceau », il se demanda s'il avait parlé déjà à Adam de musique, tout en se souvenant de Salem, super pote d'Adam ; ce dernier lui confirma l'histoire. Ashley ne savait pas exactement ce qu'il entendait par là cependant : bousculer sa conception de la musique, était-ce bien ou non ? À ce sujet, le ton d'Adam ne laissait rien deviner. Et peut-être que découvrir des horizons nouveaux était nécessairement une chose bonne.

« C'était de la provocation. J'étais avec des amis. Ils avaient l'air de croire à... une forme supérieure d'art, je suppose. »

Il ne poursuivit pas : il ne lui semblait pas qu'Adam était très intéressé par le pourquoi du comment ; plus encore, il rechignait à exposer ses idées. D'abord, c'était délicat. Et puis, c'était aussi risquer de les voir rejetées, donc, quelque part, lui-même refoulé. Enfin, de toute façon, Adam n'était vraisemblablement pas intéressé, comme de juste.
Aussi, il se rabattit prudemment sur des données objectives et expliqua quasiment en mots d'excuse :

« C'est du vingtième siècle. De Henry Cowell. The Hero Sun. C'est un joli titre, au moins. »

La plupart des gens ne lui concèderaient pas que c'était un beau morceau, mais au moins c'était un joli titre. Il ne lui semblait pas que c'étaient deux esthétiques très distinctes ; qu'au contraire peut-être à lui seul le titre pouvait expliquer tout.
Une file d'enfants les dépassèrent en courant, en riant. À la suite de leurs cris emportés, après une seconde de silence, Adam répondit, dans un ton bientôt différent – c'était une variation infime, sensiblement plus grave – et Ashley, qui devait bien prêter y attention puisqu'il regardait ailleurs, sut que le sujet devenait plus grave.
Il ne savait du reste toujours pas pourquoi Adam lui avait proposé de se voir mais, vraisemblablement, pour discuter génétique. Quoi d'autre ?

« Pour l'épistémologie, c'est une révolution. »

Ses propos peu engagés étaient une manière de faire durer les banalités. L'épistémologie était une chose qui lui était bien plaisante, si intellectuellement nécessaire, fondamentale, et si peu importante en fait quand à ce qui le préoccupait réellement. Du reste, c'était vrai : il s'était interrogé beaucoup sur ce qu'un pareil pouvoir de divination pouvait impliquer quant à la structure causale, sans trop s'y attarder tout de même. La science des pouvoirs mutants était encore très réduite, quoique assurément, sur le plan strict de la connaissance, un domaine passionnant. Ce qui n'était pas une attitude exclusive d'une haine farouche des premiers concernés.

« Tu peux toujours écouter John Cage. 4'33. »

Il n'expliqua pas ce que c'était que ce morceau très particulier parce que, précisément, il le trouvait indescriptible ; ou, plus exactement, le décrire l'aurait détruit.
Ce pouvait être de l'humour – conseiller à Adam d'écouter une musique qui se distinguait par son silence total. Il était difficile de savoir : son expression était neutre, son ton sérieux sans être grave – ce qui était à peu près tout ce qu'il avait montré d'émotions depuis le début de la conversation.
L'Anglais sentait cependant qu'il y avait quelque chose – on n'appelait pas à discuter pour rien – et que le temps des plaisanteries, né à peine, agonisait déjà. Alors il osa une question ouverte, craignant la réponse mais sachant bien qu'ils étaient là pour ça, que cette rencontre avait été fixée justement pour ce but inconnu.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? »

Oui, vraiment, il faisait très beau, très bon : le frisson et les impressions froides qui coulaient sur son dos ne pouvaient donc venir que de lui-même, qui ne savait pas apprécier le jour. Aussi, songeait-il, il y mettait de la mauvaise volonté puisque à la vue des enfants présents sur l'herbe lui imaginait les enfants passés d'un orphelinat à la directrice cruelle. Mais il n'en profitait pas – dire que, pourtant, le temps était si beau.
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Adam Tenseï

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MessageSujet: Re: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptyLun 3 Déc - 22:28

Adam eût volontiers parler de la philosophie de l’art — c’était un domaine dans lequel il ne se sentait guère à l’aise, précisément parce qu’en matière d’art, il n’avait guère accès qu’à ce qui était statique, ce qui excluait, somme toute, une bonne partie de la littérature et du cinéma, ainsi que toute la musique, mais enfin, c’était un domaine fécond qui valait à son avis beaucoup mieux que le matériau très limité de la pluie et du beau temps.

Mais Ashley désirait manifestement écourté leurs interrogations esthétiques. Adam sentit son cœur se serrer — parce que, bien entendu, il songeait que si celui avec lequel il avait plusieurs fois discuté philosophie auparavant, autour d’un verre dans une cafétéria du campus ou assis sur un banc devant la bibliothèque universitaire, abandonné le sujet quelques secondes à peine après l’avoir évoqué, c’était que la bonne entente, certes dénuée de toute intimité, de toute inflexion personnelle, mais malgré tout fort agréable, qui avait été la leur jadis était désormais tout à fait enterrée.

La phrase « j’étais avec des amis » n’arrangeait bien entendu rien à l’affaire, tant elle mettait Adam face à sa propre marginalité, puisque précisément pour lui, elle était étrange. Il venait tout juste de découvrir, aux côtés de Salem, ce qu’était un groupe d’amis, une vie amicale, les repas, les soirées, les sorties au cinéma (au moment desquelles il avait toujours quelque chose à faire). Ce monde lointain, le monde des étudiants comme Salem, c’était celui dans lequel Ashley évoluait et dont il l’avait un soir arraché.

Adam regrettait presque d’avoir organisé ce rendez-vous. Il ne voyait pas, finalement, de secret pour combler le fossé qui s’était ouvert entre Ashley et lui-même, qui avait peut-être toujours existé. N’eût-il pas été de son devoir, bien plutôt, de laisser les choses s’amuïr dans le silence, sans chercher à recontacter le Britannique et d’accepter de n’être qu’un mauvais souvenir dans le cours de son existence ? N’était-il pas égoïste de sa part de chercher en Ashley une sorte de rédemption qui le rendît plus digne de la nouvelle vie qui s’offrait à lui ?

L’Asiatique admirait la politesse stoïque avec laquelle son interlocuteur tentait de sauver la conversation du naufrage qui devait paraître inévitable. Musique, épistémologie, esthétique, il explorait toutes les pistes susceptibles d’apporter des distractions du principal sujet : qu’ils partageaient le secret d’un cadavre. Seulement, l’épistémologie et l’esthétique avaient été écartées au profit de la musique et en matière de musique, Adam n’avait pas grand-chose à apporter.

Il hocha néanmoins la tête au nom de John Cage, pour ne pas trop exposer sa crasse inculture dans le domaine.


— Je vois à peu près de qui il s’agit. Le nom, quoi.

Il n’était pas étonnant que pour couvrir le paradoxe d’une culture encyclopédique traversée par de grandes zones d’ombre, Adam adoptât volontiers la posture du baroudeur viril, de l’homme d’expérience qui ne parlait pas de ce genre de choses. C’était beaucoup plus simple que de se frayer un chemin entre les questions simples que son pouvoir rendait épineuse et que les questions compliquées que son intelligence rendait simples — la rencontre des deux catégories le rendait systématiquement très suspect.

Pour compenser le peu de matière que cette réponse un peu évasive offrait à la poursuite des civilités, Adam méditait une réflexion concise mais dense sur la distinction entre culture populaire et culture d’élite, susceptible de relancer le débat, quand Ashley le prit de court avec une question inattendue. Machinalement, Adam promena son regard autour de lui. Comment ça, ce qu’il se passait ? Puis, comprenant enfin que son interlocuteur faisait référence aux motivations du rendez-vous (ce qui impliquait qu’il ne croyait pas que ce fût « juste pour discuter »), l’Asiatique répondit d’une voix un peu perplexe :


— Mais… Rien… Je voulais juste…

Il ne savait plus guère ce qu’il avait voulu, ni espéré. Tout cela lui paraissait un peu idiot, désormais. Pendant quelques secondes, il se réfugia dans le silence, regardant le marchand de glaces vendre ses glaces, les constructeurs de châteaux de sable construisent leurs châteaux de sables, les grands-mères médire sur les joggeuses légèrement vêtues. Il finit par hausser les épaules.

— Je ne sais pas. J’ai conscience que tout cela est un peu… compliqué. Compliqué à vivre et à comprendre. L’idée que plusieurs existent déjà d’une certaine façon, en concurrence, en attendant la résolution, et que nous agissons dans un ensemble défini mais fluctuant de possibilités. Je suppose que deux millénaires de métaphores globalement topologiques dans le domaine de la métaphysique n’ont pas fait beaucoup pour arranger notre manière de concevoir le temps.

Quand on voit que les principaux outils naissent soit d’un hégéliano-marxisme extrêmement reproductif soit d’une phénoménologie sans aucune généralité, on comprend bien que…


Adam s’interrompit. Ce n’était pas ce qu’il avait envie de dire — c’était trop facile, de se rabattre sur les concepts et l’histoire des idées, quand son propos était plus personnel, mais aisément délimitable dans les structures élaborées que construisaient les intelligences. Il reprit avec moins d’éloquence, mais plus de personnalité :

— Ce que j’essaye de dire, c’est que même pour moi, c’est pas clair. Je ne sais pas si… Enfin, je veux dire, tu as peut-être eu l’impression que je m’étais servi de toi. C’est vrai d’une certaine façon. Plus les points fixes se multiplient, plus le futur est assuré, plus je suis sûr que les facteurs de changement que j’introduis sont les seuls facteurs nouveaux et plus je suis maître de ce qui se passe. J’aurais pu t’épargner ça, mais à partir du moment où je t’avais prévu, tu devenais un instrument potentiel de fixité.

Adam jeta un regard de côté à Ashley pour essayer d’évaluer si au moins une partie de ses explications étaient perméables. Mais il n’avait abordé que la moitié de son propos et, qu’Ashley eût ou non assimilé la première partie, il se sentait obligé de poursuivre avec la seconde.

— Ca veut dire que si c’était à refaire, je le referai probablement. Mais ça ne m’empêche pas d’être vraiment, sincèrement désolé. Je ne sais pas… plus, je ne sais plus ce que ça fait, de ne pas vivre constamment dans la brutalité, je ne peux pas me représenter, mais je suis désolé. Ce que je sais, c’est que ces choses, parfois, donnent l’impression que le monde n’a plus de valeur, qu’il ne renferme plus cette inexplicable et secrète possibilité d’espérer, ou… je ne sais pas…

Juste… Ce n’est pas que ça passe, avec le temps. Ou qu’on s’habitue. Simplement, tout n’est pas systématiquement souillé, ou contaminé. Il y a des choses qui survivent.


Par exemple, les apprentis-garagistes collectionneurs de chaussures.
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Ashley Blumenthal

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MessageSujet: Re: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptyMar 25 Déc - 20:22

Ashley avait offert une mine suspecte face à la surprise d'Adam et à son rien initial. Non pas seulement parce qu'il était sûr qu'il y avait une chose spécifique qu'Adam voulait lui dire, si ce n'était lui faire faire, mais encore parce que jusqu'à ce moment, le devin avait montré peu de signes d'hésitation. Et précisément il hésitait : il infirma presque aussitôt son rien par un juste. Et puis ?
Ashley jeta un bref coup d'œil à l'Américain. C'était étrange, qu'Adam lui demandât de venir ici pour lui parler et qu'à présent, marchant côte à côte dans une longue allée du parc, il peinait à s'exprimer. Alors peut-être aussi n'était-il pas sûr de ce qu'il voulait dire, ou de comment le dire.
La réponse ne tarda pas trop mais était surprenante, par le vocabulaire soudainement précis, philosophique, adapté plus peut-être à l'écrit, et en tout cas loin de ce qu'il aurait pu imaginer constituer sa réponse. Il aurait trouvé moins surprenant qu'Adam lui avouât qu'il avait un autre orphelinat désaffecté à visiter en sa présence que cette soudaine effusion de métaphysique – précisément, avec ce mot d'Adam, il se rendit compte que le mutant ne répondait pas à sa dernière question, mais continuait à parler d'épistémologie.
Le Britannique tenta tout de même de suivre le cheminement de la pensée d'Adam, mais sans trop de succès – d'autant qu'il s'arrêta trop tôt pour se faire comprendre. Il attendit une suite quelques instants mais à nouveau fut déçu : Adam bifurquait. Ce n'était pas très clair, en effet – Ashley ne parut pas très encourageant pour autant, mais, au moins, attentif et calme.
Face aux aveux d'Adam, le Britannique restait impassible, son regard seulement se portant plus bas, son expression se faisant plus sombre – c'est-à-dire plus neutre, perdant d'un caractère avenant qui était son habitude.
Un outil, donc. Il essayait de saisir la position d'Adam, quand en même temps il pensait déjà à plusieurs objections possibles. Tellement qu'il enregistrait presque mécaniquement ce que disait Adam, assimilait progressivement ce qu'il lui disait, essayait de ranger ses protestations dans un coin de tête où elles ne le dérangeraient pas.
Aussi ce mot du devin et aventurier : je ne sais plus ce que ça fait, de ne pas vivre constamment dans la brutalité, il n'y songerait que plus tard – car si avant il réfléchissait aux critiques qu'il voulait faire à l'explication d'Adam, les mots du jeune homme, après, étaient étrangement proches de ce qu'il ressentait récemment. Il s'arrêta presque un instant dans sa marche.
Restait-il quelque chose à faire dans un monde essentiellement mécanique ? Même Adam, en devin, n'était pas arrivé à influer assez sur le cours des choses pour éviter un mort. Et lui-même avait-il, quelque part, une utilité ? Il en doutait : en un sens tragique et final, que les choses fussent d'une manière plutôt que d'une autre, cela était égal. Qu'il vécût ou non, cela avait peu d'incidence sur le monde. C'était pire de se souvenir ensuite qu'en réalité, les choses n'avaient pas de valeur intrinsèque, car ce rappel l'amenait inévitablement à une question plus importante et plus incertaine : lui, trouvait-il de la valeur au monde ?
Il n'était parfois plus très sûr – le plus souvent il n'y réfléchissait pas ; mais c'était seulement l'esprit ouvert à la question qu'il commençait à s'interroger.
Justement il aurait aimé voir ce qui survivait à cet abîme mais, si quand il n'y pensait pas, il pouvait prétendre à une vie simple et heureuse, quand il se penchait dessus, il ne pouvait pas discerner une consolation indubitable.

« On se sert toujours des autres quoiqu'on fasse, j'imagine... mais si tu le referais, c'est que tu n'es pas vraiment désolé. Ou que ton regret ne sert à rien. »

Il ne disait pas exactement cela pour heurter Adam – mais il n'était pas non plus sans soupçonner que ces mots abrupts, qu'ils disaient avec une sécheresse infime, pouvaient le mettre mal à l'aise et aussi il nuança :

« Je ne sais pas ce qui aurait été le mieux non plus... mais si tu crois que tu referais pareil, alors être désolé c'est... en un sens masochiste. Irrationnel. Se rendre triste de l'ordre nécessaire des choses, c'est... dommage. »

Prodigieux conseil, songeait-il, qu'il devrait appliquer d'abord à lui-même, puisqu'il était vrai qu'il n'avait rien fait de mal, ni n'avait pu empêcher quoi que ce fût. Mais entre savoir ce qu'il était fort logique de ressentir et ressentir effectivement, il y avait un fossé qu'il ne parvenait pas à franchir.

« Je ne t'ai pas appelé. Parce que... parce que je n'avais rien à dire, je ne vois pas quoi dire. Ce n'est pas que je t'en veuille... non. Mais je ne pouvais pas faire comme s'il ne s'était rien passé – et, au contraire, je ne voulais pas en parler. Il n'y avait rien à dire.
Survivre et espérer. Ce serait bien, c'est vrai. Le problème est justement de trouver ce qui pourrait justifier de survivre... »


Ni le soleil ni les rires d'enfants ni les couples amoureux ne l'atteignaient. Il ne désespérait pas, et tentait de rester ouvert à un hasard, une rencontre – peut-être en ce moment Adam, à qui cependant il refusait toute confession profonde – comme il l'aurait refusé à n'importe qui – et qui pourtant avait introduit une discussion qui, plus que toute autre, l'appelait; Mais pour cela, il eût fallu qu'Adam fût pour lui un être extraordinaire – plus encore que ce qu'il était déjà, et à un niveau plus intime et empirique.
Il était donc bien embêté de cette conversation : il ne voulait pas blesser Adam et ne pouvait pas quand même lui dire que cette aventure traumatisante avait été une expérience enrichissante, deux options qui lui semblaient contraires. Alors, pour consommer le sujet, il tenta une sorte de petite mensonge – qui n'était pas tant un mensonge qu'une phrase de transition, sans autre sens que celui, rendu limpide par l'expression d'Ashley, décidé, de passer à autre chose.

« Mais c'est fini maintenant. »

Et, à bien des niveaux, c'était réellement le cas.

« J'espère que tu as quand même plus souvent de la chance que ça. »

Et il disait cela avec un intérêt certain, mais modéré, comme interrogeant son interlocuteur à propos de ses activités favorites mais banales.
Il lui semblait que c'était une transition satisfaisante ; mais, à y repenser, n'était pas très sûr de vouloir en savoir plus.
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MessageSujet: Re: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptyMar 25 Déc - 21:18

Le devin n’était pas très satisfait de ses propos. S’il pouvait expliquer clairement les enjeux des réformes agraires en cours, des comités d’appropriation budgétaire ou des stratégies électorales, il ne pouvait que ressentir son impuissance face à la nécessité d’éclairer, pour quelqu’un d’autre, ce qui constituait son expérience peut-être la plus quotidienne, la plus privé et pourtant la plus importante — ce que c’était que le temps, non pas abstraitement, non pas par des concepts, mais dans la chair même de sa vie.

Adam s’était entraîné à beaucoup de choses : à observer, à analyser, à se battre, à crocheter de ses serrures et voler des voitures, à escalader des bâtiments et échapper à des poursuivants, à exploiter les failles de la loi, à concevoir des pièges complexes, mais il n’avait jamais cru utile d’apprendre à expliquer, calmement, patiemment, avec le souci de comprendre, ses visions, ses intuitions, et ces perceptions plus profondes, qui n’avaient pas de nom, les endroits de son être où son pouvoir était indiscernable même pour lui, mais où il continuait à le modeler.

Aussi n’avait-il jamais songé qu’un jour, le besoin s’en ferait sentir. Il avait avancé année après année dans la solitude qu’il entretenait, sans songer à un quelconque futur qui fût le sien — un présent où il aurait à se faire comprendre. Rien n’était clair, rien n’était préparé pour un autre esprit que le sien ; il n’avait jamais rien préparé et il ne pouvait pas dire ce qu’il était, ce qu’il faisait et les raisons silencieuses qui conduisaient ses actes.

Les premières paroles d’Ashley ne parurent pas blesser Adam. Mais lorsque l’Asiatique n’était plus avec Salem, peu de choses paraissaient le blesser ; il opposait au monde un visage égal, un regard indéchiffrable, l’un et l’autre produits d’un naturel flegmatique et d’une expérience longue déjà pour un être si jeune. Habitué aux violences et aux complexités, habitué encore au sacrifice de soi-même comme des autres, il ne sentait pas dans le monde beaucoup de forces susceptibles de réveiller sa spontanéité.

Il continuait à regarder les passants dans le parc, les enfants, les promeneurs, les couples, les employés chargés de ramasser les ordures, les groupes de taïchi et de yoga, les pigeons. Insensiblement, il guidait ses pas et ceux d’Ashley vers les allées moins fréquentées, pour qu’ils pussent parler, sinon en termes entièrement transparents, du moins de façon plus découverte des événements qui les avaient rassemblés. Central Park n’avait de toute façon pas, à cette heure de l’après-midi, de retraites désertes.

Pas plus qu’Ashley Adam n’offrait beaucoup de prises au discours de son interlocuteur. Il le laissait parler longuement, parce qu’il savait que c’était le plus utile et le plus nécessaire. Il retrouvait dans certaines paroles du jeune homme quelque chose de ses impressions passées : ne vouloir ni ne pouvoir parler, de ce qui pourtant ne pouvait rester silencieux. Adam avait fait longtemps le choix de l’enfermement et il lui avait fallu l’Institut puis Salem pour comprendre son erreur.

L’Américain resta un long moment silencieux après les derniers mots d’Ashley. Il ne savait trop par où commencer, comment lier toutes les choses, comment les adoucir, surtout — car tel était son premier souci. Finalement, il reprit avec une calme douceur :


— Souvent, oui. Souvent les visions sont plus précises et je peux comparer l’issue réelle aux issues révolues. Mais quand le savoir manque… Je ne peux pas dire que nous n’avons pas été chanceux. Un réconfort dans la nuit la plus noire, aussi médiocre soit-il, n’est sans doute pas une chose à négliger.

Que serait-il arrivé à la jeune femme s’ils n’avaient été là ? Eût-elle passé de longues heures prostrée près du corps de son agresseur, avant de sortir, hébétée et sanglante, dans les ruelles hostiles d’un quartier brutal, en proie à de nouvelles violences ? Adam préférait encore le passé qu’ils avaient fixé pour toujours à l’hypothèse de plus grandes souffrances.

Le jeune homme fit un pas de côté pour laisser passer une troupe de coureurs, avant de revenir près d’Ashley.


— Nous ne pouvons pas calculer. Ce n’est pas parce que les choses ont été qu’elles sont nécessaires, ni parce qu’elles sont prévisibles qu’elles doivent arriver. Nous ne vivons pas dans un monde naturel où tout est organisé par les lois de la physique. En tout cas, pas moi. Je veux dire…

Adam promena une seconde son regard autour d’eux, pour s’assurer que personne n’était susceptible d’entendre trop précisément leurs paroles.

— Je ne prévois jamais des événements naturels. Les catastrophes climatiques. Les tremblements de terre, les volcans. Ce que je vois, ce sont seulement les affaires de l’humanité. Or, les êtres humains ne sont pas des agents entièrement rationnels. Les émotions les poussent parfois, et ses émotions les conduisent à des actions qui sont bien réelles.

C’est ce qui rend le futur si fragile. Si je pouvais remonter le fil des événements en me fiant à la seule raison, si j’étais toujours assuré que ce qui explique ce que j’ai vu n’est pas caché dans le secret illisible d’une conscience humaine, je n’aurais pas besoin de fixer tout le reste, de créer le cadre, de contrôler le plus d’événements possibles. Je n’aurais qu’à déduire le bon moment. Le bon maillon dans les causes.


En parlant à Ashley, en faisant l’effort de restituer ses principes et ses impressions, Adam se rendait compte du profit que ces explications étaient pour lui-même. Elles éclairaient une ombre qui, jamais formulée, n’avait jamais été comprise.

— Nos esprits ne suivent pas le même temps que les choses de la nature. Quand je dis que je suis désolé, quand je suis triste que les choses se soient passées comme j’estime qu’il est raisonnable de souhaiter qu’elles se passent, je fais de mon passé une source de mon engagement pour l’avenir. Une cause lointaine, irrationnelle, mais efficiente.

Si j’avais été sûr que deux personnes mourraient là-bas et sûr de pouvoir sauver deux vies en sacrifiant la tienne, comment prétendre que le calcul ne voudrait pas que je te sacrifie ? Mais je crois que le calcul aurait tort.


A voix plus basse, à moitié pour lui-même, Adam murmura :

— Ne pas être triste de ce qui est nécessaire, c’est l’une des choses qui me terrifient le plus.

Et cette terreur n’était pas dépourvue de fondements, quand il regardait la résistance surhumaine qu’il opposait aux traumatismes qui inondaient quotidiennement son esprit. Adam avait beau être névrosé et harassé par ses visions, il avait parfaitement conscience d’en ressortir beaucoup plus sain que n’importe quel esprit normal ne le devrait.
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MessageSujet: Re: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptyLun 14 Jan - 16:44

Il avait pourtant semblé à Ashley qu'il avait efficacement balayé le sujet de la conversation – mais, à vrai dire, interroger Adam sur son pouvoir n'était peut-être pas le meilleur moyen de ne plus parler de ce qui s'était passé. Adam n'avait peut-être pas même perçu qu'il aurait préféré passer à autre chose et parler de choses inconséquentes. Si, du moins, cela pouvait encore exister entre eux.
Les préférences d'Ashley ne l'empêchaient pas d'écouter avec attention les explications du devin qui, quoique claires, ou même d'autant plus qu'elles étaient claires, ne lui semblaient pas irréfutables.
Aussi, dans le silence qui suivit la confidence murmurée du devin, Ashley réfléchissait, tout autant aux objections qu'il voulait faire à Adam qu'à la nature de celles-ci : et il découvrait que, plutôt que des objections à son raisonnement, il en voulait aux prémisses.

« Tu crois ?
Une vie n'en vaut pas toujours une autre... ou. Pas forcément. Il faut faire un choix à la base, choisir un système de valeurs. Finalement, qu'on se décide pour des arguments égalitaires — une vie pour une autre — ou d'autres, plus complexes, par exemple économiques, utilitaires : sauver le jeune plutôt que le vieil homme, ou au contraire sauver l'expérience plutôt que l'inexpérience. Il y a toujours un choix à la base, de toute façon. Ce n'est pas un calcul innocent...
Je ne suis pas si sûr que toi. Il me semble, au contraire, que la contingence n'est qu'une illusion ; un effet de notre ignorance du détail. »


Et il était curieux peut-être que, des deux, ce fût le prophète qui dissipât le déterminisme. Ashley le remarquait ; et d'ailleurs, le pouvoir même du devin était intrigant. Ses prédictions relevaient-elles d'un futur possible ? D'un futur nécessaire parmi d'autres futurs nécessaires eux aussi ?

« Je ne comprends pas tout. Je ne vois pas comment tu peux faire de ton passé une source d'engagement pour l'avenir quand, dans des circonstances pareilles, tu referais la même chose ? »

C'était maintenant une vraie interrogation, et plus distante : en pensant et réfléchissant, Ashley s'éloignait affectivement du sujet. Il lui importait, en réalité, de mesurer le regret d'Adam — sans qu'il sût exactement pourquoi.
Il mesurait assez bien son propre regret et le savait vicieux car, et contrairement au conseil qu'il avait donné à Adam, sans regretter exactement quelque chose, il eût voulu voir une issue différente — ou peut-être regrettait-il bien certaines choses : de ne pas être allé assez vite, de ne pas avoir utilisé son pouvoir plus tôt dans la soirée. Mais il ne lui semblait pas que ses décisions à ces moments-ci, et informé comme il était, étaient mauvaises mais que, simplement, leurs conséquences, imprévisibles, dépassaient leurs portées immédiates. Entre la mort et la vie d'un homme, il eût suffi, peut-être, d'une infime variation : arriver plus tôt, se décider plus vite, ne pas se tromper de chemin. Il y avait dans les faits bruts une absence de justice rageante ou attristante.

« Nous essayons de changer les choses. Nos émotions, nous les intégrons ; elles nous donnent des motivations, des raisons pour agir. Dans des circonstances similaires. Ce qui est, finalement, un système plutôt rationnel. Logique. Ou efficace.
J'aurais aimé que les choses fussent différentes. Cela veut dire : dans des circonstances pareilles, je voudrais agir autrement, mieux. »


Et c'était vrai ; mais aussi, Ashley savait la suite logique, qu'il n'osait pas exactement formuler. Pourquoi ? Pour éviter Adam ? Pour ne pas lui faire croire que son rêve secret était partir à l'aventure tous les soirs, sauver la veuve et l'orphelin ? (Ce qui certes, était faux : mais qu'il en fût capable, si les choses le nécessitaient, c'était une autre question, plus capitale)

« Oui. J'aimerais pouvoir faire mieux. Tu as raison : une consolation, une présence à un moment difficile, c'est mieux que rien. Mais... je crois que ce n'est pas grand chose. Ce n'est pas assez. J'aurais voulu — je voudrais faire mieux. »
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MessageSujet: Re: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptySam 19 Jan - 11:04

Quelque plaisir qu’Adam eût d’ordinaire à parler philosophie, quelque fréquentation qui fût la sienne des livres, des traités, des articles et parfois des discussions et des conférences, il y avait un domaine sur lequel il ne s’étendait généralement, et c’était celui de son pouvoir. Son pouvoir qui était un affront à la causalité et à l’ordre du monde, son pouvoir qui le jetait incessamment dans d’inextricables dilemmes moraux, Adam avait l’impression qu’il ne pouvait ni le décrire ni l’expliquer, qu’il n’offrait pas de prises à la raison, ou tout du moins à ses discours.

Ce jour-là, alors qu’il marchait à côté d’Ashley, et qu’il songeait aux explications qu’il venait de donner, aussi claires peut-être qu’il en était capable, le mutant n’était pas encore satisfait. Ses propos ne manquaient pas de structure, sans doute, mais il avait le sentiment qu’ils manquaient tout à fait la spécificité de son expérience. Plus les années passaient, plus il prenait conscience que sa mutation avait organisé la moindre parcelle de son expérience quotidienne et qu’elle rendait ses sensations les plus élémentaires presque incommunicables.

Il lui paraissait difficile de se faire clairement comprendre d’un interlocuteur averti et posé — combien plus encore d’Ashley, dont il supposait que le calme dans cette conversation n’était qu’un masque, tant il se souvenait clairement du trouble qui avait été le sien, des semaines plus tôt, dans sa voiture, au retour de l’orphelinat abandonné. Comment espérer que celui qui avait été si profondément bouleversé pût accepter ce qui était inacceptable ?

Ashley reprenait la parole et, à nouveau, Adam entendait la belle régularité des concepts. Il prit un peu plus clairement conscience que, depuis le début de la discussion, le Britannique tentait de l’attirer du côté du général pour échapper aux considérations plus personnelles et, devant cette constatation, Adam demeura incertain quant à l’attitude à adopter. Devait-il engager une semblable réflexion ou, au contraire, l’inciter à parler plus intimement d’une expérience qu’il n’avait sans doute évoquée avec personne d’autre ?

Tout en réfléchissant au curieux calcul de la valeur des vies, banni de l’humanisme rouillé de tout bon film hollywoodien mais omniprésent dans l’organisation économico-stratégique du monde, l’Asiatique prenait conscience de combien il connaissait peu Ashley. Il savait qu’il faisait des études de sciences et de philosophie et devinait qu’il venait de Grande-Bretagne : c’était à peu près tout. Quand il songeait à leurs conversations précédentes, avant l’orphelinat, il se rendait compte qu’elles avaient ressemblé toutes à celle qu’Ashley tentait de faire naître : stimulante, conceptuelle, mais impersonnelle.

Il l’observa du coin de l’œil. Pourquoi avait-il quitté son pays natal ? Quels étaient ses amis ? Ses ambitions ? Ses craintes ? Ses petites et quotidiennes manies, ses plus vives qualités, ses défauts inaltérables ? Avait-il quelqu’un pour se confier ? Quelqu’un qui partageât sa vie ? Comment vivait-il avec son pouvoir ? Tout cela lui échappait complètement. Il se rendit compte de la précarité de sa démarche : consoler quelqu’un dont il ne savait rien, c’était assurément une entreprise difficile.

Mais à mesure qu’Ashley parlait, Adam sentait sous la généralité renaître l’expérience particulière et la conclusion du jeune homme, aussi maîtrisée qu’elle fût, laissait assez paraître le trouble qui le hantait. Doucement, Adam répondit :


— Moi aussi, j’aurais voulu.

Il demeura silencieux quelques secondes, un peu désemparé. Le chemin qu’il devait prendre, il l’ignorait. Il avait l’impression qu’entre lui et Ashley, un mur infranchissable s’était érigé, non pas ce soir-là, à l’orphelinat, mais bien avant : une distance diplomatique, tacitement instituée, qui les séparait trop pour rien permettre de direct. D’efficace.

— C’est une évidence, mais ce que nous voulons et ce que nous pouvons sont deux choses différentes. Mais être capable de juger ce que l’on peut exactement, c’est impossible. Cela demanderait une perception et une intelligence inhumaines. On ne peut jamais viser qu’un peu au-dessus ou un peu au-dessous. Vouloir plus que notre pouvoir, c’est se permettre de faire au moins ce que nous pouvons.

Regretter sans rien changer, essayer de changer ce qui est parfois inaltérable, c’est viser un peu au-dessus pour atteindre la cible. Pas toujours, mais des fois. Tu vois, la connaissance du futur est un mélange de savoir et d’ignorance. De plans et d’incertitudes. Il y a quelque chose… Quelque chose de difficile à décrire. Il faudrait que je puisse décomposer la sensation. Pour l’expliquer clairement. Mais…


Adam entrait dans le fonctionnement le plus quotidien de son pouvoir, dans ses manifestations les plus moins démonstratives, et ces choses qui lui étaient devenues si familières, il ne parvenait qu’à peine à le écarter assez de soi pour les observer et les commenter.

— Je suppose qu’on peut appeler ça un sixième sens. Je veux dire, réellement, un mode de perception supplémentaire. Dans le monde, je sens les endroits, les événements, où quelque chose de fébrile se passe. C’est, euh… Une sorte de palpitation. Un point fragile. L’endroit où l’on peut appuyer pour que les futurs bifurquent. C’est pas partout. Pas tout le temps.

Comme si les circonstances étaient des fils qu’on enroulait les uns aux autres, mais pas uniformément. Il y a des parties de la toile où les fils sont peu nombreux. Des parties qu’on peut casser pour recoudre. Mais tout cela n’est pas clair. C’est comme voir dans le brouillard, ou l’obscurité. On aperçoit. Alors, je suppose qu’on peut attendre à sa place que le brouillard se lève, sans savoir si cela arrivera. Ou bien avancer quand même.


A mesure qu’ils marchaient, Adam continuait à s’orienter vers l’intérieur du parc, pour s’assurer que leur conversation ne serait pas surprise. Les allées étaient moins peuplées, les arbres obombraient les chemins ; c’était le territoire des lecteurs, parfois des amoureux, et des vieux et paisibles promeneurs.

— Vouloir à tout prix la perfection. Que tout se finisse absolument bien. Ça n’est possible qu’en plein jour, par temps dégagé. Ce serait un vouloir qui ne serait jamais suivi d’un faire. Je préfère les demi, les tiers, les quart-mesures à l’inaction complète.

Adam réfléchit à nouveau et, songeant qu’une bonne manière d’exprimer les choses serait de conduire Ashley à explorer ses propres expériences, il interrogea d’une voix prudente :

— Mais toi, ton… don. Est-ce que tu le travailles ? Est-ce que tu veux en faire quelque chose ?
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MessageSujet: Re: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptyDim 10 Fév - 10:35

Les couleurs du parc étaient vives et brillantes. À la lumière du Soleil filtrée par les arbres, l'herbe des pelouses fraîchement entretenues ne se reconnaissait pas qu'à leur hauteur, mais encore à leur vert pomme et, parfois, leur parfum de jardins ou de jardinage qui rapportaient Ashley, le temps d'une pensée, en d'autres lieux et d'autres temps, en un jardin d'une maison anglaise, assis par terre, un lustre de là, et où une odeur similaire, curieusement plaisante, le détournait un instant de son livre, car le matin même l'herbe avait été tondue. L'eau des étangs qu'ils apercevaient parfois, de loin, semblait paisible et un reflet obscurci du ciel. Le paysage tranquille rassurait l'Anglais, le rendait plus à l'aise, et il était content qu'Adam lui avait proposé, pour lieu de retrouvailles hasardeuses, Central Park, un jour de beau temps.
Il n'échappait certes pas à Ashley qu'ils s'aventuraient dans des zones plus esseulées. Cependant, et malgré sa réticence vis-à-vis du devin, il lui faisait encore assez confiance pour croire que, derrière ce choix de chemin, il n'y avait rien de plus qu'un désir d'être tranquille, d'ailleurs justifiée par leur conversation dangereuse.

Les images d'Adam quant à son pouvoir réussissaient mieux que ses explications techniques, non pas à faire comprendre à Ashley les mécanismes de ses visions, mais à en lui donner une intuition. Et, s'il ne saisissait toujours pas comment son regret pouvait servir quand bien même il n'aurait pas agi différemment, l'étudiant percevait mieux les motivations d'Adam, ses ambitions humanitaires et précisément sans mesure : il s'agissait de réaliser une avancée, en même temps, mais pour deux considérations distinctes, quelle qu'elle fût, et la meilleure possible.
Car oui, malheureusement, le meilleur imaginable n'est pas toujours le meilleur possible — une inadéquation empirique et scandaleuse, décourageante et dont il fallait, précisément, repousser l'emprise psychologique.

Bien sûr, il s'était attendu à ce qu'Adam lui parlât de son pouvoir — même il avait amené le sujet, en quelque sorte, car en parlant de faire mieux, assurément, il pensait aussi à ce que l'Américain appelait prudemment son don. Mais il était en même temps surpris, ou peut-être gêné, peut-être par la question aussi directe, qu'il n'avait jamais exactement abordé même de lui-même, pour réfléchir.
Aussi il ne répondit pas tout de suite. Il regarda un instant, plus loin, une étendue d'eau dont il imaginait la fraîcheur remonter jusqu'à lui. Il continua de marcher, plus lentement, jusqu'au couvert d'un arbre contre le tronc duquel il plaça sa main. Il resta quelques secondes encore à regarder la vue qu'ils avaient depuis leur hauteur et, sentant enfin ce qu'il saurait et pourrait dire, entama un début de réponse.

« Ce n'est pas ce que je voulais dire. Ou pas seulement... il y a beaucoup de façons de faire mieux. En fait... »

Il réfléchit un instant et, décidé, lâcha le paysage du regard et retrouva en face de lui Adam.

« À part pour cambrioler des banques ou des bijouteries, je ne vois pas trop à quoi cela pourrait servir. Non, bien sûr, à d'autres choses. Mais à rien qui soit une activité très normale dans tout ce que j'ai pensé faire, dans tout ce qui m'intéresserait de faire... même visiter les tombeaux des rois d’Égypte, ça ne me branche que moyennement. »

Il esquissa un sourire, sans grande conviction parce qu'il était songeur. Il reprit en regardant autour de lui, autant pour vérifier qu'il n'y avait personne que pour ne plus voir Adam et, surtout, ses réactions.

« Mais sinon, oui, j'ai dû m'entraîner. Pour ne pas être remarqué. Pour éviter de semer des vêtements à l'école... »

S'il avait assez bien digéré les diverses humiliations — et qui souvent avaient aussi leur gloire — subies au lycée par les aléas de son pouvoir, il n'aimait toujours pas en parler, surtout à Adam qui, somme toute, était plus une connaissance qu'un ami — et aussi il n'y faisait qu'une allusion brève, rapide. Il ajouta enfin, mais dans un volume plus bas encore, et juste pour fournir une confession, sinon détaillée, du moins complète :

« À un moment, je voulais être pianiste. À cause du stress, certains manquent des notes, mais un pianiste dont la main traverse le clavier, c'était un peu... »

Il chercha un mot juste, et, à défaut, se rabattit sur quelque chose de proche.

« Embarrassant. »

Il eut un rire court, rire du résigné qui se reconnaît au soupir infime qui le suit et au regard pensif qui l'accompagne.
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Adam Tenseï

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MessageSujet: Re: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptyLun 18 Fév - 10:00

Ils s’étaient portés jusqu’au sommet de l’une des petites collines qui s’élevaient par endroit dans Central Park, à l’ombre d’un arbre plus solitaire que les autres, et où les amoureux, parfois, venaient se réfugier à l’écart des allées principales, loin des regards des passants ou des cris des enfants, pour graver dans une écorce beaucoup plus âgée qu’eux, et qu’ils imaginaient éternelles, leurs initiales enlacées que quelques années plus tard, un employé de la municipalité consciencieux viendrait marquer avec de la peinture rouge, avant d’abattre l’arbre, pour laisser là une souche où le temps continuerait à passer, dont les racines finiraient par se tordre en des formes grotesques qui, à leur tour, feraient naître d’autres légendes, celles de la souche aux sorcières, ramenant près de la colline les enfants avides de sensations fortes, dans les journées finissantes, les soirs d’automne, après l’école.

C’était ce qu’Adam voyait en regardant l’arbre étendre ses branches, son feuillage, son tronc dans le ciel bleu de cet après-midi, c’était ce qu’il voyait toujours, quand son esprit vagabondait librement et qu’il n’était pas contraint de s’attacher sur le présent et l’immédiat ; ou plutôt que voir, il sentait les années contenues et les années à venir, il sentait tout autour de lui frémir des temps informulés et le monde dans l’écoulement de ses jours se dévoilait un peu à lui, avec ses tristesses souvent et parfois ses promesses, et alors plus que jamais, plus que dans les crises violentes où il voyait comme un devin, alors dans quand l’enveloppait cette sensation diffuse et inexplicable, il était plus différent que jamais.

Une légère brise s’était levée et faisait battre en travers de son regard les cheveux noirs de l’Asiatique. La conversation n’avait guère changé son expression calme et profonde et il semblait perpétuellement regarder de loin, derrière ses yeux sans fond, le monde qui passait devant lui, perpétuellement réfléchir, mesurer et analyser, songer à toutes ces choses qui l’entouraient, comme si ses fameuses Visions l’avaient condamné à n’être jamais qu’un témoin des événements quotidiens et un acteur des événements exceptionnels, sans prendre part à la vie réelle, la vie vécue par des millions et des millions de ses semblables, à New-York.

Telle avait été longtemps son impression, sans doute, mais désormais, il savait ; il savait que ce soir, en rentrant, il retrouverait Salem, qu’ils se disputeraient pour de faux sur leurs mérites comparés aux jeux vidéos, qu’il l’aiderait à faire quelques exercices de mathématiques, que Salem de lui transmettre pour la énième fois un peu de bon sens social pour son rendez-vous du lendemain, qu’ils feraient l’amour, et que cette vie, cette vie-là, aurait la calme tranquillité qu’il avait toujours désirée.

Un sourire rêveur éclaira son visage.

Son regard se reposa dans celui d’Ashley. Il avait du mal à l’imaginer, c’était certain, tout de noir vêtu, une cagoule sur la tête, en train de s’introduire subrepticement dans une bijouterie, au milieu de la nuit, comme un passe-muraille, pour dérober des rivières de diamants que le lendemain il eût revendu au fond d’une petite arrière-boutique douteuse, dans les quartiers interlopes de la ville, avec l’air serein du professionnel habitué aux rouages de toute la machine ; pour Adam, Ashley était bien plutôt un jeune homme sage et respectable.

Sans doute l’accent britannique ne jouait-il pas un médiocre rôle dans l’image peut-être beaucoup trop calme que l’Américain se faisait de son interlocuteur et les modulations de la voix d’Ashley faisaient aussitôt naître dans l’esprit de l’Asiatique l’idée d’un grand bourgeois un peu guindé, certes point désagréable, mais que l’on ne retrouverait pas dans une fête débridée ni dans la vallée du Nil pour piller des tombes et Adam avait beau savoir que, historiquement, les grands bourgeois britanniques guindés n’avaient pas été les derniers pour piller les tombes de la vallée des Rois, il lui était un peu difficile de se défaire de cette impression culturelle.

Impression un temps chassée par l’image d’Ashley sans vêtement. Machinalement, Adam détailla le corps de son interlocuteur d’un bref mouvement d’œil, tout en tentant d’empêcher son esprit de se peindre avec trop d’enthousiasme une semblable manifestation surnaturelle.


— Hmm.

Le jeune homme se reprit et détourna le regard pour observer plutôt le reste du parc.

— Embarrassant, j’imagine.

Même Adam, qui n’était pas, avouons-le, l’exemple de la pudeur, pouvait sans mal se représenter qu’une brusque nudité au milieu du cours de mathématiques n’avait rien de très agréable. Et puis, c’était sans compter les aléas d’une vie sexuelle qui ne devait pas être placée sous le sceau de la simplicité. Décidément, il en venait presque à être satisfait de son propre pouvoir, par comparaison — presque.

— C’est toujours… Comment dire ? J’en connais pas beaucoup, des gens comme nous, qui soient satisfaits de leur sort. Les pouvoirs sont toujours affreux. Surtout quand on est jeune, comme toi et moi. Inexpérimentés. On a l’impression de ne plus s’appartenir. Alors, généralement, on essaye de limiter les dégâts. De contrôler pour empêcher. On cherche pas à devenir plus puissant, parce qu’on a peur que ça empire.

Ce n’était certes pas le cas de tout le monde et certains électrons libres étaient au contraire trop heureux de pouvoir démolir des immeubles en claquant des doigts pour se retenir d’exploiter à fond leur potentiel.

— C’est pas nécessairement la bonne tactique. C’est pas comme si… Hm. C’est pas comme si on avait les mains qui tremblaient tout le temps et que notre mission, c’était d’essayer de les calmer. C’est pas juste quelque chose de périphérique. Tu t’en rends peut-être pas compte, mais un pouvoir, ça modifie tout. Toute ta façon de vivre, de penser. Jusque dans les petits détails. C’est ta personnalité. Du coup, il faut arriver à se retrouver. À intégrer, disons.

Comme à son habitude quand il évoquait les entraînements qu’il était possible d’accomplir, Adam faisait de son mieux pour éviter de présenter les choses comme un vieux maître de kung-fu.

— Un pouvoir a plein de composantes. Des dizaines. Parfois, ce sont les plus anodines qui ont le plus de potentiel. Un petit truc auquel tu ne fais pas attention, parce que c’est vraiment dans ton quotidien, que c’est pas aussi impressionnant que de passer à travers les murs. Quoi qu’il en soit, s’entraîner, c’est toujours bien. Pour se sentir mieux. Pour ne pas se sentir… prisonnier de soi-même.

Il jeta un nouveau regard en coin à Ashley (pas déshabilleur, celui-ci).

— Et puis, t’es pas obligé de faire ça seul. Il y a plein de gens comme nous. Il y a des groupes.
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Ashley Blumenthal

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MessageSujet: Re: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptyVen 8 Mar - 23:53

Ashley n'aurait pas dit qu'il était exactement insatisfait de son sort. Ce garçon était fataliste – il acceptait ce qu'il jugeait absolument nécessaire ou se forçait à accepter – et, de surcroît, peu prolixe sur ses jugements, surtout sur ses sentiments, surtout négatifs. Si il avait décrit, pendant quelques instants, quelques défauts de son pouvoir, c'était d'un point de vue purement factuel ; et il avait évité toute synthèse de jugement, tout avis ferme. Le mutant était donc doublement surpris de ce fait et jugement : les pouvoirs sont toujours affreux, selon Adam, qui était probablement bien mieux informé que lui (et, quoiqu'il l'eût déjà soupçonné, il ne tarda pas à en être assuré).
Il ne lui semblait pas, à le vivre et à la réflexion, que son pouvoir était affreux – gênant, sans doute, mais affreux ? Bien sûr, plus jeune, son pouvoir incontrôlé était une plaie ; mais être nu ne l'aurait jamais tué. Le côté le plus anxiogène de son pouvoir, c'était justement que c'était un pouvoir et qu'il fallait qu'il restât caché. Et encore ce n'était pas à proprement parler dû au pouvoir en soi, mais aux contingences politiques. Se mettre involontairement à brûler les alentours, ou subir des visions traumatiques, lui paraissait une bonne raison de se plaindre.
Ce qui le surprenait encore un peu, c'était aussi cette information implicite : Adam était un mutant, mais contrairement à lui, il connaissait d'autres mutants, et pas mal d'autres. Ashley l'aurait imaginé plutôt solitaire, donc isolé des groupes mutants.

L'Anglais regardait le paysage en songeant que ce mot, « puissant », était exagéré, au moins pour lui. Ce n'était pas comme s'il pourrait faire grand chose. Il était moins sceptique, en revanche, devant cette idée qu'une grande partie de sa personnalité pourrait être façonnée par son pouvoir. En soi, c'était presque évident : comment cela pourrait-il ne pas être le cas ? Si une simple conversation, la lecture d'un livre, pouvaient changer ses manières de pensées, on ne pouvait pas en attendre moins d'une capacité spéciale et secrète.
Il s'interrogeait donc sur ce qui pouvait bien, en lui, venir principalement de son pouvoir tandis qu'Adam proposait à sa réflexion une autre enquête : découvrir, dans le quotidien banal, une capacité insoupçonnée. Ashley s'y livra quelques instants et se vit marcher, écrire, se coucher, parler, prendre un livre, sortir ses clefs, mais rien de tout cela ne lui paraissait extraordinaire. Il en conclut que ce devait être bien caché ; ou qu'il n'y avait rien.
Il allait continuer de penser à sa construction personnelle par son pouvoir quand il lui vint à l'esprit qu'Adam était en train d'essayer de le convaincre de s'entraîner. Pas tout seul. Il repensa à l'Institut Xavier. C'était en bonne partie pour ça qu'il était venu. Sans oser y aller : parce que justement, d'une part, le contrôle de son pouvoir s'était affiné ; que d'autre part, s'affilier l'Institut équivalait à signaler son caractère mutant. Adam connaissait-il, fréquentait-il, d'autres groupes ? Ashley était plutôt curieux, ses connaissances mutantes (ou dont il savait qu'elles étaient mutantes) étant réduites au nombre de deux. Si encore Salem comptait comme une connaissance.

« S'entraîner... c'est vrai que ça m'arrive encore parfois de perdre la main. Rien de grave. Je devrais peut-être faire plus attention. »

En même temps qu'il parlait, il s'apercevait de divergences entre lui et Adam : pour lui, il s'agissait de se contrôler et, en un sens, de faire taire son pouvoir ; pour Adam, de l'exploiter au mieux – précisément ce qu'il avait dit : ce n'était pas qu'un périphérique. Et ce n'était pas une coïncidence que l'un s'aventurait dans des bâtiments abandonnés, et l'autre non. Ashley ne pouvait lui donner raison, ni tort : il ignorait tout à fait ce que son propre pouvoir pourrait réaliser et peut-être serait-il plus utile en militant mutant, ou, à l'image d'Adam, guerrier solitaire, qu'en homme de science et de lettres, journaliste, philosophe. Mais, heureusement, l'un n'excluait pas l'autre et cela ne coûtait pas grand chose d'essayer d'entrevoir les « puissances » de son pouvoir, dont il doutait déjà cependant. Et, plus modestement, éviter les débordements, pouvoir même disposer d'une vie sociale, et notamment d'une vie sexuelle (ou même d'une vie sexuelle tout court), normales, c'était un objectif en soi.

« Oui. Ça peut être intéressant. De. »

Il s'interrompit un instant en entendant, puis en voyant, un coureur passer par là. La première personne qu'ils voyaient depuis qu'ils s'étaient arrêtés, dans le parc pourtant fréquenté. Ils étaient un peu isolés. Tranquilles, en un sens. Son regard passa du coureur à Adam, en passant par l'eau et ses reflets bleutés.

« Rencontrer des gens. »

Il ne parlait pas d'entraînement, parce que ce n'était effectivement pas ce qui, dans cette quasi proposition, l'intriguait le plus. Il ne voyait pas d'ailleurs comment les mutants pouvaient bien s'entraîner ensemble, avec des disparités si grandes.

« Tu vas... fais partie de ces groupes ? »

Il voyait mal Adam à côté d'un pyrokinésiste et d'un télépathe, se concentrant pour essayer de déterminer si, dans un avenir proche, sa peau ou ses neurones finiraient grillés. Non, il devait faire autre chose.

« C'est comment ?

Question au devin, par curiosité, pour palper prudemment son futur.
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Adam Tenseï

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MessageSujet: Re: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptySam 9 Mar - 11:14

Sans s’en rendre compte, Adam avait conservé de longues années de pratiques sportives intensives un certain esprit d’excellence qui ne le quittait plus — à moins que ce ne fût ce même esprit qui, dès sa jeunesse, lui avait permis d’exceller dans son sport de prédilection. Quoi qu’il en fût, pour l’Asiatique, il n’était jamais question de s’accommoder tant bien que mal d’une situation et chaque capacité devait être perfectionner, affiner et mise au service d’un idéal et si son pouvoir n’avait certes pas connu de sensibles améliorations depuis des années, lui avait appris à l’apprivoiser et à en tirer le meilleur parti.

Certes, de pareils principes exigeaient une dévotion que certaines de ses connaissances trouvaient parfois un peu ascétiques. Entre son travail au parti, ses combats, ses expéditions secrètes et la mission qu’il s’était confiée de faire de Salem l’homme le plus heureux du monde, l’existence d’Adam n’était pas de tout repos et il fallait assurément une volonté de fer — ou une sorte de névrose — pour supporter les heures d’entraînement intensives qui rompaient les corps, les heures d’analyse politique qui rompaient l’esprit et les heures passées à chercher, sur Internet, le garage des rêves de Salem. Entre temps, parfois, il dormait.

Mais le jeune homme ne tenait pas absolument à imposer à ceux qui l’entouraient le même rythme et s’il parlait à Ashley d’entraînemenr, c’était pour lui faire sentir que n’importe quel pouvoir avait ses potentialités et qu’il n’était pas contraint d’en espérer le moins de désagréments possibles, quand il pouvait rêver à des utilisations plus ambitieuses. Si son interlocuteur préférait vivre paisiblement, libre à lui, et la majorité des mutants qui peuplaient l’Institut n’avait aucune envie de se transformer en super-héros.

Et le sujet, d’ailleurs, semblait porter un peu plus ses fruits que leurs inextricables considérations sur le temps. Adam posa un regard songeur sur Ashley. C’était la première fois qu’il le voyait ainsi — plus totalement enfermé dans la calme politesse de son flegme Britannique, pas non plus au bord de la crise de nerfs sur le siège de sa voiture, mais simplement un peu incertain, un peu fragile, un peu plus humain que la distance protectrice dans laquelle il lui avait toujours semblé, à tort ou à raison, que le jeune homme se retirait — loin du monde et des autres.

Adam en avait connu beaucoup, de mutants, que l’Institut attirait et retirait à la fois et, souvent, il s’était fait la réflexion que la fascination qu’exerçait ce havre de paix sur ces esprits encore incertains était semblabe à l’attrait qu’aux premières années d’adolescence les associations pour les droits homosexuels avaient eu sur lui : une promesse de libération, en quelque sorte, mais également l’exigence d’une démonstration de force, d’une authenticité exhibée qui le mettait mal à l’aise. L’Institut vivait sur cette même ligne de crête, tout à la fois protection et engagement, refuge et prisque de risque.

Il adressa un sourire rassurant à Ashley et hocha la tête.


— J’ai vécu à l’Institut Xavier pendant quelques temps. J’avais rencontré l’un des recruteurs, quand je travaillais encore dans un bar et à l’époque, ma vie était plutôt… chaotique. Plus que maintenant. J’étais perdu. Et en danger, très certainement. Ils m’ont offert un endroit protégé, où je pouvais avoir, tu sais… Une vie pas normale, mais avec un rythme, avec un cadre. Un refuge. Des gens à qui parler. Des gens pour comprendre. Pour m’expliquer. C’était très formateur.

Il en avait parfaitement conscience à présent : s’il avait refusé l’offre de Logan, quelques années auparavant, alors il serait mort, sans aucun doute, lors de l’une de ses escapades. À l’Institut, il avait appris à analyser ses visions, il avait appris à se faire discret, il avait transformé son style de combat trop réglementaire en combat des rues terriblement efficaces. Toutes ses tentatives désordonnées avaient trouvé une direction, un encadrement, et on ne l’avait jamais harcelé de questions ou de contraintes. Bien sûr, parallèlement, il avait grandi et mûri, et c’était cette alchimie désormais qui lui permettait de survivre à l’existence si violente qu’il s’imposait.

— Au fil du temps, ça allait beaucoup mieux. Et puis j’ai rencontré Salem. Mon copain. Enfin, maintenant, on est fiancés. Et… Enfin, on vit ensemble, mais je reste en contact avec l’Institut. Je devrais y aller plus souvent, d’ailleurs.

Comme Adam avait cessé de regarder Ashley depuis un moment, pour ne pas lui imposer une constante scrutation alors qu’il répondait à ses questions et qu’il s’était mis à observer le parc, il n’avait pas pu constater l’effet sur Ashley de la double révélation de son homosexualité, dont il fallait avouer que ses airs d’aventurier ne constituaient pas, selon les stéréotypes médiatiques de la société américaine, un signe avant-coureur, et de sa fréquentation de Salem, coïncidence singulière s’il en était.

Il continua donc en enchaînant sur la deuxième question.


— Quant à dire comment c’est, eh bien, écoute, c’est très… divers. Il y a des gens qui viennent là parce que leur vie est détruite, qu’ils sont paumés, plus de famille, plus d’amis, à la rue, ou qui sortent de prison. Des jeunes perdus, quoi. Il y a des gens qui ont eu une existence malgré toute plus normale, mais qui ont besoin d’en savoir plus sur eux. Il y a ceux qui ont un gros retard scolaire et qui suivent des cours, ceux qui ont leur vie à côté de l’Institut, ceux qui veulent s’investir dans la communication, le bénévolat, ce genre de choses.

C’est très ouvert et, comment dire ? Très souple, comme structure. Je veux dire, c’pas un camp d’entraînement ou je sais pas quoi. Tu viens avec tes problèmes, tes questions, tes désirs pour l’avenir. On t’écoute, on réfléchit avec toi. On trouve un chemin. Ça prend du temps, ça demande des efforts, mais ça paye. Et pour de vrai, ça protège. Et puis, tu vois, c’est un monde dans lequel tu peux juste… Parler. Tu vas là-bas et t’as pas à cacher ton pouvoir. Ce que ça fait dans ta vie. C’est juste…


Adam haussa les épaules.

— J’sais pas, reposant, en quelque sorte.

Certes, de ce côté-là, il avait pleinement conscience de n’être pas le plus mal loti. Les crises de son pouvoir pouvaient aisément passer pour une sorte un peu originale d’épilepsie et, surtout, les modifications physiques, extérieures, n’étaient ni permanentes, ni considérables. Mais il y avait à l’Institut des résidents dont la mutation était telle qu’il leur eût été impossible de vivre paisiblement en dehors de cet espace protégé — on ne pouvait pas toujours cacher aisément ses tentacules.

Adam reposa les yeux vers Ashley.


— Mais il y a des groupes moins imposants, hein. Des associations. C’est p’t’être une première étape, pour prendre le pouls. Juste rencontrer des gens.
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Ashley Blumenthal

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MessageSujet: Re: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptySam 16 Mar - 10:51

Bien sûr, Ashley s'était renseigné, dans la mesure de l'accessible. Mais entre les informations officielles et la réalité, il y avait parfois une différence colossale et, d'après ce que disait Adam, ce n'était au moins pas le cas à l'Institut Xavier. Première nouvelle donc : le devin avait fait partie de l'Institut. En en parlant, il donnait à l'établissement plus d'humanité que ce que les écrits pouvaient transmettre – par leur caractère officiel et par leur nature même d'écrit.
Cet aperçu de la vie d'Adam, qui, mais c'était un peu difficile à imaginer, n'avait pas toujours été cet Adam impavide, était inattendu et touchant. D'où venait cet élan soudain ?
Qu'Adam fût homosexuel le surprit un peu : c'est qu'il n'y avait pas eu d'indication quelconque de ses penchants – mais il n'y avait justement rien eu, et ce qui, dans ces révélations, étonnait vraiment Ashley, c'était qu'il fût en couple avec Salem.
Qu'il connaissait Salem était une coïncidence déjà extraordinaire – mais enfin, il faut bien de telles coïncidences dans une vie ? – qu'Adam lui avait dite précédemment, mais que les deux fussent fiancés de surcroît, c'était une chose qu'il n'aurait pas imaginée. Il songea que, homosexuels fiancés et mutants, ils étaient dans deux minorités à la fois, cibles privilégiées d'ostracismes ordinaires.
Il jeta un coup d'œil sur Adam. Taisait-il des manifestations de haine en réaction à leurs différences ? Mais ce n'était pas comme si tout le monde savait qu'il était mutant – ni homosexuel. Et d'ailleurs, n'était-ce pas de cela dont, précisément, ils parlaient ?

La diversité des cas mutants traités à l'Institut – tous ces gens, et pour la plupart des jeunes, perdus – plongeait Ashley dans une certaine contemplation réflexive. Qu'il y eût tant de jeunes mutants esseulés, ce n'était pas étonnant – lui-même en faisait partie –, et d'ailleurs il le savait déjà ; ce qui ne l'empêchait pas de s'attrister de la situation. Heureusement, des associations, des structures comme l'Institut Xavier essayait d'arranger les choses.
Et lui ? Faisait-il quelque chose ? Oserait-il faire quelque chose ? Évidemment, Adam l'incitait à y aller, mais ces mois passés à hésiter avaient créé une réticence supplémentaire à franchir le pas – à s'avouer pleinement engagé dans les choses mutantes et donc à s'en préoccuper. Il pouvait vivre sans. Mais là était justement la question : car il sentait, sans en avoir conscience, qu'il touchait à une décision importante – aller à la rencontre d'une association, d'un groupe de mutants. Il était venu à New York notamment pour ça, après tout. C'était, à la vérité, certainement une forme de lâcheté, de manque de volonté, qui l'avait fait délayer, de semaines puis de mois, une visite à l'Institut Xavier.

Adam s'était tu et Ashley, ayant fermé les yeux, ne perçut pas son regard. Il pensait, toujours appuyé contre l'arbre, dans le silence du parc, bruit reposant de brises soufflant les feuilles et des familles en promenade.
En avait-il besoin ? À proprement parler, non. Avait-il besoin d'aide ? Peut-être, en un sens très spécial : ce n'était pas même de pouvoir maîtriser son pouvoir, car il ne se débrouillait pas si mal, mais de pouvoir rencontrer des gens, qui, comme lui, avaient ce gène. Il pensait sincèrement que ce n'était pas grand chose et qu'il n'y avait pas de raison pour créer des cloisons entre mutants et non mutants, qui n'étaient finalement que des êtres humains, tous humains. À la logique actuelle de rejet des mutants ne devait pas s'opposer, de la part des victimes, un regroupement opposé. Mais c'étaient de fausses bonnes raisons : car pour autant, il n'y avait rien de discordant à créer des communautés, tant qu'elles vivaient en bonne entente – l'idée de rencontrer des mutants pour parler de mutation était-elle plus nocive que celle de rencontrer des philosophes pour parler de philosophie ? Des gens d'intérêt commun se regroupaient : c'était tout.
Or justement lui était comme un philosophe esseulé, qui voudrait partager ses idées sans avoir personne à qui s'adresser. Les seuls à qui il pouvait parler de sa mutation étaient ses parents, qui se sentaient concernés, mais de loin, sans être aussi directement impliqué que lui. Ce qu'il cherchait donc, c'était exactement cela : un lieu de repos, où il pourrait échanger.
Il n'y avait rien d'étrange là-dedans, rien de nocif : et ses réticences étaient essentiellement basées sur l'appréhension – sur s'avouer qu'il était bien un mutant, complètement mutant – et il devait l'assumer, car il ne lui avait pas été donné de choisir : c'était un fait acquis depuis sa naissance – et avouer à d'autres ce qu'il était. Mais enfin, Adam et Salem le savaient déjà. Et, en somme, ce n'était pas un crime d'être mutant – du moins il trouvait injuste ce regard envers les mutants.
Il avait donc de très bonnes raisons d'accepter la proposition implicite d'Adam, et de mauvaises raisons de l'éviter, la plus mauvaise étant certainement le malaise qu'il ressentait toujours à côté d'Adam, qui, s'il était explicable, n'était peut-être pas très juste, mais qui surtout, n'avait au fond rien à voir avec cette question. Alors, puisqu'il avait examiné la question en profondeur, puisque, rationnellement, rien ne l'indiquait que c'était une mauvaise idée, il devait vaincre ses appréhensions infondées et se lancer en un élan. Il rouvrit les yeux, cligna, perturbé par la lumière et, stabilisé, n'attendit que quelques secondes.

« Oui. Rencontrer des gens... ce serait bien. Une bonne idée. »

Maintenant qu'il s'était engagé, il ne pouvait pas reculer, aussi, pour ne pas hésiter, bien qu'il sût déjà la réponse d'Adam, le regarda-t-il dans les yeux.

« Tu pourrais m'aider ? À prendre contact, je veux dire. Je ne sais pas trop où je pourrais aller... »

Il sentait qu'il y était déjà : l'angoisse et l'excitation se mêlaient en lui ; et il ne savait pas exactement vers où il se dirigeait. Mais du moins il savait qu'il avançait.
Il se rappela qu'il n'avait pas exactement fini sa demande.

« Merci. »

Le garçon sourit, et essayait de paraître enjoué. C'était qu'il ne fallait pas oublier les formalités.
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Adam Tenseï

Adam Tenseï
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MessageSujet: Re: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptyDim 24 Mar - 11:14

Au hasard de certaines rencontres, Adam avait parfois un peu l’impression de se transformer en une sorte de recruteur pour l’Institut et pourtant, il était persuadé de n’être pas le mieux placé pour en vanter les mérites, du moins à des mutants comme l’étaient Ashley et Salem, des mutants qui n’avaient pas connu les brutales et soudaines exclusions, l’errance aux marges de la société commune, la violence d’une condition mal comprise et mal acceptée.

Pour Adam, l’entrée à l’Institut n’avait pas été un geste déterminant qui avait confirmé une vérité jusqu’à lors informulée et lui avait imposé la douloureuse constatation de sa propre altérité, en même temps qu’il lui avait offert un asile où se réfugier. Il avait connu l’Institut alors que son existence était encore en morceaux, passée pour le plus clair de son temps dans les méandres douteux d’Hell Kitchen, et plutôt qu’une découverte de l’étrangeté, le manoir de Xavier avait été un retour à l’existence normale.

Mais il comprenait confusément que pour un mutant tel qu’Ashley, les gens se présentaient de manière fort différente. Il n’en savait pas certes pas beaucoup sur le jeune homme qu’il avait entraîné dans une aventure sordide et dont il se mettait en peine, ce jour-là, de soulager les doutes, mais ce qu’il avait perçu de son existence lui donnait l’impression du calme et, pour ainsi dire, de la normalité. Ce n’était que ce jour-là, dans la voix aux hésitations inhabituelles du Britannique, qu’Adam percevait un trouble dissimulé.

Il n’était pas entièrement incapable, cependant, de supposer ce qui pouvait se tramer dans l’esprit du jeune homme. Entrer à l’Institut, c’était une manière de se révéler — pas à tout le monde, certes, mais à soi-même déjà, à ceux qu’on y rencontrait, au monde protégé que l’on intégrait. Adam se souvenait confusément des débuts de son adolescence, lorsqu’il avait lentement et un peu difficilement admis son homosexualité et il lui semblait qu’il y avait quelque rapport souterrain entre les deux gestes.

C’était un frêle parallèle qui certes ne le rassurait pas entièrement sur sa capacité à guider comme il le fallait Ashley. Adam était plus doué pour analyser que conseiller et, en dehors du feu de l’action, dans les choses qui le touchaient de trop près, il craignait perpétuellement de se montrer par trop maladroit et de faire plus de dégâts que de bien. Un peu nerveux, il couvait Ashley du regard, prêt à réagir si d’aventure le jeune homme faisait une soudaine attaque nerveuse, tombait en catatonie ou quelque chose de ce goût-là.

Mais le Britannique n’en était pas encore là et, quand il reprit la parole et rouvrit les yeux, Adam se sentit un peu rassuré, détourna lui-même pudiquement le regard et prêta une oreille attentive à son interlocuteur. Bon. Tout allait bien. Ashley ne lui posait pas des questions existentielles. Ravi de pouvoir échapper au rôle improvisé de psychothérapeute, l’Américain hocha la tête et répondit d’un ton engageant — tout du moins, aussi engageant que son flegme naturel l’en rendait capable :


— Bien sûr, pas d’problèmes.

Il avait failli rajouter « je te dois bien ça », mais la perspective de réveiller les souvenirs, toujours douloureux sans doute, de leur escapade mouvementée dans l’orphelinat abandonné lui paraissait d’autant moins riante que la conversation, en se tournant vers l’avenir, avait pris un tour plus détendu et moins noire. Mais l’idée de pouvoir compenser ces événements difficiles en permettant à Ashley de rencontrer d’autres mutants, plus à même que lui de le soutenir, s’était naturellement présentée à son esprit.

Il réfléchit quelques secondes aux solutions les moins contraignantes ; de toute évidence, Ashley n’avait pas une envie impérieuse de signer pour une chambre au manoir Xavier.


— Pour commencer doucement, il y a des réunions de présentation à l’Institut. Des portes ouvertes, en quelque sorte. Des petites activités pour les gens qui n’y résident pas. C’est un bon moyen de découvrir. Mais je suppose que l’Institut reste un endroit un peu intimidant, d’une certaine façon. Je veux dire, symbolique. Alors la première étape, ce serait sans doute de voir avec une association. Ce sera moins formel.

Ce n’était certes pas les associations mutantes qui manquaient, dans une grande métropole comme New York. Des plus extrémistes à celles qui n’étaient guère que des façades sans âme, le spectre était des plus étendus et il paraissait difficile à Adam qu’Ashley n’y trouvât pas chaussure à son pied. Le jeune homme passa mentalement à revue celles qu’il connaissait le mieux — il n’en avait jamais fréquentées lui-même, mais ses connaissances en avaient évoquées un certain nombre.

— Ça m’gène pas, c’est une association sympa. Ni trop politique, ni complètement déconnectée des problèmes. Puis les gens sont assez jeunes, du coup, tu te retrouveras pas avec des motards louches. C’est pas non plus, comment dire…

Adam rougit légèrement et, d’une voix un peu gênée, entreprit d’expliquer :

— Disons qu’il y a des associations de mutants qui sont très… euh… Enfin, tu vois, certains trouvent que c’est difficile, d’avoir une relation stable avec des humains. Parce qu’ils ne comprennent pas. Et du coup, certaines associations sont plus des clubs de rencontres. Plus ou moins classes.

Ceci dit, il n’allait certes pas entrer dans le détail de toutes les pratiques pittoresques dont il avait eu vent, ni dans le menu des associations spécialisées dans tel ou tel type de mutations et les distractions idoines. Subitement cependant, il se rendit compte que quand on traversait les matières, précisément, les choses pouvaient être un peu compliquées. Fort de cette embarrassante révélation, le jeune homme ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil à Ashley.

Décidément fort embarrassé, il avança d’une voix timide :


— Enfin, c’est vrai que c’est euh… difficile… et euh… Hm. Je sais pas si tu as… enfin, si tu cherches… Enfin, tout dépend le genre de rencontres, mais… J’peux m’renseigner, si tu veux.

Une chose était sûre : Adam n’était pas fait pour les mâles conversations de vestiaires sur la manière de séduire les filles et les endroits où en rencontrer. Il préféra donc en revenir à sa suggestion originelle.

— Donc, euh, sinon, Ça-m’gène-pas, ils font des activités, genre, visites guidées de New York, réunion d’informations pour les mutants étrangers, assistance sociale, intervention auprès des scolaires. Des soirées jeux, des restaurants, ce genre de trucs. Ils essayent d’un côté de sortir les mutants de leur isolement, de l’autre de nouer un lien social avec le public.

L’Asiatique, incertain de ce qu’Ashley précisément recherchait, tentait de donner l’éventail le plus large des activités possibles, pour que le Britannique pût y trouver son compte.

— Il y a peut-être des choses sur le campus aussi, pour les étudiants, mais là, j’connais moins. Est-ce que, je ne sais pas, tu en as parlé avec tes amis ?


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Ashley Blumenthal

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MessageSujet: Re: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptySam 6 Avr - 22:08

Le retour à une conversation plus prévisible et à des formalités simples et banales – un remerciement – avait quelque chose de rassurant. Adam se lança dans le sujet avec une sorte d'entrain indifférent, motivé sans doute plus par l'idée d'aider Ashley que par un intérêt propre pour la question.
L'exposé était instructif. Adam écarta rapidement l'idée d'aller visiter l'Institut ; plus rapidement certainement que Ashley ne l'aurait fait. De fait il ne savait pas si ça le dérangeait ou non, mais il était sûr que ça ne lui importait pas et que rencontrer des gens par le biais d'une association, dans un cadre moins institutionnalisé, lui plairait au moins autant.
Ashley se demanda s'il y avait vraiment des associations de motards louches mutants – mais surtout, qu'est-ce que ça voulait dire ? L'Américain déroula l'idée, pour l'étonnement d'Ashley qui n'avait jamais imaginé des clubs de rencontre pour mutants. Certes, à la réflexion, ce n'était pas si surprenant : il y avait des sites de rencontre pour à peu près n'importe quoi. Mais aussi, cet isolement manifestait d'une autre rupture entre mutants et non mutants. Il reviendrait sur cette information plus tard et essaierait d'en savoir plus.
Ashley fut plus qu'étonné quand, à cette présentation d'un type très particulier d'association pour mutants, suivit la proposition d'Adam d'y aller. Les yeux ronds, il ne s'empêcha pas de rire et de soulager Adam, qui visiblement hésitait :

« Non, c'est bon. Mais merci quand même... »

Ce n'était pas tant qu'il tenait à rester célibataire : mais que rien que l'idée d'aller à des clubs de rencontres mutantes lui paraissait tellement bizarre qu'il la mettait de côté sans y penser plus. D'autant qu'il y avait d'autres choses auxquelles réfléchir : présentement, le type d'activités qu'il voudrait faire avec des inconnus dans un milieu tout à fait inconnu et plutôt ostracisé.

« Hum. Non. Ce n'est pas un sujet qu'on aborde particulièrement. La plupart des étudiants sont, disons, au mieux indifférents, vaguement tolérants. C'est vrai que ce n'est pas un problème qui les concerne outre-mesure. Et, en tout cas, je n'ai jamais entendu parler d'une association étudiante pour les mutants. »

De fait il avait entendu parler du groupe Purity, affiché clairement contre les mutants à l'université, par certains réprouvés et d'autres approuvés, opinion rarement suivie d'un engagement pratique.

« Oui, je crois qu'il vaut mieux une activité. C'est plus facile de rencontrer, de connaître des gens lorsqu'on a défini au préalable un but, quelque chose à faire, en commun. Nourrir une conversation en partant de rien, c'est délicat.
Donc. Des jeux, oui, pourquoi pas, ou un sport, ou une soirée de danse, ou de la musique, enfin, tu vois, une activité de groupe. »


Ashley paraissait définitivement plus à l'aise, parlait vite, et de choses déjà vues et dites, ayant effacé la particularité de la situation sous des généralités vraies et même pertinentes. L'appréhension reviendrait plus tard mais, pour l'heure, il s'occupait de banales modalités.

« Enfin, si ça ne te dérange pas, mais tu as sûrement plein de choses à faire et ce n'est pas pressé. Tu as mon numéro de toute façon. Et d'ailleurs je me demande encore comment. »

Parce que tout cela n'effaçait pas cette interrogation vaguement inquiétante de son cerveau (dont par ailleurs les circonvolutions s'affairaient également encore à trouver un plan correct pour sa dissertation, mais à cette question réellement terrifiante, Ashley ne croyait pas trouver un jour une réponse).
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Adam Tenseï

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MessageSujet: Re: Une discussion dans le jour (Ashley)   Une discussion dans le jour (Ashley) EmptySam 4 Mai - 10:18

Adam réprima un soupir de soulagement quand Ashley lui confirma que ce qu’il cherchait, ce n’était pas un club de rencontres SM pour mutants en mal d’affection un peu brutale, parce qu’il se voyait mal expliquer à Salem, le soir à la maison, pourquoi il épluchait les adresses des sites de rencontre : « c’est pour un ami » n’était pas une excuse très crédible, même lorsqu’elle était authentique. Et puis, accessoirement, Adam préférait s’imaginer Ashley dans son espèce d’aura de pureté toute britannique, en train de boire du thé en lisant Locke plutôt qu’à essayer de draguer des filles à tentacules dans des bars douteux.

Il était soulagé aussi de se rendre compte que, au moins en partie, les problèmes de son interlocuteur lui étaient accessibles et que peut-être cette fois-ci il pourrait lui apporter une aide tangible. Il n’avait jamais fréquenté très assidument aucune des associations mutantes, mais il avait des contacts un peu partout et il était sans doute beaucoup plus facile pour lui que pour Ashley de dégoter la soirée parfaite, où les gens seraient beaucoup plus préoccupés par la découverte des Loups-Garous de Thiercelieux que par la polémique politique, une découverte en douceur donc de l’étrange monde des mutants.

Bien sûr, il avait encore un peu de mal à se représenter ce qu’était quotidiennement la vie d’un étudiant comme Ashley. Lui, cela faisait des années qu’il évoluait dans des milieux fort marginaux où la mutation était un sujet explicitement abordé et il n’imaginait que difficilement les prudences feutrées de conversations, l’ingéniosité qu’exigeaient de quotidiens mensonges avec des amis dont on n’était jamais complètement sûr. Et puis même les amis, en règle générale, Adam ne savait pas très bien ce que c’était.

Il était sans doute un peu surpris d’entendre que les associations étudiantes n’existaient pas, mais, tout en se promettant dans un coin de son esprit de se renseigner plus amplement l’occasion venue et en ajoutant cette tâche à la liste des choses à faire qu’il ne ferait probablement gêné, il se décida sur le groupe qui, à sa connaissance, serait le plus approprié.


— Ça m’gène-pas, alors, ce sera très bien. J’vais demander à Bree leur calendrier.

Après une petite pause, il précisa :

— C’est la secrétaire de l’association. Elle est très… Je ne sais pas. Accueillante. Un peu hyperactive, mais enfin, tu verras… Bref, je vais lui demander, et je t’enverrai ça.

Il ne lui proposait pas de l’accompagner, parce que d’abord il se voyait très mal jouer au Monopoly avec un groupe de mutants inconnus et qu’ensuite il supposait qu’Ashley n’avait pas non plus une envie folle de passer du temps en sa compagnie ; le traumatisme de la nuit à l’orphelinat était sans doute frais dans la mémoire du Britannique et Adam s’était résigné à n’être jamais pour Ashley qu’une sorte d’oiseau de mauvais augure, un rôle qu’il avait l’habitude de jouer pour bien des personnes et dont il savait d’expérience qu’il n’était pas aisé de se défaire, quelque bonne volonté qu’on y employât.

L’interrogation voilée d’Ashley sur la question du numéro de téléphone lui fit esquisser un léger sourire amusé. À coup sûr, le jeune homme s’imaginait qu’il avait télépathiquement capté ses flux de pensées pour démêler les chiffres qui le composaient ou quelque chose dans ce goût-là. D’une voix désinvolte, Adam dévoila la prosaïque vérité :


— Je l’ai demandé à une secrétaire de l’université.

La chose avait l’air toute simple, bien sûr, mais quiconque avait un jour affronter ces créatures mythologiques qui tiraient les ficelles de la labyrinthique administration universitaire devait savoir que la tâche, au contraire, pouvait être titanesque. D’un air songeur, Adam précisa :

— Elle s’appelait Ashley, d’ailleurs. Elle était un peu… tactile…

Bref, en somme, il avait joué de son charme (très chastement, rassurez-vous) pour obtenir le numéro : c’était beaucoup moins glorieux et pittoresque que les ondes télépathiques, mais enfin.

— J’ai prétendu que c’était pour le travail.

Il ne semblait pas se rendre compte que l’idée même qu’il eût un travail et qu’il ne partageât pas son temps entre les quasi-meurtres et les travées du rayon philosophique à la bibliothèque universitaire avait quelque chose de difficilement imaginable. Après l’avoir vu crocheter des serrures et examiner avec un sang-froid réfrigérant un cadavre fraîchement abattu, on le voyait mal trier des dossiers en costume-cravate ou fourrer des steaks trop cuits dans des hamburgers douteux avec un filet sur les cheveux.

À tout hasard, il précisa :


— J’travaille au Parti Démocrate.

En temps normal, il eût tenté de tâter le terrain pour recruter Ashley mais 1. la situation ne s’y prêtait pas vraiment et 2. Ashley n’avait pas le droit de voter aux Etats-Unis. Après cette information capitale, il resta un moment silencieux avant de suggérer :

— Tu devrais peut-être en parler à quelques-uns de tes amis. Aux amis proches. C’est pas… C’est pas forcément simple, je suppose. Mais se cacher, tout le temps, c’est pas très sain. J’veux dire, même… Comment dire ? Physiologiquement. Parfois, tenter de contrôler absolument son pouvoir, c’est un peu comme s’empêcher de respirer. Si tu peux te laisser aller de temps à autre, c’est pas plus mal.

Bon, bien entendu, il n’avait toujours pas une idée très précise de ce en quoi pouvait bien consister la mutation d’Ashley et il était fort possible qu’il n’eût pas envie de la laisser s’exprimer même devant des gens de toute confiance, comme les pyromanes hésitaient généralement à calciner le mobilier de leurs proches connaissances, de peur de les contrarier. Adam reconnut d’ailleurs :

— Enfin, j’suis peut-être pas le mieux placé pour juger de ce genre de choses. J’ai jamais vraiment… Bref. Peut-être que tu devrais en parler à Salem. Salem, il est doué pour parler.

Il avait dit cela avec une sorte de fierté très mal contenue qui faisait aisément voir qu’à son humble avis, Salem était doué pour tout et qu’on devrait lui élever un autel, juste là, au milieu de Central Park.
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