L’enlèvement dont avait été victime Phenemore l’avait suffisamment traumatisé pour qu’il ne perde pas une seule seconde à se rendre à St Christoph. C’était d’ailleurs là qu’il avait demandé à être déposé par le camion de pompier dans lequel il avait pris place avec quelques-uns des autres rescapés de cet évènement incompréhensible… Parce que Phenemore ne comprenait pas pourquoi on l’avait lui aussi attrapé alors qu’il n’avait strictement rien à voir avec tous les autres. Déjà, il n’était pas mutant, alors la logique aurait voulu qu’on l’attache lui sur une chaise on qu’on laisse les autres décider de son sort… mais non, on l’avait jeté dans ce container. Et en plus de ça, on lui avait collé des gens pénibles qui avaient passé leur temps – pour la plupart – à ne rien faire pour résoudre leur problème d’enfermement.

Il avait fallu que le fou s’en mêle pour à la fois sauver sa peau et celle des autres, même s’il lui avait fallu tuer une femme à mains nues. Cet épisode traumatisant, Phenemore l’avait exposé à sa psychiatre à de nombreuses reprises, prouvant ainsi son incapacité à trouver juste le fait d’ôter une vie pour en sauver six autres. C’était sans doute le fou le plus instable, mais également le plus lucide qui lui avait été donné de traiter, parce que Deirdre n’avait en aucune manière essayé de minimiser la gravité de l’acte de Phen’ pour qu’il l’oublie et se sente instantanément mieux. A défaut de technique maternaliste, la jeune femme avait préféré maintenir le jeune homme en contact de cette réalité que bon nombre de ses autres patients ne manquaient pas de fuir après chaque acte moralement répréhensible, et ce maintient passait par l’acceptation de ce qui l’avait poussé à agir ainsi… ce qui était incroyablement difficile à déterminer lorsque l’on savait à quel point Phenemore avait tendance à absorber comme une éponge chaque émotion qui se manifestait dans son entourage immédiat.

Pour Deirdre, il était clair que le jeune homme n’avait pas agi pour sauver ses fesses ou les gens qui se trouvaient près de lui, parce que Phen’ n’était pas vraiment d’une nature particulièrement altruiste. Au contraire, il était bien souvent mutique, silencieux, et faisait preuve d’une asociabilité impressionnante chaque fois que l’on tentait d’avoir le moindre contact avec lui… Alors conclure qu’il avait tué cette pauvre femme pour sauver des gens dont il se moquait éperdument, c’était l’aveu de sa propre incompétence en psychologie. Mais alors qu’est-ce qui avait pu pousser un fou placide à tuer de sang froid ? Deirdre n’en était pas tout à fait certaine, mais elle avait tout de même sa petite idée du fait d’observations qu’elle avait pu elle-même faire au contact de son jeune patient. Sa propre attitude en tant que thérapeute était naturellement responsable de la modification de l’attitude de ses patients lorsqu’ils se trouvaient en sa présence. A St Christoph, Deirdre avait déjà vu Phen’ agir par mimétisme au contact d’autres malades tantôt plus violents ou plus amorphes que lui, un peu comme s’il ne concevait de cohabiter avec les autres que de cette manière, en singeant leur comportement… Mais ces observations ne menaient pas à grand-chose, parce que même si Deirdre savait Phenemore dérangé depuis de très longues années, elle savait que même le mimétisme le plus fidèle ou motivé par une importante envie d’intégration ne pouvait pousser un homme comme lui à agir de la sorte… Non, décidément, la solution était ailleurs. Phenemore était un homme bien complexe, comme à peu près tous les patients qui défilaient dans le cabinet de la psychiatre.

Après sa petite « cure de remise en forme », Phenemore fut jugé de nouveau apte à retrouver la vie au grand air. Comme à son habitude, il avait retrouvé avec une joie indescriptible son amie Hella, et avait essayé de trouver une solution à son problème de logement – ou d’absence de logement, en fait. Si on reprenait tout depuis le début, il était clair que pour pouvoir se loger, Phen’ devait trouver un travail qui lui assurerait des revenus suffisants à la fois pour payer un loyer et subvenir à ses besoins. Seulement, que pouvait-il espérer faire ? Il dessinait très bien, certes, mais n’avait aucune expérience professionnelle au sein d’une grosse structure. En tant que freelance, on ne lui avait jamais passé commande de grand-chose, parce qu’il n’avait jamais réellement su se vendre. C’était l’artiste par excellence, celui qui pouvait exécuter n’importe quoi avec un réel plaisir, mais qui rechignait à se prostituer pour son art en suppliant untel de lui donner une chance ou de lui passer commande de quelque chose… Et voilà où ça l’avait mené, car malheureusement on ne pouvait pas vivre indéfiniment d’amour et d’eau fraîche (même si pour l’amour, là aussi Phen’ était du genre très mauvaise).

Ce fut finalement Hella qui trouva une solution à son problème, et Phenemore s’emballa tout de suite. Ils allaient vivre ensemble, un peu comme à St Christoph, sauf qu’ils auraient des fenêtres, le téléphone, et le droit de commander des pizzas jusqu’à s’en faire péter le bide ! Phenemore avait d’ailleurs manqué d’étouffer son amie en lui faisant l’un de ces calins débordants d’émotion qu’il ne réservait qu’à elle, et avait tout de suite accepté en lui promettant qu’il trouverait rapidement du travail parce qu’il était hors de question qu’elle paie le loyer seule… Ils mirent quelques semaines à dégoter un petit appartement sans prétention dans un quartier résidentiel assez calme, et une fois le bail signé, on leur donna les clés de leur nouveau chez eux.

Bien sûr, un emménagement ne pouvait pas s’envisager sans l’achat de nouveaux meubles et d’appareils électroménagers, et Phen’ traina Hella dans absolument tous les rayons du Ikéa le plus proche, courant dans les rayons comme un gamin et choisissant des meubles aux couleurs pétantes pour sa propre chambre. Le jeune homme n’avait pas beaucoup d’argent, mais il mit un point d’honneur à participer à égalité à l’ameublement de l’appartement, même si en ce qui le concernait, seuls importaient les lits, le canapé et le frigo… ce qui faisait un peu dépouillé, mais était déjà du grand luxe quand on avait passé 3 ans dans une cellule capitonnée.

Poussant le chariot contenant les meubles en kit, Phen’ n’en menait pas large. Son dernier séjour à St Christoph lui avait permis d’expérimenter leur nourriture dégueulasse, et il avait de nouveau perdu les kilos qu’il avait repris la dernière fois, lui conférant donc cette stature un peu squelettique et l’empêchant de pousser efficacement le chariot. Tout semblait pourtant se passer à la perfection, et les cachets avalés toutes les demi-heures lui avaient permis de ne pas sauter à la gorge des autres clients pénibles ou des caissières un peu lentes.

J’aimerais bien travailler dans un truc comme ça. Je ferais du chariot toute la journée ^^

D’un mouvement de menton, Phen avait désigné un employé qui conduisait un engin motorisé permettant de déplacer d’énormes palettes de meubles. C’était une vision assez utopique du travail dans un magasin d’ameublement, mais le jeune homme s’en moquait et assumait complètement le décalage de ses perceptions par rapport à ce qu’était réellement la réalité.

Une fois les achats réglés, les deux jeunes gens retournèrent jusqu’à la voiture d’Hella avec l’idée de la charger rapidement pour aller manger un morceau ensuite. Là par contre, ça se passa nettement moins bien à cause de la quantité de choses achetées qui ne voulaient absolument pas rentrer dans la voiture de son amie… Phen se lança dans une folle partie de Tétris, mais malgré tous ses efforts, il restait tout de même un certain nombre d’articles sur le parking. Et cela se gâta encore davantage lorsque les employés apportèrent le frigo… Lorsqu’ils furent partis, Phenemore se tourna vers Hella, un sourire énorme aux lèvres :

On blinde le frigo pour gagner de la place… et ça devrait le faire !

Joignant le geste à la parole, le jeune homme ramassa plusieurs casseroles et lampes, et commença à les fourrer dans le frigo sans envisager une seconde que ce dernier étant déjà très lourd, il serait tout simplement impossible à déplacer une fois rempli au maximum. Mais ça n’avait vraiment pas l’air de lui traverser l’esprit pour le moment…

Ils étaient – sont – tous les deux des cas sociaux, même sans le vouloir, c’était hallucinant. Phen se retrouvait enfermé dans un entrepôt sans raison apparente à vivre des choses de malade. Elle, elle se faisait agressée par le premier type venu avec des griffes pour permettre de passer un message. Y a des fois où c’était quand même à se demander si il existait plus poisseux que ces deux-là. Elle ne croyait pas au destin mais si vraiment cette connerie existait, elle voulait porter plainte contre celui qui attribuait tel ou tel destin à telle ou telle personne parce que franchement, elle s’était fait avoir sur ce coup là. Bref, deux cas soc’ alors quoi de plus naturel que de proposer à l’autre cas social de vivre ensemble ? Après tout, quitte à être les victimes de dégénérés chacun de leur côté, autant qu’il soit ensemble... Ok, c’était de l’humour un peu noir et ce n’était vraiment pas les raisons qui avaient poussé Hella à proposer ce genre de chose.

Elle suivait les cours. Au commissariat elle en était à son troisième chaperon mais, au moins, elle y était à chaque fois qu’elle devait ce qui faisait que sa conditionnelle avait pu être un peu modifiée. Elle ne pourrait pas vivre ailleurs que New York pour le moment mais, au moins, elle n’était plus enfermée dans les murs de l’institut, elle était libre de vivre ailleurs. Ses finances étaient maigres mais elle se foutait de vivre dans un taudis du moment qu’elle aurait l’impression que ce taudis est SON taudis – enfin, le leur, dans le cas présent. Vivre avec Phen lui était apparu assez naturel en réalité, il était la seule personne avec qui elle arrivait à parler librement, la seule avec qui elle se décidait à abattre ses défenses. Ca la faisait flipper, forcément. Enfin toutes ses histoires, selon elle, se finissait de la même manière. Pas une seule fois ça s’était fini de manière différente. Les gens finissaient par partir. Elle devait bien se dire que Phen finirait par faire la même chose et qu’il était ridicule de revenir sur tous ses préceptes pour lui. Mais, finalement, c’était différent – prendre le pouvoir d’un empathique qui s’ignore et, donc, en l’ignorant devant jouer – parce que, si un jour, il partait c’est qu’il prendrait son envol, seul, ou accompagnée et que c’était la meilleure chose qui pouvait lui arriver. ET puis en fait, elle se foutait des raisons qui l’avaient poussé à aménager avec lui, elle se foutait des craintes qu’elle pouvait avoir. C’était Phen, et c’était la meilleure excuse et explication qu’elle pouvait donner !

Alors la journée dans le magasin d’ameublement fut une merveille, pas besoin de parler de ce qui avaient pu leur arriver respectivement – Hella en gardait toujours les traces physiques – tout ce qui comptait était la façon dont ils allaient aménager leur nouveau chez eux. Rien de spectaculaire, pas vraiment les moyens mais ils avaient l’avantage de se contenter de peu, de vraiment peu. Ce qui achetait pouvait paraitre dérisoire mais ça ressemblait au luxe, en tout cas pour hella. Un instant elle posa son regard sur un type qui conduisait un engin qui portait des palettes, interpellé par ce que venait de dire Phen. Elle ne put s’empêcher de sourire.

« Payer à faire des courses de chariot. J’devrais peut-être envisager une reconversion aussi. »

Elle ne l’encouragea pas à le faire, parce qu’elle n’avait pas envie qu’il pense qu’il fallait absolument qu’il est un boulot stable. Elle croyait vraiment en ses compétences et était persuader qu’il pourrait faire beaucoup avec ses dessins. Bon, bien sûr, si vraiment il voulait bosser dans un magasin elle le soutiendrait à fond si c’était une envie et non pas un truc qu’il se devait de faire pour avoir plus de moyen. Elle se contentait de tellement peu qu’elle se foutait royalement qu’ils puissent crouler sous l’or ou non. De toute façon, selon elle, l’argent ne rendait pas heureux autant le laisser aux riches quitte à piquer un peu dans leur caisse de temps en temps.

Si sa carte bleue aurait pu pousser un cri de douleur c’est probablement ce qu’elle aurait fait au moment de passer à la caisse mais, heureusement pour la plus part des gens, ces petites cartes n’étaient pas programmés pour hurler à chaque paiement. Hella et Phen se retrouvèrent bien vite sur le parking, devant la voiture qui physiquement ne pourrait pas tout emporter. Enfin ça aurait pu rentrer parce que Phen se débrouillait super bien mais tout se gâta quand le frigo arriva. Un détail qu’ils semblaient tous les deux avoir oubliés. Hella se demandait tellement comment ils allaient pouvoir faire que quand Phen proposa de remplir le frigo elle adhéra tout de suite en pensant que c’était une merveilleuse idée. Elle se donna à cœur joies dans le remplissage du frigo et quand la plus part des articles furent dedans, c’est à ce moment-là qu’elle comprit. La seule réaction qu’elle trouva logique sur le moment fut de regarder le frigo et d’exploser de rire.

« Bon Ok, fais en sorte qu’il soit bien fermé et qu’on ne puisse pas voir qu’on a mis des trucs dedans. Je reviens. »

Hella courra à travers le parking dans l’espoir de retrouver les personnes qui avaient amenés le frigo. Elle y arriva après de longues minutes. Elle leur expliqua que c’était bien gentil de leur apporter le frigo mais qu’ils étaient incapable de le porter tellement le truc était lourd. Eux, ils ne pouvaient pas comprendre, ils avaient l’habitude mais pas elle. S’était son premier frigo, si elle avait su que c’était aussi lourd elle les aurait prévenus tout de suite pour qu’ils puissent lui donner un coup de main. Mais elle n’y avait pas pensé. Bref, elle s’efforça de faire une peu les yeux doux, voir larmoyant en jouant les pauvres petites filles frêles et innocente ce qui sembla suffire pour faire revenir les hommes sur leurs pas et revenir à la voiture. Hella se positionna derrière eux et leva ses deux pouces l’air victorieuse à l’attention de Phen pendant que les deux hommes s’apprêtaient à prendre le frigo qu’ils avaient apporté un peu plus tôt. C’était encore assez frais dans leur esprit pour savoir le poids qu’il faisait et ils se lancèrent confiant… Le frigo ne bougea pas d’un pouce. Etonnés ils essayèrent avec plus de conviction et le frigo bougea un peu, assez pour laisser entendre un bruit sourd à l’intérieur qui dévoila qu’il n’était pas vraiment vite… Toute façon ils auraient compris ça assez rapidement.

« Comment vous voulez qu’on porte le frigo si vous l’avez rempli ? »
« Comment vous voulez qu’on rentre le frigo dans la voiture si il n’est pas rempli. »
« Ce n’est pas notre problème désolé. On a un service pour ce genre de choses, ils peuvent vous livrer ou vous pouvez loué une camionnette. Au revoir. »

Hella protesta de manière larmoyante en s’accrochant à un des type. Un action qui pouvait paraitre vraiment étrange quand on la connaissait tellement ce n’était pas dans son caractère. L’homme la repoussa alors qu’elle s’était accrochée à lui et arriva à se dégager et partir en se disant qu’elle devait être complètement barge auquel pendant une clé vraiment spécifique. Quand ils s’éloignèrent, Hella se retourna vers Phen, le côté larmoyant ayant disparu et un sourire radieux était apparu sur ses lèvres au moment où, entre ses doigts elle agita un badge.

« Tu veux toujours conduire un chariot ? »

L’idée était un peu folle. Voler deux pull spécifique du magasin, entrer dans les réserves prendre un chariot et si ce dernier ne permettait pas de rentrer le frigo dans la voiture et bin il y avait toujours la possibilité de rentrer à l’appartement avec et de récupérer la voiture un peu plus tard, non ?

Phenemore avait un don particulier pour se retrouver dans des situations bizarres sans même avoir cherché les ennuis. On l’avait enlevé, balancé dans une boîte avec des inconnus, et on lui avait tiré dessus… Peut-être que la chance s’était intéressée à son cas parce qu’il n’avait pas été trop blessé par rapport à certains de ses compagnons d’infortune. Et ensuite cette même chance lui avait permis d’emménager avec Hella, sa seule véritable amie. Un amie qui avait connu des jours meilleurs, comme en témoignaient les diverses marques qu’il avait pu apercevoir sur elle. Poser des questions ne faisait pas vraiment partie des habitudes du mutant, en particulier lorsqu’elles étaient sensées cibler quelque chose de douloureux ou qui pourrait déclencher des réactions auxquelles il serait incapable de réagir autrement qu’en faisant une crise de démence. Alors Phen’ s’était contenté de s’assurer qu’Hella aille bien et ne manque ni de coton, ni de désinfectant pour soigner ses blessures…

Emménager avec elle était sûrement l’évènement le plus stable qui puisse intervenir dans sa vie depuis bien longtemps. Phen’ désirait mettre toutes les chances de leur côté pour qu’ils aient chacun la sensation d’être dans un foyer qui n’appartiendrait qu’à eux, et il avait vendu deux ou trois cartons de bibelots pour avoir un peu d’argent à investir dans des meubles.

Le chariot élévateur d’un employé éblouit Phen’ au point de lui donner envie de travailler dans ce magasin simplement par désir de faire des excès de vitesse en chariot jusqu’à sa retraite. L’idée sembla plaire suffisamment à Hella pour qu’elle envisage une reconversion, et Phen’ ne pu s’empêcher de sourire avec amusement :

Il faut bien que certains soient payés pour faire quelque chose d’amusant. Par contre si tu te reconvertis ici, il faudra que tu me laisses gagner toutes les courses de chariot… Parce que j’ai eu cette idée en premier !

Un sourire immense étira ses lèvres, lui conférant une incroyable ressemblance avec un enfant de 10 ans fier de ses bêtises. Phen’ pouvait se montrer incroyablement mature, mais il y avait d’autres moments où il pouvait clairement donner l’impression de paraître 20 ans de moins que ce que son apparence laissait entrevoir. C’était aux divers médicaments qu’il ingurgitait depuis son adolescence qu’il devait cette capacité à passer d’un extrême à l’autre, et aucune forme de thérapie n’était parvenue à changer cela, ce qui du point de vue des médecins rendait le jeune homme dangereux. Il n’y avait eu que le Dr. Phillips pour voir en lui le type inoffensif et perdu qu’il était vraiment, et qu’il resterait aussi longtemps qu’on le laissait tranquille.

Pour l’heure, Phen’ s’était appliqué à charger la voiture en entassant bien tout. Ce que ni lui ni Hella n’avait remarqué finit par pénétrer leurs cranes assez rapidement lorsque les employés apportèrent leur frigo, qui bien sûr ne rentrerait pas dans la voiture maintenant qu’ils y avaient entassé tout le reste… Phen’ proposa alors de tout mettre dans le frigo pour ensuite mettre uniquement le frigo dans la voiture, un peu comme s’il s’agissait d’un gros placard. Hella approuva et y mit toute son application, joignant ses efforts à ceux de Phen’. Lorsque le frigo fut plein, Hella sembla comprendre quelque chose qui continuait d’échapper à au jeune homme, mais son éclat de rire sembla produire l’effet d’un électrochoc… Effectivement, soulever le frigo tous les deux et sans équipement serait compliqué maintenant qu’il y avait plusieurs centaines de dollars qui s’entassaient à l’intérieur. Phen’ laissa résonner son rire sur le parking, s’approchant de nouveau du frigo pour le vider. Hella l’en dissuada en lui demandant de garder le frigo bien fermé. Phen’ acquiesça et vérifia la bonne fermeture de la porte, avant de s’appuyer négligemment contre la voiture de son amie qui fit de son mieux pour leur faire pitié et tenter de les convaincre en même temps. Cela s’avéra assez efficace, d’après ce que les deux pouces levés avaient l’air de signifier, et les deux employés revinrent s’occuper du frigo…

Phen’ observa les hommes essayer de lever le frigo sans succès, comprendre assez rapidement qu’à présent il était plein et conclure que le problème de chargement n’était pas le leur avant de tout simplement se barrer… Phen’ se redressa, incrédule, se demandant également si ce n’était pas le moment de leur demander de recommencer et de soulever le frigo après qu’il l’ait vidé intégralement, mais Hella ne s’avoua pas vaincue et tenta de leur faire encore plus pitié que quelques minutes auparavant, s’accrochant à eux avec la force du désespoir – mais surtout pour les empêcher de partir. Les deux hommes partirent finalement en se débarrassant d’elle, et Phen fut bientôt rejoint par son ami en agitant ce qui ressemblait à un badge. Phenemore eût un peu de mal à comprendre, jusqu’à ce qu’Hella lui demande s’il voulait toujours conduire un chariot, et son visage reprit très rapidement ce sourire enfantin avant qu’il ne lui saute dessus pour un gros calin :

Oh oui ! – Il relâcha son amie après quelques secondes, le prenant le badge des mains pour l’observer dans tous les sens. – Tu crois qu’on peut conduire tous les chariots, même le gros de tout à l’heure ?

Phen’ trépigna sur place, un acte assez insolite et bizarre à observer de la part d’un grand gaillard comme lui, et attrapa la main d’Hella pour l’entraîner jusqu’à une porte permettant d’entrer dans le magasin. Le jeune homme interrompit sa course juste devant et tourna le badge dans tous les sens avant de l’insérer dans le lecteur qui permettait de déverrouiller la porte. Un petit bip se fit entendre et un « bienvenue Fred » s’afficha sur l’écran de la badgeuse avant que la porte ne se déverrouille pour leur libérer le passage.

Je ne suis encore jamais entré nulle part sans y être invité… - Le jeune homme se tourna vers Hella après avoir jeté un œil à l’intérieur et trépigna de nouveau sur place avant d’entamer une danse bizarre. – On y va ?

Phen’ venait d’inviter son amie à entrer d’un mouvement de tête. A le voir, on ne pouvait ignorer que le côté inédit de la chose le réjouissait complètement. En revanche on pouvait se demander s’il avait conscience que ce qu’ils faisaient était absolument interdit…

Hella s’était contenté de rire quand Phen lui avait demandé de la laisser gagner si, elle aussi, souhaitait se reconvertir en conductrice de chariot dans ce magasin. Elle trouvait forcément ça mignon comme genre de réflexion, surtout quand l’argument était « j’ai eu cette idée en premier » comment réagir autrement qu’en s’en amusant ? Ce n’était pas un rire critique ou quelque chose dans ce genre-là. Non, elle trouvait ça amusant et chou à la fois, et elle ne voyait qu’elle autre réaction elle aurait pu avoir hormis celle-là.

ce qu’elle ignorait au moment de ce rire c’est que Phen allait pouvoir réaliser son vœux bien plus tôt que prévu à cause de foutu frigo qui refusait de rentrer dans la voiture, enfin qui, pour le moment, ne voulait pas bouger d’un pouce. Elmle avait un badge, une clé, la seule chose qui restait à faire c’était de voir si Phen était toujours tenté par l’idée de conduire un chariot ? Elle estima le câlin de Phen comme un oui, bien prononcé même si cette affirmation arriva très vite de vive voix par la suite. Hella parlait d’un emprunt illégale de véhicule et Phen se demandait juste si il pouvait conduire tous les chariots de son choix. Elle se mise à sourire, en hochant la tête.

« Ouep… Même le gros de tout à l’heure. »

Bon sur le papier le plan était nickel, la pratique rencontrerait peut-être quelques problèmes. Mais ça ne serait pas la première fois que ça lui arriverait et elle avait cette faculté impressionnante d’improviser dans n’importe quelle situation. Surtout dans une situation de vol. Franchement, elle ne s’inquiétait pas trop, et puis qu’est-ce qu’ils pouvaient vraiment risquer dans un magasin comme celui-là où les employés tourne du jour au lendemain ? C’est Phen qui avait le badge en main, et c’est lui qui entraina Hella jusqu’à l’endroit où entrait le personnel. L’entrain de Phen était étrangement communicatif, à croire qu’elle aussi aurait pu se mettre à trépigner sur place, voir même à sauter partout sous cette euphorie. Phen avait juste une façon de faire communicatif. Elle ne chercha pas plus loin. En fait, elle ne se posa même pas de question sur cette sensation-là.

« Mais tu as été invité… c’est juste la machine qui t’as appelé Fred. Faut pas faire confiance à une machine, ça se trompe de nom ! … c’est partit. »

Elle avait un immense sourire sur les lèvres et du rattraper Phen par la main quand il prit une direction pour lui en montrer une autre. La réserve, c’est plus vers là qu’ils devaient aller si ils voulaient trouver les chariots du magasin. Elle l’entraina avec lui, passa devant des casiers devant lesquels elle s’arrêta un instant. Sortant une épingle de ses cheveux elle crocheta deux cadenas pour en sortir des pull à l’effigie du magasin. Elle en passa un à Phen pour qu’il le mette, et mit celui qu’elle avait pris pour elle. Douée pour ouvrir des cadenas de base. Nule pour trouver un truc à sa taille. Elle nageait complètement dans son pull. M’enfin ça serait toujours moins suspect que de ne pas être aux couleurs du magasin en question. Elle se tourna vers Phen et son nouveau pull et l’entraina rapidement dans les réserves ou, devant eux, se trouvait une sorte d’espace pour ranger les chariots automatique. Elle se tourna vers Phen.

« Monsieur, j’ai l’honneur de vous informer que, grâce à vos excellents résultats dans notre entreprise, vous venez d’être promu au rang de conducteur. Veuillez, s’il vous plait, choisir le véhicule de votre choix. »

Elle aurait pu imposer le chariot le moins encombrant histoire de se faire remarquer le moins possible. Mais qu’est-ce que vous voulez imposer comme la personne à côté de vous a les yeux qui pétillent comme pas permis devant les chariots ? Il avait l’air de tellement être content qu’elle n’avait pas le cœur à lui imposer un choix. Elle voulait juste le laisse faire son choix pendant qu’elle regardait autour d’elle. Le but était quand même de transporter leur frigo, y arriver avant de se faire chopper, c’était plus utile. Ne pas se faire chopper du tout, était, là, carrément classe !

Est-ce que Phen savait conduire ? Cette idée lui traversa légèrement le cerveau mais elle imaginait que ces truc fonctionnait comme des jeux vidéo avec une sorte de joystick et tout le monde savait s’en servir de manière innée, non ? En tout cas fallait l’espérer. Répondre d’un vol de chariot était un truc, répondre d’un dégât sur un tas de voiture était déjà plus compliqué. Et répondre à l’accident de personne, là, ça craignait franchement. Elle se rendait bien compte qu’elle jouait gros sur ce coup-là, surtout maintenant qu’elle avait une permission d’avoir son propre appartement. Mais si elle ne faisait pas confiance à Phen dans ce genre de moment, qui le ferait ?

« T’as choisis ? Et, dis, tu veux bien m’emmener avec toi, quand même ? »

Cette dernière question était plus pour rire qu’autre chose étant donné qu’elle ne voyait pas Phen la laisser en plan dans cet entrepôt. Finalement, une fois qu’elle serait installée avec Phen, la seule chose qui lui resterait à faire serait d’avoir une totale confiance en lui. Après tout, c’est lui qui les sortiraient de là avec le véhicule de son choix.

Il n’y avait vraiment que Hella pour rire de bon cœur aux paroles de Phen’ ou pour ne pas considérer qu’il était complètement frappadingue. Psychologiquement parlant, il était clair que le jeune homme avait un gros problème, qu’il était bipolaire et pouvait de ce fait passer d’une envie de vous faire des calins à une envie de vous arracher la tête. Mais pour tout le reste, et malgré un manque de maturité dans pas mal de situations, Phen’ était une personne comme les autres, à ceci près qu’il avait toujours des réactions inexpliquées face aux choses de la vie courante, comme notamment les magasins d’ameublement ou les chariots élévateurs… Alors si pour d’autre c’était complètement con comme aspiration, Phen’ trouvait absolument génial de pouvoir conduire ce genre d’engins. Et il trouvait également tout à fait normal d’exiger de gagner toutes les courses de chariot parce qu’il avait émis l’idée de travailler là en premier. Mais bien sûr, il laisserait gagner son amie de temps en temps, ce n’état pas un problème, mais il n’aurait aucune pitié pour les autres…

Du coup, Phen ne trouva absolument rien de choquant dans le fait qu’Hella ait pu voler un badge d’accès et la clé d’un chariot pour qu’ils chargent eux-mêmes le frigo dans la voiture. N’importe quel adulte sensé aurait trouvé ça scandaleux et aurait généreusement engueulé la jeune fille pour lui faire comprendre que voler c’était mal… mais pas Phen’. Phen’, lui, trouvait ça génial. Et il trouva le plan de son amie encore plus génial lorsqu’elle confirma qu’il pourrait conduire aussi l’énorme chariot qui avait failli les écraser à la sortie d’un rayonnage dans l’entrepôt contenant les meubles en kit… Phen afficha donc un sourire immense peu avant qu’ils ne se dirigent vers l’entrée de service.

La porte se déverrouilla assez rapidement grâce au badge, et Phen’ fit remarquer le côté inédit de leur petite escapade dans la zone interdite aux clients. Avec humour, Hella précisa que si, ils avaient été invités, et que si la machine avait souhaité la bienvenue à « Fred », c’était tout simplement parce qu’elle s’était trompée. Phen’ acquiesça, semblant trouver cette explication parfaitement logique, avant de s’engouffrer à l’intérieur en vitesse… avant d’être rattrapé par Hella qui avait trouvé la direction à prendre. Phen la laissa prendre sa main et la suivit docilement, un peu comme un enfant suivrait un adulte, sauf que le rapport de taille était inversé dans ce cas précis. Ils passèrent devant des casiers fermés, et Hella crocheta quelques serrures de cadenas sous les yeux médusés de Phenemore, qui prit ensuite le pull aux couleurs du magasin sans réellement le voir.

C’est à l’Institut qu’on t’apprend ce genre de choses ? Ca aurait été drôlement pratique à St Christoph !

Sourire énorme à l’appui, Phen’ s’amusait vraiment de tout et ne parvenait même pas à considérer comme grave le fait qu’en plus de s’introduire là où ils n’avaient rien à faire, ils volaient du matériel appartenant au magasin. Le jeune homme enfila son pull qui avait une taille convenable même si les manches étaient un peu trop longues, et il ne pu s’empêcher de rire en voyant à quel point celui d’Hella était beaucoup trop large.

Elle l’entraîna de nouveau derrière elle, semblant bizarrement avoir un don pour trouver son chemin dans les lieux où elle n’avait pas le droit de se trouver. Bien vite, Phen’ repérer les chariots garés dans l’entrepôt et constata que c’était pile la direction dans laquelle son amie l’entrainait. Lorsqu’ils l’atteignirent enfin, elle se tourna vers lui et le félicita de la même manière qu’un manager devait féliciter ses employés – enfin Phen’ imaginait que c’était cela – et déclara que ses résultats lui valaient l’honneur de conduire des chariots. Nouvelle danse bizarre de la part du jeune homme, qui ne manqua pas de prendre la clé que lui tendait son amie et de grimper dans le chariot, se plaçant derrière le volant en affichant le sourire d’un gamin qui a trouvé la meilleure place dans un manège. C’était d’ailleurs à peu près l’idée, parce que Phen’ avait le plus gros chariot de tous ceux qui étaient garés sur ce parking intérieur, et qu’il allait pouvoir le conduire. Son regard s’orienta vers Hella lorsqu’elle demanda s’il allait la prendre avec lui, et son sourire trouva le moyen de se faire encore plus large avant qu’il ne lui tende la main pour l’aider à monter :

En voiture, Simone !

Il avait entendu ça dans un vieux film en noir et blanc et avait trouvé ça tellement décalé que ça avait rendu l’expression « cool » à ses yeux. Phenemore attendit qu’Hella soit installée correctement avant de tenter de démarrer l’engin, glissant avec assurance la clé dans la fente et la tournant avec autorité en faisant celui qui savait parfaitement ce qu’il faisait. Lorsque le moteur démarra, Phen’ se contorsionna pour observer les pédales, pas vraiment certain de savoir laquelle des deux permettait d’avancer… L’autre était sans doute prévue pour reculer… mais alors où était le frein ?! Le levier de vitesse posa moins de problèmes, parce que ça, Phen’ savait à quoi ça servait pour avoir vu pas mal d’acteurs l’actionner dans des films. Il existait trois vitesses pour ce chariot, et jugeant que la première était pour les débutants, Phen’ passa directement la deuxième avant d’appuyer sur l’une des deux pédales… mais rien ne se passa. Après un sourire assuré à Hella et un ricanement, il essaya la seconde pédale et le moteur cala directement…

Le jeune homme se gratta la tête avec perplexité, se demandant ce qui merdait dans sa manière de faire, et enclencha la « troisième vitesse », signalée par un grand R sur le levier de vitesse. Cette fois, Phen choisit la bonne pédale mais fut assez déstabilisé de sentir le chariot se mettre en route en marche arrière… Il avait beau vouloir de toutes ses forces avancer, le chariot ne faisait que reculer, ce qui était assez embêtant parce que ça serait beaucoup plus dur de le diriger en marche arrière qu’en marche avant ! Le chariot n’allait heureusement pas bien vite lorsqu’il tamponna un autre chariot à l’arrêt quelques mètres derrière… Son visage dépité s’orienta vers Hella avant qu’il n’explose de rire, visiblement ravi d’avoir loupé son coup.

Hella avait souri quand Phen lui avait demandé si elle avait appris à crocheter une serrure à l’institut, en ajoutant que ça aurait été bien pratique pour St Christophe. Elle admettait volontiers ce dernier point mais n’avait pas les compétences et encore moins le matériel nécessaire dans une cellule de St Christophe pour ce genre de chose. Pour ce qui était de l’institut, donner ce genre de cours n’était pas encore en programme quoiqu’elle soupçonnait que quand on suivait un entrainement spécialement pour devenir x-men, on devait bien apprendre deux / trois trucs de ce genre, au moins pour se sortir de situation délicate.

« Ça pourrait être marrant d’apprendre ça à l’institut mais nos cours sont plus conventionnels. J’t’apprendrais si tu veux mais je ne pense pas que ça puisse fonctionner à St Christophe. »

Et combien même ca fonctionnerait, il y avait encore le reste de la sécurité à passer. De toute façon crocheter une serrure à St Christophe n’était pas du même niveau qu’une serrure d’un cadenas acheter pour rien au supermarché du coin. Hella ne mit pas longtemps à comprendre pourquoi Phen se marrait comme un petit fou quand elle s’aperçu de la taille de son propre pull, la prochaine fois faudrait que les employés pensent à écrire leur taille sur leur casier, ça éviterait ce genre de problème et elle n’allait pas s’amuser à crocheter toutes les serrures pour en trouver un à sa taille. Bref, elle fit mine de défilée pendant quelques secondes en souriant et se remise en chemin avec Phen pour se retrouver devant les chariots si convoités par Phen.

A en juger par la danse émise de Phen ? Il devait être heureux d’avoir des chariots à disposition, ainsi que des clés et l’embarras du choix. L’humeur de Phen avait ce petit truc qui la rendait, elle-même, presque euphorique. Hella se disait que si ils venaient à se faire prendre, elle trouverait presque le moyen de se marrer alors que ce n’était pas du tout drôle en vue de ce qu’il y avait en jeu derrière. Mais loin de ses préoccupations elle n’hésita pas à se mettre en place, à l’aide de Phen, quand ce dernier annonça un « En voiture, Simone ». Elle ne savait pas où il allait chercher ses répliques mais, franchement, ça lui convenait parfaitement !

Hella avait le permit, -une des rares choses qu’elle est bien fait dans sa vie – et le mode de fonctionnement du véhicule lui semblait bien moins obscur que Phen. Ce n’était pas une voiture, ça paraissait même plus simple mais pour Phen, ça devait être une autre paire de manche. Pourtant il enfonça la clé avec une telle assurance qu'elle ne disait rien et même quand il passa la deuxième vitesse, elle préféra se taire se mettant doucement à sourire avant même que l’inévitable ne se produise. Phen calla et elle éclata de rire. Mais il essaya de nouveau en enclenchant la marche arrière. Hella regarda derrière et estimant qu’il n’y aurait pas de grand dégât, elle n’ajouta rien et laissa Phen reculer. Il suffisait cependant de voir sa tête pour comprendre qu’il n’avait pas prévu ça, alors quand le véhicule s’immobilisa après avoir taper celui de derrière Hella ne put s‘empêcher de rire franchement en accompagnant le rire de Phen.

« Attend, tu permets ? Elle attendit d’avoir l’accord de toucher au levier pour le passer sur la première vitesse avant de faire un topo rapide. Tu commences avec celle-là, puis tu accélères ensuite. Puis, bin si tu veux reculer, tu sais comment faire. Ah, ouais y a les freins mais en fait on s’en fou un peu. »

C’est pas la vitesse de pointe du truc qui allait leur poser un problème. Au pire si vraiment un truc était à éviter, il suffisait de mettre un coup de volant. Une fois ses explications, plus que brève, elle enleva sa main du levier de vitesse et ne toucha plus à rien. Ce n’était pas elle qui avait envie de conduire mais Phen, alors autant lui laisser ce plaisir. Par contre elle put remarquer que deux types arrivaient par l’endroit où ils étaient eux-mêmes arrivés un peu plus tôt et, forcément, ils ne manqueraient pas remarquer le fait que le chariot touchait largement celui de derrière.

« Je crois que c’est le moment d’y aller et de faire comme si tout était normal. »

Comme si c’était normal d’emboutir un chariot, d’être à deux sur cette machine et, en plus, d’être pratiquement mort de rire. On pourrait croire que c’est des employés mais on finirait aussi par penser qu’ils ont bu un truc avant de conduire cet engin. Bref, il était vraiment temps de dégager et de s’occuper de ce frigo à mettre dans la voiture d’Hella qu’elle maitriserait mieux que l’engin que conduisait – ou tentait de conduire- Phen.

Phenemore ne voyait absolument pas le problème qu’il pouvait y avoir à imaginer que l’on apprenne à des gens à crocheter des serrures. Après tout, c’était un passe-temps comme un autre, alors pourquoi enseigner des matières inutiles comme le latin ou le sport quand crocheter une serrure pouvait se révéler infiniment plus utile ? Pour Phen’, la principale utilisation de cette compétence tenait surtout à la porte de ce nouvel appartement qu’il partagerait incessamment sous peu avec Hella, parce qu’il était suffisamment tête en l’air pour perdre les clés trois fois par semaine… En sachant crocheter proprement une serrure, il n’aurait pas à appeler le serrurier, à défoncer la porte - en admettant qu’il y parvienne… - ou à attendre qu’Hella rentre de cours pour pouvoir pénétrer dans l’appartement. Hella éluda la théorie de Phenemore en un sourire et rectifia ce qu’il avait cru deviner : pas de crochetage de serrure par groupe de quatre élèves, mais simplement une capacité que son amie avait développée seule et qu’elle proposa de partager. Nouvel accès de joie du côté de Phen’ juste avant qu’il ne réponde :

Avec plaisir ! Ca sera notre première activité commune qui n’aura rien à voir avec St Christoph !

Bien sûr, ils s’étaient revus et avaient partagé des choses depuis sa remise en liberté, mais Phen’ voyait cette proposition comme son premier vrai pas en tant qu’homme libre, même si l’activité proposée n’était peut-être pas très légale ou très normale, même pour un fou dans son genre. Mais peu importait tant qu’il était avec Hella.

Phen’ avait ensuite trouvé encore plus amusant de voir Hella faire le mannequin avec son pull trop grand et défiler devant lui, mais il s’était abstenu de rire trop fort par crainte de voir débarquer d’autres employés. Dansant et sautant partout, le jeune homme n’avait ensuite pas caché sa joie à l’idée d’emprunter un chariot élévateur pour régler leur problème de frigo. Tout était assez bizarre avec Phenemore, parce que même s’il était le plus vieux des deux, il avait toujours cette manière de se comporter comme un gosse capable de s’émerveiller de tout… et c’était peut-être ce qui plaisait à Hella, dans le fond. En tout cas, le jeune homme appréciait qu’elle ne lui rabâche pas son manque de maturité à longueur de journée comme le faisaient ceux que Phen’ avait essayé de côtoyer sans réel succès jusqu’ici…

Une fois installés à bord de l’engin, Phen’ avait tout fait pour laisser croire qu’il maîtrisait la situation et qu’il allait démarrer et conduire le chariot aussi facilement que s’il s’était entrainé pour ça toute sa vie. Après plusieurs ratés et notamment celui qui entraina l’arrêt du moteur et une légère secousse, Hella éclata de rire. Phen’ se tourna vers elle avec un sourire énorme – autant dire qu’il prenait plutôt bien son échec – et tenta autre chose sans réel succès, jusqu’à ce que l’engin parte en marche arrière… avant de heurter un autre véhicule à l’arrêt puis de s’immobiliser. Le seul réflexe valable de la part du jeune homme fut de ne plus toucher à rien tant qu’il n’aurait pas compris comment tout fonctionnait. Une résolution qui ne risquait pas d’être brisée jusqu’à ce qu’Hella propose son aide... Phenemore l’accepta avec un grand sourire parce qu’il savait que son amie contrairement à beaucoup d’autres n’essayait absolument pas de le rabaisser, et les rudiments de la conduite ne tardèrent pas à être exposés avec une concision appréciable. Phen’ ne comprit pas pourquoi certains passaient des années à essayer d’obtenir leur permis lorsque le fonctionnement était aussi simple que les explications de son amie. En fait, ça le dépassait au moins autant que le fait de payer une fortune pour obtenir ces explications toutes bêtes !

En revanche, Phen ne s’inquiéta pas de ne pas être informé de l’emplacement des freins. Il connaissait leur utilité, mais il estimait qu’il lui faudrait une petite période d’adaptation avant de pouvoir vraiment songer à accélérer avec ce truc. C’est Hella qui remarqua la première deux employés attirés par le bruit du mini-accident provoqué par Phenemore, et elle lui suggéra d’y aller en faisant comme si tout était normal. Pas de problème pour le jeune homme, qui remit le contact, appuya sur les pédales comme le lui avait dit son amie après avoir passé la première vitesse. Les premiers mètres furent un peu laborieux et Phen’ sentit ses mains trembler lorsqu’il passa devant les deux employés auxquels il adressa un pouce levé pour vraiment donner l’impression que tout allait bien. Hella ajouterait peut-être quelque chose, mais Phen’ en était incapable parce qu’il ne parlait pas aux inconnus. Ou plutôt, il ne parlait pour l’instant à personne d’autre que Hella et sa psy…

Phen prit un tournant un peu serré pour sortir de la petite zone de parking réservée aux chariots, et laissa un sourire de barge se dessiner sur son visage. Rapidement, la vitesse du chariot devint insuffisante pour le satisfaire et il eût envie de sentir du vent dans ses cheveux : la seconde vitesse s’enclencha en faisant cahoter le vieux moteur de l’engin.

Tu me dis si ça va trop vite…

Phen’ ne connaissait pas trop le rapport de son amie à la vitesse, mais il fallait admettre qu’il n’y avait pas de quoi avoir la nausée ou se sentir mal à cause de l’allure à laquelle le chariot se déplaçait. Les lignes droites étaient un jeu d’enfant, mais assez rapidement ils furent contraints de prendre un virage à gauche qui coûta quelques étincelles lorsque le chariot frotta contre une étagère métallique dans un grincement horrible. Nouveau ricanement de Phenemore, à croire qu’il faisait presque exprès de louper ses virages.

Une grande porte donnant sur l’extérieur ne tarda pas à se profiler à l’horizon, et Phen écrasa l’accélérateur en pensant qu’il pourrait accélérer encore un peu. Sauf que rien ne se passa parce que 30 à l’heure avait l’air d’être la vitesse de pointe de l’engin. C’est à peu près à ce moment-là que quelqu’un se rendit compte que deux employés sur un même chariot étaient fortement suspects compte-tenu des mesures de sécurité liées à l’utilisation des chariots, et un employé aimant sans doute un peu trop manger se mit en tête de les rattraper en leur courant derrière… ce que Phen’ ne remarqua pas, bien trop concentré sur sa conduite.

A l’approche de l’engin, la porte sans doute équipée d’un détecteur s’ouvrit toute seule, ce qui était une chance parce que Phenemore l’aurait probablement défoncée faute de savoir où se trouvaient les freins. Derrière eux, l’employé courrait toujours mais semblait s’essouffler au fur et à mesure pendant que Phen’ négociait quelques virages pour éviter des véhicules garés sur le parking du magasin réservé à la clientèle. Quelques rayures plus tard, il réalisait qu’il ne voyait pas la voiture de son amie ou même le frigo, et il s’adressa donc naturellement à elle avec une certaine angoisse :

Tu crois qu’on nous a volé la voiture et le frigo ?

C’était peu probable, à moins de tomber sur une bande de musclors collectionneurs de frigos, mais Phen’ envisageait malgré tout cette possibilité un peu loufoque. En réalité, ils avaient quitté l’entrepôt par la mauvaise porte et se trouvaient à présent sur le parking nord, alors que la voiture se trouvait très clairement sur le parking situé au sud de l’immense magasin… Voilà ce qui arrivait lorsqu’on faisait confiance au sens de l’orientation de Phenemore. Le jeune homme encore ignorant de son erreur entama quelques arabesques avec le chariot sur une portion déserte du parking, un peu comme s’il avait déjà oublié que le chariot était sensé manipuler leur frigo pour le charger dans la voiture… Ce qu’il pouvait être distrait, parfois !

Avisant une nouvelle connerie à faire, Phen' fonça directement en direction des dos d'âne avec l'idée très claire de passer dessus avec le chariot...

Leur première activité qui n’avait rien à voir avec S Christophe. Cette idée passa en boucle dans sa tête avant qu’elle ne se rende compte qu’elle n’avait eu aucune activité avec qui que ce soit, à moins que ce soit une obligation ou une nécessité sur le coup. En fait tout ce qu’elle pouvait faire avec Phen, le temps qu’elle pouvait passer avec lui, le fait de prendre un appartement, tout ça n’avait rien de normal pour Hella qui transgressait toutes les règles qu’elle s’était imposée. Cette réalité lui revenait en une fraction de seconde en pleine tronche. Leur première activité ensemble… Elle n’avait pas perçue les choses de cette manière. C’est à ce moment-là qu’elle devait fuir, comprendre qu’elle avait été trop loin mais elle en était incapable parce que, quelque part en elle, quelque chose lui hurlait de continuer. Il ne s’agissait pas d’amour dans le sens que l’entende la plus part des gens, il n’y avait jamais eu ce genre de pensée envers Phen. Mais elle restait incapable de faire marche arrière, elle n’en avait pas la moindre envie parce qu’à ce moment précis elle venait de comprendre qu’elle n’avait aucune envie d’effacer Phen de sa vie. Ni maintenant, ni demain, ni les jours suivant.

Hella aurait pu lui répondre n’importe quoi après ce qu’il venait de dire mais aucun mots ne pouvaient exprimer ce qu’elle ressentait sur ce moment bien précis. Alors, sans prévenir, elle attrapa Phen et enroula ses bras autour de lui pour le serrer fort. Il était franchement très rare qu’elle soit à l’origine d’un câlin mais là, c’était le seul truc qu’elle avait trouvé pour s’exprimer de la manière la plus correcte qu’il puisse exister selon elle. Mais elle arriva à le relâcher pour, quelques minutes plus tard, se retrouver sur un chariot à expliquer à Phen les rudiments de la conduites, en espérant que ça n’ait pas trop de différence avec une voiture. Une fois qu’il eut écouté et comprit, tout de suite, les explications d’Hella, Phen se mit en route. Hella du se retenir de ne pas exploser de rire en le voyant le lever les pouces aux deux employés pour dire que tout allait bien. Elle se retenait tellement qu’elle n’ajouta rien pour ne pas perdre son sérieux.

Parfois elle arrivait à oublier que Phen ne parlait pas, pourtant elle avait subi son mutisme au début de leur cohabitation à St Christophe. Elle ne savait pas vraiment ce qui l’avait poussé à lui parler mais elle ne regrettait pas ce jour, bien au contraire, et elle appréciait chaque son qui pouvait sortir de la bouche de Phen. Mais parfois, elle arrivait à oublier qu’il ne parlait pas à tout le monde, en fait, à sa connaissance, Phen ne parlait qu’à la psy qu’ils avaient commun et à elle. N’étant pas assez exclusive ou besoin de se sentir valorisée par le fait qu’elle était une des rares personne à qui il parlait, elle préférait de loin le voir s’ouvrir au monde. Mais il s’y attaquerait quand il le voudrait et elle ne chercherait jamais à le pousser contre son gré dans cette direction. Tout ce qu’elle voulait c’était de le soutenir quand il en aurait besoin, et être là si il voulait qu’elle l’aide. En tout cas, même sans un mot, il se faisait très bien comprendre parce que les deux employés se remirent à parler entre eux et Phen pu continuer sa course.

Premier virage et Hella se rattrapa à ce qu’elle trouva pour rester sur le siège, les véhicule n’étant pas fait pour être à deux, valait mieux se cramponner un peu. Hella lui assura que tout allait bien au niveau de la vitesse et le second virage marqua sa rencontre avec un truc métallique. Les étincelles, c’étaient toujours super classe pendant un virage. Elle ne s’en inquiéta pas. La porte de sortie approchait, bien que fermée, Phen continua à son allure de pointe. Hella devait bien avouer qu’elle avait raffermit sa main à l’endroit où elle se tenait. Si ils devaient se prendre la porte, ils se prendraient la porte. Elle partait du principe qu’on apprenait mieux en se ramassant la tronche. Si Phen devait se prendre la porte maintenant, il ne se la prendrait pas une autre fois.

Cela dit, Hella s’aperçu qu’un employé leur courrait après, du coup, elle pria très fort pour que la porte soit automatique. Heureusement, ce fut le cas mais l’employé semblait ne pas vouloir lâcher l’affaire. Il avait de la volonté mais apparemment pas assez de souffle et d’endurance pour suivre la cadence car sa course s’entrecoupa avant qu’il ne finisse par lâcher définitivement l’affaire. Ok, le temps qu’il reprenne son souffle et il irait prévenir quelqu’un. Le tout était donc de trouver la voiture rapidement, c’était la conclusion à laquelle elle était arrivée quand Phen lui demanda si on avait volé la voiture et le frigo ?

« Bin, si c’est le cas, espérons que celui qui a fait ça a réussi à mettre le frigo dans la voiture, comme ça on aura plus qu’à la voler à nouveau. »

Cela dit elle ne croyait franchement pas à la théorie du vol mais n’ayant pas un sens de l’orientation développé, surtout sur un parking elle continuait à regarder autour d’elle, alors que Phen s’amusait sur un secteur dégagé. Elle trouvait bizarre l’environnement autour du magasin parce qu’elle était persuadée de ne pas avoir cette vue là où était la voiture. Puis elle arriva à discerner un panneau indiquant la direction à prendre pour aller au parking sud. Un sourire passa sur ses lèvres.

« Phen, je crois que je viens de retrou… PHEN !!! »

En parlant elle tourna la tête vers lui, ce qui l’entraîna à voir la route et le dos d’âne qui s’approchait grandement. Ces machin n’étaient pas faits pour rouler à fond et prendre des dos d’âne, une histoire de contrepoids à la noix qui risquait d’envoyer le chariot dans un mouvement de bascule. Ce qui était très stupide parce que d’une part il risquait de se faire mal, et de deux, sans chariot ils ne risquaient pas récupérer leur frigo. Piller entrainerait le chariot à basculer vers l’avant, donner un trop grand coup de frein entrainerait le chariot sur deux roues en risquant de le faire basculer sur le côté. Tout se passa très vite mais elle eut l’idée un peu folle de se dire que si ils pillaient au niveau du dos d’âne, le chariot commencerait à basculer en avant mais les pale qui servaient à porter le matériel étant en bas, s’appuierait sur le sol surélever, en les empêchant de basculer plus en avant. De toute façon, elle n’eut pas vraiment d’autres idées et encore moins le temps d’en chercher une meilleure.

« L’autre pédale. Accroche-toi et freine. MAINTENANT. »

Hella se tenait si fort que les jointures de ses mains commencèrent à blanchir, son souffle était en standby le temps de voir ce que la manœuvre allait donner. Si tout se passait bien elle se mettrait sûrement à rire comme pas possible mais pour l’instant, elle craignait surtout pour Phen. 30 km/h ce n’était pas grand-chose, mais en étant éjecter d’un chariot, ça pouvait quand même faire mal.

Phenemore n’avait absolument aucune idée de la manière dont Hella réfléchissait ou se comportait en présence des autres tout simplement parce qu’il n’y avait jamais eu qu’eux deux contre les trois quart du personnel de St Christoph jusque là. Il ne lui connaissait pas de famille ou d’amis qui étaient venus la voir, mais cela ne signifiait pas pour autant qu’elle ne puisse pas posséder d’autres amis. Au final, Phen’ ne savait pas grand-chose du mode de fonctionnement de son amie, mais quelque part ce qu’il pouvait avoir deviné ou aperçu jusqu’ici lui convenait parfaitement et ne lui donnait aucune envie de se faire des nœuds à la tête – il en avait déjà suffisamment. Cette installation dans un appartement et l’achat de meubles était quelque chose de suffisamment normal pour toute personne saine d’esprit pour que Phen’ considère de son côté faire quelque chose de complètement inédit. Il avait bien entendu déjà vécu dans un appartement seul avec sa folie, mais jamais il n’avait fait ne serait-ce qu’envisager qu’il s’installerait avec quelqu’un d’autre… Comme quoi lui aussi sortait progressivement des sentiers battus sans même s’en rendre compte ou prendre peur.

Le calin initié par Hella fut apprécié à sa juste valeur compte tenu de la rareté de ce geste autant que de sa spontanéité, et un sourire plus large s’inscrivit sur les traits de Phenemore. Habituellement, c’était lui qui l’étouffait dans un calin sans qu’elle ne le voit venir, et là, la frêle jeune fille le serrait contre elle… La sensation de bien-être qu’il éprouvait en présence de son amie semblait être la seule chose véritablement constante dans sa vie, et Phen’ comptait bien faire tout son possible pour que cela continue à être le cas.

Lorsqu’ils quittèrent l’entrepôt du magasin sur les chapeaux de roues, Phen’ s’inquiéta de l’éventualité d’un vol de voiture et de frigo parce qu’il n’était pas possible pour lui qu’il existe d’autres entrées d’entrepôt que celle qu’ils avaient empruntée. Pourtant, rien ne ressemblait à ce qu’ils avaient pu voir en arrivant sur le parking, qu’il s’agisse des voitures garées plus ou moins convenablement ou des buissons orientés différemment… Hella apporta une réponse à ses inquiétudes, précisant que si quelqu’un avait eu assez de forces pour mettre le frigo dans la voiture avant de se tirer avec, ils n’auraient plus qu’à lui voler la voiture à leur tour. C’était un raisonnement bizarre mais c’était pourtant parfaitement logique pour le jeune homme qui se contenta donc d’acquiescer avec bonne humeur. Cependant, il aurait quand même largement préféré qu’on ne leur vole pas leur voiture, parce qu’il n’était pas suffisamment à l’aise en conduite pour prendre qui que ce soit en filature avec ce chariot.

Alors plutôt que d’essayer de réfléchir davantage, Phen’ préféra améliorer sa conduite en faisant de grandes courbes à vitesse maximale avec le chariot. Hella chercha finalement à attirer son attention et hurla finalement son nom, tirant le jeune homme de sa béatitude enfantine. Sans trop comprendre ce qui clochait, Phen’ maintint la trajectoire du chariot qui se dirigeait droit vers un dos d’âne qu’il espérait pouvoir prendre à toute allure dans l’ignorance la plus totale des lois de la gravité, des contrepoids ou de tout ce qu’Hella semblait connaître sur les chariots élévateurs… En résumé, Phen’ observait à présent son amie sans comprendre et laissait le chariot poursuivre sa route sans prendre garde au couple qui traversa en courant devant les pales acérées de leur véhicule improvisé. Quelques insultes plus tard de la part des piétons, Hella lui demanda de s’accrocher et de freiner en même temps en utilisant la pédale qui jusqu’ici n’avait servi à rien. Ah, on pouvait encore accélérer d’avantage ? Phen se cramponna au volant et écrasa la pédale du frein de toutes ses forces au moment indiqué. La manœuvre le projeta vers l’avant, et Phenemore serra davantage le volant lorsqu’il sentit ses fesses décoller du siège sur lequel il s’était confortablement installé un peu plus tôt. Le volant lui rentra tout de même dans le ventre, lui coupant le souffle au passage, et le jeune homme eût quand même la présence d’esprit de lâcher le volant pour éviter de se casser le poignet gauche qui subissait une impressionnante contorsion. La douleur lui tira un grognement, mais rapidement il se rebascula vers l’arrière et prit conscience de la position précaire du chariot, qui avait basculé vers l’avant et ne s’était pas retourné que grâce à la présence des pales métalliques. En changeant de position, Phen’ avait remis sans le savoir le chariot sur ses quatre roues.
Se retournant pour apercevoir Hella, le jeune homme commença très légèrement à paniquer :

Hella, ça va ? Rien de cassé ?

La pédale de frein n’aurait pas pu s’abaisser plus et Hella se sentit quitter sa place. Elle avait l’impression de voir la scène au ralentit, tout en sentant une crainte intense. Sans qu’elle ne le sache cette crainte n’était pas seulement la sienne, la situation ayant déclenché son pouvoir elle avait également la crainte de Phen mais comment pouvait-elle le savoir ? Le ressentit étant bien le sien – bien que décuplé – elle n’aurait jamais pu penser que cette peur n’était pas que la sienne, d’ailleurs, elle n’était pas en état de réfléchir à quoique ce soit à ce moment-là. Son corps partit en avant, se rattrapant comme elle pouvait à ce qui ressemblait à un tableau de bord. En fait, elle avait une main sur ce tableau de bord, et une autre sur la barre de l’habitacle, sa tête sortant du véhicule elle remercia le ciel que personne n’ai trouvé bon t’inventer une vitre pour ce genre de véhicule sinon elle l’aurait rencontré de plein fouet. Pendant un instant le temps sembla se suspendre alors qu’elle était à moitié à l’extérieur du véhicule quand ce dernier se décida à reprendre sa position initial elle fut confronté à ce qu’on appelle la gravité en retrouvant, à son tour, sa position dans un bruit sourd. Le choc avec son siège avait probablement été aussi violent que la façon dont elle l’avait quitté.

Phen lui demanda si elle allait bien, si elle n’avait rien de casser et Hella ne su quoi répondre sur le moment. Elle avait un besoin urgent de faire un état des lieux. Ses poignets étaient un peu douloureux mais rien de dramatique, son dos malmené semblait s’en sortir pas si mal que ça finalement. En fait, après un constat qui l’étonna elle-même, il semblerait qu’elle soit en vie et sans la moindre égratignure. Comment c’était possible, elle n’en savait rien. Finalement ce dos-d’âne avait été une chance, sinon, elle ne savait pas comment ils auraient pu récupérer leur position initiale. Et là, de manière inexpliquée – cela devait venir du fait qu’elle s’était vue y passer – elle se mise à rire. Doucement d’abord, de manière plus prononcée par la suite. Ok, finalement, elle avait bien méritée son séjour à St Christophe, elle était, définitivement, bonne à enfermer. Se reprenant, elle se tourna vers Phen.

« Ca va… Tout va bien, et toi ? »

Il n’avait pas l’air en mauvais état, plus de peur que de mal probablement. Et tout ça pour un frigo, sans déconner ! Si certains de leurs médecins avaient pu voir ça, il y avait de grandes chances pour qu’ils plaident en leur défaveur : ces deux-là sont un danger pour l’humanité, il faut les enfermer à nouveau ! Et ils risquaient sérieusement d’avoir des problèmes si ils ne bougeaient pas de là. Et, franchement, Hella préférait de loin se frotter à des psychologues plutôt qu’à des flics ou à la sécurité de ce magasin. Il était temps de retrouver leur voiture, de prendre leur fichu frigo blindé et de se casser de là. Elle posa donc à nouveau son regard sur Phen.

« Fais-moi penser à te filer une médaille pour cet exploit, parce que je ne sais pas comment on à fait pour rester sur nos quatre roues ! »

Ce n’était pas une critique, loin de là. Ok il avait foncé sur le dos-d’âne mais vu qu’il avait bien rattrapé le truc – elle n’était même pas convaincu qu’il sache comment il avait fait – ça méritait forcément une médaille. Elle finit par pointer une direction, une sortie en réalité qui allait leur permettre de retrouver le chemin du parking où se trouvait leur voiture.

« Va là-bas, s’il te plait, avant que toute la sécurité ne se mette à nous courir après. »

Le but n’était pas de l’inquiéter mais il fallait bien le prévenir de ce qui risquait de se passer. Après tout, ils avaient juste emprunté un véhicule sans la moindre autorisation grâce au vol d’un badge, bref, rien ne plaidait en leur faveur si on venait à les prendre. Et puis, la journée n’était pas extensible, il fallait aussi qu’ils songent à leur emménagement. Elle le laissa donc reprendre la conduite en le guidant vers la sortie pour qu’ils finissent par retrouver leur voiture et leur frigo que personne n’avait songé à embarquer – trop encombrant sûrement – et encore moins à ouvrir. Ayant toute confiance en Phen, et n’étant pas capable plus que lui de diriger les pales du chariot, elle descendit du véhicule pour aller à côté du frigo et diriger Phen comme elle le pouvait pour qu’il prenne le frigo afin de le mettre dans le coffre. Elle fut bien contente que ce ne soit pas sa voiture qui était maltraité de la sorte, mettre un frigo dans un coffre n’était pas ce qu’on faisait de plus simple !

La voiture d’Hella venait de comprendre ce que signifiait avoir un coffre blindé à l’arrière vu la manière dont elle s’était rabaisser à l’arrière. Au loin, Hella pu s’apercevoir que, finalement, la sécurité s’était décidée à ramener ses fesses. Pas si étonnant que ça en même temps. Du coup elle demanda à Phen de pousser le chariot et de monter dans la voiture en vitesse pendant qu’elle s’installait à son tour. Et ce n’ai qu’une fois que Phen monta dans la voiture et ferma sa portière – elle ne se soucia pas de la ceinture de sécurité, plus vraiment le temps – elle enclencha la marche arrière, avant de remettre la première et de s’arracher en vitesse. De mémoire, elle ne se souvenait pas avoir quitté un parking aussi rapidement même si elle devait faire gaffe à son chargement, le coffre n’avait pas pu fermer, heureusement que le poids du frigo arrivait à le maintenir dans le coffre. Finalement, c’était une bonne idée de l’avoir chargé comme des malades !