Concentré, la lèvre inférieure légèrement coincée entre ses dents, Élirys ne lâchant pas son écran des yeux pendant que ses doigts pianotaient à une vitesse hallucinante sur l’un des claviers qui était devant elle. Allez, allez ! Le signal ne lui échapperait pas, pas cette fois. Elle ne s’en cru pas capable, pourtant elle trouva le moyen de taper encore plus vite sur ses touches pour se dépêcher. Accès refusé. Elle plissa les yeux, son téléphone sonna. Aucune chance qu’elle ne prenne un appel maintenant et, trop concentrée pour prendre conscience que ce n’était pas la sonnerie d’un appel mais d’une alarme qu’elle avait programmé pour lui rappeler un rendez-vous. Elle était bien trop loin de ce genre de considération et arriva à oublier cette sonnerie pour continuer de se concentrer sur son écran. Il y avait peu de gens capable de comprendre ce qui se passait sur son écran, ça ressemblait seulement à un ensemble de données, de chiffre, de page s’ouvrant, se fermant, d’un tas de choses ouvertes en même temps.

Son téléphone recommença à sonner. Maudite alarme. Elle tourna la tête deux secondes, tandis la main pour couper ce son horrible qui l’empêchait finalement de se concentrer correctement et, quand elle reporta son attention sur son écran toute les pages commençaient à se fermées une à une. Non, non, pas ça ! Elle essaya de rattraper le coup, en vain. On avait réussi à l’éjecter de ce qu’elle cherchait à atteindre ce qui ne manqua pas de la faire soupirer avant de reposer un regard noir à son téléphone. Il clignotait, et sur l’écran se lisait distinctement : Max, 15h. Il suffisait de dévier un tout petit peu le regard pour voir l’heure en haut à droite de l’écran : 14h30. Merde ! Elle se releva d’un bond, fit basculer son fauteuil qui tomba en arrière. Pas grave, elle le remettrait en place plus tard. Dans sa fuite, elle attrapa son téléphone et remonta les marches qui lui permettaient de sortir du sous-sol de l’endroit où elle vivait.

Elle attrapa une veste mi-longue, qui avait plus une coupe de veste militaire qu’autre chose bien que les couleurs étaient d’un beige clair. Dans le même temps, elle essaya d’enfiler ses converses, de prendre les clés de son appartement et de glisser son portable dans le sac qu’elle posa en bandoulière. Quand elle se redressa, en ayant manqué de tomber au moins trois fois en voulant faire tout ça en même temps, elle se retrouva nez à nez devant son reflet dans le miroir de l’entrée. Une vision qui manqua de lui faire faire un arrêt cardiaque sur le champ tellement elle avait l’air débraillé. Ok. Inspirer. Expirer. Soupirer. Elle réajusta sa veste sous son haut noir, plissa sa jupe en jean et réorganisa ses cheveux un peu plus correctement. Un demi-sourire apparu sur ses lèvres. Ça ferait l’affaire.

Ély quitta son appartement à la va-vite, en trouvant quand même le temps de fermer la porte de l’entrée avant de se mettre à courir vers la bouche de métro la plus proche. Les marches pour descendre fut avalées deux par deux et elle sauta dans la rame quand les portes commençaient à se fermer. Et comme elle était anglaise, à peine entrée dans le métro, elle s’était déjà remise droite, replacer ses cheveux et se forçait à respirer normalement, un peu comme si elle ne venait pas de passer les 10 dernières minutes à courir comme une malade ou se préparer de manière complètement désordonnée. Elle conserva un sourire ravie pendant tout le trajet bien que son pied frappant doucement le sol à cadence égale prouvait qu’elle était en train de bouillir d’impatience d’arriver à sa destination. Arriver en retard ça ne faisait jamais pro.

Son arrêt arriva et les portes n’avaient même pas finies de s’ouvrir complètement qu’elle était déjà dehors en train de reprendre sa course. Ca faisait un bon moment qu’elle avait cessé de compter le nombre de cheveux qu’elle se bouffait, ou le nombre de fois où elle était passé à deux doigts de la chute parce qu’une mèche lui avait bloqué la vue. Promis, la prochaine fois qu’elle serait en retard, elle penserait – en premier- à s’attacher les cheveux. Sa course prit fin quand elle vit apparaître l’enseigne du café où elle avait rendez-vous. Instantanément, elle reprit une allure plus modérée, remit ses cheveux en place et termina en passant la porte comme si de rien n’était. Non, elle n’avait pas oublié le RDV et, non, elle n’était pas en train de faire autre chose et n’avait pas vu le temps passer.

A peine rentrée qu’elle avait déjà vu où se trouvait Max. Difficile de le louper. C’était peut-être ce que les gens appellerait une geek, n’empêche qu’elle était parfaitement capable de sniper un type comme lui qui, physiquement, entrait complètement dans ses critères. Laissant ses considérations de côté, elle alla directement où il était installé.

Salut. Désolée pour ce petit retard. Elle roula rapidement des yeux. Un monde fou dans les transports aujourd’hui.

Il fallait bien se trouver une excuse pour expliquer son quart d’heure de retard et les transports en commun étaient une telle galère que personne ne viendrait mettre sa parole en doute. Dans un sourire d’excuse, elle prit place sur la chaise libre qui était en face de lui. Max. En fait elle ne connaissait pas grand-chose de lui, leurs rapports avaient toujours été professionnels et, ça lui convenait très bien comme ça. Une serveuse arriva rapidement pour prendre la commande de la nouvelle arrivante.

Un chocolat viennois avec, vraiment beaucoup de chantilly. Merci.

La serveuse repartie, Ély reporta son attention sur Max. C’est lui qui avait voulu ce rendez-vous, elle ne savait pas pourquoi, les raisons n’étaient jamais exposées par texto, par mail ou par quoique ce soit de traçable. Une précaution de plus et nécessaire pour elle, même si elle se protégeait déjà en étant toujours présenté comme une intermédiaire. Parce que, même si elle ne connaissait pas les raisons exactes de ce rendez-vous, elle devinait très bien que cela avait un rapport avec Dante. Un personnage qu’elle avait inventé pour ne pas avoir à dire que c’était elle, on ne mettait même pas sa parole en doute en comprenant très bien pourquoi quelqu’un capable de hacker un peu tout et n’importe quoi ne viendrait pas se montrer de lui-même.

Alors, il parait que ça avait l’air assez urgent ?

Aucun intérêt, en vue de leur relation de partir dans des considérations comme « comment ça va ? La famille se porte bien ? Tu as vu, il fait beau aujourd’hui ! » alors, autant rentrer dans le vif du sujet aussi vite que possible.

Kaleesha et ses putains de plans foireux. Il la détestait. Il l’adorait. Elle était le pire porte poisse qu’il n’est jamais vu, incapable de passer deux heures tranquilles sans qu’il se passe quelque chose. Il ne savait pas sous quelle étoile elle était née mais ce n’était sûrement pas la bonne ! Pourtant, sur le papier, il ne devait pas y avoir de problème : la rejoindre au journal et aller manger ensemble le midi. A quel moment il y avait écrit dans ce plan des plus simples qu’ils passeraient pile au moment où des braqueurs sortaient d’une bijouterie avec leur butin ? Pour Kaleesha c’était une journée normale, en plus d’être cool étant donné qu’elle était déjà sur place. Pour Max, c’était devenu une journée cauchemardesque. Il n’avait pas eu ce repas qu’ils avaient prévu et, surtout… Les gens et leurs téléphones portables, toujours à prendre des photos, toujours à filmer pour, ensuite, mettre tout ça sur facebook, youtube et toute la panoplie. Il détestait les nouvelles technologies, il les détestait à cause de ce que les gens en faisaient. Et, là, il les détestait d’autant plus qu’il avait été sur les lieux et que des photos avaient été prises avant d’être balancées un peu partout sur le net. Ça, c’était quelque chose qu’il ne pouvait pas se permettre.

Kaleesha prise par l’évènement, il était rentré chez lui à une vitesse incroyable. Il devait avoir fait l’équivalent de 30 fois le tour de son salon tellement il tournait en rond, se passant nerveusement la main dans les cheveux tout en réfléchissant à la situation. Il avait passé bien trop de temps à fuir son ex-femme pour lui permettre de le retrouver à cause d’une connerie de ce genre. Il n’y avait qu’avec Kaleesha qu’un événement banal pouvait devenir tragique à ce point. Il ne savait pas si son ex avait assez de ressources pour le retrouver juste parce que des photos circulait mais il ne pouvait pas prendre le risque qu’un évènement soit relaté par des gens, partagé, avec un lieu, une date, une heure et surtout, avec sa tronche quelques part dans les passants. Certains y verront de la parano, lui, il appelait ça de la prudence. Il avait un fils à protéger et, dans ce genre de cas, rien ne semble trop exagérer.

La solution la plus efficace était encore de supprimer toutes les photos où il pouvait apparaître. Tellement facile à dire. Tellement difficile à mettre en œuvre pour lui… Pour lui mais pas forcément pour quelqu’un d’autre. C’est avec cette réflexion qu’il se jeta sur son ordinateur pour l’allumer avant de fouiller dans un de ses tiroirs. Elle était forcément là, quelque part. Des papiers volèrent au-dessus de sa tête, quelques stylos aussi. En fait, tout son placard y passa jusqu’à ce qu’il tombe sur ce petit bout de feuille avec une adresse mail. Il soupira, soulagé. L’ordinateur allumé, il créa une boite mail pour écrire son message.

Besoin d’aide. C’est vraiment urgent.

Il n’avait jamais signé un de ses mails, c’était la première instruction qu’il avait reçu venant de la part de cet expéditeur. J’ai l’adresse mail, je sais qui vous êtes. Ca l’avait fait flippé la première fois mais, depuis, il avait eu le temps de s’y faire. Il décida d’éteindre son ordinateur, il savait très bien qu’il n’aurait pas de réponse. Ça fonctionnait comme ça de toute façon. Il envoyait un mail et, on le contactait. Il tourna en rond, encore et encore. Quand son fils rentra de l’école, Max fit comme si de rien n’était mais, vraiment, il était nerveux. Ce n’est que le lendemain matin, en prenant le courrier après avoir déposé Willem à l’école qu’il trouva un mot. Demain, 15h, Starbuck de Soho. Pas besoin que le message soit signé, il savait de quoi ça venait. Enfin il savait qui l’avait fait envoyé en tout cas.

Sa matinée avait servi à changer ses horaires avec l’un de ses collègues pour pouvoir être à l’heure au rendez-vous. C’est donc habillé simplement d’un jean, t-shirt et d’une veste qu’il se pointa au starbuck et alla s’installer à une table. Il avait bien essayé de voir si il ne trouvait pas Élirys du regard mais non, soit elle n’était pas arrivé, soit il aurait un nouvel intermédiaire. A choisir il préférait garder la jeune femme, disons que depuis 2009, il commençait à s’habituer à elle. En réalité, elle l’intriguait, il se posait un tas de question sur elle : qu’est-ce qu’elle faisait dans la vie ? Comment elle en était venue à être l’intermédiaire de ce hacker ? Est-ce qu’elle le connaissait personnellement, ou est-ce que lui aussi la contactait par des moyens détournés ? Quelles étaient ses relations avec lui ?

Finalement il ne connaissait que très peu ce domaine d’activité et il était curieux de savoir comment ça pouvait fonctionner mais à chaque fois qu’il essayait de poser des questions, directement ou non, à Élirys, cette dernière l’esquivait toujours d’une manière ou d’une autre. Ce qu’il ne savait pas, c’est si elle faisait ça avec tout le monde ou si, c’était seulement avec lui parce qu’il était flic. Il avait été tenté de chercher à se renseigner sur elle, juste pour en savoir un peu plus mais il avait très vite abandonné cette idée ne préférant pas imaginé les conséquences que ça pouvait avoir sur ce Dante venait à le savoir. Et vu ce qu’il était capable de faire, Max ne doutait pas qu’il faisait en sorte de vérifier qu’on n’approche pas trop d’Élirys.

Une voix se fit entendre et il relava les yeux pour voir le visage de la jeune femme. Immanquablement il se mit à sourire, presque soulagé que ce soit encore elle qui occupe ce « poste ». Très vite il secoua la tête pour lui dire qu’il n’y avait pas de problème pour son retard, il était bien trop heureux d’avoir réussi à avoir ce rendez-vous aussi rapidement. Une sorte de bonus pour les clients fidèles ? Il la laissa commander sa boisson, s’amusant de la voir vouloir absolument un supplément chantilly dans sa boisson mais, une fois la serveuse partie, elle entra très vite dans le vif du sujet. Et rien que pour ça il avait envie de la remercier tellement cette histoire commençait à le rendre parano.

Oui. D’ailleurs merci d’être venue aussi vite et à lui aussi.

La deuxième règle qu’il avait reçu la première fois qu’il avait fait appel à Dante était de ne rien exposer par mail, qu’on lui enverrait quelqu’un et que c’est à cette personne qu’il faudrait exposer la demande. Il jugerait après de ce qui est possible de faire ou de ce qu’il avait envie de faire. Max se souvenait encore de son premier rendez-vous avec Élirys, il était complètement nerveux et elle avait dû trouver ça assez amusant parce qu’elle n’avait fait que le charrier. Perturbant.

Tu en as peut-être entendu parler, y a eu un braquage de bijouterie hier sur la cinquième. Bin, je me suis retrouver sur les lieux aux moments où les braqueurs partaient et, un tas de gens on fait des photos et des vidéos. Il s’arrêta alors que la serveuse déposait la commande d’Élirys avant de repartir s’occuper d’autres clients. Enfin, je suppose que tu vois où est le problème.

C’était elle qui avait servi d’intermédiaire quand il avait voulu disparaitre la première fois alors, elle savait très bien qu’il n’avait pas envie d’être retrouvé. Les réseaux sociaux, l’ouverture aux médias, tout ça faisait qu’une photo pouvait être trop vite partagé et vue par des personnes qu’on n’imagine même pas. C’était ça son problème, qu’une de ses personnes soit son ex-femme.

Élirys haussa les épaules, le visage exprimant qu’une seule pensée : on me demande de venir, je viens. En réalité, le message de Max marquait une réelle urgence et, pour le connaitre « professionnellement » elle savait qu’il n’employait pas le mot urgence sans une réelle bonne raison. De toute façon, c’était probablement la personne qui faisait le plus appel à elle alors, à défaut de lui donner une carte de fidélité, elle pouvait au moins prendre le temps de lui répondre rapidement. Elle le laissa exposer son problème qui, en était vraiment un. Il était clair que tout pouvait aller très vite et très loin sur internet, que les gens postaient tout et n’importe quoi sans se soucier d’un éventuel droit d’image. Vraiment, ça devenait n’importe quoi des fois.

Le plus part du temps cela n’avait pas la moindre importance mais, dans le cas de Max, c’était déjà beaucoup plus problématique. Il avait disparu de la circulation, changé de nom et quand on fait ce genre de chose c’est qu’on n’a clairement pas envie d’être retrouvé. Encore moins à cause d’une personne qui à poster sa vidéo « trop cool » de plusieurs types s’enfuyant avec des bijoux. C’était tellement plus important de faire le buzz avec une vidéo plutôt que de chercher à se mettre à plusieurs pour tenter d’arrêter ces personnes. Le monde foutait le camp.

La serveuse lui avait apportée sa boisson, qu’elle avait déjà entre les mains en souriant devant la dose de chantilly qu’il y avait dans sa tasse. Selon elle, il n’y en avait jamais assez mais quelque chose lui disait que parler chantilly avec Max n’était pas vraiment une priorité. Pas pour lui en tout cas. Elle hocha la tête dans sa direction. Oui, elle avait bien compris le problème et, dans un sourire, en le fixant, elle décida de lui répondre.

Tu sais que je te trouve encore plus craquant que tu es nerveux !

Un grand sourire plus tard, elle attrapa sa cuillère et commença à manger sa chantilly. Répondre ce genre de chose était dans sa personnalité, il avait eu le temps de l’apprendre par lui-même vu le nombre de fois où ils s’étaient croisés. C’était sa façon à elle de rendre l’atmosphère moins stressante et puis, aussi parce qu’elle adorait faire ce genre de réflexion surtout quand ce n’était pas du tout approprié. Si Max avait eu des doutes sur sa capacité à jouer les intermédiaire à leur première rencontre, elle comprenait très bien pourquoi mais personne n’allait la refaire maintenant. Elle se mise à jouer avec sa cuillère, pour s’éviter de s’enfiler encore plus de chantilly alors qu’elle comptait reprendre la parole.

Tu étais habillé comment, il va aussi me falloir l’heure et où est-ce que tu trouvais exactement ?

Si cela avait été un premier rendez-vous elle aurait expliqué le but de ses questions mais, avec max, elle n’en voyait pas l’intérêt. Il savait comment ça fonctionnait. Elle – enfin, Dante – avait besoin de ce genre d’information pour l’aider à affiner les recherches, réduire le champ d’action était un gain de temps et, par définition, un gain d’argent pour Max. En plus de ça, elle adorait demandé aux gens comment ils étaient habillé, ça lui donnait souvent l’occasion de pouvoir sortir un truc ou deux qui, là encore, n’avait rien à voir avec le contexte. Une mauvaise habitude qu’elle n’essayait même pas de soigner.

Ce genre de question ne veut pas dire que D. va accepter. Elle fit une moue. Il me donne pas encore le pouvoir de décider ce qui peut être prit ou pas. Puis elle fit mine de réfléchir. Peut-être qu’il a peur que je lui demande une augmentation.

A aucun moment elle ne parla directement de ce qui allait être fait ou non. Ses phrases signifiaient qu’elle avait compris le problème de Max et s’était suffisant. Il n’y avait pas lieu que ce soit le cas mais, combien même elle serait surveillée et cette discussion entendue, personne ne pouvait en tirer grand-chose. En tout cas, avec un bon avocat, il serait facile de placer ses réponses dans un autre contexte. C’était comme d’employer « D. », il était évident que c’était Dante mais ça pouvait tout aussi bien être David, Daniel, Dany ou tout autre prénom commençant par un D. Et, encore une fois, c’était parce que c’était Max qu’elle se permettait de pouvoir plaisanter sur cette histoire de manque de pouvoir et de demande d’augmentation. Il avait tellement tendance à poser des questions de manière détournée pour avoir des informations qu’elle appréciait balancer ce genre de phrase juste pour le voir s’interroger et se demander si elle est sérieuse ou non.

Tu sais, Et elle pointa sa cuillère vers lui avant de la replonger dans sa chantilly. Le risque zéro n’existe pas. Sauf peut-être en restant enfermé chez toi. Tu devrais peut-être y songer.

Elle se doutait bien qu’il n’avait aucune envie de rester enfermé chez lui surtout qu’il avait un fils et, à partir de là, c’était compliqué de ne pas sortir de ses quatre murs. D’un côté, elle admirait ce côté : Je vis ma vie mais je me protège et mon fils aussi. De tout façon il était facile de comprendre que ça proposition n’était pas sérieuse en vue du sourire qu’elle avait en le disant. Sourire qui venait de disparaitre pour prendre un air un peu plus sérieux, après avoir encore profité du contenu de sa tasse.

Je suppose que tu veux que ce soit fait le plus rapidement possible ?

Il avait beau savoir comment elle fonctionnait, le genre de phrase qu’elle était capable de prononcé, il n’empêche que, même si Max avait l’impression de s’y faire, ça le surprenait toujours un peu. Plus craquant quand il était nerveux ? Il bloqua, une courte seconde, pensant même avoir rougit légèrement avant de reprendre un semblant de contenance. La première fois qu’elle avait sorti ce genre de chose, il avait cru être tombé sur une folle qui lui faisait des avances, ou qui ne passait pas par quatre chemins pour lui dire qu’il lui plaisait. Mais, avec le temps, il avait juste appris qu’elle était comme ça, que ça n’impliquait rien. C’était perturbant mais on arrivait très bien à s’y faire, assez bien pour qu’il arrive à lui décrocher un sourire malgré son état de stress.

J’essayerais d’être aussi nerveux la prochaine fois, même si je préfère éviter cet état.

Surtout que ce n’était pas son genre. Il était plutôt quelqu’un de zen à qui il en fallait beaucoup pour être stresser mais dès que son fils était potentiellement en danger, il n’arrivait plus à réagir de manière aussi calme et posé. Finalement, sa seule envie était d’exposer son problème, qu’Élirys se lève et parte en courant pour aller transmettre l’information à Dante et que cette histoire soit vite réglée. Les choses ne pouvaient pas se passer de manière aussi simple, d’ailleurs, Élirys se chargea des questions qui aideraient probablement Dante à mieux retrouver les photos qui circulaient sûrement sur le net.

Jean, t-shirt bleu ciel et cette veste. Il se mit à réfléchir à son emploi du temps de la veille, le temps qu’il avait passé à attendre que Kaleesha soit disponible. Il devait être 13h20, 13h30 et j’étais à droite de la banque quand tu descends la cinquième. Je ne sais pas si ça peut aider mais j’étais avec une femme, plus petite. Il montra où elle lui arrivait. Blonde, habillé en blanc.

Il ne savait pas vraiment si ça pouvait être utile mais vu les informations qu’elle demandais, ça pouvait peut-être avoir son utilité en y réfléchissant bien. Il n’avait pas forcément envie d’embarquer Kaleesha dans cette histoire mais, de toute façon, s’il y avait des photos mises sur internet, il verrait bien qu’il n’était pas seul à ce moment-là. Max avait cessé de compter le nombre de fois où ils s’étaient vu mais, ça n’empêchait Elirys de lui redire qu’elle ne venait pas pour apporter des garanties, ce n’était pas son rôle, elle ne faisait que transmettre les informations. Elle eut, tout de même, le don de l’intriguer. Touchait-elle vraiment un salaire ? Ca semblait assez logique en fait mais c’est ce qui était chiant avec elle, c’est qu’on ne savait jamais vraiment quand elle parlait sérieusement ou non. Et même en sachant ça, même en sachant qu’elle avait pour habitude d’éluder ses questions, il ne put pas s’en empêcher.

J’espère quand même qu’il te paye bien, parce que j’ai dû chambouler un peu tes projets de la journée.

D’ailleurs il se demandait ce qu’elle pouvait bien faire comme métier pour pouvoir se libérer comme ça, la veille pour le lendemain. Un tas d’interrogation planait autour d’elle. Et, si, Max avait déjà imaginé qu’elle pouvait être le hackeur en question, cette idée s’était bien envolée. Il avait déjà essayé de discuter un peu avec elle de ce genre de chose et ça n’avait pas vraiment l’air d’être sa tasse de thé. Sans parler du fait que cela serait prendre un risque énorme que de venir soit même à ce genre de rendez-vous. Il mit ses questions de côté quand elle lui exposa un plan qui consistait à rester enfermé chez lui. Il secoua la tête dans un de ses sourires qu’il maitrisait à la perfection.

L’idée est tentante mais j’ai un loyer à payer, faut bien que j’aille travailler. Puis, avoir une vie sociale, c’est bien aussi.

Il ne savait pas pourquoi mais il imaginait Dante comme une personne restant derrière son ordinateur à longueur de journée, sans même être au courant du temps qu’il fait dehors. Des clichés sûrement mais il avait toujours du mal à voir un « geek » avoir une vie sociale. Et pendant qu’Élirys continuait de s’acharnée sur sa tasse, il la regard avec tout le sérieux dont il était capable.

Effectivement, si ça pouvait être fait le plus rapidement possible, ça m’arrangerait bien. Et, bien évidemment, je serais montré cette reconnaissance comme il se doit.

Et là, il parlait bien d’argent, rien n’avait jamais été gratuit avec Dante et Max n’était pas du genre à croire que leur entente changerait quelque chose de ce point de vue-là. L’avantage c’est qu’ils n’avaient plus besoin de parler d’argent directement tous les deux, Max avait appris à savoir combien il devait débourser pour telle ou telle action sans parler du fait qu’il avait assez confiance en ce Dante et Élirys. Il lui était déjà arrivé de surévaluer un prix et, le lendemain, il avait retrouvé la différence dans sa boite aux lettres. En fait, dans ce genre de rendez-vous, la seule chose qu’il avait à oublier c’est qu’il était flic.

Elle avait ri, un peu avant de boire une gorgée de son chocolat quand Max avait dit essayé d’être dans le même état à leur prochaine rencontre. Et bien que la réflexion l’avait faite rire, elle espérait qu’il serait un peu plus détendu. C’était même étonnant, Max avait toujours eu ce côté calme et posé, là, clairement, la situation l’inquiétait. Elle ne connaissait pas son histoire, juste son envie de fuir son ex-femme, sans qu’elle ne sache pourquoi et ça l’intriguait. Cependant, elle s’interdirait toute recherche sur lui, sur son histoire, c’était sa politique et elle ne pouvait pas en dévier, ça fonctionnait très bien de cette manière et fallait que ça reste ainsi. Elle trouvait déjà que le voir régulièrement était contre ses règles, ça créait des liens, un jour elle aurait forcément envie de l’aider pour l’aider et non pas pour ce faire de l’argent. Etre trop proche des gens ruinait les affaires, elle devait éviter ce cas de figure. Heureusement, avoir créé un personnage virtuel lui permettait, si on lui demandait une ristourne, de pouvoir se cacher derrière ce personnage pour refuser. Toujours dur de dire non à quelqu’un qu’on apprécie sinon.

Elle écouta, tout en buvant sa boisson, les indications que lui donnait Max. Elle n’en avait pas l’air mais elle enregistrait tout mentalement, même si elle donnait l’air d’être concentrer sur son chocolat et qu’elle ne prenait aucune note. Puis il parla d’une femme blonde et, là, elle releva les yeux vers lui dans un sourire presque entendue. Max, le mec qui fuyait sa femme, en avait-il trouvé une autre ? Elle dû prendre sur elle de ne pas le questionner d’avantage, ce n’était pas son rôle, ce n’était pas professionnel. Elle prit un air faussement déçu, ou un sourire ne pouvait s’empêcher de pointer le bout de son nez.

Et moi qui étais persuadée que tu préférais les brunes. Je n’ai plus aucune chance, c’est ça ? Elle haussa les épaules. Tant pis.

Puis, c’est naturellement qu’elle se concentra à nouveau sur sa boisson. Avec elle, rien n’était à prendre au premier degré. D’accord, elle le trouvait super mignon, elle le trouvait même sympathique mais, Max était un client et c’était une raison suffisante pour elle pour ne pas chercher à aller plus loin. Sans parler du fait, qu’elle était une catastrophe dans les relations sentimentales. C’était déjà pas gagné en amitié alors le reste, il était préférable de faire une croix dessus. Une fois plus, elle se mise à sourire à la question de Max. Une suite logique à ce qu’elle venait de dire mais c’était tout de même une question. Max, peut-être son côté flic, avec une façon bien à lui d’amener des questions qui paraissent anodines sur le moment mais dont la réponse pouvait en dire bien plus que ce qu’on aurait voulu.

Les projets de ma journée se portent à merveille, ne t’en fais pas.

Rien n’avait été dit sur ce qu’elle pouvait gagner, même pas un « je n’ai pas à me plaindre » qui aurait confirmé le fait qu’elle était payé. En fait, Max n’avait même pas à savoir si, en tant qu’intermédiaire, elle recevait un salaire ou pas, ça donnait des bases pour une recherche, ça donnait des informations et, jusqu’à présent elle avait toujours réussi à cacher ce qu’elle voulait, ça n’allait pas changer avec lui. Il refusa en revanche sa fausse proposition sous prétexte d’avoir un loyer à payer, ce qui devait être le cas d’un peu près tout le monde sur terre, malheureusement. C’est quand il parla de vie sociale qu’elle ne put s’empêcher de hocher positivement la tête.

Tu m’étonne, je ne sais même pas comment on peut faire pour passer sa journée, et sa nuit sur un écran d’ordinateur.

Elle s’amusait parce qu’elle avait l’impression que la phrase de Max n’avait pas été anodine. Sa réponse, à elle, pouvait presque laisser entendre qu’elle ne comprenait pas que Dante puisse passer sa vie sur un ordinateur. Bien sûr, en réalité, elle pouvait passer trois heures à expliquer pourquoi c’était plus intéressant d’être sur un ordinateur qu’avec de vraies personnes mais, elle n’était qu’un intermédiaire après tout. Mais très vite, Max retrouva son sérieux pour parler d’argent, même si rien n’avait été fait directement. Élirys hocha la tête dans sa direction avec un léger sourire. Elle lui faisait confiance à ce niveau-là.

Je crois que c’est le moment où je vais me sauver parce que, bien que j’aurais apprécié passer de longue heures à discuter avec toi : d’une ma tasse est désespéramment vide et, de deux, j’imagine que plus vite je partirais, plus vite tu seras soulagé.

C’était urgent, ça elle l’avait bien comprit et ça ne servait à rien de rester là à discuter de tout et de rien alors qu’il avait envie que l’histoire se règle rapidement. Elle se leva, balança un Je te le laisse le chocolat avec un clin d’œil et remit son sac en bandoulière pour quitter le café. Elle avait à peine quitté l’endroit qu’elle était déjà en train de réfléchir à la manière dont elle allait si prendre. Pour être Dante, elle savait déjà que le boulot était accepté et elle comptait s’y mettre dès son arrivé chez elle. Les bons clients, faut toujours les chouchouter.

Max laissa échappé un petit Désolé dans un sourire, laissant comprendre par la même occasion que, oui, il préférait les blondes. Ce n’était pas tout à fait vrai en fait, il préférait UNE blonde en particulier et encore, il n’était pas vraiment certain de l’apprécier dans ce sens-là. Sa vie était un véritable champ de mine, il était capable de partir du jour au lendemain sans laissé de trace si son ex venait à le retrouver alors, franchement, il faisait en sorte de ne pas penser à Kaleesha de cette manière. Et, comme il s’y attendait, Élirys ne laissa rien passer sur un éventuel salaire et n’ajouta rien de spéciale sur ses projets de la journée. Il ne les avait pas chamboulés, c’est tout ce qu’il savait. En gros, il n’en savait pas plus. Le pire c’est qu’il s’était mis à sourire quand elle avait répondu, presque dépitée de ne pas réussir à la faire parler. Un jour, peut-être qu’il en saura un peu plus sur elle.

Ce qu’il apprécia en revanche c’est que, bien qu’il ait parlé de certaine chose, elle ne relança aucun sujet comprenant qu’elle devait partir rapidement. Il en était désolé, ce n’était pas contre elle. Bien au contraire, il aurait apprécié pouvoir parler avec elle plus longtemps, ça lui aurait peut-être permit de chopper quelques infos mais, là, il était vraiment pressé. Ce qu’elle comprit alors qu’elle était en train de lui dire qu’elle allait s’en aller. Il hocha la tête pour ce qui était de payé son chocolat, la remercia encore une fois et la regarda partir en espérant que sa demande serait accordée. Levant la main il interpella une serveuse et lui paya les deux consommations avant de partir à son tour.

Willem allait bientôt rentré de l’école, il fallait qu’il se dépêche un peu. Ce qu’une fois arrivé dans son appartement qu’il sortit une boite cachée dans laquelle se trouvait pas mal d’argent. Il compta une certaine somme, la déposa dans une enveloppe et alla la mettre dans sa boite aux lettres. Il ne savait pas comment ça fonctionnait réellement, tout ce qu’il savait c’est que si l’argent n’était plus là, c’est que le travail aurait été fait. La première fois qu’il avait dû laisser une somme d’argent pareil dans un endroit, autant dire qu’il avait eu un mal fou à lâcher l’enveloppe. Chose qui s’était un peu amélioré depuis qu’il déposait l’enveloppe dans sa propre boite au lettre. Est-ce que quelqu’un avait les clés ? Est-ce qu’on forçait simplement la serrure ? Franchement il n’en savait rien et ne préférait pas savoir. C’était typiquement le genre de chose qui le mettait assez mal à l’aise et qui était contraire à ses idées de flic. Autant ne pas y réfléchir plus longtemps.

Il retourna à son appartement et prépara le goûter pour Willem, qu’il n’est plus qu’à s’installer à table quand il serait de retour. On entrait dans le moment que Max détestait par-dessus tout. Son fils était censé mettre un temps donné pour rentrer et chaque minutes de plus était une forme de torture pour lui. Aujourd’hui plus qu’un autre en sachant qu’il pouvait y avoir problème juste en ayant été au mauvais endroit au mauvais moment. Il tournait en rond, passa la main sur sa nuque, regardait l’horloge toutes les deux secondes mais, quand le porte s’ouvrit sur son fils, déjà il se sentait mieux. Il passa la soirée à faire comme si de rien n’était, en jouant, parlant, lisant et une fois que son fils fut couché, Max ne put s’empêcher d’aller à sa boite aux lettres. C’était débile, il n’y avait pas de chance que quelque chose est bougé là-dedans, tout ne se faisait pas si rapidement.

Il ouvrit sa boite sans y croire vraiment et, à l’intérieur, l’enveloppe avait disparu et un bout de papier était déposé à la place avec écrit : C’est vraiment parce que c’était urgent. C’est là que Max se rendit compte du poids qu’il avait sur l’estomac et les épaules depuis le début de cette histoire parce que, juste en voyant ce mot, il se sentit soulagé et plus léger. Jamais Dante n’avait agi aussi rapidement. Il lui en était reconnaissant. Il y avait plus qu’à espérer que les photos n’avaient pas été trop vues et, bien sûr, il savait que Dante ne pouvait rien faire contre les personnes qui possédaient les photos chez elle mais, au moins, il y avait peu de chance de voir celle où il apparaissait sur internet. Sa nuit n’en fut que plus meilleure que celle de la veille.