La journée avait été très courte. La nuit s’annonçait par contre longue et pénible. Bien que le soleil avait été très puissant cette journée-là, la température était restée froide. La soirée était glaciale et faisait oublier le printemps qui commençait.

Ben s’était levé très tard ce matin-là, ou plutôt ce soir-là. La veille il avait été picolé toute la nuit dans un bar crasse près de chez lui. En fait, il lui restait quelques souvenirs, mais sa mémoire était tachée d’énorme trou noir. Il se réveilla donc au milieu de son appart. Elle était situé en plein Hell Kitchen un quartier écliptique ou certain coin merveilleux et sous-estimé voisinait des lieux de débauche et de violence. L’appartement était un lieu mal saint en désordre où l’anarchie régnait. Le ménage était inexistant, car les piles de linges sales se multipliaient comme des virus, les bouteilles d’alcool vides s’accumulaient un peu partout. On retrouvait même un important arsenal militaire mal caché; que ce soit un gros fusil de précision démonté en morceau ou un puissant fusil à pompe partiellement caché sous l’oreiller.

En fait, Ben avait été réveillé par son énorme cabot. Un molosse qui devait bien faire 80 kg. Le chien était à l’image de son propriétaire, un véritable bâtard, sans race et sans médaille. Il devait être le croisement entre quelques races, mais aucune ne semblait prendre le dessus. Il était sale et abandonné à lui-même depuis un moment. Son pelage brun-roux était rempli de nœuds et il dégageait une odeur d’humidité. Pourtant, Ben adorait son chien, mais c’est bien involontairement qu’il l’avait abandonné, au fond, il s’était lui-même abandonné depuis quelque temps.

Ben se leva donc étourdit et enfila les premiers vêtements qu’il croisa. Une chemise brune et un jean noir. Il ouvrit le frigo et le ferma aussitôt; la dernière épicerie était déjà toute consommée. Il ouvrit les armoires et le scénario se répète. Il finit par trouver un restant de pizza dans le salon. La pizza avait des aire de décomposition avancé, mais il la mordu sans bronché. Pour accompagner son déjeuner, il but le restant de la bouteille de rhum qui était coincé dans le divan. Sa bête était assis devant la porte à aboyé pour sortir, par moment il tentait même s’ouvrir la porte avec sa patte.

Aussitôt terminé son repas, il prit son manteau et l’enfila. Dans la poche, il y trouva un couteau souillé de sang; souvenir d’un contrat frais de quelques jours… Lorsqu’il ouvrit la porte, la bête fit un énorme bond et bouscula Ben. Le chien parti en courant sans jamais regarder derrière lui. Ben accoutumé à la situation, ferma calmement la porte et sortit. Il emprunta la ruelle un peu sale et emprunta le même chemin qu’à l’habitude, il savait bien qu’il retrouverait son chien en quelques minutes.

La soirée était avancée et le soleil descendait peu à peu, plongeant sous l'horizon et baignant la ville dans une chaude lumière ambrée saupoudrée d'ombres s'allongeant. Cassie, les mains enfoncées dans les poches d'un pantalon trop grand pour elle déambulait lentement sur le trottoir. Elle avait quitté l'abri à défaut d'être arrivée à temps pour y obtenir un lit pour la nuit et savait pertinemment bien qu'il lui était inutile de se rendre à une autre telle porte; tout serait plein. Au moins, elle avait pû trouver un repas avant d'être relâchée pour la nuit. Son sac était lourd et tirait sur ses épaules, l'incitant à désirer un répit.

Elle leva les yeux du pavé devant ses pieds, regarda autour d'elle et grimaça. Un quartier plutôt aisé... Ces belles maisons verraient d'un mauvais oeil la présence d'une figure telle que la sienne qui venait ternir leur propre quartier. Soupirant, elle revint sur ses pas et, au bout d'une dizaine de coins de rues, elle retrouva des horizons moins silencieusement hostiles.

Cassie se permit enfin de laisser tomber son baggage sur le sol dans dans un petit espace entre deux bâtiments, trop court pour être une ruelle, trop propre pour être mal fâmé. Elle soupira et se laissa glisser le long du mur jusqu'à s'asseoir sur le sol, à l'abri des regards des passants qui ne se donneraient pas la peine de tourner les yeux profondément dans l'ombre de l'étroit passage.

Les yeux fermés, elle respira lentement alors que la lumière diminuait rapidement dans l'air environnant. Rapidement, il ferait nuit et la noirceur serait tranchée à intervalles réguliers par les lampadaires, pâles imitations de l'astre qui s'écrasait derrière les hauts bâtiments de la ville. Cassie détestait la nuit. Il y faisait si sombre, si noir... Elle serra les poings et attendit que les larges globes déploient leur luminescence. Elle détestait l'obscurité. Enfin, quand celle-ci fut effacée elle ouvrit les yeux et expira doucement. La ville était peut-être dangeureuse la nuit, mais elle n'y était jamais plongée dans la pénombre. Le danger bien réel était ammoindri par sa terreur si superficielle...

Elle se permit enfin de se demander ce qu'elle ferait. Resterait-elle ici? Le quartier semblait propre et, si personne ne regardait par ici, personne ne la verrait. Elle regarda vers le fond de l'enclave; une seule entrée hormis les sorties de secours des deux petits immeubles. Moins de danger d'être trouvée remplacé par celui d'être emprisonnée si quelqu'un lui voudrait du mal. Elle tapota des doigts sur un genou. Que faire? Elle regarda vers la sortie et ses muscles se tendirent.

Un cri se coinça dans sa gorge alors qu'elle fixait un large chien du regard. Sa fourrure rousse était sale et absolument pas entretenue. Aucun collier ne trônait autour de son cou musclé. Le chien fit un pas; Cassie se plaqua contre le mur, tous ses membres pris d'un tremblement nerveux sous l'effet de la frayeur.

Le chien se mit à aboyer; un son lourd, puissant, pratiquement un rugissement. La jeune femme tira ses jambes vers elle. Soudain, il s'élança courant vers elle et la peur qui lui avait fermé la gorge libéra d'un coup sec un hurlement aigü perça l'air et Cassie se replia sur elle-même dans un effort désespéré de protéger son visage et son corps de la dentition de l'animal, lui soumettant plutôt ses maigres membres.

Lorsque l'air manqua à ses poumons, son cri se transforma en un gémissement pathétique entrecoupé de sanglots jusqu'à ce qu'enfin, elle réalise qu'elle n'entendait plus de jappements. En fait, au lieu d'être en train de se faire déchiqueter par l'animal, c'était plutôt un museau moite qu'elle sentait lui pousser le bras afin de lui caresser sa joue détrempée. Avec un air d'incompréhension, Cassie souleva légèrement son bras et une langue mouillée lapa les larmes qui couvraient son visage.

L'adolescente se mit à rire en reniflant, se trouvant dans une situation étrangement ridicule. Elle entoura l'animal de ses bras et enfoui son visage contre l'épaule à l'odeur canine proéminente. Ses mains caressèrent la toison entremêlée du bâtard pendant qu'il continuait à la couvrir de "baisers", sa queue battant l'air avec toute la violence de son bonheur.

"Oooh, tu m'as fait peur, toi..." murmura-t-elle dans la fourrure terne. Avait-elle cru que le canin était laid? Il était, en ce moment, le plus bel animal du monde. Elle soupira doucement.

La bête était énervée et la large langue lavait le visage de Cassie avec vigueur. Il buvait chacune de ces larmes comme s’il s’agissait d’eau de vie. Le chien était énervé et le fait de se faire accepté par la jeune fille le stimulait. L’animal excité tentait de bousculé Cassie pour augmenter les caresse et il faut dire que compte tenu de son poids, il pouvait bien malgré lui la blessé. Il prit un instant pour renifler le sac de la mendiante avant de rebondir sur l’adolescente.

L’homme tourna le coin de l’immeuble d’un pas plutôt lent. Il connaissait son chien et il savait très bien qu’il le retrouverait dans un instant. Alors qu’il marchait en direction de la boucherie ou son chien avait coutume d’aller, il remarqua son animal de l’autre côté de la rue. C’était une chose inhabituelle, car jamais il ne s’arrêtait en chemin. Le chien était si immense que Ben ne remarqua même pas la présence de Cassie. Il traversa aussitôt la rue, sans même regarder. Une voiture du freiner brusquement pour évité de le frappé. L’engin termina sa course qu’à quelques centimètres de ses jambes. Ben eu une réaction agressive envers le conducteur :

-FUCK, maudit malade!

Il balança un puissant coup de pied sur le pare-chocs avant de traverser le reste de la route. Le chauffeur se permis de klaxonner violemment avant de reprendre sa route. Sans même regarder l'automobiliste, Ben lui fit un doigt d'honneur d'une façon machinale et automatique.

Il siffla son chien, mais c’était en vint, car jamais la bête ne leva la tête pour lui répondre. Il avait peut-être trouvé un restant de viande intéressant à se mettre sous la langue? Ben ne s’en inquiéta pas trop et avança un peu plus.

Il était à une dizaine de mètres de lui lorsqu’il entendit l’adolescente qui se cachait derrière le chien. Il augmenta le rythme de ses pas et rappela d’une voie forte son chien à ses pieds. La bête dressa ses oreilles, mais ne bougea pas.

Décidément, le chien était aussi amical que jovial! Alors qu’il se faisait un immense plaisir de pousser sa masse imposante contre les maigres épaules de l’adolescente, cette dernière riait de bon cœur tout en étreignant la bête entre ses bras gringalets. Elle songea qu’elle devait paraître bien minuscule aux côtés de ce large molosse…

Cassie enfouit une nouvelle fois son visage dans la toison épaisse et emmêlée, s’imprégnant de l’odeur de l’animal. Elle ne put s’empêcher de rire en inspirant profondément le parfum de chien mouillé. Qui eut crut qu’un jour, elle aimerait tant cette odeur qu’on qualifiait habituellement de dégoûtante et puante ? Quelle habitude horrible ! En fait, elle ne comprenait pas, en cet instant, qu’on puisse en penser autrement qu’à titre de pur délice olfactif, baume parfait pour calmer les sens submergés par la panique et la frayeur !

“Gros toutou! Mon gros nounours!” s’exclama-t-elle soudain. “Tu ne veux pas rester avec moi pour toujours?” poursuivit-elle en murmurant à l’oreille du canidé. Celui-ci répliqua en lui léchant la figure de plus belle, soutirant un nouvel éclat de rire de la jeune fille.

C’est alors qu’un bruit de crissement de pneus suivit d’une clameur se firent entendre, une voix grave et brusque. Un homme mécontent. Cassie se figea et se souvint de l’état précaire de sa situation et du peu de protection que lui offrait sa cachette. L’avait-il entendu ? Elle demeura immobile avec pour seul camouflage le large chien qui avait momentanément tourné la tête vers l’arrière avant de se remettre à haleter contre la petite épaule de Cassie. Soudain, un sifflement perça les sons de la ville, de plus près encore que la clameur. Elle réalisa enfin ce qui se passait.

“Allez, va,” chuchota-t-elle au chien. “On dirait que ton maître t’apelle.” Elle relâcha l’emprise de ses bras autour de l’animal et se mit à pousser contre son épaule mais c’était peine perdue. Il refusait de la quitter ! Des bruits de pas s’approchaient encore. “Allez!” fit-elle plus fort puis plaque sa main contre sa bouche. Non ! Il allait l’entendre ! Elle entendit les pas s’arrêter à l’entrée du petit passage et la voix de l’homme appeler le chien. Elle ne savait plus que faire. Si le chien la quittait, il la verrait. Mais s’il venait chercher son animal jusqu’ici… Cassie se mit à trembler, se couvrant le visage de ses bras et le chien tenta de les écarter afin de lui renifler encore une fois le visage. Elle dut réprimer un gémissement. Elle avait peur.

Soudain, le chien prit la décision pour elle. S'asseyant, il se coucha à ses pieds et appuya sa grosse tête contre sa cuisse. Horrifiée, Cassie réalisa qu'elle avait été dévoilée au regard de l'homme. Regardant entre ses bras vers l'entrée de la ruelle, elle fixa d'un oeil écarquillé la forme imposante de l'homme qui était décidément construit à la mesure de son chien. Sa mâchoire trembla. Que dire? Que faire?

Enfin, elle redressa lentement la tête, joignant ses poignets devant elle, tordant de la main droite les doigts de sa main gauche. Elle n'osa pas rencontrer le regard de l'homme.

"Je..." commença-t-elle mais sa voix se bloqua en travers de sa gorge qu'elle dut s'éclaircir, le plus doucement possible, en fonction de pouvoir respirer convenablement. "C'est... Votre chien?" fit-elle faiblement. "Il... Il est... Il est gentil." Ses doigts lui faisaient mal à force d'être tordus. Elle avait peur.

Le chien était une présence rassurante pour une jeune adolescente sans défense. Ce chien, contrairement à ce que sa grosseur pouvait démontrer, était un animal doux et affectueux. Il adorait les caresses et il n’avait jamais montré aucun signe d’agressivité. Il était pratiquement plus près de l’ours en pluche que d’un véritable chien.

Le chien avait préféré rester près de Cassie que de rejoindre son maitre. Pourtant, ce digne représentant canin adorait son maitre malgré qu’il s’occupe bien souvent trop peu de lui. Pourquoi avait-il donc prit cette décision?

Le chien se coucha au pied de l’adolescente comme un serviteur se serait prosterné devant un pharaon. La carcasse du molosse était si immense qu’elle cachait encore près de la moitié du corps de la fille. Ben pu donc pour la première foi constaté que l’appât n’avait pas été un bout de viande, mais plutôt une fillette assez maigrichonne. La nuit commençait et il ne pouvait simplement reconnaître une silhouette mince. Elle semblait très nerveuse de sa situation précaire. Ceci se traduisait par des phrases incomplètes et sans réelles profondeurs…

-Je…C’est... votre chien…il..il est…il est gentil…

Ben adorait profité des faibles pour les déstabiliser et les épeurer. C’est pourquoi il dit d’un ton sec et agressif :

-Allez! Le chien… Attaque!

Le chien ne bougea pas d’un poil et il plongea plutôt son regard dans celui de Cassie. Devant l’inaction de son chien, Ben avança de quelque pas. C’est à ce moment qu’il remarque la terreur qu’il inspire à l’adolescente. Son visage a une tendance de se plisser sous le stress et Ben au lieu de la rassurer en rajoute.

-Saleté de rat! Qu’est tu as fait à mon chien… il est plus mou qu’une fillette!

Il se permit même d’agripper le cou de son chien et de légèrement le soulever. Le chien se releva sans même pousser un petit cri. Il était un modèle de docilité et malgré les efforts de Ben, il n’avait aucune agressivité en lui. Au fond Ben l’appréciait ainsi, car c’était le seul réconfort qu’il trouvait lorsqu’il revenait seul dans son appartement.

Bien trop peu camouflée derrière l'animal, Cassie attendait avec nervosité. Ses mains tremblaient un peu, tant et si bien qu'elle aggripa ses genoux pour les en empêcher. Elle attendait avec appréhension et très peu de hâte le moment où le chien se lèverait pour aller rejoindre l'homme.

Mais ce moment, à la plus grande des surprises de l'adolescente, ne vint pas. À la place, il demeura à ses côtés... Et, au désespoir de la jeune fille, se coucha. Inutile, donc de rester "cachée" en petite boule; elle aurait réussirait seulement l'air ridicule. Elle inspira profondément pour se donner un semblant de courage puis se redressa lentement.

L'homme était, sans l'ombre d'un doute, fort imposant. Elle cligna des yeux quand il somma d'une une voix bourrue son chien de l'attaquer mais l'effet fut nul; l'animal demeura placide. En fait, plutôt que d'écouter l'ordre, le large canidé tourna son regard vers celui de Cassie et, la langue pendante, semblait quémander des caresses supplémentaires. Elle aventura une main dans son poil rude, à défaut de pouvoir mieux récompenser l'animal.

C'est à ce moment que l'homme à l'imposante stature avança vers eux. La tête de l'adolescente s'enfonça le plus bas possible entre les épaules. Si la lumière devint un tantinet plus intense dans cette petite rue, ce pouvait n'être également qu'un simple jeu de la lumière sur les yeux de la personne qui regardait par là. Pour une raison quelconque, Fermant les yeux, Cassie s'attendait à recevoir une baffe même si elle n'avait, en réalité, strictement rien fait de mal. Il dégageait simplement une forte aura de violence et elle n'aimait pas du tout ça.

"Saleté de rat! Qu’est tu as fait à mon chien… il est plus mou qu’une fillette!"

Ouvrant un oeil, elle vit l'homme attraper le chien par la peau du cou et le relever, forçant ainsi l'animal à assumer une position assise. L'adolescente, écarquilla les yeux. Cet homme était-il réellement le maître de cette bête? Malgré sa peur, elle s'indigna contre le traitement infligé à l'animal et se leva rapidement. L'homme était plus grand, plus gros et, de toute évidence beaucoup plus fort qu'elle mais elle ne pouvait pas regarder sans rien dire. Trop de gens n'avaient jamais rien dit pour elle.

"Lâche-le!" s'écria-t-elle en serrant les poings. "Il a rien fait pour mériter ça!"

Son regard était enflammé et si ses épaules se recourbaient vers l'avant et que son corps se préparait à esquiver la main de l'homme, elle le diféa néanmoins du regard.